CHAPITRE 11
Write by EdnaYamba
Chapitre 11 :
René
NGODET
-
Au revoir Monsieur, et à Lundi ! me dit
Magalie, elle m’effleure le bras.
Je la regarde s’en aller avec ses amies, on ne lui
donnerait pas ses 15 ans en la voyant, elle a tout ce qu’il faut bien en place
là où il faut, en plus d’être très jolie. On lui donnerait 18 ans surtout que
rien dans son attitude ne laisse présager que c’est une adolescente…une
adolescente, il serait bien que je m’en souvienne au risque d’avoir des
problèmes.
Les autres élèves à qui je donne aussi les cours de
soutien en vue des examens de fin d’année pour l’entrée en 6e aussi,
viennent prendre congé. Je range mon sac et Rémi mon collègue et ami vient me
trouver.
Nous sommes de la même promotion de l’E.N.I et nous avons
été affectés dans le même établissement primaire de la ville. Afin de redorer
le niveau de cette école qui ne figure pas parmi les meilleures de la capitale,
il faut avouer qu’avec les problèmes liés à l’éducation ces derniers temps dans
notre pays, le niveau est plutôt moyen en général. Moyen c’est un euphémisme.
Nous avons décidé avec d’autres enseignants de l’école de faire en plus des cours
de la semaine, des cours de remise à niveau pour ces petits au prix de 500Fcfa
par semaine. C’est très peu payé, on aurait pu le faire gratuit mais on a pensé
à jouer sur leur psychologie, qu’ils se sentiraient plus impliqués aux cours
parce qu’il y avait un effort financier.
Et depuis qu’on a commencé, il semble avoir quelques
progrès.
Avec le concours blanc en commun que nous avons fait avec
l’école B du même arrondissement, on a eu des résultats meilleurs que les
précédents examens.
Il ne nous reste plus qu’à espérer que les résultats
suivent jusqu’à l’examen national.
Je vais manger chez Rémi aujourd’hui. Sa petite-amie Lydie
est un vrai cordon bleu. Des fois, il m’invite de temps en temps le weekend
chez eux pour manger. Ils vivent dans une de ses demeures des quartiers
populaires en demi dure, avec les tôles parfois déjà rongées par les termites,
c’est vrai qu’avec notre salaire qui n’est toujours pas sorti, c’est difficile.
Depuis 3 ans que nous sommes sortis, nous sommes toujours au stade de pré salaire
et vivre à Libreville avec le pré salaire, c’est plutôt compliqué. En plus
quand on a des enfants à la charge. Rémi a connu Lydie, elle était déjà mère
mais ça ne l’a pas empêché de se lancer avec elle. Très peu d’hommes
s’occuperaient des enfants de leur compagne comme il le fait, surtout qu’on ne
parle pas d’un mais de trois enfants qui
l’appellent tous papa.
-
Ça fait trop longtemps que tu es célibataire
René, tu te décides à attraper une bonne petite quand ?
C’est la question qui revient à chaque fois, si je
rencontre un membre de ma famille, un ami, une connaissance après les
salutations d’usage, c’est alors René
toujours pas marié ?
Eh
ben toujours pas.
Aucune fille ne fait battre mon cœur, aucune ne fait
naitre en moi de fortes émotions à part bien sûr cette petite, je chasse vite
cette idée de ma tête. Si j’ose, je sais que je finirais en prison, j’imagine
le regard de la société sur moi. Et pourtant dans le temps à 15 ans, une fille
était apte à aller au foyer.
-
Je veux te présenter quelqu’un, me dit Rémi.
-
Qui est-ce ?
Il n’a pas encore répondu que la porte s’ouvre sur une
jeune fille, elle ne doit pas avoir plus de 20 ans. Malgré sa coiffure dérangée,
on sent bien qu’elle est assez jolie, elle le serait encore plus si elle
prenait un peu plus soin d’elle. Je la détaille de haut en bas. Elle serait
vraiment plus belle, si elle était un peu plus modernisée et ne ressemblait pas
à cette image de villageoise qu’elle renvoie.
Elle salue Rémy qui lui indique que Lydie est dans la
cuisine où elle se dirige.
-
Ne me dis pas que c’est elle que tu veux me
présenter ? dis-je connaissant déjà la réponse.
-
Oh je te jure que c’est une fille bien cette
petite, elle te conviendrait parfaitement !
La bonne blague. Je ne peux m’empêcher de rire. Ai-je
l’air si désespéré que ça pour qu’on me jette dans les bras d’une fille tout
droit sortie du fin fond de son village.
-
Jamais cette fille, me parait sale… je ne
peux pas !
-
Chut, baisse d’un ton elle pourrait
t’entendre ! me dit Rémi
Ce qui semble être trop tard quand je l’aperçois debout,
le visage fermé en face de moi. Malaise.
Rémi essaie de lancer une blague pour détendre
l’atmosphère mais sa remarque passe mal et la jeune fille qui me regarde droit
dans les yeux. Je n’ai jamais vu des yeux aussi magnifiques au passage même
s’ils sont noirs à cet instant.
-
La saligote vous dit vous serez le dernier
homme sur terre qu’elle ne voudrait pas de vous ! vous n’êtes même pas une
option !
Elle est sortie de la maison. Lydie m’a jeté un regard
noir avant de courir derrière elle.
-
A cause de toi, on risque de ne pas manger
aujourd’hui ! sourit Rémi.
Isabelle
MOUKAMA
Lydie qui court derrière moi, réussit à me rattraper.
