Chapitre 11: Imposteur
Write by Lalie308
Michelle
J'ouvre lentement mes yeux, mes paupières lourdes s'entrebâillent tandis que j'ai mal partout. Mes idées ne sont pas très claires, le noir plane sur elles. Il y a ce parfum partout, ce parfum qui me transperce le cœur, ce parfum qui me donne des vertiges. Son parfum.
Il sent bon, mais il me quitte ex abrupto. « Ne me laisse pas seule, je ne veux plus être seule ». « Reste avec moi ». Harry ! Je me lève en sursaut, les yeux hors de mes orbites à l'instar de mon cœur prêt à succomber à un infarctus. La soirée d'hier, mais surtout mon comportement me reviennent violemment à la figure.
Lorsque je l'ai vu au pas de ma porte, sans son masque habituel d'homme hyper heureux et sociable. Lorsque je l'ai vu aussi désemparé, lorsque mes yeux ont été hypnotisés par la marée de tristesse et de frustration que renferme son regard, je n'ai pas réfléchi. Je ne voulais que le réconforter, effacer ces plaies béantes qui font saigner son âme. Je m'étais risquée à le toucher, je l'ai senti se tendre, mais mon courage ne s'était évaporé.
Je lui ai fait comprendre que j'avais capté toute sa mascarade, qu'il n'avait pas besoin de jouer ce rôle avec moi, qu'il devait être lui et personne d'autre. La soirée avait rapidement pris un tour ironique et dès que ma tête a frôlé son épaule si large, Morphée s'est emparé de moi. Je l'ai senti bouger à l'orée du jour et je l'ai supplié de rester, avec moi.
J'ai été si faible, trop stupide. Qu'ai-je cru ? J'ai supplié maman dans le passé, mais elle n'est pas restée avec moi, elle est partie, elle m'a abandonnée, seule. Pourquoi Harry ferait-il le contraire ? Alors que pour lui je ne représente rien. Rien de plus qu'une amie, une amie avec qui il joue ce personnage qu'il s'est créé. Il a pris ses jambes à son cou, s'est échappé, pour me fuir parce que je suis une psychopathe.
Je grogne de frustration, mais finis par me lever, nonchalante pour m'adonner à mon rituel matinal. Jack m'a de nouveau appelée et nous avons eu une conversation assez légère qui m'a baumé le cœur, il n'y a pas ces palpitations qui se saisissent de mon cœur dès que la voix de Harry résonne, il n'y a pas ces boules tranchantes qui se forment dans mon estomac dès que son souffle me frôle.
Je n'ai pas envie de mettre pied chez Homel aujourd'hui, je ne me sens pas prête à affronter le regard de Harry, pas après ce qui s'est passé, pas après lui avoir révélé cette faiblesse que j'ai toujours su dissimuler, j'ai toujours aimé ça, fuir les problèmes, tout ce qui trouble mon paradis et ça ne risque pas de changer de sitôt. Jack me propose de m'amener au bowling, ce que je ne refuse pas. Tout, pourvu que ce soit loin de lui, de Harry.
Dès que j'enfile mes baskets, dans un jean noir moulant et un débardeur, on sonne à la porte que je m'empresse d'ouvrir. Je découvre Jack, sourire aux lèvres et élégant — si on veut— dans son jean et son t-shirt blanc qui dessine sa musculature beaucoup plus travaillée que celle de Harry. Arrête de tout ramener à Harry ! Je ferme la porte derrière moi avant de le suivre sans un mot. Dès que nous entrons dans sa voiture, il brise le silence :
— Alors, prête ?
— Toujours, je lui souris. Tu ne travailles pas ?
— Oh, je n'ai rien d'important à faire aujourd'hui, me répond-il.
Bizarre quand même, un lundi. D'ailleurs, il faudrait bien que je me trouve un job moi. Je ne réponds pourtant rien et me contente d'observer le paysage londonien sous le soleil doré enlacé par le ciel azur de l'été. Je n'ai jamais été aussi muette et ça me frustre. Après les formalités, nous nous amusons à nous défier et bien sûr, je le bats à plate couture.
— Mais t'es une machine toi ! dit-il, n'en revenant toujours pas.
