
CHAPITRE 1 : Cœurs Lointains
Write by Kaylee
Chapitre 1
*** FALONNE
Je tends l’oreille pour voir si j’ai bien entendu, et quand je me rends compte que c’est mon téléphone qui sonne, je cours comme une folle de la cuisine à ma chambre pour décrocher. Un large sourire se dessine instantanément sur mes lèvres quand je vois de qui il s’agit : Amor. C’est le nom que j’ai donné à mon époux chéri.
Moi : Allô mon amour, comment vas-tu ?
Amor : Très mal.
Moi (inquiète) : Tu es malade bébé ? Il y a un souci au bureau ?
Amor : Oui, je me sens mal. Très gravement même. Je sens que je ne vais pas tenir.
Moi (paniquée) : Ne dis pas ça, s’il te plaît chéri ! Tu ne vas pas tenir pour laisser ta fille et moi à qui ? Nous avons besoin de toi, en vie et en bonne santé. Tu es allé voir un médecin ?
Amor : Oui.
Moi : Qu’a-t-il dit ?
Amor : Que ma maladie ne peut pas être soignée à l’hôpital.
Moi (le cœur battant) : Une maladie spirituelle, mon Dieu ! Tu dois vite rentrer bb. On va trouver une solution. Il y a de bons tradi-praticiens ici. C’est quoi exactement ?
Amor : C’est une maladie cardiaque, chérie. Une maladie d’amour. Voilà pourquoi la médecine n’y peut rien. Il n’y a que ma femme qui puisse y faire quelque chose. Tu me manques trop, baby.
Moi : Saïd !!!!!! Merde, tu m’as fait peur. Toi et tes blagues débiles… N’essaie plus jamais ça avec moi.
Amor : Mes excuses alors bb. C’est juste que tu me manques.
Moi (amoureuse) : Tu me manques aussi mon cœur. Tu ne peux même pas imaginer à quel point. Tu ne te sens pas trop seul là-bas j’espère ? J’aimerais tant t’avoir à mes côtés. Ta chaleur me manque. Et Samia ne fait que te réclamer.
Amor : Vous me manquez aussi baby. Mais je serai là bientôt, t’inquiète.
Moi : J’ai hâte.
Amor : Pas plus que moi. Bon, je dois te laisser, le devoir m’appelle. À plus. Je t’aime.
Moi : Je t’aime aussi mon amour. Passe une bonne fin de journée. Bisous.
Son appel m’a replongée dans la tristesse. Mon mari me manque énormément. J’ai la nostalgie des deux mois que nous venons de passer ensemble. Deux mois de pur bonheur, durant lesquels il a mis tous ses projets en pause pour qu’on passe du temps en famille.
J’aime mon mari à la folie et j’ai beaucoup de chance de l’avoir dans ma vie. C’est un homme doux, attentif, attentionné et romantique — tout ce que nous les femmes aimons. Bien qu’il soit souvent en déplacement pendant de longs mois, il prend très bien soin de notre fille Samia, âgée de deux ans, et de moi.
Je ne me suis même pas présentée : je m’appelle Falonne Kalou, épouse de Saïd Ben Yacoub, un métis bénino-algérien. Moi, je suis ivoirienne à cent pour cent. J’ai 28 ans et je suis mariée à mon chéri depuis un an déjà. Oui, vous avez bien compris, il m’a passé la bague au doigt quelques mois après la naissance de notre princesse.
Notre mariage a été un grand honneur pour moi : Saïd a versé une dot de près de 4 millions à ma famille. Depuis, tout le monde me respecte chez moi. Mon mari nous a construit une magnifique villa à Abidjan. Comme je suis seule la plupart du temps avec notre fille dans cette grande maison, j’ai pris, avec son accord, deux de mes frères pour vivre avec nous.
Je suis heureuse dans mon foyer, c’est incontestable. Les gens disent que l’homme parfait n’existe pas, mais moi je dis que c’est pour eux là-bas. L’homme parfait existe bel et bien, et c’est mon mari. Saïd représente tout ce qu’une femme souhaite. Il fait de notre fille et moi sa priorité. Je ne m’inquiète de rien, il gère tout : la scolarité de mes cinq frères et sœurs, la maison de mes parents qu’il a rénovée, tout.
