chapitre 11 au restaurant

Write by leilaji

Chapitre 11

 

Ps : pour comprendre, Elle avec la majuscule au début, c’est le prénom de la meilleure amie de Leila pour celles qui n’ont pas lu la première histoire.

 

****Denis Onbinda*****

 

Ce soir, je suis un peu pressé. J’ai hâte de revoir mes deux compères. J’ai garé ma nouvelle voiture un peu n’importe comment d’ailleurs. Mais je suis Denis Onbinda, je suis sûr que personne ne m’en tiendra rigueur. Si Leila m’écoutait penser ainsi, elle me tirerait les oreilles. Elle dit que ma prétention empêche les gens de m’apprécier à ma juste valeur, de voir quel gentil mec je suis. Moi je ne veux pas être un gentil mec. Je veux juste qu’on me foute la paix et qu’on me laisse vivre ma vie comme je l’entends. Je range mes lunettes de soleil dans ma poche intérieure et remets en place ma cravate Dolce et Gabanna.

 

Je peux enfin entrer dans le restaurant et jouer mon rôle de descendant d’une dynastie de présidents… 

 

Quelques minutes plus tard.

 

Nous sommes déjà à table avec Alexander et Leila au restaurant le Confidentiel que Xander affectionne. L’atmosphère y est feutré et intime et le décor en rouge noir lui plait particulièrement. Personnellement, je trouve le nom gastronomique qu’il colle à ce restaurant un peu surfait. La seule chose qui soit vraiment gastronomique ici ce sont les prix … déraisonnables. Mais bon, parait que je suis cynique alors je préfère me taire. On se retrouve toujours dans des restaurants parce que Leila doit être la seule pôpô (personnes originaires du Togo et du Bénin) incapable de réussir un bon plat. Mais ce sont des choses qu’on ne lui dit pas en face parce que ça la vexe toujours. Alors Alexander et moi nous sommes habitués à manger au restaurant. Pourtant, elle fait des efforts. Elle fait d’énormes efforts même. Mais, quand ce n’est pas ton talent, mieux vaut ne pas forcer.

 

Eloïse n’est toujours pas en vue. C’est dans ses habitudes de se faire désirer. Je suppose qu’elle est rentrée chez elle se changer. Je n’ai jamais vu une femme prendre autant soin de son corps, de son apparence. C’est presque une maladie. Mais elle est belle, ça compense les longues attentes à chaque rendez-vous.

 

Leila regarde la place vide à mes côtés.

 

— Qui est-ce qu’on attend ? demande-t-elle en pliant sa serviette qu’elle pose sur les genoux de son mari.

— Eloïse.

—La fille Valentine ?

—Oui.

 

Xander sourit. Il sait que Leila n’aime pas beaucoup Eloïse et qu’elle préférerait me voir avec sa « sœur » Elle.

Mais avec Elle ça a été compliqué quand elle a divorcé de son mari pour se mettre pleinement avec moi. Je ne lui avais jamais demandé de prendre une telle décision. On a rompu, pour ça et pour autre chose aussi qui est devenu un secret entre nous deux. De toutes les manières, ce sera toujours compliqué pour moi, tant que je ne me serais pas arraché ma princesse du cœur.

 

— Ecoute Denis, … commence Leila.

 

Xander lui coupe la parole et se met à lui parler en hindi. Je sais qu’il lui demande de ne pas se mêler de ma vie. Elle l’embrasse amoureusement et me regarde en souriant avec une expression qui dit : « tu l’as échappé belle ». Ca m’enrage quand il fait ça avec sa femme mais ces deux là, c’est une histoire peu commune qui les a réuni alors je fais avec leur éternelle connivence.

Je me rappelle encore de la colère que j’ai ressentie quand j’ai découvert sa liaison avec Leila, l’auditrice juridique togolaise. Elle était la meilleure de son cabinet, intraitable et rigoureuse. Alexander quant à lui est un dirigeant hors pair avec qui j’ai fait mes classes à Oxford. Et je l’ai placé à la tête de mes entreprises au Gabon. A l’époque, il n’avait rien d’autre que son talent parce qu’il avait été abandonné par sa famille. Il m’a fait gagner beaucoup d’argent. C’est mon frère, même s’il est indien. C’est mon frère et il n’y a rien que je ne ferai pour lui parce qu’on a traversé beaucoup d’épreuves ensemble. Mais quand il est tombé fou amoureux de Leila, j’ai cru que notre amitié et son travail allaient en pâtir. Heureusement les choses se sont bien passées par la suite. Leur amour les a conduit jusqu’en Inde où ils ont dû braver l’hostilité de sa famille à cause de la couleur de peau de Leila.  Mais aujourd’hui, ils sont mariés et heureux, surtout qu’ils sont revenus au pays avec la fortune de sa famille.

