Chapitre 12
Write by Lilly Rose AGNOURET
Chapitre 12
Azaliah |
- C’est demain la rentrée,
mesdemoiselles ! fait Maya aux filles qui rechignent à quitter leur
grand-mère.
- Elles ont passé la journée à
courir. Je n’ai jamais vu autant d’énergie dépensé en une journée, dis-je à
Khazey.
J’ai passé la journée à
chercher du calme pour me concentrer et me préparer pour mon entretien de
demain. C’est difficile d’y arriver avec tous ces cris d’enfants mais j’avoue
que c’est avec beaucoup de plaisir que je me suis interrompue pour écouter les
questions des uns et des autres.
Pendant que Maya essaie de
remettre de l’ordre dans les idées de Iris et Anaée, je sors discuter avec
Khazey. Il est 19h. la nuit est déjà tombée sur Port-Gentil. Les petits ont
déjà mangés. Les miens ne vont pas tarder à aller au lit. Je vais avoir la paix
pour reprendre la lecture d’un roman que j’ai commencé il y a une semaine.
- Es-tu confiante pour
demain ? me demande Khazey.
Je souris et réponds :
- ça ira. Il me faut ce job,
même s’il ne dure que trois mois. Je suis prête.
Il me regarde et me dit :
- J’apprécie ton enthousiasme
même si je sais que ça ne sera pas évident avec les jumelles.
- J’ai plutôt de la chance étant
donné qu’elles font correctement leurs nuits.
Mon frère me dit alors :
- Je te connais. Je sais qu’il
n’ait rien que tu ne puisses réussir.
- Merci pour la confiance,
Khazey ! J’ai de la chance de t’avoir ici.
Il me regarde toujours avec
cet air très concerné qui me fait dire que ses pensées ont déjà fait un bond
vers le futur. Il me demande alors :
- Il parait que Mbina a
bénéficié d’une libération anticipée.
Je hausse les épaules et
dis :
- Il parait. Du moins, tante
Aline l’a rencontré devant un magasin la semaine dernière, je crois. Je n’en
sais pas plus.
- Il te foutra la paix, s’il
n’est pas suicidaire.
De nouveau, je hausse les épaules
car je n’ai pas l’intention de parler de Charlemagne. Je n’ai même pas envie de
savoir comment il a fait pour se retrouver à bord d’une voiture haut de gamme.
Si je veux atteindre mes objectifs actuellement, je n’ai pas intérêt à me
disperser.
- Qui est ce type qui te
tourne autour ? Que veut-il ? me demande Khazey.
- Je ne vois pas de qui tu
parles, fais-je en tentant d’échapper à un interrogatoire.
- Azaliah ! ce type était
a démarré au moment où je suis arrivé. Tu penses peut-être que je n’ai pas
remarqué tous ces bouquets de fleurs sur la table et les meubles de
maman !
Je souris, hausse les épaules
et répond :
- Les fleurs sont surement
destinées à maman. Je te signale qu’elle a un homme dans sa vie.
Khazey me regarde droit dans
les yeux et me dit :
- Je vais me renseigner sur ce
type. J’aurais toutes les infos dont j’ai besoin.
- Je ne vois pas de quoi tu
parles, dis-je tranquillement.
Je n’ai pas envie de parler de
Christopher. Pas ce soir. Monsieur est passé à une vitesse folle. Il m’offre le
petit-déjeuner le matin, des fleurs à midi et passe le soir soi-disant pour
faire un coucou. Je lui ai demandé où il trouve tout ce temps pour venir me
charmer. Le type a osé me répondre : « Quand un homme court après le
bonheur, le temps est le moindre de ses soucis. »
Ce type est fou ! Mais
bon… Il est différent de Charlemagne. Nous échangeons sur des sujets moins
terre à terre que ceux dont je discutais avec Charlemagne. Avec Christopher, je
comprends mieux pourquoi les parents parlent de niveau intellectuel en nous
posant des questions sur la personne qui nous fait la cour.
