Chapitre 2 : Un secret inavouable
Write by kaynaliah
Mon cœur est déchiré. Mawa était ma meilleure amie, ma sœur, ma confidente, mon double. Je me souviens qu’elle me disait souvent que si elle avait été un homme c’est sûr qu’on aurait eu le coup de foudre. Notre amitié ne s’est jamais brisée et je refuse de croire qu’elle soit partie ainsi, si jeune, à la fleur de l’âge. Me remettrai-je un jour de son départ ? Réussirai-je un jour à guérir de cette profonde blessure ? J’ai peur de l’oublier.
« On dit souvent que le temps guérit toutes les blessures. Je ne suis pas d'accord. Les blessures demeurent intactes. Avec le temps, notre esprit, afin de mieux se protéger, recouvre ses blessures de bandages et la douleur diminue, mais elle ne disparaît jamais » Rose KENNEDY.
Je me suis réveillée ce matin avec un énorme mal de tête. Je prends du temps pour me lever du lit. Je finis par y arriver et me rends à la salle de bains prendre une douche et me brosser les dents. En me rendant au salon, je vis Khaleb allongé sur le canapé clic-clac qu’il a déplié. Les rayons solaires illuminent la pièce. Il est couché torse nu et le voir dans cet état me trouble. Je viens à me demander ce qu’il fait dans mon salon lorsque des flashs de la nuit d’hier me reviennent en mémoire. Je prends mon téléphone portable qui est dans l’une des poches de mon peignoir et me rends sur la page « Facebook » de Mawa. Voir tous ses messages de condoléances me font tellement de mal. Elle est vraiment partie. J’ai tellement de mal à y croire. Je range mon téléphone et file à la cuisine préparer le petit-déjeuner et surtout mettre quelque chose de rapide sous la dent car j’ai vraiment des céphalées qui me cognent la tête.
Assise à la table à manger, je prends une tasse de café noir lorsque je sens un regard insistant sur moi me poussant à sortir de ma bulle. Je croise le regard de Khaleb qui me fixe debout au seuil de la porte séparant la cuisine du salon.
− Comment vas-tu ce matin Adanna?
− Je ne sais vraiment pas. Je me sens tellement vide.
− Je comprends.
− Et toi?
− J’ai du mal à me faire à cette nouvelle tellement elle est soudaine et inattendue.
− Comment l’as-tu su?
− Mon père m’a appelé pour m’apprendre la triste nouvelle.
− Je vais prendre mes dispositions pour rentrer au Bénin. Je dois la voir une dernière fois et lui dire au revoir.
Il prend une de mes mains et la sert fortement dans la sienne.
− Cela lui aurait fait tellement plaisir.
− Je me demande ce qui s’est passé.
− Je n’ai pas encore demandé tous ces détails car toute la famille est sous le choc.
− Je comprends bien cela.
− …..
− Merci d’être venu jusqu’ici pour me l’annoncer.
− J’ai été tentée de t’appeler mais je n’aurai pas eu le courage de te l’annoncer comme cela. Je sais ce que Mawa représentait pour toi.
− C’est tellement dur de se dire qu’on doit parler d’elle au passé.
− Je comprends très bien Adanna. Elle était ta meilleure amie.
− Elle me manque. Elle était mon unique amie.
− Sache que je suis là pour toi. C’est vrai que nous nous sommes séparés dans de mauvaises conditions mais je suis là pour toi.
− Khaleb …..
− Jamais tu ne m’as donné l’occasion de te parler ainsi depuis cet épisode. Je suis profondément désolé Adanna. J’aurai tout donné pour que les choses ne se passent pas ainsi mais hélas je ne peux rien faire.
− Je ne voudrais pas reparler de cela.
− Sache juste que je n’ai jamais cessé de t’aimer et que je suis là pour toi. c’est triste qu’on se revoit dans ces conditions et que je dois t’en parler en ce moment si éprouvant mais ne m’écarte pas une seconde fois de ta vie.
− Pour rappel, tu t’es débrouillé tout seul la première fois.
− Je sais et j’en suis désolé Adanna. Bref. Tu ne m’as toujours pas pardonné.
− Tu te trompes Khaleb. Je t’ai pardonné il y a bien longtemps mais cela ne change rien pour autant.
− …. Ok.
− Tu pourrais mettre un tee-shirt s’il te plaît ?
− Je vais prendre une douche de toute façon.
− La porte au fond du couloir.
− Merci Adanna.
J’ai pris mes congés et avec Khaleb nous décidons de nous rendre en même temps au Bénin. On prend nos billets d’avion sur le site de la compagnie Air France. Cinq jours plus tard, nous nous retrouvons à Paris en pleine correspondance pour Cotonou. Allongée dans cet avion qui m’amène vers mes origines et ce passé que je tente d’oublier, je me demande vraiment ce qui m’y attend. J’ai laissé tellement de choses à Cotonou. Je ne veux pas sombrer à nouveau comme la dernière fois lors de mon dernier passage.
