Chapitre 1: Moi, Alex, trente ans et bien dans mes escarpins
Write by Womins
Il fait nuit noir dans cette chambre. Pas de bol, alors que j’ai presque réussi à m’extirper du lit sans faire le moindre bruit, je me prends le petit orteil sur un pied du lit. Pourquoi c’est toujours celui-là qui joue le traitre ?
Pendant que je souffre délicieusement en silence, le rétro-éclairage du téléphone de Raphaël attire mon attention. C’est surement une notification ou un e-mail. Moi, je ferai mieux de me préparer, j’ai une réunion des plus importantes ce matin.
J’ai du mal à faire monter la fermeture éclair de ma robe et je ne peux clairement pas compter sur l’aide de mon chéri. Il est d’humeur massacrante quand on le réveille avant six heures et demie. J’ai beau me tordre dans tous les sens que je n’y arrive pas. Je suis obligée de me changer. Un pantalon ferait tout aussi bien l’affaire. Il faut que je me dépêche.
Enfin prête à y aller. Son téléphone me fait de l’œil une nouvelle fois. C’est peut-être une urgence. Je regarde et c’est un appel de « Liz ». Je ne connais pas de Liz, et si mes souvenirs sont exacts il ne m’en n’a jamais parlé. C’est sans doute une nouvelle connaissance. J’ai beaucoup trop de choses en tête pour en faire un fromage. J’y vais.
Dans les bureaux d’OPIUM
Installée derrière mon écran, je passe en revue les photographies du shooting des sœurs Hebeb. Des beautés orientales qui j’étais sûre feraient sensation bientôt. Par les temps difficiles que connaissait le monde de l’édition, elles pourraient nous permettre de booster les ventes de notre magazine. C’était là une excellente opportunité qui s’offrait à nous et nous devions nous hâter d’en profiter. Mais ça ce n’était que mon point de vue, il fallait encore convaincre mon patron.
Ces réflexions alourdissent ma tête. Et dire que durant mes études, je n’avais jamais pensé que parler de chaussures, de sacs et de régimes pouvait être à l’origine d’une migraine. Les yeux mi-clos, je m’enfonçais un peu plus dans mon fauteuil. Mon téléphone posé sur la table se mit à vibrer. C’était un message de Margot dans notre groupe de bonnes copines sur Whatsapp.
Margot : Trente et une semaines de grossesse.
Elle l’avait appuyé d’une photographie de Noah et elle.
Chacha (smiley qui fait les gros yeux) : J’aurai juré que tu étais à terme.
Anne-So : OMG…
Margot était en train d’enregistrer une note vocale. Et Chacha nous offrait une pluie de smiley tous aussi ridicules les uns des autres.
Anne-So : Put*** Chacha, tu veux pas nous laisser respirer avec tes smileys ?
Pour toute réponse encore des smileys. J’éclatais de rire. Nos conversations partaient toujours en free-style. Soudainement, la porte de mon bureau s’ouvre sur Marc. Ce dernier est suivi de près par ma secrétaire qui a l’air bien confuse. Elle déblatère toute une série de mots me priant ainsi de l’excuser pour ce désagrément.
Marc ne lui laisse pas l’occasion de finir que déjà il lui ferme la porte au nez avant de s’y adosser. Nous restons là, à nous regarder durant un bref moment. Que cherchait-il dans mon bureau ? La réunion était prévue pour dans un peu moins de trente minutes. Il avait sans doute la ferme intention de me faire perdre mes moyens. Dès le départ, il avait exprimé une opinion bien tranché quant à la parution des photographies des deux sœurs iraniennes dans notre magazine. Et là, il était en train de jouer avec mes nerfs, priant que je perde patience.
Je ne vais pas rentrer dans son minable petit jeu. Je me penche de nouveau sur les books numérisés des filles espérant qu’en me voyant ainsi occupée, il s’en irait. Pour mon plus grand malheur, c’est les mains dans les poches qu’il se met à arpenter mon bureau de long en large, s’intéressant par moment à une fresque, s’attardant souvent sur un petit objet. De temps en temps, il me jette un regard et sourit.
Avec pour ferme intention de faire abstraction de sa misérable présence, je saisis un stylo et je me mets à prendre quelques notes. Je sens alors sa présence plus proche que jamais. Il s’est rapproché de moi et son menton est si près de ma joue que je sens quelques picotements de sa barbe naissante. Il lit ces quelques mots que vomit mon stylo sur le papier blanc. Son haleine est fraiche.
Marc : Tu sais que j’ai raison.
Et voici qu’il pose ses mains sur la table, de part et d’autre de mon fauteuil. Suis-je sa prisonnière ?