- Ne te précipite pas cette
fois, Azaliah. Rien ne t’oblige à entrer maintenant dans une relation
amoureuse.
- Je prendrai mon temps,
Khazey. Je veux avant tout retrouver le monde du travail. Je… Je prendrai mon
temps pour penser à l’amour.
Il insiste encore en me
disant :
- Ne te précipite pas. Et ne
pense pas que tu doives te contenter de peu parce que tu as déjà des enfants.
Tu dois te montrer exigeante car tu le vaux bien.
- A tes yeux, je vaux tout
l’or du monde, n’est-ce-pas ?
- Tu es un trésor. Ne tiens
qu’à toi de ne pas l’oublier, me dit-il.
- Je me demande comment font
les autres qui n’ont pas de frère nommé Khazey Omanda.
Il sourit et me répond :
- On se voit demain.
Maya arrive avec les filles
qui vienne m’agripper pour me souhaiter une bonne nuit. La petite famille s’en
va lors que je reste à la terrasse pour profiter de l’air de la nuit.
Trois de mes enfants font leur
rentrée scolaire à la maternelle dans une semaine. J’ai beaucoup à penser d’ici
là.
- Tes enfants descendent
vraiment du ciel. Une fois qu’ils ont mangés, ils deviennent aussi sages que
des images. Je viens de les mettre au lit, me fait maman.
- Hum ! Ils se plient à
ta discipline. Tu t’en sors très bien avec eux. Avec moi, c’est toujours les
bavardages incessants.
- Ils sont différents de toi.
Tu étais tellement silencieuse enfant ! Jamais de bruit. Contrairement à
Imani. Je parie que si Dieu lui donne des enfants trop sages, elle serait capable
de nous faire une crise.
Je souris puis demande :
- Maman, est-ce que Frédéric
t’a expliqué comment il s’est arrangé pour récupérer les cent millions de
francs CFA que je pensais avoir à jamais perdu ? comment se fait-il que le
sac que l’on m’avait volé dans la voiture a été retrouvé.
Ma mère s’assoit, me regarde
et me dit :
- Je n’étais pas au courant de
toute cette histoire de millions volés dans ta voiture. D’après ce que Frédéric
m’a expliqué, il t’avait suivi ce jour-là. En fait, ton gestionnaire est un de
ses amis de lycée. Ton gestionnaire l’a prévenue que Mbina avait demandé à
retirer cent millions de francs. Bref, ton frère a simplement embauché
quelqu’un pour voler le sac contenant cet argent.
J’ai envie de dire que je n’en
reviens toujours pas que cette histoire se termine ainsi. Je me garde de
parler. Frédéric a placé cet argent à la banque, dans quatre comptes qu’il a ouverts
au nom de chacun de mes premiers enfants. Le reste, je n’y pense plus.
- Il faut que tu termines les
travaux de la maison dans laquelle vivaient ces gens. Tu peux en tirer des
revenus chaque mois en mettant la maison en location.
- J’y pense. Je le ferai. Bon,
je vais dormir. J’ai un rendez-vous important demain matin.
Ma mère m’arrête en me
demandant :
- Azaliah, qui est ce type qui
fait livrer des fleurs et le petit-déjeuner depuis quelques jours ?
Je me retourne et lui
dis :
- C’est personne. Enfin, je
veux dire que ce n’est pas important.
- Dans ce cas, explique-moi
pourquoi Imani est toujours pendue au téléphone avec lui.
Je hausse les épaules et lui
réponds :
- Maman, pourquoi es-tu aussi
curieuse ? ça ne te ressemble pas.
Elle hausse les épaules et me
dit :
- De toute façon, il me
suffira de poser des questions à Imani.
Elle se tait un instant puis
me dit :
- On dirait que je connais la
mère de cet homme.
- Maman ! Comment sais-tu
que tu connais sa mère ? Ne me dis pas que tu as commencé à fouiner !