Je glousse.
— Bah ouais, on ne dirait pas hein ! m'extasié-je en jouant des épaules.
— T'as encore d'autres talents cachés ? il me demande.
Je hausse les épaules en souriant.
— Je ne révèle pas mes armes secrètes, susurré-je à travers un clin d'œil sournois.
Il éclate de rire. Son rire n'est pas aussi mélodieux que celui de Harry, son rire ne me fait pas voyager et ne fait pas frissonner mes tympans d'extase. J'ai adoré entendre les rires de Harry la veille, ils étaient vrais et beaux, comme les cloches du paradis.
Il devrait rire vrai plus souvent et cesser de porter ce masque. Jack m'invite finalement à déjeuner et je ne dis pas non, évidemment. Ma mère me chantait d'ailleurs que ma gourmandise me perdrait un jour.
Nous nous installons à une table du fast food avant de passer commande, ravis que le service à table soit d'actualité. Je n'aime pas trop les fast food, mon obsession pour les plats locaux de mon pays que j'avais l'honneur de déguster même quand je vivais aux Etats-Unis ne me le permet pas.
— Alors, parle-moi de toi, m'indique un Jack souriant.
Harry ne m'a jamais demandé ça, Harry ne s'intéresse pas à moi. J'avale ma bouchée, balaie de la main mes pensées qui se tournent vers Harry puis me racle la gorge.
J'aurais préféré qu'il me laisse manger en silence, un repas placide et muet. Je lui parle brièvement de moi, pas trop de détails. Ouais, je sais parler brièvement.
— Eh bien, hum j'ai vingt-quatre ans même si tous mes proches me donnent dix ans d'âge mental et parfois quatre...
Okay, pour le sans détail, on commence mal.
— J'ai un père et un frère, continué-je.
Mais qu'est-ce que tu racontes Michelle ? Un père ? T'en connais qui en ont deux ? Shut, conscience.
— J'aime le bleu et le noir, l'igname pilée et le jus de pomme, terminé-je.
— L'igname pilé ? reprend-il, ses yeux me scrutant attentivement.
Je le regarde, choquée.
— Tu ne connais pas ? m'exclamé-je.
Il hoche négativement la tête. Sacrilège !
— Mon frère, tu rates, lui indiqué-je. C'est la base, c'est un plat de chez moi, c'est un paradis culinaire.
— Wow, calmons-nous. La brother zone ? s'insurge-t-il en faisant les gros yeux, n'ayant apparemment décrocher que sur le "mon frère"..
Je glousse, je ne m'en étais même pas rendu compte. Menteuse. Tais-toi.
Pendant le reste de la semaine, Jack est très présent et je commence à bien l'apprécier, je n'ai pas beaucoup vu Harry, mais pas une seule fois, nous ne nous sommes adressés la parole. Personnellement, je le fuyais et je sentais qu'il n'avait pas très envie de m'approcher.
Tout le monde l'a un peu remarqué puisque nous avons passé la semaine précédente collés comme des siamois. C'est de ma faute, j'ai tout gâché. Vendredi, j'enchaine livre sur livre pour occuper mon temps qui paraît de plus en plus vide. Liam est très occupé avec ses répètes. Je pose mon livre sur la table basse et laisse tomber ma tête en arrière en soupirant.
Chacune de mes cellules se sent sevrée de lui, j'aimerais tellement voir Harry, m'excuser pour mon écart, me contenter d'être une amie, rien que ça. Taire mes sens indisciplinés qui ont choisi la mauvaise personne pour cesser de se lasser.
Je ne me lasse pas de lui, plus le temps passe, plus la tumeur Harry se répand dans mon sang. Dès que mon téléphone posé sur la table basse sonne, je m'en saisis instinctivement. Mes yeux restent plantés sur son prénom, je ne m'y attendais pas.
« Harry
Salut, j'ai une mission pour toi. Rejoins-moi au parc, Abdou te conduira. »
Une mission ? Je ne sais pas de quoi il parle, mais je me lève aussitôt, me revêts rapidement d'un pantalon de jogging, un t-shirt et des baskets. Pour quelqu'un qui voulait l'éviter, je reste assez survoltée à l'idée de le voir. Dès que j'atterris dans le hall, je gratifie tout le monde d'un sourire et check Adrian qui me sourit franchement.
