Chapitre 1 : Rentrer au bercail

Write by Alexa KEAS

Noah DJEVOU

Par quelques échanges de regards intenses, nous venions de conclure le marché. Je fais signe au serveur qui m’apporte ma note et je la règle ainsi que la sienne avant de sortir du bar. Quelques secondes après que je me sois installé dans ma voiture, son reflet se dessine de l’autre côté de la vitre. Je déverrouille sa portière et elle monte à côté de moi.

Son doux parfum mêlé à l’odeur de la fumée envahit l’espace. Mes yeux rivés sur ses cuisses dénudées, elle se penche et dépose un léger baiser sur mes lèvres.

-Comment tu t’appelles ?

-Pourquoi ne pas le faire en mode inconnu ? Répondit-elle en me faisant un clin d’œil.

-Ça me va mais donne-moi quand même un petit sobriquet.

-Mirage. Et toi alors ?

Je lui fais un sourire en coin.

-Je pensais que tu voulais le faire en mode inconnu ?

-Ton idée de sobriquet m’a séduite.

-Appelle-moi ‘’mister brokenheart’’. Dis-je sans réfléchir.

-Oh ! Fit-elle.

-Alors, on y va ?

-Oui, beau gosse. Je me demande qui a pu te briser le cœur…

Je lui lance un regard dissuasif d’aller sur ce terrain.

-T’inquiète, parler ne fait pas parti de mes projets. Répondit-elle en se léchant la lèvre inférieure.

Je démarre la voiture et à quelques mètres d’avancées à peine, Mirage se met à balader ses mains sur ma cuisse droite. Je me concentre sur la conduite malgré moi en subissant son massage appliqué à la masse de chair au milieu de mes jambes. Je roule jusqu’à l’hôtel le plus proche et prends une chambre pour la nuit. Une fois dans la chambre, comme deux automates nous nous jetons dessus et nous dépouillons mutuellement de nos vêtements. Mirage se lâche et me fait une fellation digne de ce nom. Protection au point, je la prends dans toutes les positions qui m’inspirent ce soir jusqu’à ce que tous les deux nous nous écroulons sur le lit, une quarantaine de minutes après.

-Tu es un dieu au lit mister heartbroken ! Déclara-t-elle essoufflée.

Je souris et dépose un bisou sur son front avant de me lever du lit à la recherche de mes vêtements.

-Tu veux déjà partir ? Me questionna-t-elle apparemment déçue.

-Oui ma belle, je dois rentrer.

-Tu es marié c’est ça ?

-Non.

-J’ai adoré ce qu’on vient de faire et aimerais bien qu’on remette ça.

-Sans façon.

-Tu es froid d’un coup ! S’énerva-t-elle.

-Et toi tu sembles vouloir te déroger aux règles de départ. Répondis-je agacé.

Je ferme les derniers boutons de ma chemise et vais dans la salle de bain me laver le visage et les mains. Je prendrai une douche dans mon appartement.
Je retrouve Mirage à l’endroit où je l’ai laissé il y a trois minutes. Dès qu’elle me voit, elle se lève du lit et vient se coller à moi.

-Si tu n’es pas marié, pourquoi ne pas passer la nuit ensemble ? Proposa-t-elle en me caressant le visage.

Sans me soustraire de son étreinte, je prends mon portefeuille dans la poche arrière de mon jean et le ramène entre nous deux, faisant reculer Mirage d’un pas. Je sors quelques billets que je dépose sur la table de chevet.

-J’espère que ça suffira, lui lançai-je.

-Non, attends.

-J’en rajoute ?

-Je ne suis pas une pute, j’avais juste envie de m’éclater.

-Je suis un gentleman et je ne peux décemment pas te laisser rentrer le petit matin en taxi à tes frais.

-Puis-je avoir ton numéro ?

-Non Miss, ce qui vient de se passer ne se reproduira plus. La chambre est payée pour la nuit alors dors.

-Je ne te reverrai donc jamais ?

Je lui fais un bisou sur sa joue gauche avant de sortir de la chambre sous son regard hébété. En refermant la porte, je l’entends me crier son prénom sans y prêter attention. Je préfère qu’elle demeure un mirage comme son surnom et comme toutes les autres que j’ai fréquenté ces derniers mois.

Je ne suis pas une pute, oui c’est ça ! Quelques coups de reins lui ont fait perdre la tête, me dis-je en rigolant. Je rejoins ma voiture et la démarre sans tarder.

Je franchis la porte de mon appartement moins d’une heure plus tard, il doit être deux heures du matin, heure de Bruxelles. Je prends une longue douche chaude avant de me glisser sous les draps, le réveil réglé sur huit-heures.

Je me réveille tout seul à sept-heures du matin et prends le temps de savourer un bon café devant la télévision avant de boucler mes valises. J’ai un vol à prendre à onze heures pour Lomé.

Ça fait deux ans que je vis en mode nomade, allant d’un pays à un autre pour avoir un semblant d’impression d’être loin d’elle, comme si la distance avait déjà empêché un cœur de battre !

