Chapitre 1 : Adanna OUEDJIN

Write by kaynaliah

Je sors du bloc opératoire et retire mes gants imbibés de sang, mon tablier de protection stérile ainsi que ma cagoule médicale et mon masque facial. Je prends la savonnette qui est près de moi et me lave les mains. Je me rince le visage pour avoir les idées un peu plus claires pour affronter la réalité. Je regarde mon reflet à travers le miroir et j’ai juste une forte envie de pleurer. J’ai une relation de proximité avec mes patients et lorsque j’en perds un, j’ai l’impression d’avoir perdu un parent, un ami. Je suis devenue médecin pour sauver des vies et c’est toujours difficile de devoir surtout annoncer le décès d’un patient à ses proches. 

Quelques heures plus tôt, je n’aurai même pas pu imaginer pouvoir vivre une telle soirée. Un grave accident de la route a eu lieu impliquant un couple d’une part et chauffeur de taxi un peu ivre aux primes abords. En recevant les blessés, je constate l’état avancé de la grossesse de ma patiente. Elle ne réagit à aucun examen médical que je lui fais subir. Le bébé allait bien à ce moment-là. Une heure plus tard, des complications ont surgi en raison d’une hémorragie interne mettant en danger la vie du bébé. Un choix s’est imposé après une concertation avec l’époux de la victime au cas où nous devrions faire face à une décision cornélienne pour sauver la vie soit du bébé soit de la maman. Le bébé est en vie et en pleine forme mais sa mère a succombé à un arrêt cardiaque et cela j’ai du mal encore à l’accepter. Annoncer cette nouvelle à son époux n’a pas du tout été facile mais je devais le faire malgré tout. Elle s’appelait Andréa, avait vingt-sept ans et amis au monde un beau bébé qu’elle n’a même pas eu le temps de prendre dans ses bras. Souvent, je trouve la vie d’une énorme tristesse.

Il est bientôt sept heures du matin et je viens de terminer mon service de garde. Je retire ma blouse et me rends au vestiaire récupérer mes affaires. Je croise certains collègues que je salue bien naturellement avant de rejoindre le parking pour prendre ma voiture. J’habite à un quart d’heure de l’hôpital mais je mets une demie-heure pour rentrer en raison de la pluie qui rend la route super glissante.Je suis médecin à “Emory Hospital” à Attlanta et ce depuis le début de mes études de médecine. Je rentre enfin chez moi et jette mon sac à l’entrée après m’être enfermée à double-tour. Je me presse à la salle de bains pour prendre une douche avant de me glisser dans mes draps pour un sommeil réparateur. J’en ai bien besoin après toutes les heures de garde que j’ai accumulées.

Dring. Dring. Dring.

J’entends la sonnerie de mon portable retentir mais et suis trop épuisée pour allonger mon bras et le prendre sur la table de chevet. Je décide donc de le laisser sonner. La sonnerie devient de plus en plus insistante. Cela m’énerve et je décide donc de me lever pour répondre. Je vois que j’ai cinq appels en absence provenant tous du Bénin. Mon coeur manque un battement. Et s’il était arrivé quelque chose à un membre de ma famille? Je m’apprête à rappeler le numéro lorsque je reçois un appel entrant de ce dernier.

− Allo. Dis-je apeurée.
− Bonjour Adanna. C’est Mawa.
− Mawa? Mais ce n’est pas ton numéro. Tu as perdu ton téléphone?
− C’est un peu plus compliquée que cela.
− Il y a un problème?
− Il faut que tu m’aides Mawa.
− Qu’est-ce qui se passe Mawa? Tu me fais peur.
− Je me suis trompée sur toute la ligne.
− Tu t’es trompée? Mais de quoi parles-tu?
− J’ai fait une énorme erreur en épousant cet homme.
− Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Attends je te rappelle depuis mon fixe sur ce numéro.
− J’attends ton appel.
− Je t’appelle dans cinq minutes.
− Ok.

Je me lève de mon lit et me rends à la salle de bains me brosser les dents avant de me rendre au salon décrocher mon téléphone fixe pour appeler Mawa. Elle décroche à la première sonnerie.

