Chapitre 11

Write by Auby88

Eliad MONTEIRO


Pampaneira, Espagne.


Mon épouse est là, près de moi. Mon épouse ! Eh bien, oui ! Camila et moi venons juste de nous dire "OUI". Elle ne voulait rien de grandiose. Et moi, encore moins. Nous nous sommes donc mariés à huis clos à la mairie et dans l'Eglise locale. Avec juste deux autochtones comme témoins.


Pampaneira, le site où nous sommes, est un village blanc, classé parmi les plus beaux villages d'Espagne. Je ne me lasse pas d'admirer ce beau relief montagneux. Le qualificatif "blanc" fait référence aux maisons peintes en chaux blanche. C'est aussi ici à Pampaneira qu'on trouve tous genres de céramique, de très beaux tapis et d'autres objets typiques de la région.


A peine arrivés avant-hier, nous avons débuté notre visite touristique par la légendaire fontaine de San Antonio, située près de l’Eglise. On raconte que l'eau de la fontaine est miraculeuse. Il paraît que les âmes solitaires trouvent leur moitié en buvant de cette eau.

Mythe ou réalité ? Vrai ou faux ? Je ne saurais le dire. Ce qui est certain, c'est que les alentours de la fontaine ne finissent pas de s'emplir de monde. Quoi qu'il en soit, moi j'ai déjà trouvé ma femme, ma complice, mon amante, ma confidente, mon âme-soeur, ma moitié, ma beauté, ma fleur, mon tout… ma Camila !



- ¡Me encanta Pampaneira! Gracias por la sorpresa, Eliad. (J'adore Pampaneira ! Merci pour la surprise, Eliad.)

- Tu n'as pas à me remercier, mon amour. Tu as toujours eu une affection particulière pour la nature ainsi que les choses simples. Et te rendre heureuse est ma vocation première !

- Hummm ! fait-elle en levant un sourcil.

- Eh oui, affirmé-je en souriant grandement. Mais je dois avouer que mon choix s'est d'abord porté sur une cité balnéaire avec de belles plages privées. Nous aurions passé notre nuit de noces sur l'une d'entre elles. A la belle étoile, nus sur le sable avec le doux son des vagues pour nous bercer et ...

- Et nous aurions chopé mycoses dans nos parties intimes "con la arena abrasiva" (avec le sable abrasif) de la plage ! ¡Estamos mejor aquí! (Nous sommes mieux ici !)


Nos éclats de rire emplissent la pièce, éclairée par une lumière légèrement bleutée...


* *

 *

- Arrête, Eliad ! Je vais finir par faire pipi.

- Ça ne me gêne pas ! dis-je en insérant à nouveau mes doigts sous ses côtes.


Camila se tord encore et encore. Je finis par mettre une pause à son "supplice". (Rire). C'est fou comme elle a la peau très sensible ! Elle supporte difficilement les chatouilles. Et les caresses sur ses membres inférieurs, encore moins. D'ailleurs, je viens de promener mes doigts en zone interdite.


- Eliad ! crie-t-elle en enlevant mes doigts, tandis que moi je m'exclaffe.

- Sacrée Camila ! Tu vois, t'aurais dû me laisser t'entraîner à supporter mes caresses plutôt que de me faire subir une diète forcée et totale pendant un an !

- Ce n'était qu'un an ! précise-t-elle en levant son doigt.

- Qu'un an, tu dis ? Camila ! Je te rappelle que je suis resté au "Garage" pendant douze longs mois, soit près de 8760 heures.

- Hahaha !

- Et quand j'y repense encore, je me demande comment j'ai pu rester "sobre" tout ce temps !

- C'est simple. T'aurais pas pu trouver "una mujer" (une femme) plus précieuse que moi ! Avoue-le.

- Eh bien … OUI, je l'admets.

- J'aurais dû refuser ta demande en mariage et te faire attendre "tres años más" (trois années de plus) !

- Tu m'aurais achevé ainsi ! clamé-je en me laissant tomber lourdement sur le lit.

- ¡Hahaha, que gracioso! (Hahaha, que c'est drôle ! )


J'adore voir Camila sourire ou rire. Car quand elle est heureuse, tout mon être s'illumine. C'est fou combien une personne peut vous faire sentir unique, vous faire sentir meilleur !


