Chapitre 1 - #5 et #6

Write by BlackChocolate

Madjou tira encore trois bouffées de sa cigarette puis ordonna à l’un de ses sous-fifres de faire monter ma mère dans l’une des chambres du haut. Qu’est-ce qu'il pouvait bien vouloir à ma mère? Avec tonton Richard qui était mort, n'avait-il pas encore fait assez de mal comme ça? Les cris de mon père me ramenèrent à la réalité.


- Mon père : Nonn nonnnnn, je vous en... prie. Je ne mentirai plus, pitié !

Il n’hésita pas à se prosterner devant son oppresseur dans le seul but de sauver sa femme, de sauver sa famille. Mon père a toujours aimé ma mère, ils étaient très complices. Et la voir partir avec ces brutes qui venaient de le menacer devaient être insoutenable pour lui. Mes parents ont connu des périodes difficiles certes, mais elles n’ont pas eu raison d’eux. Ils ont tenu et ont passé 25 belles années ensemble. Et le fruit de toutes ces années, c’est nous les enfants : Ghislain, Marc-Hervé, Kevin, Moi et ma grande sœur, l’aîné de la famille que vous découvrirez dans les prochains chapitres. Son prénom, c’est Ana. Une fois de plus, je fus ramenée à la réalité, mais cette fois c’était par Madjou qui répondait à mon père.

- Madjou : Tais-toi!!!

Avec une extrême violence, il asséna un coup de pied à papa qui s'écroula directement. Ghislain, le plus âgé de mes frères, essaya d’empêcher ma mère de tomber entre les mains des rebelles. Mais il reçut plusieurs coups et dut lâcher prise. Le reste se passa très vite. Madjou et ses sbires entraînèrent ma mère vers les escaliers, puis des cris me parvinrent. Oui, c’était les cris de ma mère qui suppliait, implorait le ciel.

- Ma mère : S’il vous plait ne faites pas ça. Arrêteeeeeeez, arrêteeeezzz.

Puis, j’entendis des pleurs.

Plus tard, j’appris que ma mère s'était fait violer à plusieurs reprises par Madjou et ses compères.

Mais là, à l’instant T, je pleurais, je ne comprenais pas ce qui se passait, j'étais plongée dans mes pensées d'enfant, essayant de comprendre, me demandant ce qu'ils avaient bien pu faire à ma mère jusqu’à ce qu’ils réapparurent dans le salon. Les pleurs de ma mère semblaient si proches et si lointains. J’étais attachée depuis quelques minutes, tout comme les autres membres de ma famille. Toute résistance était donc impossible. Lorsque maman réapparut, elle avait les vêtements déchirés, les cheveux en bataille, les yeux révulsés. Elle était tout simplement dans un piteux état. Je ne l’avais jamais vu ainsi, et très faible de surcroit, respirant à peine. Ses tortionnaires quant à eux avaient l'air satisfaits, ragaillardis et repus. Mon père était sans voix, méconnaissable, effrayé. Mes frères et moi étions paniqués. Madjou s'adressa à lui

- Madjou : Tu vois les conséquences du mensonge ?

...Et là, le bouquet final…. Alors même que nous étions encore sous le choc, il sortit une arme et tira à plusieurs reprises sur ma mère. La dernière image que je vis fut celle de mon père qui traînait vers ma mère comme un verre de terre. Tout était devenu noir. Je m’étais évanouie. Tout cela était trop pour l’enfant que j’étais.

A mon réveil, des mains rugueuses me soulevaient du sol, et je fus traînée vers les escaliers. J’avais encore la tête dans les nuages, mais mon père hurlait et parlait tellement fort que je n’eus d’autres choix que de sortir de mon état de léthargie. Ils étaient trois ! Trois jeunes hommes qui m'entraînaient vers le haut. Le moins âgé d’entre eux devait avoir l’âge de Ghislain. Qu’est-ce qu’ils me voulaient ? Ils riaient, parlaient entre eux, sans prêter attention à mes questions. J’avais beau me débattre, la main qui m’agrippait était bien trop forte pour que je puisse m’échapper. Ils allaient probablement me faire du mal ! Mais Madjou cria :

- Non pas elle !!!

Celui qui venait de tuer ma mère, venait peut-être de me sauver la vie. Quel contraste ! Pourquoi avait-il choisi de m’épargner ? Dans certains films de Jacky Chan ou de Steven Seagal que je regardais avec mes frères, le méchant voulait parfois s’occuper de certaines personnes lui-même plutôt que de les laisser se faire tuer par ses sous-fifres. C’est immédiatement ce à quoi je pensai. Ce n’était sûrement qu’un report de ma mise à mort.

- Madjou : Allez, on quitte ici. Ramassez tout ce que vous pouvez, et jetez les prisonniers dans les véhicules.