Marc : OPIUM a besoin…
Moi (calmement) : Marc, veuillez sortir de mon bureau.
Marc : Empêcherais-je à la belle Lex Hineas de se concentrer ?
La tension est palpable. Les notes ambrées de son parfum commencent à me faire tourner la tête.
La sonnerie du fixe abaisse tout de suite la température. C’est Anne qui me prévient. Il est l’heure pour nous de passer en salle de réunion. Il s’est remis bien droit toujours près de moi. Je me lève et attrape des dossiers. Il est toujours là, devant moi. C’est comme si il a l’intention de me mettre en retard. Je ne vais pas le supplier, de toute façon, si je suis en retard, il le sera aussi.
Le fixe sonne encore une fois et Anne m’annonce qu’elle est avec ma secrétaire. Elle m’attend. A cette nouvelle, il se recule me laissant juste ce qu’il faut d’espace pour que je puisse passer)
Moi (coincée entre la table et lui) : J’espère que tu as prévu des gants de boxe, je ne me couche pas aussi facilement.
Quand je sors, Louane ne peut s’empêcher me poser mille et une question quant au motif de ce dandy dans mon bureau. Je lui explique brièvement son intention de me déstabiliser et elle m’apprend que quelques minutes plutôt, il avait tenté de faire de même avec elle dans son bureau. C’est vraiment un connard ce mec.
Le débat est houleux et les esprits s’échauffent déjà. C’est vraiment un univers impitoyable. Marc défend l’idée selon les origines arabo-musulmanes des sœurs Hebeb nous discréditerait aux yeux de nos lectrices à majorité occidentale. C’est clair, elles ne doivent pas faire la couverture de notre magazine. On risquerait de nous prendre pour des défenseurs de la causes arabes et par ces temps de terrorisme accru, se serait mauvais pour notre image.
Moi : La communauté musulmane est de plus en plus grande chez nous. Aujourd’hui, elle joue un grand rôle dans le marché du luxe. En quoi faire la une avec les sœurs Zebeb ferait de nous des engagés politiques ? On les a vus sur les podiums durant les deux dernières saisons, elles sont des étoiles montantes. Marc préfère peut-être qu’un magazine conçurent nous coupe l’herbe sous le pied ?
Anne : VOGUE US publie ce mois un article sur le port du voile dans la haute couture orientale. Quel signe voulez-vous de plus ?
Pierre Chatel ne dis rien. Il se contente de nous regarder nous livrer bataille. Quelques fois, il prend un papier dans le lot de dossier posé devant lui et semble alors être en train de l’étudier. Deux heures se sont déjà écoulées et nous en sommes toujours au même point. Mon très cher collègue refuse de plier. Je pense que même son binôme est déjà convaincu du bien-fondé de notre idée.
Pierre Chatelet se racle la gorge vigoureusement, nous imposant ainsi le silence.
Pierre Chatelet (rangeant la pile de dossier devant lui) : Que de grands arguments. Je vais étudier tout ceci et on se revoit à mon retour de Berlin. Je pourrai voir ce qui se dit des arabes là-bas. Je pense que nous pouvons nous quitter sans rancune.
Nous affichons tous de faux sourires. Pierre sort avec Marc, ils discutent ensemble dans les couloirs avant de rentrer dans le bureau de ce dernier.
Louane : Tu penses qu’on l’aura ?
Moi (je réponds en entrant dans mon bureau) : Je n’en sais rien.
Entre midi et deux, je profite de la vie avec Anne-So.
Anne-Sophie c’est un peu la déjantée de notre joyeuse petite bande. Elle travaille dans l’industrie de la joaillerie. Elle est chargée d’expertiser les pierres précieuses que se procurent certains grands noms.
Aujourd’hui, elle nous a pris des tickets pour l’exposition de Van Den Bussche au Musée d’Art Moderne de Paris. Je suis contente de l’y retrouver. Comme d’habitude, elle est radieuse et pleine de vitamines.
Anne-So : T’es prête à vivre une exposition comme tu n’en n’as jamais vu ?
Moi : Je me demande bien ce que tu me prépares cette fois.
Anne-So : Pose pas trop de questions.
Elle me prend la main comme si j’étais son amoureuse et nous rentrons dans une aile du dit-musée.
A peine nous nous retrouvons dans l’immense salle destinée à cet artiste dont elle n’a cessé de me parler depuis une dizaine de jours qu’elle me chuchote à l’oreille « surprise ».
Pour une surprise s’en est une. Une exposition qui présente les vingt œuvres d’art les plus scandaleuses de l’histoire. Quel choc !