Quand je lui dis que j’ai envie de quelque chose, il s’empresse de me le donner — ce qui fait enrager les jaloux. Mais tant pis pour eux, ils vont devoir supporter. Les hommes comme Saïd sont rares, et je suis fière d’être l’une de celles qui ont eu la chance d’en trouver un. Je ne doute même pas de sa fidélité. Je suis sûre qu’il se sent très seul là-bas. D’ailleurs, je suis en train de préparer un voyage pour aller lui rendre une petite visite au Bénin, où se trouve le siège de l’entreprise familiale. J’ai déjà rencontré son père, car sa mère est décédée. Mon beau-père m’adore.
*
*
*** DORA
Je me lève, la tête lourde, encore fatiguée malgré quelques heures de sommeil. Depuis qu’Amira fait enfin ses nuits, j’ai un peu de répit, mais les réveils restent brumeux. Je traîne les pieds jusqu’à la douche, espérant que l’eau froide me secoue un peu.
Une fois propre et réveillée, je me rends dans la chambre de ma petite princesse. Elle dort encore, paisible, comme un ange. Sa respiration régulière me calme, me rappelle que malgré les galères, j’ai réussi quelque chose de beau. Je la regarde un instant, puis je file à la cuisine me préparer un truc rapide : un thé noir bien fort, un bout de pain, et ça suffit.
Je reviens ensuite vers le berceau pour prendre Amira et lui donner son bain. C’est un moment que j’aime particulièrement. Ses petits rires, ses éclaboussures, sa peau chaude et douce… Je me dis que malgré tout, je suis chanceuse.
Je m’appelle Dora Kitanga, j’ai 30 ans et je suis congolaise, de la RDC. J’habite Brazzaville mais je retourne souvent voir mes parents à Rwangoma. Mes parents, c’est sacré. Pour eux, je serais prête à vendre mon âme au diable. Je suis l’aînée d’une fratrie de quatre. Deux frères et une sœur : John, 27 ans, bosse dans une boîte réputée au Canada. Francis, 23, poursuit ses études supérieures en Allemagne. Marisa, 19 ans, est en terminale dans un lycée renommé de Brazzaville. Leurs réussites, c’est pas juste le destin. C’est aussi, et surtout, grâce à Saïd, mon mari. C’est lui qui prend tout en charge. Tout.
Je sais, ça peut surprendre qu’à 30 ans je n’aie qu’un seul enfant, encore nourrisson. Mais la vérité, c’est que j’ai toujours porté le poids de ma famille sur mes épaules. Pas le temps pour les amourettes ni les caprices. Il fallait aider mes parents, trouver de quoi combler les manques, être forte pour les autres. J’ai fait ce qu’il fallait, sans me plaindre.
J’ai rencontré Saïd il y a deux ans. Coup de foudre, comme dans les films. C’était lors d’un gala à l’hôtel Palm Beach, je ne devais même pas y rester, j’y accompagnais juste une amie journaliste. Et pourtant… Il m’a vue, je l’ai vu, et c’était comme si le reste de la salle avait disparu. Grand, classe, sûr de lui. Il avait cette aura de puissance tranquille qu’on remarque tout de suite.
Il s’est vite attaché, plus vite que moi en tout cas. Il m’a présenté à son père au bout de quelques mois, il parlait déjà de choses sérieuses. Et franchement, ça m’arrangeait. J’avais besoin de stabilité. Et soyons honnête : c’est son argent qui m’a d’abord séduite. Je ne vais pas faire semblant. Quand j’ai vu l’opportunité, je l’ai saisie. Un an plus tard, je suis tombée enceinte. Volontairement. Je voulais sécuriser la relation, assurer l’avenir. Et il n’a pas traîné. Il m’a dotée rapidement. Quatre millions, je vous dis. Ma famille était fière. Très fière.
