Chapitre 10

Write by EdnaYamba

Isabelle MOUKAMA

Je regarde Grace qui grandit chaque jour et ressemble de plus en plus à son père, elle n’a rien pris de moi, aucun trait, la seule chose que l’on s’accorde à dire c’est qu’elle a mes doigts. Franchement comme si ça me faisait quelque chose. Ça m’énerve qu’elle prenne le visage de ce moins que rien.

C’est peut-être la raison pour laquelle malgré les mois qui passent, je ne ressens toujours rien pour elle. On me force presqu’à la soulever, et quand personne n’est là, elle peut rester allongée là et pleurer, je la regarde tout simplement un bon moment avant de me décider à la prendre avec moi.

Parfois je me dis il faut que tu fasses des efforts Isabelle !

Mais je n’y arrive pas !

Je me sens amère, morose.

Je déteste la vie.

-         Isabelle mais l’enfant pleure tu n’écoutes pas ?

Ah !

Je me lève pour aller la prendre et lui donner le sein.

-         On ne te voit pas créer des liens avec ton enfant, me reproche Lydie, ma voisine, je ne sais pas si tu tiens cet enfant pour responsable mais crois-moi ce n’est pas bien !

Je donne le sein à la petite qui s’en empare goulument. Je la regarde, elle me fixe tout en tétant. Elle s’arrête de téter et me regarde, et à ce moment, je me sens minable, c’est vrai, je laisse éclater ma frustration sur cet enfant. Je ne sais pas si j’arriverais. Je ne sais pas !

-         C’est ton enfant Isabelle ! tu n’es pas la première fille mère célibataire et certainement pas la dernière. D’ailleurs autour de toi , il y a pleins d’exemples…r

On peut avouer qu’elle a raison, quand je suis arrivée vivre chez mon frère et sa famille, j’ai remarqué beaucoup de jeunes filles de mon âge , déjà mères ou en grossesse. Un phénomène bien présent dans les quartiers dits populaire de la capitale selon l’article sur les grossesses précoces du quotidien Union que j’ai lu hier. S’ils ont mentionné la pauvreté comme principale cause, ils n’ont pas manqué d’évoquer la naïveté des filles comme moi qui croyons à l’amour et dont des garçons malins profitent de l’innocence.

-         Regarde –moi, poursuis Lydie, 3 enfants ….

Lydie, ma voisine la plus proche et mon ainée de 3 ans, a à sa charge 3 enfants de différents pères dont les pères irresponsables, vadrouillent dans la nature selon ses propres dires. Quand je suis arrivée dans le quartier, je ne parlais à personne excepté ma belle-sœur , l’expérience de la vie m’avait appris à me méfier des gens. Mais Lydie, est une jeune fille qui a su gagner mon amitié petit à petit, elle ne manquait pas de me saluer, de prendre de mes nouvelles, même quand je m’enfermais dans mon mutisme.

C’est quand un jour , elle m’a dit :

«  Je connais ce regard de tristesse, je suis passée par là »

Qu’est née notre amitié.

Elle m’a racontée , son enfance difficile avec ses parents, à 17 ans elle s’est accrochée au premier garçon qu’elle a connu pour fuir cette misère.  Elle s’est retrouvée enceinte et un an plus tard après la naissance de son fils, elle s’est retrouvée célibataire. La responsabilité familiale était trop lourde pour celui qu’elle avait considérée comme son sauveur. C’est donc la tête baissée qu’elle est retournée chez elle.

Mais elle récidivait à nouveau en rencontrant un autre jeune homme qui lui a promis monts et merveilles, cette fois-ci, le jeune homme en la sachant enceinte avait tout simplement pris la poudre d’escampette. Elle ne l’a plus jamais revu. Elle a donc dû se prendre en charge et chercher des petits boulots çà et là.

« Il ne fallait pas que je sombre, j’ai décidé que j’allais tout faire pour m’en sortir et ça va pas trop mal, mes enfants me comblent et j’ai trouvé un homme bien »

Depuis elle se fait la mission de m’aider à ne pas sombrer. Mais je crains que mon cas soit plus compliqué qu’elle ne pense. Elle ne connait pas la malédiction qui pèse sur nous, les filles MOUKAMA nous sommes appelées à souffrir ou à mourir. Je pense à Mireille, j’espère qu’elle s’en sortira mieux que moi.