Anne-So (rieuse) : J’espère que tu ne vas pas me faire une crise cardiaque.
Moi (en serrant les dents) : Mais t’es folle ou quoi ? Et puis c’est quoi cette expo de malade ?
Anne-So ne semblait pas écouter. Elle me tirait déjà afin que nous admirions la toute première œuvre du parcours. Nous voici devant une peinture d’Egon Schiele. Je n’avais clairement jamais entendu parler de lui. Je trouvais cette série de trois toiles trop osées. « La Vue en rêve » exprimait la jouissance extrême d’une femme cuisses ouvertes, écartant de ses mains son propre sexe. Tandis que « La fille aux cheveux noirs » laissait son jupon soulevé pour tout dévoiler et l’un de ses autoportraits se masturbe lançant une œillade provocante.
Anne-So : C’est clairement le genre de culture que j’aime. Tu en penses quoi Alex ?
J’aperçu le monsieur près de nous lui lancer un sourire coquin auquel elle ne se gênait pas d’y répondre. Je me contente juste de la suivre. Elle s’arrête devant une autre œuvre qui selon elle lui parle. Le tableau d’un certain Courbet. Son tableau dévoilait tout. Il offrait une vue plongeante sur le sexe d’une femme dont on ne voit ni la tête ni les jambes mais le ventre, les cuisses et un sein, allongée dans ce qu’on imagine être un lit, entre des draps blancs.
Anne-So (me chuchotant à l’oreille) : T’imagines, c’est comme ça que t’offres ta moule à ce bon vieux Raphaël.
Les gens autour de moi ne semblaient aucunement choqués par la vision de ces choses qu’on disait être de l’art. Ils avaient tous choisi de mettre à nu le sujet tant tabou du sexe. Tout y était dévoilé. Des pénis, des fesses, des seins…
Anne-So sort son téléphone et se met à se faire une vidéo qu’elle publie directement sur Snapchat. Elle doit être un peu folle. Et pour bien marquer le coup, elle nous l’envoie dans le groupe et les réponses se font rapidement lire.
On passe une bonne heure à essuyer les regards des hommes qui comme nous sont venus admirer ce qu’elle appelle le « beau ». J’ai l’impression d’être dans un sex-shop à ciel ouvert. Au moins, l’effet de surprise est bien passé, je suis maintenant amusée plus qu’outragée. J’admire la liberté d’esprit qu’Anne-So vit au quotidien mais je ne pourrai définitivement pas vivre de cette façon.
Après le musée, on s’offre un déjeuner léger dans un petit bar chic et intimiste. C’est l’occasion pour elle de se moquer de moi.
Anne-So (posant son verre de whisky) : Vous êtes si coincées vous. Toi encore, ça va j’imagine bien le genre de salope que tu es avec ton mec au lit mais Margot, elle doit être ennuyante.
Moi : Ennuyante ou pas, c’est bien la seule à avoir tout.
Anne-So : Mais t’appelles quoi « tout » ?
Moi : Elle a un gosse, une bague à son doigt. Ce que toi tu n’as pas.
Anne-So (éclate de rire et les clients assis tout autour se tournent vers nous) : J’ai pas envie de me faire baiser par le même homme toute ma vie moi.
Elle avait prononcé ces mots sans se soucier de la présence de notre serveur. Je pense que les mots qu’elle avait employés lui avaient donné des frissons. Elle ne s’arrêta pas là.
Anne-So : Y a tant de queues à découvrir dans ce monde.
Le plateau qu’il tenait tomba dans un bruit sourd. Il se confondait en excuses tandis que nous rions. Cette conversation l’avait visiblement mis mal à l’aise.
Moi (le ton du reproche) : Tu lui as fait perdre ses moyens.
Son téléphone sonna. On avait besoin d’elle et ça tombait bien. Il fallait que je retourne à mon travail de rédactrice en chef.
Le reste de la journée passa tellement vite.
Vers cinq heures, j’appelais mon chéri. Il était en train de faire à manger. Je trouvais ça tellement sexy un homme qui aidait à faire la cuisine. Pour être honnête, il n’aidait pas, il la faisait vu que moi, j’avais horreur de cela en plus, je n’avais pas de temps.
Quand je rentrais, l’appartement était vide. Il devait être à sa séance de cardio cross. J’en profitais pour prendre une douche. Allongée dans le canapé, je repensais à l’exposition et je me sentais toute chose.
C’est le bruit de la porte qui se referme qui me réveille. Raphaël apparait devant moi tel un ange. Il tient son sac de sport en main. J’ai juste envie de lui sauter dessus.