− Tu es réveillée? Me demande Khaleb.
Je tourne la tête vers lui et lui souris.
− Oui.
− Je ne sais pas si je pourrai la voir.
− Mawa?
− Oui Mawa.
− ……
− Je n’ai jamais été aussi proche avec mes propres frères que je l’étais de Mawa.
− …..
− Elle était vraiment un rayon de soleil. Elle apportait toujours la bonne humeur là où elle passait.
− Elle était une bonne amie et très loyale également.
− Tu sais que lors de notre séparation elle a préféré t’être loyale qu’à moi.
− Tu sais très bien pourquoi Khaleb.
− Oui j’ai déconné mais elle aurait pu tout de même me donner son soutien. Je suis son cousin.
− Je ne lui ai jamais demandé de faire un choix.
− Je sais. C’était Mawa.
− Elle me manque.
− Elle manquera à tout le monde.
− …..
− Pendant que je te tiens j’aimerai que tu répondes à une question s’il te plaît.
− Je t’écoute.
− Pourquoi as-tu toujours refusé de me laisser une seconde chance? J’ai besoin de savoir s’il te plaît.
− Lorsqu’on me gifle sur la joue droite, je n’ai pas tendance à présenter la joue gauche.
− C’est-à-dire?
− Je ne donne jamais l’occasion à une personne qui m’a fait du mal de recommencer.
− Je n’étais pas obligé de te le dire en plus.
− Je te remercie pour ta sincérité Khaleb mais qui trompe une fois le fera encore.
− Tu m’as condamné en fait en serial cheater.
− Oui.
− ……
− Arrêtons de parler du passé s’il te plaît.
− Le décès de Mawa me montre qu’il faut profiter du présent et de ceux qu’on aime. Adanna tu sais que je ne t’ai jamais oubliée. Jamais. Tu es mon âme soeur. Cela fait quatre ans tout de même que cela s’est passé.
− Et alors ? Passe à autre chose s’il te plaît.
− Je pensais que tu m’avais pardonné.
− Je l’ai fait mais cela ne veut pas dire que je veux reprendre notre relation.
− Ok.
Je me suis retournée vers le hublot en me demandant comment j’arrive à me contrôler en sa présence. Il me fait toujours de l’effet. J’avoue que j’ai toujours des sentiments pour lui mais je n’ai plus confiance. Il m’a trahie une fois et je ne lui donnerai pas l’occasion de le faire une seconde fois. Mon coeur est trop fragile pour l’instant. C’est une leçon de vie que j’ai reçue de mon père. Mon défunt père. J’ignore si un jour j’arriverai à parler de lui tellement les sentiments que j’éprouve à son égard sont contradictoires. Est-il réellement possible d’avoir plusieurs visages ?
Je sors de l’aéroport Cadjehoun de Cotonou en compagnie de Khaleb. On vient de récupérer nos bagages et on sort de l’aéroport. Il fait chaud et cela me fait du bien. Je suis rentrée dans mon pays, sur ma terre. Khaleb pousse le chariot sur lequel sont posés nos bagages tandis que je veux prendre mon portable pour appeler ma soeur.
− Adanna?
Je lève la tête vers cette voix que je connais très bien: Nancy. Ma soeur se tient devant moi et est resplendissante. Il est vrai qu’on se parle tous les deux jours sur Skype mais la voir en vrai me fait monter les larmes aux yeux. Je cours vers elle et la serre fortement dans mes bras.
− Oh! C’est un gros bébé qui pleure comme ça?
− Tu m’as tellement manquée.
− Arrête de faire tes choses de blanc là. Ne vient pas me faire honte ici.
− Tu es tellement bête.
− C’est pour ça que tu m’aimes non?
− Tchip.
− Je suis trop heureuse de te voir.
− Moi aussi.
Elle se détache de mon étreinte et remarque la présence de Khaleb derrière moi. Elle me fait un grand sourire. Je sais déjà à quoi elle pense.
− J’ignorais que vous avez voyagé ensemble.
− Comment vas-tu Nancy?
− Bien et toi?
− Ca peut aller.
− Toutes mes condoléances en tout cas pour la perte de Mawa.
− Merci.
− Soit fort en tout cas.
− On n’a pas trop le choix de toute façon. Vous voulez que je vous dépose sinon?
− Non ça ira. Je suis garée sur le parking.
− Très bien. Je peux avoir ton numéro Nancy s’il te plaît pour pouvoir joindre ta soeur durant son séjour. Au moins comme ça elle ne pourra pas m’éviter.
− Tchip. Dis-je.