 

— Je meurs de faim Denis, est-ce qu’on peut au moins commander ou on attend ta … petite copine.

— Mera dil (mon cœur en hindi) arrête, laisse Denis tranquille, rétorque Alexander en posant sa main sur son épaule.

— Quoi ? Qu’ai-je dit ? fait-elle innocemment, j’ai vraiment faim bébé.

—Denis commande s’il te plait, me dit Alexander toujours prêt à satisfaire les quatre volontés de sa femme.

— Pff, elle te mène par le bout du nez.

— J’aime quand elle me mène par le bout du nez Denis. C’est très agréable. Et tu aimerais aussi si tu te donnais la peine de tomber amoureux.

 

J’ai bien envie de lui répondre que je suis déjà amoureux. Mais je ne le peux pas.

Eloïse apparait dans une belle robe en mousseline rose avec des talons aiguilles fuchsia et un sac assorti. Elle est ravissante mais ça elle le sait déjà. Alexander et moi nous levons pour l’accueillir à notre table. Elle lui tend la main, me fait la bise et salue Leila qui lui répond poliment.

 

Je sens qu’elle est mécontente même si elle sourit de toutes ses dents. Elle pensait qu’on dinerait en tête à tête et ne s’attendait pas à voir Alexander et Leila attablés avec nous. Mais je vais bientôt repartir pour quelques temps au Congo où se trouve une partie de ma famille maternelle et j’avais besoin de voir mon frère et la petite princesse togolaise avant de partir. Et à chacune de nos rencontres comme Leila me demande toujours ce que je compte faire des sentiments que j’ai pour Elle, j’ai décidé de faire venir Eloïse pour couper court. Je n’ai aucune envie d’expliquer à Leila qu’avec sa meilleure amie Elle s’était juste pour le sexe et que j’ai des sentiments pour …  bref, passons.

 

Leila est tellement belle. Elle ne porte rien de clinquant sur elle, n’est pas maquillée mais elle attire tous les regards. Les yeux de Xander ne la quitte pas une seconde.

 

Pendant le dessert.

 

****Leila****

 

— Je suis très heureuse que tu aies augmenté le montant de la bourse que tu octroies à mes protégées de la fondation. Dis-je à Denis pour changer de conversation car je ne supporte pas que les hommes passent la soirée à parler de politique.

— Tout le plaisir est pour moi tu le sais très bien. Je suis heureux de te soutenir dans tes projets.

— Tu as terminé la nurserie ? demande Alexander

— Oui presque, les filles qui ont des enfants non encore scolarisés pourront les laisser à la garderie pendant leurs cours et les récupérer en rentrant chez elles. Ca va les soulager.

 

Denis me regarde avec admiration. Ca me fait sourire. Au début, il me prenait pour une croqueuse de diamants et voulait me donner de l’argent pour quitter son frère et maintenant il ne peut rien me refuser. Je suppose que c’est parce que je rends Alexander heureux. 

 

— Pourquoi tu fais tout ça ? demande-t-il en buvant son café.

— Parce que personne d’autre ne le fait. Et puis Alexander me gâte tellement que je me sens privilégiée. Je n’ai pas oublié l’époque où je n’avais rien et où les gens me disaient que je n’étais pas à la hauteur, dis-je en regardant Eloïse droit dans les yeux.

 

Le message est passé. Elle est assez intelligente pour me comprendre à demi-mots. Elle se racle la gorge et détourne son regard vers Denis entièrement absorbé par notre conversation. C’est à peine s’il la regarde. Mais que fait-il avec elle bon sang ?

 

- La journée de la femme, on fait des conférences-débats, des cocktails, des promesses de création de structures et autres mais concrètement, personne ne fait rien pour la femme gabonaise. Les femmes elles-mêmes sont tellement obnubilées par les hommes et leur désir de mariage qu’elles ne se savent pas venir en aide à leurs congénères dans le besoin. Elles menacent celles qui sont plus faibles qu’elles, au lieu de leur venir en aide. Et moi je veux leur apprendre que ce n’est pas comme cela que ça doit marcher…

 

J’aurai pu continuer ainsi très longtemps si Xander ne m’avait pas arrêté d’une légère pression de la main. A lui, j’ai dit qu’Eloïse avait menacé ma petite Lola alors il sait très bien de quoi je parle.