Raphaël : Salut,
Moi (me redressant) : Ça va ?
Il n’a pas sa tête habituelle et il n’est clairement pas le genre à te raconter ce qui ne va pas. Il faut toujours lui tirer les vers du nez. Je préfère tout de même le laisser souffler un peu avant de le questionner.
Raphaël : Oui ! Je vais prendre ma douche. Tu mets la table ?
Il n’attend même pas ma réponse qu’il s’engage déjà dans le couloir. En plus, il ne m’a même pas fait de bisou. Que peut-il bien lui arriver ? Plongée dans mes réflexions, j’en oublie même qu’il m’a demandé de mettre la table. Ça me revint à l’esprit seulement quand il sort et qu’il jette un regard sur la petite table à manger. Il ne dit rien, il se contente d’y déposer deux assiettes et des couverts. Pendant qu’il coupe le pain, je m’approche de lui et je passe ma main à sa taille. Il sent trop bon mon homme. J’en profite pour lui demander si ça va une seconde fois et il me répond toujours par l’affirmative.
Moi (croquant dans un morceau de carotte) : C’est vraiment bon.
Raphaël : Merci. Alors, tu as réussi à aligner Marc ?
Moi : Non et je te dis pas, il a voulu jouer de ses charmes avec Louane et moi.
Il rit et s’essuie la bouche.
Moi : Tu as vu les photos de l’expo ? Anne-So je crois qu’on ne peut plus rien faire pour elle.
Raphaël (il plaque son dos sur le dossier de sa chaise) : Je pense que Anne-So c’est la définition même de l’insouciance. C’est un peu ce qu’on voudrait tous pouvoir faire mais on n’ose pas.
Moi (ahurie par ses propos) : Je ne partage pas cet avis. Qu’est-ce que nos vies seraient si nous pouvions nous adonner à toutes les folies.
Il sourit.
Raphaël (tapant la base de son couteau sur la table) : Il y a des personnes avec qui nous devrions pouvoir nous permettre n’importe quelle folie. J’apporte la tarte.
J’avale la dernière gorgée de mon verre de vin avant qu’il n’arrive.
C’est une petite tarte citron meringue. J’aime ce dessert et il le sait.
Moi : Je crois que plus les jours passent, plus tu deviens meilleur.
Il se contente d’avaler un morceau de dessert.
Le diner était excellent. C’est vrai qu’il devient de plus en plus bon lui.
Ce soir, quand je finis de me brosser les dents, je le retrouve dans la chambre. Je porte une nuisette que j’ai achetée la veille. C’est sûr que toute cette dentelle ne saura que lui donner envie.
Il est allongé sur le dos. Son regard est perdu dans le vide. Je monte sur lui à califourchon. Son regard descend direct sur mes seins enveloppés dans le tissu léger de mon soutien-gorge. Il pose se main sur mes hanches, je me cambre un peu plus. Ses mains descendent sur mes fesses tandis que moi, je me penche pour lui donner un baiser. Il y répond et je sens comme un éclair courir le long de mon épine dorsale. Je me fais encore plus fougueuse. J’ai clairement envie de lui. Je me rappelle les paroles de Anne-So « T’imagines, c’est comme ça que t’offres ta moule à ce bon vieux Raphaël » et je souris dans ma tête. Je laisse ses lèvres pour lui donner des baisers dans le cou, j’y passe ma langue humide de désir.
Raphaël : Désolée Alex, je suis crevé.
Moi (la voix mielleuse et déterminée) : Laisse-toi faire bébé.
Je continue à m’activer. Je caresse son torse. Je sens le désir s’emparer de lui. Il devient de plus en plus dur.
Raphaël : S’il te plait Lex, suis vraiment fatigué.
Il me pousse un peu. Je suis juste sur lui, je voudrais plonger mes yeux dans les seins mais avec cette demi-obscurité, ça ne servirait à rien. Il fait un geste brusque et je me retrouve sans savoir comment à côté. Je fronce les sourcils et je me couche en lui présentant mon dos. Il appuie sur l’interrupteur des lumières d’ambiance et c’est le noir complet.
Raphaël (se collant à moi et passant une main sur mon côté) : Je suis désolée, c’est juste que j’ai trop de boulot.
Moi : …
Raphaël : Tu m’écoutes ?
Moi (une petite voix) : Mais tu as envie.
Il avait clairement envie de me faire l’amour. Je sentais son intimité durcie sur mes fesses.
Raphaël : Oui, j’ai envie mais je ne préfère pas. J’espère que tu comprendras.
Il me colle un bisou sur mes cheveux et me souhaite une bonne nuit.