− Mawa que se passe-t-il?
− Je vais le quitter. Je suis en danger.
− Pourquoi penses-tu être en danger?
− Je ne peux pas durer longtemps. J’ai peur qu’il me retrouve. Je l’ai quitté hier soir Adanna”
− Quoi? Mais qu’est-ce que tu racontes? Pourquoi es-tu partie?”
− Je t’ai caché des choses Adanna. Beaucoup de choses. Ne m’en veux pas s’il te plaît. Dit-elle en larmes
− Qu’est-ce qui ne va pas Mawa? Tu sais que tu peux tout me dire?
− Je m’en veux tellement Adanna pour tant de choses. Je me souviens lorsque tu me disais que je me précipitais trop dans cette relation et que tu n’approuvais pas du tout ce mariage. Je me souviens lorsque Khaleb disait qu’il n’avait pas confiance en cet homme car on ne savait rien de lui. J’ai tellement souffert du manque d’amour et d’affection de la part de mes parents que j’ai cherché un homme qui pouvait m’offrir cela. J’étais folle amoureuse de cet homme et prête à tout pour lui. Je suis enceinte Adanna et j’ignore même qui est le père de mon enfant.
− Comment tu ignores qui est le père de ton enfant?
− C’est mon mari rassure-toi mais je ne sais pas quelle personne il est.
− …..
− Il m’a caché trop de choses et je remets ce mariage en question.
− Qu’as-tu découvert Mawa?
− Je ne peux pas te le dire au téléphone. Il faut qu’on se voit. 
− C’est si grave que cela?
− Tu ne peux même pas imaginer la gravité de mes découvertes.
− ……
− J’ai besoin que tu m’aides Adanna.
− Dis-moi de quoi as-tu besoin Mawa?
− Je serai à Atlanta la semaine prochaine. Je t’appellerai lorsque j’arriverai.
− Que me caches-tu Mawa?
− On en parlera lorsqu’on se verra.
− Je ne me sens pas rassurée mais fais attention à toi s’il te plaît. 
− Je veux que tu me fasses une promesse Adanna.
− Je t’écoute.
− Prends toujours soin de toi et crois toujours en tes rêves. Ne te fais pas brûler les ailes au nom de l’amour. Je t’aime Adanna” dit-elle avec des sanglots dans la voix.
− Mawa! Mawa! Tu es là?

Elle vient de couper la conversation. Je ne comprends pas très bien ce qui vient de se passer. Je rappelle le numéro de téléphone et un homme décroche l’appel. Il m’apprend que sa cliente est déjà partie et qu’il est le gérant d’un cyber situé à Bohicon. Je file prendre une douche pour avoir les idées en place. En sortant de là, je regarde l’heure avant de sortir faire quelques courses. A mon retour du supermarché, je suis tentée d’appeler Khaleb son cousin qui vit à Chicago mais je me retiens. ll n’est peut-être pas au courant de ce qui se passe. Je suis vraiment intriguée par cet appel et j’ai comme un mauvais pressentiment. Je me connecte sur la page “Facebook” de Mawa et cherche la photo de son mariage. Je l’imprime ignore même ce que je cherche.

Cela fait à peine six mois que Mawa s’est mariée de façon soudaine et déjà elle parle de divorce? Mawa et moi sommes les meilleures amies du monde. Lorsque j’ai quitté le Bénin à l’âge de quatorze ans, nous sommes toujours restées en contact et n’avons pas laissé des milliers de kilomètres nous séparer. Je suis retournée au Bénin à l’âge de dix-huit ans lorsque j’ai eu mon baccalauréat. J’y ai passé un été magnifique avec Mawa et mes soeurs. Mais depuis lors, avec en plus mes études de médecine en plus, je n’ai plus eu l’occasion d’y retourner mais je suis restée en contact avec ces mêmes personnes. Je me souviens qu’il y a moins d’un an, Mawa me confiait avoir rencontré un homme et qu’elle se sentait bien avec lui. J’étais heureuse pour elle après toutes les déceptions amoureuses auxquelles elle a dû être confrontée. Mais lorsque j’ai su que cet homme a vingt-huit ans de différence avec elle, j’ai tout de même déchanté. Il était plus vieux que son propre père. Je m’inquiétais pour ma meilleure amie tout simplement. Je me demandais ce que cet homme lui voulait réellement. Je lui avais demandé de bien réfléchir et elle m’a fait croire un jour qu’il s’était séparé avant d’apprendre un mois plus tard qu’ils étaient mariés. J’étais déçue qu’elle m’ait mentie mais je ne pouvais pas trop lui en vouloir car c’est mawa. Mawa est ma soeur d’un autre sang que Dieu m’a donnée et je l’aime. Je ferai tout pour qu’elle soit heureuse. J’ai eu l’occasion de discuter avec son époux deux fois environ sur l’outil “Skype” et à vrai dire je ne l’apprécie pas trop. Je le trouve un peu bizarre mais je ne suis pas du genre à condamner des personnes sans les connaître. Tant qu’il rend Mawa heureuse, je l’accepte. Mais je me pose trop de questions sur cet homme. Qu’est-ce que Mawa a découvert de si grave qu’elle ne peut me dire au téléphone ? 