 

— Continue comme ça, tu finiras ministre de la famille, ironise Denis.

 

On éclate tous de rire parce qu’Elle aussi a l’habitude de me dire la même chose. J’aurais tellement voulu qu’elle soit là avec nous, dans les bras de Denis. Mais comme ce dernier s’est mis en couple avec Eloïse, je ne peux pas agir. Je ne suis pas une briseuse de ménage. Je respecte son choix, même si c’est un très mauvais choix. Je lui propose tout de même de visiter la fondation demain pour voir les améliorations qui ont été portées au projet initial. Peut-être même que ça l’incitera à augmenter le montant des bourses qu’il octroie aux meilleurs étudiantes. Il accepte du bout des lèvres. Je sais qu’il ne veut pas croiser Elle. Mais je le rassure, elle ne sera pas là.

 

— On peut y aller ? demande Eloïse en jetant sa serviette sur la table.

— Tu peux avancer Eloïse j’arrive, dit Denis à sa compagne. 

 

A sa place ça m’aurait vexé ça. Elle se lève dignement et nous salue d’un petit mouvement de la tête avant de disparaitre. Denis sort de la poche intérieure de sa veste une enveloppe et me la donne.

 

— Qu’est-ce que c’est ?

 

Alexander sourit, c’est sûr que Denis l’a mis dans la confidence. Grrr. Ces deux là m’énervent quand ils se mettent ensemble pour me faire une surprise.

 

J’ouvre l’enveloppe.

C’est un décret. Je le parcours rapidement. Mon cœur bat la chamade.

C’est un décret de naturalisation.

Merde alors !

Oh Denis, j’ai envie de pleurer tellement je suis heureuse.

 

Je suis gabonaise de père mais malheureusement pour moi, mon père ne m’a jamais reconnue. Alors pour tout le monde, je suis Leila Larba la togolaise. J’ai épousé un indien par conséquent je n’ai même pas pu acquérir la nationalité par les liens du mariage alors que toute ma vie est ici. Absolument toute ma vie. C’est difficile à gérer au quotidien d’être étrangère dans ton propre pays tout simplement parce que sur un bout de papier appelé acte de naissance, un père n’a pas voulu mettre sa signature.

 

— Comment as-tu fait Denis ? Et toi Xander, tu savais et tu ne m’as rien dit !

— Ecoute c’est grâce à la fondation que tu as mise en place. C’est l’une des meilleures écoles publiques de formation professionnelles de tout le Gabon et tu l’as rendu quasiment gratuite avec une structure ultra moderne. Alors j’ai fait passer ton dossier en tant qu’étrangère ayant rendu un service exceptionnel au Gabon conformément au code de la nationalité. Tu formes la jeunesse. C’est le Gabon de demain qui sort de ta fondation. Et Alexander m’a aidé en me fournissant les bons documents, ton acte de naissance, la demande, les statuts de ta fondation etc.

—Ce n’est pas ma fondation, c’est la fondation Khan. C’est l’argent de Xander qui fait tout ça.

—Oui mais c’est ta volonté qui fait tout marcher, réplique Xander.

—Pas seulement ma volonté. Elle fait aussi un boulot formidable en tant que directrice. Je t’assure, elle gère tous les problèmes du quotidien tandis que moi, je viens juste en cas d’extrême urgence. Je suis accaparée par mon entreprise alors je ne suis pas aussi disponible que je le voudrais.

 

Alexander et moi avons longtemps bataillé pour le nom de la fondation et j’ai fini par gagner. J’estime qu’il ne peut pas injecter autant d’argent dans mon projet sans que je ne le remercie en mettant en avant son nom : d’où la fondation Khan. Quoi que je fasse, il me soutient toujours et je ne remercierai jamais assez Dieu de  l’avoir mis sur mon chemin.

Mais je me rappelle tout de même que quand il a fallu choisir mon nom d’épouse, là il a été plus belliqueux. Je voulais garder mon nom de jeune fille, car dans le milieu des affaires c’est sous ce nom qu’on me connaissait. Mais il n’a pas voulu. Il a même exigé que je porte son nom et rien d’autre. J’ai eu beau proposer : Leila Larba épouse Khan, ce n’est pas passé. J’ai mis mon orgueil de côté et fini par abdiquer. Ce n’est jamais très bon de mettre Alexander en colère. Il a l’air doux comme ça mais moi seule sait le feu qui couvre sous son regard tendre.

