Chapitre 10

Write by Verdo


Je suis rentré tard ce soir-là, l'esprit encore embrouillé par tout ce que j'avais appris depuis mon retour. Chaque coin de la maison semblait chargé de souvenirs, mais aussi d'un lourd silence qui pesait sur mes épaules. En entrant dans notre chambre, un détail attira immédiatement mon attention : un sac de sport posé négligemment sur le fauteuil, un sac que je n'avais jamais vu auparavant.


Curieux, je m'approchai pour l'examiner. À l'intérieur, je trouvai des affaires masculines : une serviette de bain, des chaussettes, un t-shirt… Tout cela appartenait clairement à un autre homme. Mon cœur s'emballa. Je tentai de trouver une explication logique, mais rien ne faisait sens. Qui pouvait bien être cet homme ? Pourquoi ses affaires étaient-elles ici ?


Tout en essayant de garder mon calme, je fis le tour de la maison. Dans le salon, près du canapé, je remarquai un téléphone portable posé sur la table basse. Ce n’était pas le mien, ni celui de Sena. Je le pris en main et appuyai sur le bouton pour voir s’il était allumé. À ma grande surprise, il n’était pas verrouillé. Une série de messages apparaissait sur l’écran, des échanges entre Sena et un numéro enregistré sous le nom de « Pastor James ».


Mon cœur s’emballa encore davantage. Je lisais ces mots comme si chaque lettre était une flèche qui transperçait mon âme :


<< Pastor James : Tu me manques déjà. Cette nuit était incroyable.>>


<< Sena : Arrête, tu sais que je me sens coupable. Thierry ne doit jamais savoir.>>


Je déposai le téléphone comme s’il m’avait brûlé les doigts. Le souffle court, je sentais la colère monter en moi. Je fouillai un peu plus, cherchant à comprendre ce qui se passait réellement sous mon toit.


Dans la salle de bain, un parfum étranger flottait dans l’air. Ce n’était pas celui de Sena, ni même le mien. Je tombai sur une brosse à dents neuve et des produits de toilette qui ne m’appartenaient pas. Tout semblait pointer vers une vérité que je refusais encore d’accepter.


Mais le coup de grâce vint lorsque je regardai sous le lit, espérant ne rien trouver. C’était là que je découvris une chemise d’homme, soigneusement pliée, mais étrangement familière. Elle appartenait à Kossi. Ce jeune homme que j’avais chassé de chez moi parce que je soupçonnais une trop grande proximité entre lui et Sena.


Je m’effondrai sur le lit, les mains tremblantes. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Pourquoi Sena avait-elle choisi de me trahir de cette manière ? Je me sentais humilié, trahi, mais surtout dévasté.


Cette nuit-là, je ne pus fermer l’œil. Mon esprit était en proie à une tempête de pensées contradictoires. Devais-je affronter Sena immédiatement ou attendre le bon moment ? Mes émotions oscillaient entre la colère et une tristesse infinie.


Le lendemain matin, je me réveillai avec une résolution ferme : il était temps d’obtenir des réponses. J’attendis que Sena finisse de préparer le petit-déjeuner avant de l’inviter à s’asseoir dans le salon.


« Sena, il faut qu’on parle », dis-je, la voix calme mais ferme.


Elle me regarda, visiblement irritée. « Encore quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas maintenant, Thierry ? »


Je pris une profonde inspiration. « Explique-moi une chose, Sena. À qui appartiennent ces affaires dans notre maison ? Ce sac de sport, ce téléphone… Pourquoi y a-t-il des vêtements de Kossi sous notre lit ? »


Son visage se ferma instantanément. Elle croisa les bras et me lança un regard de défi. « Et alors ? Depuis quand tu fouilles dans mes affaires, Thierry ? »


« Ne détourne pas la conversation, Sena. Je veux savoir ce qui se passe ici quand je ne suis pas là. Pourquoi ce "Pastor James" t’envoie des messages comme si vous étiez… proches ? »


Elle haussa les épaules, l’air nonchalant. « C’est toi qui m’as poussée à ça, Thierry. Tu es toujours absent, toujours préoccupé par ton travail ou par des aventures ailleurs. Tu crois que c’est facile pour moi de gérer tout ça seule ? »


Sa réponse me laissa sans voix. Je m’attendais à des excuses, à des justifications peut-être maladroites, mais pas à cette indifférence brutale.