Le capitaine venait de donner un ordre qui allait être suivi automatiquement. 30 minutes plus tard, on nous détachait pour que nous puissions rejoindre leurs véhicules qui étaient garés à l'extérieur de la maison. Quel bonheur ce fut de sortir de l'immeuble. L'air frais du dehors me ramena totalement à moi et j'eus l'impression de renaitre. L'atmosphère dans le salon était plus que lourde. Je fus séparée de mon père et de mes frères. Madjou demanda à ce que je sois installée dans sa voiture tandis que les autres furent mirent dans des véhicules différents du nôtre. Dehors, la ville était très mouvementée. Des gens couraient partout. Il y avait des corps sans vie sur les trottoirs, des maisons et des véhicules vandalisés. Mais c’était ma dernière préoccupation. J’étais sans voix. Je pensais juste. Je pensais à une personne. A ma mère, cette femme que je ne revis plus jamais et que je n’ai jamais pu enterrer. Mais le corps n’est rien. Son âme avait rejoint la place qui a toujours été sienne et c’est ce qui comptait le plus !

Trois mois passèrent après ce jour tragique et c’est comme ça que je me suis retrouvée à trainer avec Madjou et sa milice de ville en ville, de village en village, de brousse en brousse. Il m’emmenait partout avec lui, et me protégeait des autres. Personne n’avait le droit de me toucher ou même de me faire du mal. La faction de Madjou n’était qu’une parmi tant d’autres. Des capitaines comme lui, il y en avait une cinquantaine dans le pays depuis que la guerre avait commencé. Chacun avait son équipe qu’il dirigeait, et parfois il arrivait que certaines factions s’affrontent entre elles. C’était tout aussi sanglants et atroces que lorsque ce sont des civiles qui étaient pris pour cibles. Depuis la nuit de la mort de ma mère, j’en avais vu des cadavres et je ne m’évanouissais plus à la vue d’un corps. J’avais aussi eu le temps de réfléchir à mille et une façons de venger sa mort et de tuer son assassin.

Mais c’était cet assassin qui m’avait pris sous son aile et qui me protégeait contre vents et marrées depuis trois mois. Sans Madjou, je n’aurais jamais eu l’occasion un jour de tenir ma fille entre mes bras dix-sept ans plus tard. Ce petit trésor que je n’espérais plus mais que j'ai reçu et dont je vais prendre soin comme la prunelle de mes yeux. Mike et moi n’avons toujours pas décidé du prénom que nous lui donnerons, mais on y pense. Toutes les suggestions seront les bienvenues. Bref…. Comme je disais, Madjou était mon protecteur. En cachette, je priais donc pour qu’il ne se fasse pas tuer, et au même moment je pensais à la vengeance. Mais ce n’était pas ma seule préoccupation. Chaque fois qu’on arrivait dans une nouvelle ville, je trouvais toujours le moyen de m’échapper pour aller à la recherche de mon père et de mes frères. Je n’avais plus jamais entendu parler d’eux parce qu’ils paraitraient qu’ils avaient rejoints une autre faction une semaine après que nous soyons partis de la maison. Ils étaient peut-être morts, mais j’étais décidée à ne pas abandonner. Parfois, on décide d’abandonner trop tôt, alors qu’il ne faut peut-être qu’un pas de plus pour atteindre le « trésor ». Non, Non, et Non ! Je n’ai jamais été ce genre de fille, et je ne le serai jamais. Mes investigations ne donnaient encore rien, mais je continuais néanmoins. Un jour, j’avais d’ailleurs réussi à fuguer une fois de plus pour aller à la recherche de mes parents. Mais, je tombai sur deux rebelles d’une autre faction qui s’en prirent à moi. J’allais me faire violer comme ma mère ? Comme toutes ces filles que Fofana et les autres ramenaient de leurs rafles ? J’y avais déjà échappé plusieurs fois, mais cette fois Madjou n’était pas là. Très vite, mes habits furent déchirés et je fus jetée au sol. Ils m’ont violé. J’avais 10 ans, je n’étais qu’une petite fille dont le corps n’était pas encore prêt ! J’avais mal ! Je saignais abondamment ! Quand ils eurent finis, ils s’en allèrent comme si rien ne venait de se passer. S'attaquer à quelqu'un de plus faible que soit, c'est le comportement des lâches.

Six jours plus tard, nous avons retrouvé les deux personnes qui m’avaient attaqué. Madjou avaient tenu à leurs infliger une correction si jamais ils parvenaient à les attraper. Ils étaient allongés sur la terre rouge du village où nous étions, les yeux gonflés, la bouche ensanglantée et des traces de coups sur le corps… Choses normales après la baston qu’ils avaient subi avant d’être ramenés à Madjou. Pour la première fois, ce dernier m’obligea à fumer un joint. Après mainte hésitation, je me suis décidé à le faire. Quelques minutes plus tard, j’étais dans un état incroyable, le cœur qui battait à la chamade, avec l’impression de ne pas avoir les pieds sur terre. Madjou me tendit alors son arme et dit :

- Madjou : Allez fillette, Tues ces deux salopards !!!

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