 

J’inspire profondément, je suis trop heureuse pour disserter plus en avant sur le sujet.

 

Maintenant tout est réparé.

Grâce à Denis et mon mari.  

J’ai ma double nationalité.

Ma double origine.

Je célèbre mon métissage.

 

Après avoir payé l’addition par chèque, je regarde les deux hommes continuer à parler de l’entreprise OLAM. Je me lève donc et les laisse prendre rapidement un second café avant de me rejoindre sur le parking qui fait face à la mer.

 

Une fois dehors, je tombe sur Eloïse qui attend toujours Denis dans sa voiture. Oops, on l’avait complètement oublié. Ce n’est pas très gentil de notre part. Je dois bien avouer qu’avec Elle, on formait un petit groupe soudé et que j’ai du mal à laisser Denis  faire entrer une autre femme dans notre cercle. Mais bon, ce n’est pas à moi de décider de qui il doit tomber amoureux.

 

Je me rapproche de sa voiture et cogne légèrement sur la vitre. Elle la baisse.

 

— Ca va ? Je suis désolée si j’ai été désagréable tout à l’heure. C’est juste que … Lola c’est ma petite protégée.

— Sydney aussi est ma petite protégée et contrairement à Lola elle ne le vole mon frère à personne.

 

Sur ce point au moins elle a raison.

 

— Mais est-ce pour cela que tu avais le droit de lui dire qu’elle n’était pas à la hauteur de votre famille ?

 

Elle soupire.

 

— Je reconnais que j’ai peut-être exagéré sur ce coup là.

— Ok. Alors reste en dehors de leur histoire et laisse ton frère se démener comme un grand. Et de mon côté, je n’interférerai pas dans ton histoire avec Denis.

 

Elle sourit. Elle sait qu’elle ne gagne rien à me montrer les crocs tant que je suis la chouchoute de son mec.

 

— Marché conclu, dit-elle avec enfin un vrai sourire.

 

Alexander et Denis sortent du restaurant et se font une accolade virile. La soirée est terminée.

Et moi je rentre dans ma belle maison retrouver Karisma accompagnée par le plus bel homme de la terre. Mon indien à moi toute seule.

 

Madame Leila Khan. Je trouve que ça sonne très bien.

 

****Gabriel. ****

 

Lorsque j’arrive au studio, j’entends une voix que je reconnais de suite : c’est celle de Sydney. Je lui avais donné une clef des studios pour qu’elle puisse s’entrainer quand elle en a envie. Elle ne l’avait encore jamais utilisé.

 

Je rejoins d’un pas leste la salle de répétition. Elle s’est retournée et fait face au miroir. Je connais la chanson qu’elle chante. C’est une vieille chanson de Lynsha, groovie à souhait mais la tonalité qu’elle lui donne rend les paroles douloureuses à mon oreille.

 

***

« J'veux que tu m'mentes

j'ai envie d'me sentir unique

donc j'veux que tu m'mentes

j'veux que tu me mentes

mais ça m'enchante

quand de ta bouche viennent des mots qui me rendent plus forte

j'veux que tu me mentes

bébé

 

je ne veux pas faire compétition a toutes les femmes du monde

j'veux pas, ça me complexerais j'connais mes défauts

je sais que t'aimes les belles femmes fais moi croire en mes charmes

compare moi a des déesses, dis moi que j'suis ta princesse

j'essaie un minimum d'être sexy j'essaie de te plaire mon chéri

tu sais les gens m'ont dis que tu draguais d'autres femmes

j'crois pas aux ragots, mais parfois ça me déstabilise

donc parle moi, calme moi, mens moi

 

Refrain:

 

Pendant le refrain, elle a essayé de bouger son corps mais n’arrivait pas à placer sa cadence sur celle de la chanson. Ce que je vois en ce moment c’est comment elle lutte pour se convaincre qu’elle est au même niveau que Lola mais elle n’y arrive pas.