Mes yeux, sur Camila, restent fixés.

- ¿Por qué me miras así, Eliad? (Pourquoi me regardes-tu ainsi, Eliad ?)

- Porque te amo. ¡Te amo tanto, Camila! (Parce que je t'aime, je t'aime tant, Camila !)

- Yo también, te quiero mucho ! (Moi aussi, je t'aime tant !)

- Voy a ser tu primer … ( Je vais être ton premier …)


Ma phrase reste sans suite, interrompue par Camila.

- No sólo el primero, pero también el único. (Non seulement le premier, mais aussi le seul).


Je passe mes doigts dans sa chevelure.

- ¡Amor mío! (Mon amour !)

- Eliad, promets-moi que tu n'aimeras que moi et moi seule !

- Je n'ai pas à te le promettre, Camila. Mon cœur, mon corps et mon âme n'appartiennent qu'à TOI ! Oui, à toi seule et à aucune autre femme. Et ce sera toujours ainsi !

Sa douce paume vient effleurer ma joue. Sur son front, je dépose un bisou protecteur. Puis, je m'empare de ses lèvres tout en zigzaguant mes doigts sur ses cuisses.

- Eliad ! crie-t-elle.

Je pouffe de rire.

- Si seulement, tu pouvais te voir !

- ¡Es más fuerte que yo! (C'est plus fort que moi !). J'ai l'impression qu'un reptile me passe dessus !

- Tu finiras par t'habituer à mes mains habiles. Il faut juste que tu te détendes et que tu me laisses faire. Ok ? demandé-je en plongeant mes yeux dans les siens.

Elle hoche la tête et rabat ses paupières. Je descends au niveau de ses cuisses et y applique mes lèvres. Je manque de peu un coup de pied au visage, mais je ne m'arrête pas...



- ¡Me quedé tranquila, Eliad! (Je suis restée calme, Eliad !) s'exclame-t-elle toute joyeuse.

- Presque calme ! rectifié-je. Tu as bien failli m'amocher le visage !

- Excuse-moi, mon cœur. Allez, ramène-toi ici !

Elle m'indique ses lèvres. Sans me faire prier, je reviens vers elles et les embrasse avec passion, comme moi seul je sais le faire. Ensuite, je deviens plus entreprenant en ôtant la nuisette et le carré de tissu qui couvre l'intimité de ma femme.


Vers elle, elle essaye de tirer la couverture pour cacher sa nudité, mais je l'en empêche.

- Ça me fait tout bizarre d'être "desnuda frente a ti" (toute nue devant toi).

- T'inquiète, tout à l'heure, nous le serons tous deux ! dis-je en contemplant ses seins fermes offerts à ma vue.

- Ça non plus ne me rassure pas.

Je pouffe de rire.

- Eliad ! Je suis sérieuse ! Je …

Mes lèvres viennent de se refermer autour de l'un de ses seins. Je l'entends respirer profondément. De l'autre sein, je m'occupe alors avec plus de "fougue". De petits gémissements, à mon oreille, parviennent.

- Tu aimes ?

- Oui, murmure-t-elle en souriant...



- ¡Yo tengo miedo, Eliad! (J'ai peur, Eliad !) m'avoue-t-elle tandis que je me fais plus proche de son intimité.

- Tu n'as pas à avoir peur, Camila ! réponds-je tout en la caressant. Je serai doux avec toi.

- Promis ?

- Oui, promis !

Je la vois me sourire grandement. Je la sens moins crispée et …


* *

 *

Le bruit de l'horloge sur mon téléphone me ramène au présent.

Pas de nounou en vue. Je n'attendrai pas davantage cette femme-là qui n'a aucun sens de la ponctualité ! Cela fait une demi-heure que je l'attends !

Je sais qu'ici le retard est considéré comme la norme, que des évènements prévus pour une heure donnée commencent réellement au moins une heure après. Mais, je n'y adhère pas. Comme le dit ce comédien ivoirien, Decothey je crois : "L'heure, c'est l'heure. Après l'heure, c'est l'horreur !"


Je remets mes verres optiques sur mes yeux, vide ma tasse de café, puis prends ma veste et mon sac. Enormément contrarié, je suis. Tandis que j'ouvre la porte qui donne sur la cour, je tombe sur elle.



