chapitre 10: le sang chaud

Write by leilaji

Chapitre 10 (kiff, commente et partage... merci c'est gentil)

 

****Lorelei ****

 

Elle lève la main pour me gifler mais la voix de Gabriel claque derrière nous deux et l’arrête dans son élan. 

 

—Sydney arrête.

—Tu la laisses me manquer de respect devant tout le monde, fulmine-t-elle en baissant sa main.

— Viens ici.

 

Je constate que Valentine a un vrai pouvoir sur elle. Elle fait quasiment tout ce qu’il lui dit. Scalinov se rapproche de moi, comme pour me protéger au cas où ca tourne mal. C’est trop mignon. Mais je n’en ai pas fini avec Sydney.

 

— Ouais c’est ça petit caniche ! Ton maitre te siffle, vas-y ! j’ajoute en ricannant.

 

Un lourd silence s’écrase sur la salle. Personne ne lui avait encore jamais parlé ainsi depuis que je suis là. Tout le monde a peur d’elle. Fille d’un puissant entrepreneur marocain qui a épousé une gabonaise, elle a pour habitude de dicter la loi dans le studio quand Valentine n’est pas là. Elle tremble de rage et a du mal à retenir ses larmes. C’est à peine si je reconnais ses traits déformés par la colère.

 

—Sydney ? demande Valentine en essayant de lui prendre la main.

—Va te faire foutre !

 

Et elle s’en va sous les yeux éberlués de toute l’assistance.

 

Dès qu’elle disparait, ça chuchote et bientôt le brouhaha ambiant empêche toute conversation entre Valentine et moi. Il me regarde avec colère. Et je lui retourne ce même regard. Putain il est beau, en colère. Avec son costume gris anthracite et sa cravate en soie bleu nuit. Il est le summum de l’élégance à mes yeux. Et je ne peux pas l’avoir. Pourquoi déjà ?

 

« Parce qu’il est avec quelqu’un »

« Ah oui, j’avais presque oublié »

 

— Nadine, prends le nom et le numéro de téléphone du groupe qui vient de danser et fais dégager tout le monde.

 

Aie ! Monsieur Chocolat est très énervé là ! Je me détourne de lui pour prendre mes affaires et m’en aller en même temps que les autres quand il m’ordonne de rester où je suis. Il le crie tellement fort que je sursaute. Je reste face à lui tandis que les autres s’agitent tout autour de nous. J’ai l’impression qu’on est seul au monde tellement ses yeux accrochés aux miens me coupent de tout. Je regarde finalement autour de moi, tout le monde a pris peur et a disparu dans les minutes qui ont suivi.

 

— Dans mon bureau, ordonne t-il.

 

Quoi il va me virer parce que j’ai répondu à sa chérie ? Je le suis docilement tout en préparant mentalement une attaque au cas où il faudrait que je me défende. On entre dans son bureau et il ferme la porte derrière nous. Je suis calme. Enfin, je crois que je suis calme. Non je ne suis pas calme du tout. Je pense que nous enfermer dans un bureau n’est pas une bonne idée, surtout après tout ce qu’il se passe entre nous d’innommable.

Il faut que je pense à ce que Madame Khan m’a dit. Je ne veux pas être celle qui a couché pour réussir.

 

Je me retourne. Il s’est adossé à la porte et me regarde.

 

INTENSEMENT.

 

—On ne va pas s’en sortir si vous continuez à me regarder ainsi, dis-je tout doucement.

—Je vous regarde comment ?

—Vous le savez très bien, je continue en baissant les yeux

 

J’ai répondu sans réfléchir. Il s’avance vers moi comme s’il allait m’étrangler. Puis se rendant peut-être compte de l’absurdité de la situation, il s’arrête à quelques millimètres de moi. Ses lèvres sont légèrement entrouvertes. J’ai envie de les mordre. Juste un peu. Une dangereuse chaleur se répand dans mes veines à une vitesse folle. Je cligne des yeux pour m’éclaircir les idées mais je suis comme captivée par son regard posé sur mes lèvres. Son visage se déforme un peu et donne l’impression qu’il souffre.

 

— Arrête-moi, demande-t-il dans un murmure.

 

Sa voix me tire de ma léthargie. Elle est suppliante.

 

—Arrête-moi, Lola, supplie- t-il en promenant son pouce sur ma lèvre inférieure.

 

J’ai du mal à respirer. Il se penche vers moi. Son parfum envahit tout mon être. J’ai largement le temps de reculer ou même de le repousser mais je n’y arrive pas.