Je l'adore ce mec, il m'apporte souvent mon courrier jusqu'à l'appartement, il me demande toujours d'après tout ce qui peut se passer dans ma vie, il est vraiment gentil. Je sors de l'immeuble et découvre un peu plus loin Abdou, un air sérieux plane sur son visage.
— Coucou, Abdou. Je ne te vois jamais, mais toi tu me vois toujours, lui reproché-je en faisant une moue boudeuse.
Il sourit légèrement en se grattant l'arrière de la nuque.
— Mais en fait Michelle, tu n'es pas censée me parler, ni me voir de trop, tu sais ? Parce qu'en fait je suis Pluton, le dieu des enfers et quand on m'approche de trop près, bah je t'envoie aux enfers, explique-il d'une voix claire.
Je penche la tête sur le côté et plisse les yeux, il raconte quoi lui ? Je pensais que les gardes-corps ne parlaient pas et se contentaient de jouer les durs à cuire invisibles. Un sourire déforme ses lèvres alors qu'il m'ébouriffie les cheveux sans gêne.
Je suis toujours laissée pantoise par son soudain comportement à mon égard, mais me contente de me glisser dans la voiture après qu'il m'ait ouvert.
— Moi, je suis Keres, déesse de la punition. Si tu m'envoies aux enfers, je te punirai, répliqué-je en tirant la langue, chose qu'il voit dans le rétroviseur.
Il esquisse un sourire narquois. Un passionné de la mythologie, on dirait.
— On va bien s'entendre, ma petite Michelle, continue-t-il d'une voix plus modulée.
— Ouais, mon petit Abdou, je glousse.
Il me raconte des anecdotes très intéressantes sur la mythologie que j'écoute d'une oreille attentive. Abdou vient de briser le stéréotype que j'avais en tête par rapport aux gardes du corps. Lorsqu'il gare devant le parc, il déclare lorsque je tente d'ouvrir :
— Ne touche pas, je t'ouvre. Gentleman avant dieu, je suis.
Je lève les yeux au ciel en souriant. Il vient m'ouvrir et nous entamons notre marche.
— Tu as une idée de ce que veut Harry ? demandé-je à Abdou.
Il hausse doucement les épaules.
— A vrai dire, je n'ai jamais vu Harry contacter qui que ce soit pour une mission secrète ou autre chose dans le genre. Il les fait seul, il n'aime pas vraiment la compagnie des autres, m'avoue Abdou.
Sa réponse confirme ce que j'ai toujours pensé: Harry joue un rôle, il aime la solitude. Il est bien différent de cet éternel sociable qui adore passer du temps avec les autres. Abdou a l'air de bien le connaître, il est bien le seul qui me parlerait ainsi de Harry.
Pour tous les autres, il est parfait et heureux, triste monde d'aveugles voyants. Ils l'ont vu pendant des années, mais n'ont jamais pu déceler toutes ces émotions sombres qui se noient dans son regard, ils n'ont jamais su réellement s'intéresser à lui.
Et ainsi va le monde, les gens ne voient en toi que ce q'ils veulent. Il est jeune, intelligent, perspicace et parfait, c'est ce qu'ils veulent savoir.
— J'ai l'impression que tu es plus avec Harry qu'avec Homel, remarqué-je.
Il esquisse un petit sourire en coin, une fossette orne sa joue. Il est quand même vachement beau cet Abdou.
— Il est un peu comme Harry Potter et moi je suis Ron sans la connerie bien sûr. Mais je tiens à préciser que je suis serpentard.
Je glousse légèrement. Harry n'est pas si solitaire que ça s'il est aussi proche d'Abdou. Je repère Harry, dos contre un arbre, le regard figé sur les passants, mais l'esprit à mille lieues d'ici. Le soleil accorde une brillance divine à ses yeux d'un vert rare situé entre celui absinthe et celui olive et ses cheveux tombent divinement sur sa nuque et quelques mèches rebelles sur son front.