Je n’allais à Lomé que pour les contrôles de mes entreprises, une semaine ou deux et je m’envolais après, me rendant dans la direction où la boussole dans ma tête m’emmenait. C’était ma façon à moi de penser mes blessures, sauf que les cicatrices sont toujours là. Je n’ai plus jamais cherché à la revoir ou à prendre de ses nouvelles après être parti sans dire au revoir mais je sais qu’elle va bien, mon cœur me le dit.

Cette fois je rentre pour un très long moment. Les parents se plaignent et j’en ai marre aussi. Malgré le stress qu’ils me feront subir, maman en particulier, me harcelant pour le mariage et les enfants, je préfère de loin être proche d’eux et profiter de la chance de les avoir encore tous les deux.

A neuf-heures, je suis prêt avec mes valises sur le palier. Je n’attends plus que Nicolas mon cousin, un retardataire reconnu devant l’éternel. Je prends mon téléphone et compose son numéro une énième fois. Il décroche à la première sonnerie.

-Je suis à deux minutes de ton immeuble man ! Lança-t-il avant de raccrocher sans attendre ma réponse.

Je secoue la tête, dépassé par le fait que malgré toutes ses années passées dans le pays des blancs, Nicolas n’ait pas pu corriger cette sale habitude qu’il a d’être en retard.

Je ferme tout et descends l’attendre au bas de l’immeuble avec mes deux valises. Ses deux minutes se transforment en vingt-minutes. Il ne prend pas la peine de s’excuser et je ne lui en tiens pas rigueur, c’est de ma faute, j’aurais dû lui dire que mon vol était pour dix heures, sacré Nicolas ! Je lui remets les clés de l’appartement et de la voiture pour les formalités à assouvir et nous montons dans sa 
voiture.

-Tu vas me manquer cousin.

-Tu ne vas pas te mettre à pleurer han !

-Tu es fou !

Nous éclatons de rire. Nous arrivons à l’aéroport à dix-heures trente et j’embarque aussitôt. Au revoir la Belgique, tu ne me reverras pas de si tôt.

Le soleil se couchait à peine quand l’avion atterrit sur le sol togolais, la terre de mes aïeux. C’est toujours bon de rentrer chez soi. Avant de sortir de l‘avion, je prends le numéro d’une fille qui n’a fait que me séduire durant le voyage au point de me suivre dans les toilettes en feignant une coïncidence.

-Tu m’appelles ? Me demanda-t-elle d’une douce voix.

-Promis Miss.

-Super, dit-elle avant de s’éloigner en balançant son derrière de manière provocante. Je souris en secouant la tête.

Pour un coup d‘un soir, pourquoi pas ? Me dis-je en haussant les épaules.

Les contrôles passés, je récupère mes deux valises et m’avance vers la sortie le cœur en joie, pensant au plat de sauce d’adémè accompagnée de pâte de maïs fermenté que maman doit m’avoir assurément préparé.

A quelques mètres de la porte de sortie, mon cœur rate un battement en l’apercevant de l’autre côté de la porte en vitre. Elle est encore plus belle qu’il y a deux ans avec son ventre arrondi de femme enceinte. Je me mets à sourire bêtement avant de froncer les sourcils ensuite. Je ne lui en veux pas non, le cœur ne choisit pas qui il doit aimer et je suis bien placé pour le comprendre. Je suis fou d’elle et elle est folle d’un autre.

La revoir me trouble et la douleur d’être le seul à l’aimer remonte en fusée. Pourquoi diable a-t-il fallu que je tombe sur elle aujourd’hui ? J’attends dix minutes sans la quitter du regard jusqu’à ce que la silhouette d’Arthur se dessine à côté d’elle. Ils échangent un baiser rapide et s’éloignent bras dessus, bras dessous. J’attends cinq autres minutes avant de sortir du hall, espérant qu’elle soit partie. Le chauffeur des parents m’attendaient sur l’esplanade.

-Soyez le bienvenu parmi nous monsieur.

-Merci Kader.

Il prend une de mes valises et je garde le second. Nous marchons jusqu’au parking et Kader range les valises dans le coffre. Je me retourne avec l’intention de monter en moiture quand je tombe nez à nez avec elle qui s’apprêtait à monter dans la voiture tout juste à côté de la nôtre. Elle est aussi belle que ce coucher de soleil au dessus de nos têtes. La grossesse lui va si bien et la robe qu’elle porte encore plus.

-Noah ! Murmura-t-elle en me fixant.
Elle laisse la portière ouverte et contourne pour me rejoindre.

-Salut. Me contentai-je de dire en agitant ma main comme un enfant.

-Oh Noah, comme tu m’as manqué ! S’écria-t-elle en un ton plein de reproches.

Elle se jette dans mes bras, me touchant avec son gros ventre. Je garde mes bras allongés, conscient que si je resserrais l’étreinte, je risquerais de l’embrasser devant son mari qui arrivait vers nous. Deux ans se sont écroulés et je me rends compte 
que mes sentiments s’étaient endormis, pas morts.

-Bonsoir Noah. Dit Arthur d’un air timide.

-Salut, Répondis-je.