 

Il pose ses lèvres sur les miennes en un baiser très hésitant. Cela me donne la force de reculer enfin parce que j’ai l’impression qu’il lutte pour ne pas faire ce qu’il crève d’envie de faire. S’il doit se retenir d’être avec moi c’est qu’il ne le veut pas. Mais apparemment ce bref contact a semblé accroitre son désir et en fin de compte il s’avance vers moi d’un pas plus sûr. En quelques enjambées, je suis bloquée contre le plateau du bureau, à sa merci.

 

—Dis-moi que tu ne le veux pas et je m’arrête.

 

Je suis incapable de lui dire pareil mensonge. J’en suis incapable parce que je n’ai qu’une seule envie.

 

Qu’il recommence.

 

Il se met à déboutonner mon chemisier. Ses doigts tremblent à chaque bouton défait. A la vue de mon soutien blanc immaculé dévoilée par ses mains tremblantes, sa respiration s’accélère. Il se penche vers moi de telle sorte que je suis obligée de m’assoir sur sa table. Il fait valser la chaise loin de nous et s’installe entre mes jambes.

 

Je n’arrive plus à réfléchir. Mes mains sont hors de contrôle et se mettent à déboutonner son pantalon qui glisse à ses pieds. Ses lèvres se posent une nouvelles fois sur les miennes. Ce baiser est bien meilleur que le premier, plus sensuel, plus conquérant. Il me donne immédiatement envie d’aller plus loin. Je le trouve toujours trop habillé à mon gout alors je lui enlève sa cravate, puis déboutonne à mon tour sa chemise blanche pour la faire glisser sur ses épaules. D’un geste souple, il soulève ma jambe droite pour que je l’accroche à ses hanches.

Ca fait tellement longtemps qu’un homme ne m’a pas prise ainsi, fait sentir femme, fait oublier tous mes problèmes. Seigneur ce que c’est bon d’être dans les bars d’un homme. De sentir le désir couler à lave chaude dans les veines.

 

Puis brusquement, comme dans un mauvais rêve, on entend la voix d’Eloïse l’appeler à travers la porte. On se fige tous les deux, complètement déstabilisés par notre propre comportement. En réaction, il pause immédiatement sa paume sur ma bouche pour m’empêcher de faire du bruit.

 

Et ce geste brise toute la magie de l’instant.

CE GESTE EST HUMILIANT.

 

—Je suis occupé. Reviens plus tard, finit-il par dire après s’être éclairci la gorge.

—Bon ok, on se voit à la maison.

—D’accord.

 

Dès que sa sœur s’en va et qu’il retire sa main de ma bouche, je le repousse violemment. Les yeux me brulent. La douleur éclaircit toute brume dans mon esprit. Je remets de l’ordre dans ma tenue avec un sentiment de honte que je ne cherche pas à cacher.

 

— Je rêve où tu viens de me poser ta putain de main sur la bouche ? réussis-je à dire.

 

****Gabriel ****

 

Je regarde ma main comme si elle m’était devenue étrangère. Je ne sais absolument pas ce qui m’a pris. Elle est blessée et cela se comprend tout à fait. Ca se voit à sa manière de se rhabiller sans me regarder. J’ai merdé. Je remets mon pantalon et ma chemise. Mais je laisse la cravate sur la table.

 

— Lola.

— …

— Lola.

— ….

 

Je reste à ma place, indécis. Je sais que je peux réparer mon tort immédiatement en m’excusant mais je ne le fais pas. Elle lève enfin les yeux vers moi et je tente de la prendre dans mes bras une nouvelle fois.

 

—Si tu oses me toucher, je te jure que je crie.

—Lola…

— Alors c’est ça hein ? Je suis bonne à être allongée sur un bureau mais faudrait surtout pas que quiconque sache que tu fricotes avec moi. 

 

Au fur et à mesure que les mots se déversent de sa bouche, la tension monte dans la pièce

 

Est-ce que je peux lui expliquer pourquoi je la tiens à distance alors que je crève littéralement d’envie de la prendre dans mes bras ? Est-ce que ça vaut la peine qu’elle sache que j’ai envie d’être avec elle alors que je ne le peux absolument pas. Je ne pense pas. Ce serait une perte de temps pour nous deux, d’espérer.