Quand elle me retourne vers elle, elle voit mes larmes.
-
Arrête-moi ça Isabelle ! me
gronde-t-elle presque
-
Tu ne l’as pas entendu ?
-
J’ai entendu et je sais que ça peut être
blessant mais entre nous deux, regarde toi !
Alors que je ne le fais pas, elle insiste.
-
Regarde-toi ! regarde un peu dans quel
état tu es, une jeune fille, tu ne prends pas soin de toi, qu’est-ce que tu
veux qu’il pense ?
-
Mais je ne lui ai pas demandé de penser
quelque chose, je ne le connais même pas ! on maintenant moi que tu
connais, je te dis j’en ai assez de te voir comme tu es à présent ! ta
tête il faut que tu l’entretiennes, tes vêtements regarde-toi-même…
Je me regarde et je me rends effectivement compte de l’image
que je renvoie, mon pagne déchiré et mes vielles tresses sur la tête.
-
Tu vois ? me dit Lydie, quel homme
s’intéresserait à toi ?
-
Mais je ne cherche pas un homme je te l’ai
dit !
-
Tu as le choix Isabelle, soit tu restes
malheureuse toute ta vie ce qui sera bien dommage soit tu te reprends en main
Je ne dis rien et elle soupire d‘exaspération.
-
Ça va peut-être long mais j’y arriverais avec
toi ! dit-elle comme si elle se
parlait à elle-même. Tu viens manger avec nous ?
-
Non ! lui dis-je, je vais rentrer, j’ai
laissé Grace seule !
-
Ok, je suis désolée pour ce que René a dit,
vraiment, mais pense à ce que je viens de te dire aussi. Bisous !
Je rentre à la maison. Je vais dans la chambre que je
partage avec mes nièces et mon enfant, je me regarde au miroir une fois de plus
en pensant aux paroles de Lydie. C’est difficile à accepter mais elle a raison.
Je ne me reconnais pas ! C’est vrai que je ne ressemble à rien.
Je prends le
peigne et je décide de défaire mes tresses et de laver mes cheveux. Je n’ai
peut-être pas de shampoing mais le savon suffira.
Demain avec un peu d’argent j’irais à la gare routière,
chercher quelques habits.
Quand Lundi j’arrive chez
Mme Gisèle, les enfants accourent aussitôt vers moi et me prennent Grace
des mains.
-
Tata Isabelle, me dit la plus petite, tu es
belle aujourd’hui. je te préfère comme ça.
Ça me fait sourire. Je vais regarder au miroir. Je n’ai
pas fait grand-chose, j’ai juste changé mes vêtements et peigner mes cheveux.
J’ai troqué mon vieux pagne pour une jupe et un tee-shirt que j’ai payé hier au
marché. Je ne pensais pas que les petits aussi s’en rendraient compte de ma
négligence.
Mme Gisèle entre dans la cuisine, je vois à son regard
qu’elle s’étonne. Elle me dévisage de la tête aux pieds.
-
Au moins j’aurais moins de mal à manger ta
nourriture maintenant ! me lance-t-elle. Je pensais même chercher une
autre fille pour te remplacer, mais vu que ton accoutrement à changer, je crois
qu’on peut continuer ensemble.
Elle prend ce qu’elle avait prendre et elle sort de la
cuisine sans se soucier qu’elle vient de me déstabiliser en m’apprenant que je
devais être virée d’ici peu.
Merci Lydie de m’avoir ouvert les yeux.
Je ne sais pas comment j’aurais fait si elle m’avait
virée, j’ai besoin de cet argent pour m’organiser pour mon futur commerce.
J’ai bien réfléchi avec Lydie, pour que l’on s’associe
pour ouvrir un petit restaurant à cuisine africaine, je connais bien préparé
les plats de chez nous et elle, s’y connait aussi en cuisine. Ça pourrait
marcher, en ces temps de crise m’a-t-elle dit, une seule chose reste
rentable : la nourriture. Les gens mangent toujours. On va voir ce que ça
va donner.
J’ai hâte d’être indépendante financièrement et pourquoi
pas quitter le domicile de mon frère, j’ai déjà l’impression d’être de trop
dans leur intimité. Et puis la dernière fois quand Grace a appelé mon frère
papa, les petits ont crié :
-
Non ce n’est pas tonton, c’est papa !
répète Tonton
Elle a essayé comme elle a pu. Je suis allée la chercher
pour l’emmener à la chambre.
-
Tu n’as pas de papa Grace , il faudra que tu
t’y fasses !
Elle m’a regardée de ses petits yeux et m’a dit :
-
Ma’man…
Je me suis mise à pleurer et je l’ai serrée dans mes bras
pour la première fois avec beaucoup d’amour. Un simple petit mot qui a suffi à
me faire rendre compte que j’étais sa mère et que c’était à moi de lui donner
l’amour qui lui manquait.
***
-
Tata Isabelle, on te demande à la porte !
me crie mon neveu.
Je lui dépose Grace, qui court vers ses frères comme ce
qu’elle fait souvent depuis qu’elle a appris à marcher et vais à la porte.
-
Qu’est-ce que vous faites là ? dis-je
les sourcils froncés.
Il se tait, me relookant de la tête au pied. Son air
surpris se lit sur son visage, il s’attendait surement à revoir la saligote.
-
Euh, euh je venais m’excuser. C’est Lydie qui
m’a montré chez vous !
-
Maintenant vous pouvez partir ! lui
dis-je agressive !