Une boule se forme dans mon ventre à l'instar de mes membres qui se crispent, je ne sais pas comment Harry a pris mon écart comportemental et encore moins pourquoi il me contacte aujourd'hui pour une certaine mission. Je n'ai jamais entendu parlé de mission secrète dans une maison d'édition. Peut-etre que cela n'a rien à voir avec Homel, peut-être qu'il veut qu'on s'en aille loin d'ici pour vivre le parfait amour à deux comme dans les films.
Ressaisis toi, petite, me rabroue ma conscience. Lorsqu'il nous remarque, mon regard s'accapare du sien, bien trop intense, bien trop insupportable pour moi. Je le dévie. Nous nous arrêtons finalement devant lui. Il esquisse un large sourire, sans me regarder dans les yeux, ça m'agace parce que c'est le faux Harry.
— Bonjour Michelle, commence-t-il en me serrant la main.
Je la sers d'un geste nonchalant et lui réponds dans un souffle :
— Bonjour Harry.
— Abdou, tu peux t'en aller, dès que je la ramène à l'appartement, je te fais signe, ajoute-t-il.
Abdou acquiesce et s'en va après m'avoir lancé un dernier regard.
— C'est malin de me priver de protection, je suis une pauvre jeune femme sans défense maintenant, geins-je pour le taquiner.
Un sourire fend la commissure de ses lèvres sans se faire trop présent, mais au moins il n'est pas faux.
— Ah Michelle, content de te revoir, petite folle, me taquine-t-il d'une voix moqueuse.
— Folle, d'accord mais petite, je ne t'autorise pas, je lui reproche.
— Tant que je suis plus grand que toi...
Je tire la langue en guise de réponse, arrachant un vrai sourire à Harry cette fois. Mon air se fait ensuite plus sérieux, mon regard se baisse et je me triture les doigts.
— Hum, Harry, par rapport à dimanche, je suis désolée, commencé-je d'une voix à peine perceptible.
Je le sens se crisper lorsque je fais référence à cette fois-là, mais il me remonte doucement le menton. Le contact de ses mains froides avec ma peau me donne des frissons. Le soleil d'été brille d'une belle couleur dorée qui rend ce moment si intime, si bon.
— Je ne vois pas pourquoi tu t'excuses Ginger, c'est moi qui suis parti comme un mal éduqué, désolé, me reprend-il.
Je fronce les sourcils. J'ai envie de lui demander pourquoi il est parti ainsi, si je ne l'avais pas offusqué, mais je me tais. J'ai l'impression que si j'en parle, cela alourdira la situation entre nous et que jamais, je n'aurai une réponse nette.
Je lui souris, crispée et il se redresse. Je ne lui demande pas pourquoi il ne m'a pas alors adressé la parole de la semaine, pour ma part, j'avais juste peur de l'aborder et de me faire rembarrer.
— Alors, la mission ? je lui demande enfin.
— Viens, je t'en parle en chemin, m'indique-t-il en marchant devant.
Une fois en voiture, il reprend la parole pendant que nous traversons l'autoroute.
— Les livres édités chez Homel ont pour la plupart un succès extraordinaire. Et tu sais bien que tout ce qui est réussi attire toujours de mauvais regards, il commence en me jetant un regard rapide.
J'acquiesce puis il continue de parler.
— Nous avons repéré une librairie clandestine qui le fait. Ils s'approprient des exemplaires, les multiplient à bas prix et mauvaise qualité puis les revendent sur le marché.
Cette nouvelle me verse de l'eau chaude dessus. Il faut vraiment être malade pour faire ça. Car, s'approprier l'œuvre d'un artiste c'est comme voler son âme. Savoir qu'il existe des choses pareilles me révulse profondément. Des heures de dédicace à ces œuvres si personnelles accaparées par des individus sans vergogne.
— Nous allons essayer d'avoir des preuves pour les arrêter, c'est ça ? tenté-je.
— Tu as tout compris Ginger, confirme-t-il. Nous allons nous infiltrer et prendre quelques photos, poser quelques questions.
— Trop génial ! James Bond 2018 nous sommes, m'extasié-je.
Un sourire se faufile sur ses lèvres.