 

Je suis riche c’est vrai. Mais mon argent est bloqué en DAT (dépôt à terme), en actions de sociétés florissantes, en biens immobiliers non hypothécables… Mon père a tout fait pour qu’on ne puisse dilapider de son vivant ce qu’il a mis sa vie à bâtir.

Alors, quand j’ai voulu monter mon studio, je n’avais pas de liquidité, aucun fond à placer. Ni mon père ni les banques n’ont été emballés par mon projet de production. Je demandais trop d’argent et je n’apportais pas assez de garanties selon la banque et selon mon père, je n’étais pas assez sérieux pour diriger des hommes.

Il me disait tout le temps, monter une société, ce n’est pas seulement gagner de l’argent. C’est d’abord et avant tout payer des impôts, des employés, des fournisseurs, des charges de loyers et d’électricité avant de penser à garder un bénéfice pour soi.


Mais Sydney avec qui je ne sortais pas encore m’a proposé d’en parler à son père pour voir dans quelle mesure il pouvait m’aider. Lui non plus au départ n’a pas voulu avancer ses pépettes, mais sa fille unique a tellement insisté qu’il a fini par céder. Je n’ai accepté son aide qu’à la seule condition de pouvoir lui rembourser la totalité du capital prêté. Et de fil en aiguille, Sydney et moi sommes devenus très proches puis nous nous sommes mis ensemble.

Je suis assez fier de moi parce qu’en cinq années de vie, j’ai démontré plus de sérieux dans la gestion de l’entreprise que je ne me pensais capable. Je finirais de rembourser le tout au père de Syd dans trois mois.

Dans trois petits mois, je serai un homme libre de toute dette.

 

Je dois tellement à Sydney que je ne peux pas la quitter. Pas après tout ce qu’elle a fait pour moi. Certains jours après nos innombrables disputes je me rends bien compte que je ne suis plus heureux avec elle comme aux premiers jours mais je ne peux pas la quitter alors qu’elle a mis tellement de choses entre parenthèses pour m’aider à réaliser mon rêve à moi. Je serai le plus grand des salops si je la laissais tomber maintenant, à trois mois de la fin de mon contrat avec son père. Notre relation n’apparaitra alors que comme un calcul de ma part et je ne peux pas accepter de lui rendre ainsi les sentiments qu’elle m’a porté.

 

Finalement je prends ma cravate entre mes mains et je la noue en évitant de croiser le regard de Lola.

 

— Sydney est la tête d’affiche de mon studio, dis-je calmement. Je ne peux pas tolérer ton comportement plus longtemps. Soit tu rectifies le tir, soit tu devras partir.

 

Syd, tête d’affiche !

Syd n’en a rien à foutre de chanter. C’est moi qu’elle veut et c’est pour cela qu’elle prend le micro. Pour me faire plaisir et non parce qu’elle poursuit un rêve.

Et moi je veux une chanteuse. Je cherche une personne qui a cette flamme sur scène qui embrase les foules.

Et Lola est cette personne.

Au départ, je me suis dit qu’en engageant une autre chanteuse, Sydney se remettrait au travail et que je pourrai me débarrasser de la première plus tard en donnant une coquette somme.

Mais je n’ai pas eu droit à une chanteuse quelconque. J’ai eu droit à Lola. Et dès la première fois qu’elle a chantée, j’ai su que c’était elle que je cherchais depuis si longtemps. Puis aujourd’hui, elle a placé la barre encore plus haut en dansant. Devant mes yeux, elle a ratatiné Syd.

 

J’ai un énorme diamant entre les mains que je ne pourrai peut-être jamais exploiter.  

 

Voilà, j’ai fini mon nœud. Il est parfait comme d’habitude. Je dois maintenant ressembler au beau salop que je suis à ses yeux.

Je lui ai demandé de m’arrêter en gémissant. J’ai caressé son corps, je l’ai embrassé. J’ai senti son haleine chaude sur ma peau. J’étais à deux doigts de baisser sa culotte et m’enfoncer en elle.

 

Et c’est moi qui ose lui dire qu’il faut qu’elle rectifie son comportement.

Je ne dis vraiment que des conneries et je n’en suis pas fier.

Mais je ne peux faire autrement si j’ai envie de ne pas tout foutre en l’air avec Syd.

 

— Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

—Sydney avait raison de te dire une seule chose.

— Laquelle ?

— Va te faire foutre.

 

Et elle s’en va en claquant la porte. C’est la seconde fois qu’elle claque ma porte. Mais cette fois ci, je n’ai plus la force de rire de son geste.