********


Nadia P. AKLE


- C'est vous Nadine ou Nadège ? me demande l'homme en face de moi.

- Nadia ! rectifié-je.

- Nadia, Nadine, Nadège... c'est du pareil au même pour moi ! Si vous tenez à conserver cet emploi, tâchez d'être toujours ponctuelle. Je trouve inadmissible que vous vous ameniez avec une demi-heure de retard, votre premier jour de travail ! Vous êtes …

- Mais …

- Je n'aime surtout pas qu'on me contredise ou qu'on m'interrompe quand je parle ! Me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui, monsieur.

- Très bien, elle est en haut.


J'écarquille grandement les yeux.

- Elle …

- Vous êtes censée savoir ce pourquoi​ vous êtes ici ! Bon sang, c'est ça votre professionnalisme ?

- Je …

- Si vous avez besoin de quelque chose, adressez-vous aux autres employés de la maison ! Ils savent tous que la nouvelle nounou vient aujourd'hui.


Près de moi il passe, me bousculant au passage. Il continue son chemin sans s'excuser...



Je n'aperçois plus l'homme. Quant à moi, je suis encore toute chamboulée. J'essaye encore et encore de comprendre ce qui vient de se passer. Je m'efforce encore et encore de comprendre pourquoi il me parlait de retard, pourquoi il me parlait de premier jour de travail, pourquoi il...


Tout ça est trop ambigu. Tout ça est trop bizarre. Tout ça est trop suspect. Je devrais m'en aller... Finalement, non. Je pousse donc la lourde porte devant moi et me retrouve dans ce que je qualifierais de vestibule. Dans un coin de cette énorme pièce, je remarque un grand canapé et un guéridon dont je m'approche en scrutant tout autour de moi. Une pile de revues d'architecture repose sur le guéridon.

Je continue de regarder autour de moi. Les murs sont vides. Des marches semblent mener vers un sous-sol et d'autres vers le haut.


- Elle est en haut ! m'a dit l'homme.

Une nounou, ça garde un enfant. Alors il doit sûrement faire allusion à sa fille.


Pourtant, j'hésite à prendre l'escalier qui mène à l'étage supérieur. Rien ne m'inspire confiance ici.

- Il y a quelqu'un ? répèté-je encore et encore.

Aucune réponse, hormis l'écho de ma propre voix qui revient frapper contre mon oreille, tel un boomerang.


* *

 *


Un quart d'heure que je suis en bas. Et même pas une ombre humaine en vue. Ce lieu est bien sinistre. On n'y sent pas la vie. J'ose quand même m'aventurer en haut. Ma première impression est peut-être fausse.


Les marches me mènent à un premier palier. J'entends des voix. Ça doit provenir d'une télé. D'une télénovela pour être plus précise.

Le couloir dans lequel je progresse est un peu sombre, mais j'entrevois une salle éclairée au bout. A pas lents, je me rapproche. C'est une cuisine, chic et très moderne.


- Non, j'adore trop cette série !

- Heureusement que le boss n'est pas là, sinon… Mais dis, toi qui es ici depuis, l'as-tu une fois vu rire ou simplement sourire ?

- Oui, mais cela remonte à bien longtemps !

- Hum ! Et …

- Laisse-moi finir de regarder mon feuilleton préféré.

- Ok. Je …


 Je cogne contre la porte entrouverte, interrompant la discussion entre les deux femmes. Toutes deux sursautent, avec l'une qui s'empresse d'éteindre la télévision.

- Bonjour à vous !

Vers moi, leurs regards convergent.

- C'est toi la nouvelle nounou ? questionne la plus âgée.

- Oui, agréé-je faiblement.

- Allez, ne fais pas la timide. Entre​ !

Je m'exécute.

- Moi, je suis Jeanne la gouvernante et elle, c'est Sarah la cuisinière.

- Enchantée ! acquiescé-je en serrant leurs mains tendues.

- Tu nous as bien fait peur, toi ! commente Sarah en rallumant la télé.  

- Ce n'était pas mon intention. En fait, je suis perdue, tellement la maison est grande !

- C'est toujours le cas à chaque fois qu'un nouvel employé s'amène ici. Je me rappelle que pour mon premier jour de travail, j'ai failli me retrouver dans la chambre du patron.


Je me contente de sourire.

- Vous pouvez m'indiquer … ?