-          C’est difficile, dis-je alors que mes yeux s’embuent de larmes

-         C’est difficile mais pas impossible, tu peux te relever ! pendant que tu t’attristes l’autre voyou là est je ne sais dans quelle partie de ce pays-là, à vivre sa vie ! toi aussi tu peux te reprendre en main, occupe-toi de ta fille et quand le moment viendra retrouve l’amour. Regarde comment cet enfant est adorable. Tiens au fait, voilà 5000Fcfa que je t’ai gardé pour que tu achètes le lait à l’enfant.

-         Oh non, Lydie tu n’aurais pas dû.

-         Ne refuse pas , sinon je vais me facher !

Je prends les 5000Fcfa reconnaissante.

C’est vraiment difficile la vie en ville, je ne peux pas embêter tout le temps mes frères, ils sont leurs familles à nourrir. Ils peuvent payer parfois, mais des fois aussi ils n’ont rien, ce n’est pas comme s’ils avaient de gros salaires. Déjà parfois pour boucler les fins du mois c’est très compliqué. Ils font du mieux qu’ils peuvent, parfois quand n’y a rien je me contente de nourrir le bébé au sein, si y a pas de couches, je lave ses couches carrées et je les lui porte. C’est vrai que c’est épuisant parce qu’il faut laver à chaque fois et même là, c’est encore une histoire de savon.

-         Merci Lydie ! lui dis-je reconnaissante.

-         Ne me remercie pas, je te vois et ça me rappelle moi. je veux que tu t’en sortes.

Tant de sollicitude me touche que j’en ai les larmes aux yeux. Elle s’approche et me serre dans ses bras telle une grande sœur. Ça me fait du bien !

Je n’ai jamais eu une grande sœur qui pourrait me confier, une sœur à qui me confier, j’étais la grande sœur et je devais m’occuper de mamie et Mireille. Peut- être que si j’avais eu une sœur, elle m’aurait évité de tomber dans ce piège.

-         Allez, allez , me dit-elle, sèche-moi ces larmes ! il faut que tu aies des projets, qu’est-ce que tu veux faire ?

Je réfléchis.

Je sais déjà que je ne pourrais pas reprendre mes études. Je n’aurais pas les moyens de payer la scolarité et m’occuper de la petite en même temps. Mes belles-sœurs ont toutes un petit job, avec qui vais-je laisser Gracie ? ce n’est pas envisageable que je reprenne les cours du moins pas pour l’instant. Si je pouvais me lancer dans un commerce , ce serait bien aussi mais pour ça , il me faut avoir un capital que je n’ai pas et que je ne peux pas demander à mes frères.

-         Je voulais même te parler d’un travail si ça t’intéresse, y a la dame de la grande maison jaune au carrefour là, je ne sais pas si tu vois.

-         La maison avec la grosse barrière là ?

-         Oui, elle cherche une dame qui peut faire le ménage chez elle.  J’ai pensé à toi au cas où ça t’intéresserait.

-         Mais avec l’enfant comment je vais faire ?

-         Je ne pense pas que ça lui poserait de problèmes, elle est désespérée, elle m’a dit elle veut une fille sure. je lui ai un peu parlé de toi, sous réserve de ta réponse bien sûr !

-         C’est ok, Lydie.

C’est ainsi que le lendemain, je vais avec Lydie qui m’introduit chez la dame. Eh y a des gens qui sont riches, pendant que certains se plaignent de la misère, d’autres vivent dans l’opulence.

Mme Gisèle est une quinquagénaire veuve et dont les enfants sont tous installés en France, elle me dit ce qu’elle attend de moi : le nettoyage et la lessive.

Et quand mes petits-fils rentrent de France pour les vacances, ajoute-t-elle, il faut que t’occupes d’eux ! Tu crois que tu peux le faire ?

J’ai besoin d’argent je ne dirais pas non.

Une fois que je donne mon accord, elle me dicte les règles de sa maison.

Je constate que c’est une maniaque de la propreté.

Mes marmites doivent briller, et quand je passe le doigt sur les vitres des fenètres je ne veux pas sentir de poussière, j’en ai horreur.  Tu dois faire attention quand tu fais la lessive, ces vêtements m’ont coutée la peau des fesses, je crains que même avec dix ans de salaire tu ne puisses jamais me rembourser.

Pour terminer, si tu me voles je n’hésiterais pas à te faire emprisonnée. Maman ou pas maman, ça te donnera le temps de penser à l’exemple que tu veux donner à ta fille.

-         Je n’ai jamais volé de ma vie madame ! lui dis-je.

-         On verra bien,  tu viendras quatre fois par semaine, je te donne 40 000F.

40 000F ; ça m’aidera à pouvoir m’occuper du bébé et un peu de moi.