Elle hausse à nouveau les
épaules puis me dit :
- Tu te comportes toujours
comme une huitre. J’ai beau te secouer, jamais je n’obtiens de réponse de ta
part. pourtant, je t’ai vu discuter avec Pauline. Tu n’étais pas aussi rétive à
l’idée de lui parler de ce type. C’est moi qui dérange, n’est-ce pas ?
Je n’ai pas envie de débattre
sur la question. Maman a toujours pensé que je suis plus proche de Ma Paulin,
que d’elle. Elles ont des approches totalement différentes. J’ai toujours
trouvé plus facile de parler à Ma Pauline. Cela ne veut pas dire que j’ai plus
de considération pour elle, que j’en ai pour ma mère.
- Maman, si je ne parle pas de
ce type, c’est parce que je trouve bizarre, incongru, qu’il me fasse la cour alors
que je viens tout juste d’avoir de maitre des bébés au monde.
- Il a dit à Imani que s’il a
tenté sa chance c’est parce qu’il sait que tu n’es pas marié et qu’il a craint
de ne pas pouvoir le faire s’il tarde.
- Voilà ! c’est ce que je
disais. Tu as commencé à fouiner. C’est quoi votre objectif à Imani et
toi ? Me marier avant que je ne vous fasse un autre enfant ? Ma vie
vous dérange, c’est ça ?
Ma mère me regarde d’un air
dépité et me dit :
- Si tu penses que je n’ai pas
le droit de m’inquiéter pour toi, dis-le. Je te signale que tu es ma fille.
J’ai encore le droit de rêver pour toi. Qu’est-ce que tu crois ?
- Ne me forcez pas la
main ! Je n’ai pas forcément besoin d’une histoire d’amour maintenant. Je
veux un emploi. Je veux remettre ma vie sur les rails et donner un peu plus de
confort à mes enfants.
- Azaliah ! Qui t’a dit
que les enfants manquent de confort ? T’ont-ils dit qu’ils ne sont pas
heureux en ce moment ?
- Maman, je vais dormir. Bonne
nuit.
- Reste là et dis-moi tout ce
qui te passe par la tête. J’en ai assez que tu passes ton temps à fuir les
discussions sérieuses. C’est quoi cette nouvelle habitude ?
Je la regarde et là ; c’est
effectivement telle une huitre, que je me referme. Le silence finit par nous
envelopper. Ma mère se lève alors et va à l’intérieur, sans un mot.
Il est 9h moins le quart
lorsque j’arrive dans les bureaux du Cabinet qui s’occupe du recrutement pour
le poste à pourvoir. Avec quatre autres candidats, je suis appelée dans une
salle pour passer des test psychotechniques et un test d’anglais. Après cela,
je rentre tranquillement à la maison. Je fais un détour par chez papa histoire
de discuter avec lui. Je descends d’un taxi, juste à quelques pas de la
boutique Baxter, dans laquelle tous les hommes aisés, aiment passer pour
s’offrir des costumes de qualité. Là, alors que je m’apprête à emprunter la
ruelle qui mène vers chez papa, j’entends quelqu’un qui me hèle :
- Oh, tantine Azaliah, tu es
belle, hein !
Je me retourne et me retrouve
face à Princesse, l’une des nièces de Charlemagne. Vu que je n’ai aucune
animosité envers elle, je lui réponds :
- Merci.
Je trace mon chemin, sans plus
tarder. J’arrive chez papa. Il est assis à sa terrasse en grande discussion
avec l’une de ses sœurs. Quand j’arrivent, les deux m’accueillent avec le
sourire. Ma tante me demande :
- Où sont mes copines ?
il faut que je trouve le temps d’aller au marché de la balise pour leur trouver
de jolies chaussures.
Je souris et réponds :
- Ma tante, Imani passe son
temps à leur acheter des vêtements. J’ai l’impression d’avoir mis au monde, des
futures stars de cinéma.
Mon père me demande comment je
vais. Je réponds tranquillement :
- Tout va bien. Je viens te
voir car je veux organiser une fête pour la sortie des enfants.
Papa me dit alors :
- Laisse tes mères s’en
charger. Ne te fatigues pas avec tout ça.