− Oh mais bien sûr! C’est le XXXXXXXX.
− Merci Nancy. A plus tard Adanna.
Il nous a accompagnées jusqu’à la voiture et mis mes bagages dans le coffre de Nancy avant de prendre congé de nous. Nancy déverrouille la portière et on s’installe. Elle démarre la voiture et on quitte le parking.
− Alors qu’est-ce que ça te fait de rentrer au Bénin?
− Pas grand chose pour l’instant. J’ai juste peur d’être confrontée à mes démons.
− On en parle plus tard ok?
− Ok
− Sinon comment ça se fait que tu aies voyagé avec Khaleb?
− C’est une longue histoire.
− J’ai tout mon temps soeurette.
− C’est lui qui m’a annoncé pour Mawa tu sais.
− Ah bon?
− Oui. Il a pris carrément l’avion pour ça.
− Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais tu sais qu’il te regarde avec des yeux de merlan frit?
− N’importe quoi.
− Continue à te mentir en tout cas. Cet homme t’aime.
− Arrête s’il te plaît.
− Même après quatre ans il continue à te regarder ainsi, tu es chanceuse je te dis.
− Ne te méprends pas Nancy. C’est un pur hasard qu’on ait passé du temps ensemble car tu sais qu’en temps normal j’aurai refusé.
− L’amour t’a brûlé les ailes.
− …..
− J’attends juste le jour où tu me diras que j’avais raison.
Nous sommes arrivées à la maison familiale. Cela me fait tellement bizarre d’être ici. Je rentre dans la maison et je vois mes deux autres soeurs et leurs enfants qui m’ attendaient tranquillement. J’ai pleuré dans les bras de tout le monde. J’étais vraiment émue. On a passé un super bon moment en famille. J’ai vu que des travaux avaient été faits et cela changeait considérablement de la maison que j’avais laissé il y a quelques années.
Il est vingt-trois heures et je suis assise au salon avec mes soeurs. Les enfants sont déjà au lit. Cathy est allée prendre une bouteille de vin dans la cave et Claire les verres.
− Comment tu te sens Adanna?
− Ca va. J’essaye d ene pas trop penser en ce moment. J’essaye de ne pas trop m’approcher de cette pièce.
− Il faut faire la paix avec toi-même.
− J’ai du mal vois-tu?
− Arrête de te punir Adanna.
− J’ai peur qu’on découvre ce que j’ai fait. je suis une criminelle. Une meurtrière.
− Non Adanna tu n’en es pas une. Tu es juste cette personne qui a mis fin à un cercle infernal et vicieux.
− Je suis fière de toi. Je n’ai jamais eu ton courage.
− Mais j’ai du sang sur les mains. Son sang.
− Qu’aurais-tu voulu qui se passe? Qu’il te viole aussi et que tu risques de te retrouver enceinte de ton père? C’est cela qui a poussé Caroline au suicide. Tu l’as vengée en quelque sorte car ce monstre ne méritait pas la vie.
− Je te dis merci Adanna pour tout car je sais que ma fille aujourd’hui ne le connaîtra jamais.
− C’est notre secret et on l’amènera avec nous jusqu’à la tombe. Je suis heureuse que ma fille ne sache jamais qui est son père.
Je prends mon verre et termine le liquide rouge qu’il contient. La couleur du vin me rappelle le sang de mon père que j’ai sur les mains. Il a volé l’innocence de toutes mes soeurs et lorsqu’il a voulu s’en prendre à moi, je lui ai tiré dessus avec son arme. Je lui ai tiré trois fois dessus. J’ai refusé qu’il me viole. J’ai vu sa vraie face et je n’oublierai jamais son regard. J’avais quatorze ans et par légitime défense j’ai tué mon père qui essayait d’abuser de moi. Qui aurait pu croire dans ce pays corrompu à l’époque que le procureur de la République était un pédophile et violeur ? Qui aurait pu croire qu’il faisait du mal à ses enfants? Personne. A peine on aurait déposé plainte que cette dernière aurait disparu comme par enchantement. J’ai refusé de passer à la casserole et le prix à payer est lourd car j’ai son sang sur les mains. Chaque famille a un secret et le nôtre est celui-ci. Nancy et Claire sont tombées enceintes de notre père et ont découvert leur état bien trop tard. Caroline était enceinte de lui et a préféré se donner la mort. Lorsqu’il a voulu s’attaquer à moi après que mes soeurs se soient confiées à moi, j’ai dit non. Si je voulais le tuer? Je l’ignore mais je l’ai fait. Ce meurtre a été maquillé en un braquage qui a mal tourné et personne ne sait la vérité en dehors de mes soeurs et moi. A la suite de cet épisode, pour me protéger, elles ont décidé de m’envoyer à l’internat aux Etats-Unis.