 

****Nadine****

 

Lola sort du bureau de Valentine en marchant à une telle allure que je me plaque contre le mur du couloir pour la laisser passer. Apparemment, ça s’est mal passé entre eux. Je l’interpelle mais elle ne m’entend même pas et continue à marcher rageusement.


Finalement, j’arrive à la rattraper et la force à s’arrêter.

 

— Tu es en colère, je le sais. Il peut être très con parfois mais je te promets que c’est un mec en or.

 

Voilà, je désamorce sa colère avant même qu’elle ne puisse l’analyser plus en profondeur et en vouloir encore plus à Monsieur Valentine.

 

— Je ne suis pas en colère t’inquiète. Je suis… déçue par mon propre comportement.

— Quoi tu ne l’as pas giflé tout de même ?

 

Elle rigole c’est bon signe.

 

— Hé, je ne suis pas kamikaze à ce point là.

—Alors pourquoi es-tu tant fâchée ?

—Tu vis avec quelqu’un ? me demande-t-elle après un moment.

 

Hum ! Je lui prends la main et la tire vers mon bureau puis je ferme la porte pour qu’on puisse discuter tranquillement.

 

— Je suis mariée.

 

Elle soupire.

 

— J’ai la désagréable impression que la vie des autres évolue et que moi je suis condamnée à faire la même chose toute ma vie. Aimer, être rejetée, trimer pour m’occuper de ma famille. C’est toujours le même cycle infernal, je n’en sortirai jamais.

— Pourquoi tu dis ça ? Ecoute, dis-je ne la forçant à s’assoir, tu ne peux pas baisser les bras maintenant. Monsieur Valentine n’a jamais été aussi bosseur depuis que tu es là. Sérieux, c’est comme s’il voyait enfin le bout du tunnel, je le connais parfaitement. Je sais qu’il se passe un truc avec toi et je sais qu’il sauterait sur l’occasion s’il n’était pas déjà avec Sydney. Elle n’est pas faite pour lui. Elle ne comprend pas son amour pour la musique alors que toi, t’es une artiste. Vous feriez un couple formidable.

— Il m’a dit que j’avais dépassé les bornes, que je n’étais pas la tête d’affiche…

— Il fallait juste qu’il te montre que c’est lui le patron. Au puis tu as humilié sa copine, ce qui n’est pas très agréable à gérer.

— Je ne sais pas garder mon calme, réfléchir et réagir ensuite. Non, quand on me provoque, il faut toujours que je pète un câble et que je prouve que je n’ai peur de rien. J’ai été faible une fois, et on m’a marchée dessus sans pitié. Je suppose que c’est ce qui m’a changée…

 

**** Sydney****

 

Jamais je ne me suis sentie aussi humiliée de ma vie. Oser me parler ainsi devant mon mec et devant tous les autres employés de la société. Je suis verte de rage. Je l’aurai giflée si Gabriel n’était pas intervenu. Mais que se passe-t-il bon sang ?  Je ne reconnais plus Gabriel, il est devenu si distant avec moi. M’a-t-il vraiment aimé ou s’est-il mis avec moi par souci de reconnaissance ? Je ne sais plus à quel stade nous en sommes dans notre relation.

Tu crois maitriser tous les paramètres de ton histoire d’amour, une nouvelle arrive dans le paysage et boom tes cartes tombent les unes après les autres. Le doute s’installe et tu ne peux rien faire pour l’éradiquer de ton cœur.

 

Petit à petit, elle prend la place qui t’était réservée. Aucune femme ne devrait avoir à vivre cela. Aucune.

 

J’ai aidé Gabriel à monter le studio. J’ai trouvé les locaux, aménagé les bureaux et contacté les fournisseurs de mon père pour qu’ils lui fassent des prix d’ami. Sans moi, il n’en serait pas là aujourd’hui. Je suis la femme de sa vie. Et je ne laisserai personne lui prouver le contraire.

Que pourrais-je faire pour qu’il sache qu’il besoin et qu’il aura toujours besoin de moi. Je ne peux pas le laisser m’échapper, c’est trop douloureux de le voir … tomber amoureux d’une autre devant mes yeux. Mais qu’a t-telle donc que je n’ai pas ?

 

Je réfléchis un bref moment et prends une décision que j’espère ne pas regretter un jour prochain.

 

Je compose un numéro que je connais par cœur. Après trois sonneries, la personne décroche.

 

- Oui ma chérie ? fait une voix d’homme.

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