- La "Diablesse" est à l'étage supérieur.

- Sarah, ne parle pas ainsi d'elle ! Ce n'est qu'une gamine !

- Bah, si tu le dis.

- Juste en haut, c'est ça ?

- Oui, réplique la gouvernante. Mais il n'y a pas que sa chambre là-haut. Je t'y emmènerai tout à l'heure pour que tu ne fasses pas la même erreur que Sarah.

- Merci.

- Mais avant, viens t'asseoir près de moi. Il faudra que tu boostes ton énergie avant d'affronter la "Diablesse" !

- Sarah ! s'exclame l'autre.

- Assois-toi, ma chère ! reprend Sarah en me tirant par le bras, que je te serve un verre de jus d'orange et tu pourras aussi goûter à mes délicieux gâteaux.

- Ne le prenez pas mal, mais je n'ai pas faim. Je préfère aller …

- Bah comme tu veux, fait-elle en lâchant brusquement mon bras.

- Ne fais pas attention à elle ! Viens, je t'y conduis.

- Merci, dis-je​ en suivant la gouvernante.


Nous revenons au début du couloir, puis prenons les marches qui mènent au deuxième palier. J'y remarque également deux couloirs qui se rejoignent au niveau de l'escalier. Nous prenons celui à gauche. Je distingue deux portes dont l'une est à demi ouverte.


Contre la porte, la gouvernante appuie une main et se retrouve aussitôt aspergée de peinture.

- Cette petite est une peste ! vocifère-t-elle. Je te laisse. Débrouille-toi avec elle !

- Merci !

Elle hoche juste la tête et quitte les lieux en rouspétant. Je n'ai pas envie de subir le même sort. Alors, je prends mes précautions. Tout doucement, je me rapproche de la porte. Je parviens à entrer à l'intérieur, en esquivant deux jets de peinture. Malheureusement pour moi, un troisième m'atteint en plein visage. Je vois tout flou alors j'utilise ma main pour tenter de nettoyer mon visage. Mais comme cela ne suffit pas, je me baisse et utilise un pan de ma robe.


Quand je me redresse, j'ai face à moi une créature d'un peu plus d'un mètre qui pointe vers moi un pistolet jouet.


- T'es qui toi ?

- Baisse ça d'abord et je te répondrai.

- Personne ne me donne d'ordre !


C'est encore petit et ça se comporte si mal ! C'est quoi ça ?


- D'accord, je suis ta ... nouvelle nounou.

En parlant, je protège mon visage.

- Va-t'en. Je n'ai besoin de personne. Je sais me débrouiller toute seule !

- Je n'en doute pas, répliqué-je en regardant tout le bazar autour d'elle. Mais ton père ne pense pas comme toi. C'est pour cela que je suis ici.


Elle hurle :

- Va-t'en ou sinon je t'asperge encore de peinture.


J'enlève mes mains de mon visage.

- Alors fais-le autant que tu veux. Je ne m'en irai pas.

Un sourire ironique se dessine au coin de ses lèvres.

- Ah vraiment !

- Oui, je…

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Je reçois de la peinture sur ma robe, puis mon visage. La petite ne s'arrête pas. Malgré ma faible vue et les jets qui me tombent dessus en pagaille, je parviens à atteindre sa position. Là, je fonce sur elle et réussis à la maîtriser.

- Lâche-moi !

- Non, petite. Tu as assez joué à mes dépens. Ça suffit pour aujourd'hui !


De ses mains, je récupère le pistolet. Elle tente de me mordre mais j'esquive.

- Ça ne se fait pas, petite ! Tu n'es pas une chienne pour vouloir mordre ainsi !

- Rends-moi cela ! crie-t-elle encore et encore dans mes oreilles.

- Non ! A présent, calme-toi ! ordonné-je sur un ton formel.


Elle continue à gigoter autour de moi.

- Calme-toi ! reprends-je en la fixant droit dans les yeux. Je ne suis pas ton ennemie !

Cela semble l'attendrir. La diablesse à la crinière frisée va s'asseoir sur son lit en forme de maison.

Ouf, me dis-je intérieurement. Ce n'était pas si dur au final de dompter cette lioncelle enragée ! (Sourire)


- Il y a une salle de bain ici ?

En guise de réponse, elle pointe son doigt vers une petite porte encastrée dans l'un des coins de la chambre.