— Mais pourquoi tu veux que ce soit moi qui vienne ? Abdou m'a dit que tu aimais mieux le faire seul, poursuis-je.
— J'en viens. La plupart d'entre eux ont des investisseurs parfois anonymes qui sont souvent des couples avides de plus de pouvoir et d'argent.
Je comprends enfin ce que veut dire Harry, nous allons nous faire passer pour un de ces couples. Je déglutis l'excès de salive dans ma bouche, mais ne bronche pas. Après quelques heures de route bien évidemment animées par la chorale Hachelle ou Mirry, nous débarquons dans un quartier reculé et pas très sécurisé. Harry se gare dans une ruelle, il prend un sac de l'arrière, en ressort une fausse moustache et de grosses lunettes fumées qu'il enfile.
Le rire se trouve sur le bout de mes lèvres, mais je le retiens. La casquette qu'il ajoute m'achève. Tellement je me retiens, que le rouge me monte au visage. Harry me lance ce regard un peu noir quand même, mais finit par souffler :
— Vas-y lâche toi.
J'éclate d'un rire pas très féminin et me retiens le ventre qui me fait mal. A la fin de mon très long éclat de rire, je nettoie la larmichette au coin de mon œil.
— Ils risquent de me reconnaître alors je dois me déguiser, mais par mesure de sécurité, tu dois aussi le faire, commence-t-il. A ton tour, ajoute-t-il, un éclat diabolique ornant son regard.
Moi j'adore me déguiser et paraître ridicule donc je m'en câlice. Je ne suis pas la fille addicte de la belle image. J'enfile les verres fumés un peu fantaisistes, entoure l'écharpe autour de mon cou et ajoute le chapeau. Je jette un regard à mon reflet à travers le rétroviseur et un sourire narcissique se forme sur mes lèvres.
— Tu n'as pas de chance Harry, je suis toujours aussi classe, le taquiné-je.
Il éclate de rire, ce son, je l'adore.
— Bon, passons aux choses sérieuses, termine-t-il.
Quelques minutes après, nous sommes devant une porte-veillotte, la façade est celle d'une boutique de souvenir pas très attrayante. Harry pousse la porte qui grince, me lance un dernier regard dans lequel je lis une sorte de regret puis me laisse entrer avant de m'emboiter le pas. L'endroit est encore plus glauque de l'intérieur et une odeur désagréable décore l'air.
Quelques objets se baladent dans les vitrines, d'autres sont suspendus sur les murs, le tour est à la fois fantaisiste et repoussant. Je ne me risquerais pas à prendre un seul de ces objets, par peur de cauchemarder les soirs. Une femme — du moins, je crois — se tient derrière le comptoir sur lequel sont dispersés de la nourriture pourrie, des objets en mauvais état. Un haut-le-cœur me prend. La femme est à l'image de l'endroit, ses cheveux courts sont crades, ses vêtements sont tachés d'une substance visqueuse de couleur sombre.
— Bonjour, demoiselle, je suis Patrick Samba et voici ma femme Sharon, commence Harry avec un effroyable accent Kenyan.
La femme en face nous observe avec dédain.
— Et ? se contente-t-elle d'aboyer.
Le téléphone de Harry sonne au même instant.
— Excusez-moi s'il vous plait, dit-il en décrochant et s'éloignant.
Il parle fort, comme s'il voulait être entendu.
— Je suis bien dans un de vos locaux, je n'ai pas encore vu les marchandises. Si ça ne me plait pas, j'annule mes fonds, vous vous passerez de mes millions de livres, déclare-t-il d'un ton sec.
Il se tait durant quelques secondes avant de reprendre la parole.
— Bien, je déteste perdre mon temps.
Puis il raccroche et se rapproche de nous. La femme se redresse en affichant à présent un faux sourire.
— Vous pouvez passer par la porte là-bas, nous indique-t-elle en pointant une porte encore pire que celle de l'entrée, la poignée est exagérément rouillée.
Nous nous dirigeons vers la porte, Harry entoure ma taille de son bras et me rapproche de lui. Je tente difficilement de calmer les battements de mon cœur.