Je vais à la cuisine me prendre un verre de vin blanc que je pose devant moi sur la tablette. Le Bénin. Mon pays me manque énormément. J’ai ma vie certes aux Etats-Unis mais ce n’est pas réellement chez moi ici. Je vais dans la chambre prendre un de mes albums préférés que je commence à feuilleter. Cela me plonge automatiquement dans mes souvenirs. J’ai beaucoup de bons souvenirs de ma vie là-bas mais un seul évènement a suffi à tout effacer du revers de la médaille. Je suis née et ai grandi au Bénin. Lorsque j’ai eu l’âge de dix ans, mon père m’a avoué qu’il m’avait adoptée alors que je n’étais âgée que de quelques semaines. Cette révélation n’avait rien changé pour moi car il demeurait mon père. J’ai eu une belle enfance entourée de mes soeurs.Lorsque j’ai eu l’âge de onze ans, nous avons vécu un véritable drame. Ma soeur Caroline, âgée de quatorze ans à l’époque, s’est suicidée. Je ne comprenais pas trop ce que cela signifiait et surtout pourquoi elle avait choisi de commettre cet acte. Je pensais qu’elle ne nous aimait pas assez pour rester avec nous. Ma soeur est morte et j’ai compris la raison de son acte des années plus tard. Je ressentais des tensions entre mes autres soeurs Cathy, Claire et Nancy avec papa mais j’étais tellement jeune que je ne pouvais pas comprendre la gravité de certains actes. Mon père a toujours été un héros pour moi mais j’ai découvert une autre face de son visage à l’âge de quatorze ans. Je suis ramenée à la réalité par la sonnerie de mon bip. Cela aurait été trop beau pour que je passe mon samedi entièrement à la maison. Je réponds que je suis en route avant de me préparer et de me rendre là où je me sens le plus heureuse: à l’hôpital car j’y sauve des vies. 

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1 semaine plus tard

J’éteins les lumières et sors de mon appartement après avoir récupéré ma veste. Je ferme la porte aux clés et me dirige vers les ascenseurs. J’arrive dans le hall de l’immeuble et je trouve Patrick qui m’attend devant la porte principale.

− Bonsoir beauté. Dit-il en me fixant.
− Je te renvoie le compliment.
− Tiens. C’est pour toi?
− Pour moi? Mais il ne fallait pas. Je n’ai rien prévu pour toi.
− Je le sais Adanna. Ce ne sont que des fleurs après tout.
− Même si. Cela me gêne tout de même.
− Je pense que tu aurais dû les offrir à Stéphanie.
− Son bouquet est dans la voiture. Celui-ci est le tien.
− Dans ce cas, merci beaucoup.
− Mais de rien Princesse. Votre carrosse est avancé. On y va?
− Let’s go.

Il me tend son bras que je saisis d’une main tandis que l’autre tient le bouquet de roses blanches que je viens de me faire offrir. Il m’ouvre la portière et attend que je m’installe avant de la refermer. Il prend place quelques secondes plus tard sur le siège conducteur et démarre la voiture. On parle gaiement et avec beaucoup de rires jusqu’à l’appartement de Stéphanie. Cette dernière fête son anniversaire ce soir et a convié presque tous ses collègues. Patrick est un de mes collègues et il me fait du charme depuis quelques mois déjà mais je reste sourde à ses appels. Je n’ai pas la tête à me mettre en couple tout simplement avec une personne aujourd’hui. J’ai encore quelques blessures en moi qui ne sont pas refermées et tant qu’elles resteront ainsi, je ne pourrai faire de place à aucun homme dans ma vie. Il ne m’a pas encore dit clairement ce qu’il attend de moi mais je le vois bien me tourner autour même si je ne dis rien pour l’instant. On ne tarde pas à arriver chez Stéphanie et je dois dire que la fête a plutôt bien commencé.