 

« j'veux que tu m'mentes

j'en ai marre de toutes tes réflexions

j'veux qu'tu m'mentes

j'veux que tu me mentes

c'est bête a dire mais sa me hantes

quand de ta bouche sortent des mots qui me font du tort

oh j'préfère qu'tu mentes

baby

 

 

Sa voix se brise à la fin de ce couplet parce qu’elle me parle à moi. Je sais que c’est à moi qu’elle s’adresse quand elle dit que je n’arrête pas de lui répéter qu’elle a changé. Mais c’est tellement vrai, je ne la reconnais plus. Elle est devenue tellement possessive, à toujours vouloir me dicter ma conduite alors que je ne suis pas le genre d’homme qu’on peut contrôler. Jamais encore elle n’avait réussi à chanter aussi justement une chanson, à se l’approprier et à vraiment l’interpréter pour délivrer un message personnel. Sydney ne savait pas le faire. Elle posait juste sa voix grave et  débitait les paroles. C’est la première fois qu’elle s’implique émotionnellement dans une chanson et qu’elle me touche par sa voix.  Nos regards se croisent dans le miroir et je peux enfin voir son visage dévasté par les larmes.  Elle se retourne et continue sa chanson malgré tout.

 

« Le refrain reprend:

 

Je m’avance vers elle pour la rassurer. Mais elle recule et à force se retrouve bloquée contre le miroir mural.  Je me colle à elle et elle essaie de me repousser pour continuer sa chanson.

 

« dis moi que je suis belle

fais moi rêver

ce soir ressent le monde

dis moi qu'suis tout pour toi

tu n'vois plus les autres femme tellement tu m'aimes

aaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhh

 

La chanson est finie et elle pleure. Je baisse les yeux, torturé de la voir si malheureuse avec moi alors qu’elle avait tant espéré de nous.

 

— Mens-moi Gabriel.

— Arrête Syd. Je n’ai pas besoin de te mentir tu le sais. Tu es belle.

— Alors comment peux-tu la laisser me parler ainsi ? Je t’aime si fort c’est vrai. Les filles disent qu’il se passe quelque chose entre toi et elle ; et je ne veux pas prêter l’oreille aux ragots mais rassure moi, mon amour… Rassure moi je t’en prie. Est-ce que tu couches avec elle ?

— Je ne couche pas avec elle.

 

C’est tout ce que je peux lui dire : qu’elle est belle. Je n’arrive plus à lui dire que je l’aime. Elle me regarde longuement, puis m’embrasse. Mais ce ne sont pas ses lèvres que j’ai envie de sentir sur les miennes.

 

— Ok, je te crois.

 

Je n’ai pas menti. Je n’ai pas couché avec Lola.  J’ai bien failli mais ça ne s’est pas passé.

Sydney fait courir ses mains sous ma chemise qu’elle a retirée de mon pantalon. J’ai laissé la veste dans ma voiture.

Seigneur, j’ai du mal à respirer parce que la seule chose que j’ai envie de faire depuis que j’ai tenu Lola dans mes bras, c’est de recommencer. Je ne peux continuer à nous mentir ainsi. A me mentir.

 

Et pourtant, je n’ai jamais été vraiment attiré par les filles de couleur. Rien à avoir avec du racisme ou un complexe puisque je suis moi-même noir. Les gabonaises sont trop… je ne sais pas, comme ma sœur. En attente d’une dot, d’un mariage, de la gestion de tous les problèmes de leur famille par leur mec. Ce ne sont pas des mecs qu’elles veulent, ce sont des « résolveurs automatiques de problèmes ». J’en ai fait l’amère expérience très jeune et depuis lors je me suis toujours arrangé à être avec une occidentale.

 

Comme ça, je vis ma relation sans avoir peur.

 

J’aime l’indépendance des européennes. Vous êtes ensemble et c’est bon. Elles ne vont pas vouloir à tout prix te coller un enfant ou exiger que tu les héberges chez toi. Elles sont indépendantes.

 

Alors, je ne comprends pas pourquoi …  je veux à tout prix Lola.

Peut-être parce qu’elle ne me voit pas comme un portefeuille ambulant alors qu’elle sait très bien à quel point je peux changer sa vie.

Peut-être parce que quand elle pose ses yeux sur moi, elle fait une mimique gourmande comme si je n’étais à ses yeux qu’une belle grosse part de glace au chocolat.

J’ai toujours pris soin de moi depuis mon adolescence. Les signes extérieurs de richesse me collent à la peau, je ne peux pas me faire discret, je n’y arrive pas. Ca me donne souvent l’impression d’être une cible ambulante pour les chercheuses de mari.

Mais j’ai l’impression que Lola ne me voit pas ainsi.

Pourquoi ? Que voit-elle en moi ?

 

Je veux Lola et résoudre l’énigme qu’elle représente encore à mes yeux.

 

Mon téléphone sonne.  Tiens c’est le père de Sydney ! Ca fait longtemps que je ne lui ai pas parlé. Je me demande ce qu’il me veut…

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