« Tu es sérieuse, Sena ? Tu es en train de me dire que c’est de ma faute si tu as… si tu m’as trompé ? Avec un pasteur, en plus ? Et Kossi, alors ? Que faisait-il encore ici ? »


Elle éclata de rire, un rire amer et moqueur. « Kossi ? Tu veux vraiment parler de Kossi ? C’est un ami, Thierry. Un ami qui, lui, est présent quand j’ai besoin de soutien, pas comme toi. »


Je serrai les poings pour contrôler ma colère. « Alors c’est ça, ton excuse ? Tu te sers de ma mission de six mois pour justifier tes actes ? Sena, je suis ton mari ! Tu me devais au moins un peu de respect. »


Elle se leva brusquement. « Du respect ? Thierry, ne parle pas de respect quand toi-même, tu as été tout sauf un mari présent. Tu crois que je ne sais pas ce que tu fais quand tu es à Tabligbo ou ailleurs ? Combien de Cynthia y a-t-il dans ta vie ? »


Cette remarque me cloua sur place. Elle avait visé juste, et elle le savait. Mais je n’étais pas prêt à laisser mes propres erreurs détourner la conversation.


« Tu as peut-être raison sur certaines choses, Sena. Mais cela ne justifie pas ce que tu as fait. Et ce baptême, alors ? Pourquoi tu m’as exclu du baptême de mon propre fils ? Pourquoi as-tu vendu la boutique sans même m’en parler ? »


Elle haussa de nouveau les épaules. « Parce que tu n’étais pas là, Thierry. Tu as préféré partir, comme toujours. Alors j’ai pris mes propres décisions. Et pour le baptême… tu n’étais pas nécessaire. »


Ces derniers mots furent comme un coup de poignard dans mon cœur. Je réalisai à cet instant que le fossé entre nous était devenu insurmontable. Sena n’avait plus aucun respect pour moi, ni même pour notre mariage.


Le silence qui s’ensuivit fut lourd et oppressant. Je n’avais plus rien à dire, et elle semblait satisfaite d’avoir eu le dernier mot. Je me levai lentement, le cœur en miettes.


« Très bien, Sena. Si c’est comme ça que tu vois les choses, je n’ai plus rien à faire ici. Mais sache une chose : je ne te pardonnerai jamais ce que tu as fait, ni à toi, ni à ces hommes que tu as laissés entrer dans notre maison. »


Elle ne répondit pas. Elle se contenta de me regarder partir, avec ce même mélange d’indifférence et de défiance qui m’avait détruit peu à peu.


Je quittai la maison ce jour-là avec un poids énorme sur les épaules, mais aussi une certitude : il était temps pour moi de tourner la page, de reconstruire ma vie, loin de Sena et de tout ce qu’elle représentait.


********************************************************


Après l’échange éprouvant avec Sena, je me sentais vidé, comme un navire à la dérive. Incapable de rester une minute de plus dans cette maison pleine de souvenirs et de désillusions, je pris la décision de retourner à Tabligbo. Là-bas, je savais que Cynthia serait là pour moi, prête à m’accueillir et à m’apporter le réconfort dont j’avais cruellement besoin.


Quand j’arrivai chez elle, elle m’ouvrit la porte avec un sourire chaleureux, mais son regard trahissait son inquiétude. Elle n’avait pas besoin de poser de questions ; elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Sans un mot, elle m’attira dans ses bras, et je laissai tomber toutes mes barrières.


« Thierry, tu n’as pas à porter tout ça tout seul », murmura-t-elle en caressant doucement mes cheveux.


Je ne répondis pas. Je me contentai de fermer les yeux et de savourer ce moment de paix, aussi fragile soit-il. Cette nuit-là, elle resta à mes côtés, m’écoutant parler de mes frustrations, de ma colère et de ma tristesse. Elle était comme un baume sur mes blessures, un phare dans l’obscurité qui m’enveloppait.