Ma tante se lève et s’excuse
de devoir partir. Elle était en chemin vers le marché, quand elle s’est arrêtée
là, il y a une heure.
- Je parle maintenant
trop ! C’est la vieillesse, me fait-elle en souriant. Azaliah, on est
ensemble. Appelle-moi si tu as besoin de poisson pour la fête. Je vais au
village pour une semaine. Je serai de retour mardi prochain.
- D’accord, ma tante.
Quand nous nous retrouvons
seuls, papa me demande :
- Comment c’est passé ton
entretien ce matin ?
- En fait, je n’ai eu droit
qu’à des tests psychotechniques, ce matin. Nous étions 5 candidats. Si les résultats
sont concluants, j’aurais droit à un entretien dans deux jours.
- Hum ! tu es brillante,
ça ira.
Je le regarde et lui
demande :
- Papa, tu trouves que je suis
une huitre ? C’est ce qu’a dit maman.
Avec son regard énigmatique,
il me répond :
- Soit ta mère a été trop
dure, soit Pauline t’a trop couvé. Tu parles difficilement de ce qui te touche profondément.
Ta sœur est plus expansive, plus extravertie. Tu es renfermée. Pourtant, dès
que tu parles de quelque chose de positif qui t’émeut, tu brilles de mille
feux. A chacun sa nature. Vu le tempérament de ta mère, je comprends qu’elle
préfère se disputer avec Imani, que se retrouver face à ton mutisme. Quoiqu’il
en soit, sache que tu es la fille de ton père. Je ne te changerais pour rien au
monde.
Je baisse la tête et lui
dis :
- Merci, papa.
Au moment où je me lève avec
l’intention de rentrer chez maman, Ma Pauline arrive et me dit :
- Viens à table. Tu ne vas
quand même pas partir alors qu’il est midi !
Je sais qu’aucun argument ne
sera bon pour excuser mon envie de rentrer, alors je m’assois à table après
avoir prévenue maman, que je serai là dans une heure.
Il est 17h quand je reçois un
appel du cabinet de recrutement :
- Mademoiselle Onanga,
êtes-vous disponible pour un entretien, demain à 9h ?
- Oui, tout à fait.
- A demain, dans ce cas.
Alors que je me lève pour
partir, papa me dit :
- Je n’ai pas besoin de ma
voiture, en ce moment. Elle est au lavage. Je dirai à l’un de tes frères de
venir te la déposer ce soir.
- Merci, papa.
Je finis par m’en aller. En
arrivant en route, je bute contre quelqu’un sans le vouloir. Le type est
parfumé comme s’il voulait tuer toute les animaux à l’entour avec tout ce
parfum. Là, je fais deux pas en arrière et lance :
- Désolé, j’ai été maladroite.
Zut alors ! Je me
retrouve face au sourire imbécile de Charlemagne qui ose me dire :
- Pardon oooooh ! Je m’en
vais. Je ne sais même pas pourquoi je viens encore dans ce quartier. Je ne veux
pas les problèmes. Il parait monsieur Onanga et sa vantardise, sont capable de
me lyncher ici et jeter mon corps dans la benne à ordures.
Là, je le regarde sans réagir.
Je ne sais pas ce qui se passe à l’instant dans mon cœur mais j’ai soudainement
envie de l’écraser comme une merde. Je le regarde sans rien dire. Il est sapé
comme un con. Comme quelqu’un qui aurait dévaliser une banque pour s’acheter
des costumes. Au lieu de monter dans ce 4x4 Toyota Fortuner, le type revient
sur ses pas et ose me dire :
- Tu as vu ma voiture ?
Oh, vu que tu chômes sous le soleil, je peux ouvrir le coffre et te faire une
place là-bas.
Il éclate de rire. Un rire
tonitruant. C’est comme s’il avait attendu ce moment. Je m’éloigne de deux pas.