J’avais besoin également de cette sortie pour me changer un peu les idées. Je suis inquiète car je n’ai toujours pas de nouvelles de Mawa. C’est vrai que le dicton dit “pas de nouvelles, bonnes nouvelles” mais c’est plus fort que moi. Je lui ai envoyé des messages sur sa messagerie “facebook” mais ils ne sont même pas lus. Je lui ai envoyé des messages aussi sur sa boite e-mail personnelle et le résultat est toujours le même. Je suis vraiment tentée de joindre Khaleb si je n’ai toujours aucune nouvelle d’elle d’ici deux jours car je suis vraiment inquiète. Je mets mon téléphone sur silencieux et essaye de me concentrer sur l’environnement qui m’entoure. L’ambiance est plutôt bonne et j’arrive à me fondre facilement dans le décor.

Patrick vient de me déposer à ma résidence. Il a attendu que je rentre dans l’immeuble avant de m’en aller. Dès que je suis arrivée dans le hall, j’ai ôté mes chaussures que j’ai attrapées d’une main avant de rejoindre l’ascenseur. Arrivée à mon étage, j’ai trouvé le couloir allumé. J’ai lentement marché vers ma porte et j’ai vu qu’une personne s’y trouvait. La personne a levé les yeux vers moi et je l’ai reconnu de suite. Mon coeur a manqué un battement si bien que j’ai fait tomber mes chaussures sur le tapis. Cela fait quatre ans que nous ne nous sommes plus revus. Mais qu’est-ce qu’il fait ici? En plus il a une petite valise avec lui. Est-il venu me rendre visite ?

− Khaleb? Mais qu’est-ce que tu fais ici? Depuis quand es-tu là?
− J’ai tenté de te joindre sans succès.

Je prends mon téléphone et constate effectivement qu’il a tenté de me joindre à treize reprises.

− Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu venais à Atlanta? Je serai passée te chercher.
− Il fallait que je te vois.
− Qu’est-ce qu’il y a Khaleb?
− On peut rentrer s’il te plaît?
− Euh… Oui. Bien sûr.

Je prends les clés dans ma pochette et j’ouvre la porte. Je m’écarte pour le laisser entrer. Je ferme tout à clé et je le retrouve au salon.

− Je te sers quelque chose à boire?
− Non merci.
− Euh. Ok. J’avoue que ta présence me décontenance un peu tout de même.
− Je sais Adanna.
− Tu es de passage en ville?
− Pas exactement.
- ......
− Je devais te dire quelque chose de vive voix.
− Ah oui ?
− J’aimerai que tu t’asseyes un instant s’il te plaît.
− Qu’est-ce qui se passe Khaleb? Pourquoi veux-tu que je m’asseye?
− ……
− Je te parle Khaleb. Qu’est-ce qui se passe?
− …. C’est Mawa

Mon coeur se met à battre terriblement dans ma poitrine.

− Quoi Mawa? QU’est-ce qu’il y a? Je demande apeurée.
− On a retrouvé son corps cette nuit.
− Quoi? Mais de quoi tu parles?
− Mawa est partie. Mawa est décédée.
− C’est faux. Elle ne peut pas être morte. Mawa ne peut pas être morte. Dis-je en criant.

Il s’est levé vers moi et j’ai commencé à pleurer silencieusement. Mawa? Non. Je cours vers mon ordinateur dans ma chambre et me connecte sur Facebook et la dure réalité me frappe de plein fouet en voyant des messages de condoléances sur son mur. J’hurle toute ma douleur et je sens les bras puissants de Khaleb qui me retiennent pour ne pas que je me fasse mal en glissant près de mon lit. Il me sert fort dans ses bras et alors que je me débats au début, je finis par me laisser faire et à pleurer de tout mon soul. Je refuse d’y croire. Ce n’est pas possible. MAis que s’est-il passé Seigneur? J’ai trop mal au cœur.

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