Les jours qui suivirent furent un tourbillon d’émotions contradictoires. Entre mes allers-retours à Tabligbo et mon travail, je tentais de retrouver un semblant d’équilibre. Puis, une nouvelle inattendue vint illuminer ma semaine. Lors d’une réunion avec la direction, on m’annonça que je venais d’être promu chef de service.


« Thierry, ta rigueur et ton dévouement n’ont pas échappé à la direction. Nous sommes convaincus que tu es la personne idéale pour ce poste », déclara mon supérieur avec un sourire satisfait.


Je ne pus m’empêcher de ressentir une pointe de fierté. Cette reconnaissance venait à point nommé. Peut-être que tout n’était pas perdu après tout. Peut-être que je pouvais encore me reconstruire, pas à pas.


J’annonçai la nouvelle à Cynthia, qui explosa de joie. Elle me serra dans ses bras et me dit : « Je savais que tu réussirais, Thierry. C’est une nouvelle étape pour toi. »


Je souris. Ses mots résonnaient comme une promesse d’un avenir meilleur.


Quelques jours plus tard, alors que je feuilletais des documents au bureau, mon téléphone vibra. C’était Sébastien. Cela faisait un moment qu’on ne s’était pas parlé, et j’étais curieux de savoir ce qu’il avait à me dire.


« Allô, Sébastien ? » lançai-je en décrochant.


« Thierry, il faut que je te parle », répondit-il d’une voix nerveuse.


Je me levai de mon siège et m'éloignai un peu pour plus de discrétion. « Qu’est-ce qui se passe ? »


« C’est Akpedze… et ma compagne en Italie. »


Je restai silencieux, lui laissant le temps de continuer.


« Thierry, ma compagne blanche est enceinte », avoua-t-il finalement.


Je sentis une vague de stupeur m’envahir. « Et tu comptes le dire à Akpedze ? »


« C’est bien ça, le problème », répondit-il. « Je ne sais pas comment m’y prendre. Elle m’aime, Thierry. Et je sais que ça va la briser. »


Je pris une profonde inspiration. Sébastien avait toujours été un homme compliqué, mais je savais qu’il n’était pas mauvais au fond. « Écoute, Sébastien. Tu as fait ton choix en entamant cette relation. Tu dois maintenant assumer les conséquences. Sois honnête avec Akpedze, même si c’est difficile. Elle mérite au moins la vérité. »


Il soupira longuement. « Tu as raison. Je vais réfléchir à la meilleure manière de lui annoncer. Merci, frère. »


Nous raccrochâmes, et je ne pus m’empêcher de penser à la complexité de nos vies. Sébastien et moi, chacun à sa manière, étions empêtrés dans des situations où l’amour semblait plus un fardeau qu’une bénédiction.


Une semaine plus tard, je décidai de rentrer à Lomé pour prendre un peu de recul et remettre de l’ordre dans ma vie. Mais à mon arrivée, je fus accueilli par une maison vide.


Toutes les affaires de Sena avaient disparu. Les chambres étaient dépouillées, les placards vides. Mes enfants, Trinidad et le nouveau-né, n’étaient nulle part. Un silence oppressant régnait dans la maison, un silence qui résonnait comme un cri d’abandon.


Je composai immédiatement le numéro de Sena, mais elle ne répondit pas. Je l’appelai encore et encore, mais chaque tentative fut vaine. Paniqué, je décidai de me rendre chez Yawavi, sa sœur.


Quand j’arrivai, je trouvai Sena assise dans le salon, entourée de Yawavi et de leur mère. Trinidad jouait dans un coin, tandis que le nouveau-né dormait paisiblement dans un berceau.