- Merci. Je vais tenter de m'arranger un peu. A mon retour, nous allons tenter de nettoyer ce bazar ! C'est compris ?

- Oui, fait-elle en gardant ses bras croisés.

Elle me sourit. Elle semble sincère. Je pénètre à l'intérieur de la salle de bain.  Elle est bien grande. Très grande pour contenir une cabine de douche, un lavabo avec miroir au dessus, une armoire, un bidet et une baignoire.

Tout ça pour une chambre de fillette ! On dirait qu'ici, on roule sur de l'or dêêê !


Je m'approche du lavabo, ouvre le robinet, entreprends de laver les mains quand j'entends un bruit de clé dans la porte.

- Elle n'oserait quand même pas …

Je me précipite vers la porte et appuie le poignet !

- Nom d'un chien ! Elle a osé ! Elle a fermé la porte à clé !

- Ouvre-moi, petite espiègle ! gueulé-je à répétition.

- Non !

J'entends ses éclats de rire moqueurs.

Je cogne dru contre la porte. Sans succès.

- Ouvre-moi ! hurlé-je en vain.


Elle ne réagit pas. J'entends des voix provenant d'un dessin animé. Le volume est mis au maximum.

Dans quoi me suis-je fourrée ? Dans quel pétrin me suis-je mise ?

Mon téléphone est resté dans mon sac. Et mon sac est dans la chambre. Que faire ?


Je cogne encore​ et encore contre la porte. Toujours sans succès. Sur la cuvette rabattue, je vais m'asseoir pour réfléchir à ce que je vais faire. Je regarde vers le haut et remarque un conduit d'aération. Je ne suis quand même pas James Bond ou quelque super-héroïne de film d'action pour oser m'aventurer dans un conduit pareil ! Comment une petite fille peut-elle être autant machiavélique ? Comment ?


Trente minutes sont passées et toujours rien. Je suis encore bloquée dans cette pièce climatisée, qui bizarrement devient de plus en plus froide. Trop froide d'ailleurs. C'est comme si quelqu'un l'activait de l'extérieur.

Ce n'est pas vrai ! Ce doit encore être l'oeuvre de cette "Diablesse". Je tape fortement mes pieds sur le sol, en espérant que Sarah ou la gouvernante entendent...


Toujours rien… Je commence à geler des pieds et des mains. Je les frotte du mieux que je peux. Je me lève et frappe à nouveau la porte. Le volume de la télé est toujours haut.


Depuis combien de temps suis-je ici ? Je n'en ai aucune idée. Je n'ai jamais bien supporté l'air climatisé et celui-ci dépasse la limite maximale, je crois.

On se croirait dans une "chambre froide".


Mon cerveau commence à tourner au ralenti. Je grelotte énormément dans la robe sans manche que j'ai mise. J'éternue à n'en plus finir. Mes dents commencent à grincer. Je me lève et tente de déambuler dans la pièce. Mais mes pieds chancellent. Je peine à rester debout, alors je me rassois. Avec l'espoir que quelqu'un viendra à ma rescousse…


* *

 *


La clim vient de s'éteindre... Une clé tourne dans la porte... Je suis encore en vie…  Heureusement.  C'est la gouvernante. Je veux me lever, mais n'y arrive pas.

- Oh, mon Dieu ! Tu dois vite prendre une douche chaude !


Une douche chaude ! Mes neurones étaient tellement "gelées" que j'avais oublié qu'il devait avoir de l'eau chaude dans une douche aussi moderne.


La gouvernante m'aide à me dévêtir et à entrer dans la cabine de douche.


- Tu as eu beaucoup de chance, Nadia. Nous n'avons rien entendu en bas. Heureusement que monsieur, fatigué du vacarme qu'il y avait ici, m'a demandé de passer vous voir. Pense à le remercier quand tu en auras l'occasion. Car sans lui, tu aurais eu quelque chose de plus grave.


Je fais juste oui avec la tête.


- C'est le robinet à ta droite pour l'eau chaude, reprend-t-elle. Si tu as besoin de moi, fais-moi signe. Je suis là.

- Merci.

- Allez, dépêche-toi ! Tu fais pitié à voir.