Un mois après la naissance d’Amira, il m’a conduite devant monsieur le maire. Depuis six mois, je suis Madame Ben Yacoub. Mon mari n’est pas toujours là – il dirige quatre grands hôtels et voyage beaucoup, surtout au Bénin, le pays de son père. Car oui, Saïd est béninois… mais aussi algérien par sa mère, paix à son âme. Je ne l’ai jamais connue, mais j’ai rencontré son père, un homme adorable et respectueux.
Aujourd’hui, même si je ne peux pas dire que je suis folle amoureuse de lui, j’ai de l’affection, du respect. Et surtout de la reconnaissance. C’est un homme bon, généreux, intelligent. Il aime Amira. Il pense à tout, gère tout. Il appelle tous les jours, envoie ce qu’il faut, demande des nouvelles de mes parents. Mon père dit souvent que Dieu nous a envoyés un ange.
Je retourne dans la chambre. Amira est à moitié endormie, ses petits doigts serrés en poing sur sa couverture rose. Je la borde doucement, dépose un baiser sur son front. Ce bébé est ma force. Et tant que je l’ai, je tiendrai bon.
*
*
*** REBECCA
Moi : Les filles, quand vous finissez de manger, n'oubliez pas d'aller vous brosser les dents avant de vous mettre au lit. Je passerai dans vos chambres plus tard. Et ne fatiguez pas Laurie avec vos caprices.
Les jumelles : D'accord maman.
Je sors de la salle à manger en laissant mes jumelles de quatre ans sous l'œil attentif de laurie, notre domestique âgé de 17 ans. Laurie est une petite de mon village. Ses parents me l'ont confié lorsque j'étais au village pour ma cérémonie de dot. En retour, je leur envoie de l'argent chaque mois. Laurie est une bonne petite que j'aime bien et depuis trois ans qu'elle est chez moi, je n'ai pas trop eu à me plaindre d'elle. Elle est travailleuse, respectueuse et s'occupe très bien des petites pestes lorsque je m'en vais au boulot. Je m'appelle Rebecca Nkosi épouse Ben Yacoub, j'ai 31 ans et je suis sud-africaine. Je suis née, j'ai grandi et j'ai toujours vécu dans mon pays natal. Même lorsque je suis en déplacement dans un autre pays, j'ai constamment hâte de rentrer dans mon beau pays. Faut dire que j'applique à la règle l'adage qui dit qu'on n'est jamais mieux que chez soi. Je suis chef cuistot dans le restaurant de l'hôtel de mon mari qui est assiégé ici. J'ai pour rôle d'organiser et gérer l'ensemble du processus de production culinaire en encadrant une équipe dont le nombre et la composition varient en fonction des établissements, concevoir de nouveaux plats et méthodes de travail des produits, etc. J'adore mon travail et je l'exerce à la perfection. Je n'étais qu'une simple amatrice quand j'ai rencontré mon mari. Grâce à lui, j'ai suivi la formation dans l'un des meilleurs centre de formation du pays et j'ai pû réaliser mon rêve. Et comme si ce n'était pas encore beaucoup, je travaille dans son hôtel qui fait partie des meilleurs du pays. J'aime mon mari à la folie. Je n'imagine même pas ce que je serais devenue sans lui dans ma vie. Il m'a élevé au rang de reine, m'a donné de la valeur dans ma famille en me dotant de 4 millions de FCFA en plus de tout ce qui était noté sur la liste de dot avant de me m'épouser ensuite devant monsieur le maire. Tout cela s'est passé il y a de cela trois ans. C'était un grand honneur. Saïd est le meilleur des maris, ça je peux l'assurer. Je ne pourrai pas garantir qu'il m'est fidèle car avec les hommes on ne sait jamais mais au moins il me respecte et me comble d'amour. Nos jumelles Sarah et Soraya sont les preuves vivantes de notre amour. Saïd aime follement ses filles et elles aussi le lui rendent bien. Quand il est dans les parages, je deviens automatiquement invisibles aux yeux des jumelles. Leur papa est leur demi-dieu. Mon mari Saïd est un bénino-algérien de 33 ans. Il dirige avec brio les quatre grands hôtels de son père qui siègent dans différents pays, raison pour laquelle il n'est pas stable sur place. Ça fait deux semaines que mon mari s'est encore déplacé pour aller au Bénin où il y a le siège principal de l'hôtel. Ses déplacements sont très fréquent. Au début je n'arrivais pas à supporter mais j'ai fini par m'adapter avec le temps. C'est pour nous qu'il se déplace autant donc je ne vais pas le blâmer. Quand je finis de faire mes rangement, je m'en vais dans la chambre des jumelles voir si elles dorment déjà mais les retrouvent éveillé entrain de faire des messes basses.