« Sena ! » m’écriai-je en entrant. « Pourquoi es-tu partie comme ça ? Pourquoi as-tu emmené les enfants sans rien me dire ? »


Elle me regarda froidement, sans aucune émotion apparente. « Thierry, je t’ai tout laissé. La maison, la boutique… Mais les enfants, c’est moi qui les garde. Tu n’as rien à leur offrir en tant que père. »


Je fus abasourdi par sa réponse. « Rien à leur offrir ? Je suis leur père, Sena ! Tu n’as pas le droit de m’exclure de leur vie. »


Elle se leva calmement et s’approcha de moi sous les regards curieux de sa sœur et sa mère. Sans un mot, elle prit Trinidad par la main, me tendit le nouveau-né et déclara d’une voix glaciale : « Si tu tiens tant à eux, alors garde-les. Moi, j’en ai assez. »


Je restai figé, tenant mon fils dans mes bras, incapable de répondre. Yawavi et leur mère me jetèrent des regards accusateurs, mais je n’y prêtai pas attention.


« Sena, tu ne peux pas faire ça », murmurai-je, la voix brisée.


Elle ne répondit pas. Elle se contenta de se retourner et de disparaître dans une autre pièce, me laissant seul avec mes enfants et un vide immense dans mon cœur.


Cette nuit-là, je compris que ma vie ne serait plus jamais la même. J’étais désormais seul, avec mes deux enfants à charge, et un avenir incertain à reconstruire.



Après le départ abrupt de Sena, je me retrouvai seul avec mes deux enfants en bas âge. Ne se sentant pas capable de s'occuper d'eux dans mon état émotionnel, je pris la décision de les confier à ma mère à Aného.


Le trajet jusqu'à Aného fut empreint de silence et de lourdeur. Les souvenirs de mon enfance dans cette ville se mêlaient à la douleur présente. Ma mère m’accueillit avec une tendresse mêlée d'inquiétude, consciente du fardeau que je portais.


« Maman, je... je ne peux pas m'occuper d'eux en ce moment. J'ai besoin de temps pour comprendre ce qui se passe », avouai-je, la voix tremblante.


Ma mère hocha la tête, serrant doucement ma main. « Ne t'inquiète pas, mon fils. Je veillerai sur eux. Prends le temps qu'il te faut pour te retrouver. »


Après avoir embrassé tendrement mes enfants, je repris la route vers Tabligbo, le cœur lourd mais déterminé à trouver des réponses.


De retour à Tabligbo, je m'enfermai dans une routine monotone, tentant d'oublier mes tourments. Un soir, alors que je m’apprêtais à se plonger dans des dossiers pour occuper mon esprit, on frappa à ma porte.


J'ouvris. C'était monsieur Gervais. Il tenait une bouteille de vin sous la main, arborant un sourire chaleureux.


« Thierry, je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie ce soir », dit Gervais en entrant sans attendre une réponse.


Nous s'assîmes, et après avoir servi deux verres, Gervais aborda le sujet délicat.


« J'ai entendu ce qui s'est passé avec Sena. Je suis désolé, mon ami. »


Je baissai les yeux, jouant nerveusement avec mon verre. « Je ne sais plus quoi penser, monsieur Gervais. Tout s'est effondré si rapidement. »


Gervais posa sa main réconfortante sur mon épaule. « La vie est pleine d'épreuves, mais souviens-toi que tu n'es pas seul. Nous sommes là pour toi. »


Cette soirée-là, nous partageâmes anecdotes et souvenirs, m’offrant à un moment de répit dans sa tourmente.


Les jours suivants, je me rapprochai davantage de Cynthia. Elle était devenue mon pilier, ma confidente, celle qui comprenait mes silences et apaisait mes angoisses.


Un après-midi, alors qu'on se promenait pas loin du fleuve mono, Cynthia s'arrêta soudainement et prit ma main.


« Thierry, je sais que tu traverses une période difficile, mais sache que je suis là pour toi, quoi qu'il arrive. »


Je la regardai, ému par sa sincérité. 


« Merci, Cynthia. Ta présence m'est précieuse. »


Notre relation, autrefois légère et insouciante, prenait désormais une profondeur inattendue, cimentée par les épreuves et le soutien mutuel.


Ainsi, malgré les tumultes de ma vie personnelle, je trouvai en Cynthia une lueur d'espoir, une promesse d'un avenir peut-être plus serein.



À suivre…


Écrit par Koffi Olivier HONSOU. 


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