* *

 *

Je suis dans la cuisine avec Sarah et la gouvernante. La petite est seule en haut. Elle n'a même pas daigné s'excuser auprès de moi. A contrario, elle m'a regardé droit dans les yeux avec un sourire malicieux aux coins de ses lèvres. Cette fille porte bien son surnom "Diablesse".


Gorgée après gorgée, j'ingurgite le thé chaud que m'a servi Sarah et j'engouffre ses gâteaux à une vitesse indescriptible.

Par moments, ses yeux se posent sur moi et ses lèvres s'étirent largement.

- Ma pauvre ! finit-elle par dire.  La diablesse ne t'a pas ratée dê ! Vois comment t'es faible ! Tu manges les gâteaux, on dirait une rescapée de guerre qui n'a rien mangé depuis des lustres. Si au moins, tu m'avais écoutée... Je parie qu'après un pareil accueil, tu ne tiendras pas jusqu'à demain. D'ailleurs, la dernière nounou n'a fait que 24h ici !


Je la regarde sans dire mot.


- Sarah ! Laisse-la tranquille. Je te rappelle que c'est ta bouche qui te mènera à ta perte !

Sarah rit à gorge déployée.

- Ne fais pas attention à Sarah ! Au fait, comment t'appelles-tu ?

- Nadia !

- Eh bien, Nadia, je reconnais que la petite n'est pas facile à vivre. Moi même, il m'arrive de facilement m'emporter devant elle. Mais elle n'est pas foncièrement mauvaise. C'est juste qu'elle a un père jamais présent pour elle et une mère morte trop tôt.


Mon cœur se serre. J'ai de la peine pour cette petite. C'est sincère.


- Sa mère doit beaucoup lui manquer.

- Tu n'imagines pas à quel point !

Je lève des yeux tristes vers la gouvernante, tandis qu'elle ajoute :

- La petite n'a même pas eu le temps de la connaître car sa pauvre mère perdait la vie au moment où elle voyait le jour.


La tasse, de mes mains, tombe et se brise sur le sol.

- Tout va bien, Nadia ?

- Oui, je m'excuse ! dis-je en me penchant vers le sol pour ramasser les débris.

- Laisse, ma jolie ! intervient Sarah. Ce n'est rien. Je m'en occupe.

- Merci ! murmuré-je encore attristée.


Le téléphone accroché sur l'un des murs sonne. La gouvernante s'empresse de décrocher.

Je l'entends juste dire "Oui, monsieur" avant de raccrocher.


- Nadia ! Monsieur souhaite te parler. Suis-moi.

J'aquiesce et sors de la cuisine à sa suite...


- Monsieur est là dans le salon souterrain, m'indique t-elle avant de s'éclipser.


Un salon souterrain ! C'est bien la première fois que j'entends un truc pareil. Je pousse la porte devant moi et me retrouve devant des marches qui me mènent en bas. Mes yeux observent le luxueux environnement dans lequel je me trouve. Je reste surtout fascinée par la grande bibliothèque murale et la multitude de livres qui s'y trouvent. Je pourrais y passer des heures à me noyer dans les bouquins, si cela m'était permis.


L'homme est là, assis dans le canapé avec la télé allumée.

- Bonsoir monsieur !

Il éteint l'écran.

- Je tiens à vous dire que pour une première journée de travail, vous m'avez vraiment déçu. Non seulement, vous êtes venue en retard, mais en plus, vous vous êtes sottement faite avoir par une gamine de sept ans ! On m'a dit que vous avez une bonne expérience en tant que nonou. Mais là, j'en doute vraiment !


Là, je vois un peu plus clair. Je ne suis pas la nounou qu'il attendait ce matin.


- Monsieur, je tiens à m'excuser pour…

- Vos excuses ne m'intéressent pas. Répondez juste sincèrement à cette question : Est-ce que vous comptez toujours rester ou pas ?


Vers lui, je lève les yeux.

- Je reste !

- Vous en êtes bien sûre ?

- Oui, monsieur ! réponds-je avec plus d'assurance dans la voix.

- Bien ! Mais si vous changez d'avis, faites-le moi savoir à temps. Vous pouvez disposer.

- Bien, monsieur ! Au fait, je tenais à vous remercier pour …

- Vous pouvez disposer ! repète-t-il sèchement avant de remettre la télévision en marche.


Je quitte alors la pièce, avec encore plein d'interrogations en tête.









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