Julie se décolle de moi et se place aux côtés de son mari avec qui j’échange une poignée de mains. Ce dernier serre Julie tout contre lui de son bras gauche et je ressens un pincement de jalousie malgré moi. Les voir ensemble, si heureux et attendant un heureux évènement me déconcerte. On se dit qu’on l’accepte mais face à l’épreuve, le ressenti nous dit combien nous avons tord.

-Noah, j’ai toujours voulu te remercier pour tout ce que tu as fait pour Julie mais jamais tu ne m’en as donné l’occasion. Comme le hasard fait bien les choses, je te croise aujourd’hui alors merci mec, grand merci du fond du cœur.

-Prends soin d’elle comme tu le fais si bien. Lui dis-je en hâtant le pas quand Julie me retient.
Arthur me fait un signe d’au revoir de la main et ouvre la portière de sa voiture je suppose, en s’y engouffrant.

-Donne-moi ton numéro, s’il te plait. Me dit Julie, pourquoi es-tu parti sans dire au revoir, sans jamais chercher à me joindre ? Je t’ai laissé des tonnes de messages tu sais, ton numéro ne passait même plus. J’ai eu mal Noah, après tout ce que tu as fait pour moi, je…

-Arrête, il ne vaut mieux pas Julie… Tu ne me dois rien.

-Je te dois ma vie Noah. Pourquoi me fuis-tu autant ?

-Tu le sais bien.

-Le temps s’est écroulé Noah.

-Et mon cœur bat toujours autant pour toi, je préfère 
t’éviter Julie.

-D’accord, répond-elle d’une voix triste.

-Ton mari t’attend.

Elle s’avance et me prend encore dans ses bras. Cette fois je resserre l’étreinte quelques secondes avant de monter dans ma voiture et d’ordonner au chauffeur de démarrer aussitôt.

Tout le long du trajet, son image ne me quitte pas et je manque de pleurer, mon cœur saigne.
Les parents ont préparé un vrai festin pour moi mais je n’avais déjà plus envie de rien. Je m’efforce d’apprécier le repas pour faire plaisir à maman. Je leur remets une valise contenant pour la plupart les cadeaux de maman. Pour papa je n’ai pris qu’un coffret Boss. Je reste avec eux durant deux heures au moins et rentre chez moi malgré les insistances de maman afin que je reste dormir chez eux. Je n’ai pas envie qu’elle me réveille à cinq heures du matin pour me demander une énième fois, pourquoi je suis encore célibataire. Je l’ai toujours rassuré sur le fait que je n’étais ni impuissant, ni passé de l’autre côté (rire) mais apparemment, parfois, elle semble douter de ma parole. Je la comprends, à son âge elle aimerait gâter ses petits enfants. Il y a deux ans, j’étais presque prêt à me marier avec Sarah qui for heureusement m’a montré son côté noir avant le grand saut. Je le dois à Julie. Le simple fait de prononcer son prénom accélère les battements de mon cœur. J’ai l’impression qu’on me l’a infusé, peut-être devrais-je me faire faire un lavement de sang.

Mon appartement est bien froid, limite glacial comme l’hiver que je viens de quitter. Je n’y passe qu’une heure, le temps de déballer quelques affaires, prendre une douche et ressortir.
Une fois au ‘’Privilège Bar’’, je commande un martini blanc et le sirote, l’esprit ailleurs. Une silhouette se dessine devant moi quelques instants après et c’est celle d’une fille que je ne connais ni d’Adam, ni d’Eve. Elle n’est pas mal, drapée dans une robe blanche très courte.

-Tu es seul ? Me demanda-t-elle.

-Tu vois quelqu’un d’autre que moi à cette table ?

Elle prend place en face de moi et pose une jambe sur l’autre, me gratifiant ainsi d’une vue parfaite sur ses cuisses jusqu’à la naissance de ses fesses.

-Beau spectacle ! M’exclamai-je.

-Ça te plait ?

Je me contente de sourire. J’appelle le serveur afin qu’elle passe commande et nous nous mettons à discuter de tout et de rien en sirotant nos verres. Vers minuit, il était clair que nous allions passer une heure supplémentaire ensemble.

Je prends une chambre à l’hôtel ‘’Palm Beach’’ tout juste à côté du ‘’Privilège Bar’’ et vide ma frustration entre les cuisses de cette belle inconnue que j’ai pris le temps d’explorer sous toutes les coutures, ne lui en déplaise.

L’image de Julie ne me quitte pas tout le long de mon excursion entre les jambes de Carolle ( c’est le prénom qu’elle m’a donné) au point où je n’ai pas pu atteindre le plaisir. Je ne cesse de la revoir avec son gros ventre, son sourire et surtout sa voix me disant ‘’Noah, tu m’as manqué’’ tourne en boucle dans ma tête.

Je quitte la chambre alors que Carolle est endormie et rentre chez moi, non sans lui avoir laissé un petit quelque chose sur la petite table de chevet. Peut-être, n’était-ce pas une si bonne idée de rentrer! De plus, cette manière de vivre ne me ressemble pas… Je me dépouille de mes vêtements et prends une douche. Face au miroir de ma salle de bain, je me pose des questions sans y trouver des réponses.
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Alexa KEAS

A la conquête du cœu...