— Maintenant, il faut qu'on soit parfait, me souffle-t-il à l'oreille, son souffle chaud me donnant un vertige de plaisir.
Nous débarquons dans une énorme pièce, elle est le parfait contraire de l'entrée, clean et bien rangée. D'énormes bibliothèques se dressent dans la pièce, des centaines voire des milliers de livres, de la pure contrebande. C'est scandaleux ! Un homme très grand, maigrichon aux traits sombres se rapproche de nous, son sourire hypocrite ne fait que renforcer la noirceur de ses yeux noirs.
— Bonjour, monsieur et madame...
— Samba, complète Harry.
— Ravi de vous rencontrer, appelez-moi X, déclare-t-il d'un ton enjoué en serrant la main de Harry et baisant la mienne. Je préfère rester dans l'anonymat.
Ses lèvres sur ma main me répugnent au plus haut point.
— Je vous fais une visite rapide et nous nous entretiendrons plus tard.
Nous acquiesçons et le suivons en silence. Il expose fièrement les ouvrages en vantant le succès de leur organisation comme s'il en disposait les droits. Chaque seconde passée ici me donne la nausée, l'écriture est mon essence, je sais à quel point une œuvre est importante pour un écrivain, combien cette œuvre fait partie de lui.
Voir une personne s'approprier une part d'une autre, fait bouillir mon sang. Ayant remarqué mon malaise, Harry prend ma main dans la sienne et la serre tendrement, ce qui m'apaise quelque peu. Le dictaphone sur son téléphone est allumé et enregistre tout.
— Il n'y a donc pas que des œuvres de chez Homel ici, remarque Harry en faisant mine d'analyser une œuvre.
— Oui il y en pleins d'autres, mais ne vous inquiétez pas, nous choisissons les meilleurs, assure-t-il.
Harry acquiesçe, mais ne déride pas son visage, il est sérieux et se fait passer pour un investisseur. Je sors discrètement mon téléphone pour prendre quelques photos en douce. Monsieur X fronce les sourcils, suspicieux en me fixant.
— Vous avez un problème pour reluquer ma femme ainsi ? le menace Harry d'un ton mordant.
Monsieur X lui lance un regard un peu paniqué.
— Non, pas du tout. J'admirais juste la beauté qui vous appartient, réplique-t-il en souriant nerveusement.
Harry resserre son emprise sur ma main, son jeu paraît presque réel. On croirait presque que le comportement de monsieur X l'agace. Mais ce n'est qu'un jeu, nous ne sommes pas un couple.
— Oui bien mienne alors contentez vous de faire votre boulot au lieu de la déshabiller du regard, ajoute Harry faussement hargneux.
Mon cœur ne parvient pas à faire la différence entre le jeu et la réalité, il trépigne et fait des bonds dans ma poitrine. Monsieur X rougit, emberlificoté et se racle la gorge.
— Excusez ma maladresse, balbutie-t-il.
Nous nous installons dans un petit coin disposant de petits fauteils encore en état entourant une table basse en bois sombre. Il nous présente des copies des contrats ainsi que plusieurs autres documents.
— Avez-vous des agents qui vous aident dans ces maisons ? demandé-je pour mettre fin à mon mutisme.
Monsieur X me lance un regard légèrement agacé.
— Oui, dans certaines. C'est pourquoi vous pouvez être sûrs que vos investissements sont fructifiés par une équipe de qualité.
Nous lui posons plusieurs autres questions auxquelles il répond sans enchantement, mais avec un sourire hypocrite. A la fin de notre entrevue, il nous raccompagne vers la sortie.
— Monsieur, nous n'avons pas trouvé leurs noms dans le registre, annonce un homme, un géant qui vient d'intégrer la pièce, ses mains font la taille de ma tête, il est très grand et excessivement baraqué.
Tous les regards se tournent vers nous, la chaleur enveloppe mon cœur. We are in hot water.
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Coucou, j'espère que vous passez une belle semaine. La mienne est vraiment chargée lol. Alors si vous me rebooster en commentant et kiffant comme des dingues, je vous offre la deuxième partie de ce chapitre hihi.
Merci de lire, voter et commenter.
Lalie