-         Elle est quand même chiche la dame,  40000F c’est peu,  dit Lydie quand nous sortons de chez elle, mais bon pour l’instant tu as besoin de ce boulot !

-         Oui, j’en ai besoin je ne vais pas me plaindre, je crains juste qu’elle ne me complique la tâche, elle ne m’a pas l’air facile du tout !

-         Tu vas t’adapter, les patronnes sont pour la majorité comme ça ! 1ere étape validée maintenant il ne te reste plus qu’à trouver l’amour.

Je préfère ne pas répondre à cette grosse romantique.

C’est le cadet de mes soucis.

 

Mélanie BOMO

Le féticheur sénégalais égrène son chapelet, assis en face de moi, il a demandé à ma copine Fatima de sortir ce qui n’est pas plus mal, je n’avais pas envie de me confier devant elle. Il me fixe, en tournant les boules de son chapelet entre ses doigts et récitant quelques phrases incompréhensibles.

Je me suis décidée à venir après qu’hier dans la nuit, alors qu’il me faisait l’amour, BOUMI  a dit son nom Isabelle. Il ne s’en est pas rendu compte, qu’a fait cette fille pour qu’il ne puisse pas l’oublier ?

S’il ne veut pas, je vais l’y contraindre par tous les moyens.

Il en parle avec dégout mais elle est toujours présente dans son esprit, parfois il reste silencieux, pensif, absent

-         Cet homme-là, n’est pas à toi, me dit le vieil homme aux longs doigts maigres qui ne cesse d’égrener son chapelet.

Je ne suis certainement pas venue ici pour écouter ça. il n’est pas à moi, il n’est pas à elle non plus, à ce que je sache il n’est pas né avec le prénom Isabelle inscrit sur son front. Non !

-         Je suis venue pour trouver une solution ! répliqué –je commençant à m’agacer

-         Ce garçon ne sera jamais totalement à toi, tu dois l’accepter comme ça ou alors laisser tomber.

Laisser quoi ? Je ne laisse rien.

Je ne suis pas habituer à perdre. Tout ce que je veux je l’obtiens c’est comme ça. je l’ai déjà eu, je le gagnerais .

-         L’accepter comme ça, qu’est-ce que vous racontez ! donc je vais devoir supporter ces conneries tout le temps, si vous n’êtes pas forts dites-le au lieu de me raconter des conneries !

-         Il y a des liens qui ne se rompent pas facilement, l’esprit de ce garçon  est à la recherche de ce qui lui manque, quand il le trouvera….

-         Vous pouvez faire en sorte que ça n’arrive pas !?

Il prend un temps de silence.

-         Je vais te donner une potion que tu verseras dans sa nourriture et la nuit à son oreille tu lui souffleras ce que je vais te dire….. ça ne te garantit pas qu’il te demeurera fidèle mais il oubliera cette fille, cependant tu dois tout faire pour empêcher une rencontre entre les deux ! le jour où il la reverra, il la reconnaitra !

Ça ne va pas être bien difficile ça de l’éloigner nous sommes en France et on peut très bien construire notre vie ici, je sais que BOUMI a l’intention de rentrer à la fin de ses études mais j’ai encore le temps pour l’en dissuader !

Quand je rentre le soir chez BOUMI, il est devant la télé suivant la champion’s league avec ses potes, quand le match fini, ils prennent quelques bières avant de se séparer.

-         Bébé, j’ai fait à manger !

 

Isabelle MOUKAMA

Les petits-fils de Mme Gisèle sont arrivés de France avec leurs parents, ça me donne plus de travail qu’au début. Heureusement les enfants sont tellement attachants et gentils quand je dépose Gracie, ils jouent avec elle, ce qui me donne le temps de faire mes taches et surtout bien les faire parce que la vielle est un peu acariâtre parfois.

Je me retrouve en plus de la lessive et du nettoyage dont il était convenu au début à préparer la nourriture, tout ça sans qu’elle n’augmente même mon salaire de dix mille.

Je m’arrange à utiliser vingt mille pour les couches et le lait de Gracie, je garde dix mille pour moi et les autre dix mille aussi petit que ça puisse être je fais une petite tontine avec Lydie et quelques filles du quartier.

Les mois s’enchainent. Le temps passe et panse petit à petit la douleur.

Grace grandit. Elle se lève déjà. La dernière fois elle a prononcé son premier mot, les petits-fils de la patronne ont couru.

-         Tata , tata Gracie a parlé

-         Ah bon qu’est-ce qu’elle a dit ?

-         Papa….

Il a fallu que son premier mot soit celui-là….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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