Moi : Hum hum.
Elles posent leurs beaux regards comme ceux de leur père sur moi.
Moi : Il y a quoi mesdemoiselles Ben Yacoub ?
Soraya : Nous voulons que tu nous téléphone papa. On a envie d'entendre sa voix.
Moi : Vous avez déjà parlé avec lui le matin.
Sarah : Et maintenant c'est le soir.
Je les regarde à tour de rôle et soupire. J'ai souvent l'impression que ces petites me prennent pour un taré. Je m'en vais chercher mon téléphone et compose le numéro de leur super papa devant elles. Il décroche à la troisième tentative.
Saïd : Coucou mon soleil.
Moi (sourire niais): Salut bébé. Ça va ?
Saïd : Ça peut aller. Vous me manquez atrocement.
Moi : Tu nous manques aussi amour. Mais bon, le boulot c'est important alors on comprend. Tes filles veulent entendre ta voix.
Saïd : Ah, passe-moi vite mes femmes.
Moi : Doucement oooh.
Je mets le téléphone sur haut parleur avant de le donner aux jumelles. Elles discutent avec leur père, le sourire aux lèvres pendant une bonne vingtaine de minutes avant de me retourner mon téléphone.
Moi : Allô chéri.
Saïd : On dit bonne nuit mon cœur.
Moi : Oui bb. Salut moi beau papa. En tout cas je vais l'appeler moi-même demain.
Saïd : Comme tu veux chérie. Passez une bonne nuit. Je vous aime.
Moi : Nous t'aimons aussi amour.
Je raccroche et souhaite bonne nuit aux filles en leur faisant des bisous avant de sortir pour rejoindre ma chambre. Je rentre dans WhatsApp et épingle la discussion de mon beau-père en haut pour ne pas oublier que je dois l'appeler demain. Je n'ai pas eu la chance de connaître ma belle-mère car elle n'est plus de ce monde mais mon beau-père est un homme très aimable et adorable. Il m'a toujours bien traité et à chaque fois qu'il a l'occasion de venir ici, il comble ses petites filles de cadeaux et d'amour. Je peux dire avec certitude que je suis heureuse.
Dans le couloir, je croise Laurie qui vient de finir de ranger la cuisine.
— Bon boulot, Laurie. Tu peux aller te reposer, je m’occupe du reste, lui dis-je avec un petit sourire.
Elle hoche la tête et s’éclipse, discrète comme à son habitude.
Dans ma chambre, je m’installe sur le lit, téléphone en main. Je survole les messages WhatsApp. Beaucoup de groupes, peu d’intérêt. Je repère un message de ma sœur : « Tu sais que je t’envie toi hein ? Trois ans de mariage et t’es toujours traitée comme une reine ! »
Je souris. Ce n’est pas faux. Même si tout n’est pas toujours parfait, Saïd reste un mari exceptionnel. Il ne me reproche jamais mes absences liées au travail, il m’encourage même. Quand j’ai été promue cheffe cuistot, il a organisé un dîner surprise avec toute l’équipe. Il m’a toujours soutenue, et même s’il n’est pas souvent là physiquement, je sens sa présence dans chaque détail ici.
Mais parfois, je me pose des questions. Comme cette intuition bizarre que j’essaie d’ignorer. Cette impression qu’il cache quelque chose. Il est trop parfait, trop organisé… Et puis il est souvent au Bénin, loin de moi, loin des enfants.
J’efface cette pensée d’un revers de main. Non, Rebecca, ne deviens pas parano. Si tu commences à douter, tu risques de tout gâcher. Et pour l’instant, tout va bien.
Je m’allonge, éteins la lumière, et ferme les yeux. Une journée de plus sans Saïd. Une journée de plus à tenir bon.
À SUIVRE...