Il me lance alors :
- Ne fais pas le malin,
Azaliah, montes derrière avec les courses. Ça te feras économiser tes 100
francs de taxi. On sait tous que tu es une fauchée.
Il continue de rire et repart
dans la boutique de Baxter en me lançant :
- Il faut que j’achète un IPhone.
Allez, bye.
Je ne me fatigue pas à
répondre. Je tourne les talons et vais dans la boutique juste à côté. Je
demande alors au boutiquier de me donner ce grand couteau de cuisine qu’il
utilise pour découper le pain. Il me regarde et me dit :
- Eh ! Azaliah ! Tu
vas faire quoi, hein ?
Je souris et réponds :
- Ne t’inquiète pas, Diallo.
Ne t’inquiète pas.
Quand je ressors, je vais vers
la belle voiture de l’idiot que j’ai eu la bêtise d’aimer. C’est tranquillement
que je plante des coups de couteau dans chacune de ses roues. Je m’éloigne,
vais rendre le couteau et dis à Diallo :
- Merci. Tu m’as rendu un
grand service.
Au moment où je monte en
voiture, je peux voir les roues de ce beau véhicule Fortuner, s’affaisser. Le
reste, je suppose que cet abrutit le constatera et pourra le raconter à sa
famille, en me traitant de connasse.
En arrivant à la maison, je
suis accueillie par maman qui me dit :
- Azaliah, que faisais-tu avec
un couteau en main, en bordure de route, là-bas, chez ton père ?
Je la regarde et répond :
- J’avais le choix entre
planter mon couteau dans les pneus de Charlemagne ou alors l’égorger comme un
porc. Vu que je n’ai pas envie que mes enfants se retrouve dans mère, je me
suis contentée de m’en prendre à sa voiture.
Elle me dit alors :
- Et la prochaine fois, que
feras-tu ?
- Maman, la prochaine fois,
j’improviserai. Si je dois lui couper la langue, je le ferai. J’ai vraiment été
le dindon de la farce. Trois mois en prison, tu en sors et tu ne demandes
aucune nouvelle de tes enfants ? Il faut le faire, quand même !
- Laisse-le de côté et
ignore-le.
Je souffle et dis :
- Oui, tu as raison.
Il est 9h le lendemain quand
je me retrouve à nouveau dans la salle d’attente du cabinet de recrutement. Sur
les cinq candidats présents hier, nous ne sommes plus qu’à deux. Nous en
profitons pour faire connaissance. Mon conçurent se prénom Hamed. Il est au
chômage depuis que sa boite spécialisée en forage, a fermé il y a deux ans. Il
donne des cours de mathématique et sciences physiques pour continuer à vivre.
Il est marié et a 2 enfants.
Hamed est le premier à passer.
Quand arrive mon tour, trois quart d’heure plus tard, il me souhaite bonne
chance, peu convaincu par sa prestation. J’entre dans la pièce où m’attende
deux hommes, un blanc, un noir, et une femme. Chacun se présente. La femme et
l’homme blancs sont responsables de l’entreprise qui recrute, l’homme noir est
là pour représenter le cabinet de recrutement et s’assurer que l’entretien se
passe correctement. La femme parle peu mais observe.
L’entretien commence. Sitôt
que j’ouvre la bouche, les yeux de la femme sont sur moi. Les deux autres me
posent questions sur questions. Je m’étonne d’autant de formalités car il n’est
question que d’une mission de trois mois. Bientôt, on en arrive à la question
piège. On me demande d’expliquer comment je vais gérer mon temps de travail en
ayant six enfants.
Je réponds alors :
- Faire des enfants n’a pas
été un frein dans ma carrière, c’est tout le contraire. J’ai une famille soudée
autour de moi. Je sais gérer mon temps et m’appuyer sur les membres de ma
famille quand il le faut. Je sais que le travail dans le secteur pétrolier requiert
une disponibilité à toute épreuve et des déplacements ou séjours sur site. Je
ne suis pas novice dans le domaine. Relever ce challenge ne me fait pas peur.
Le gabonais insiste en me
demandant pourquoi j’ai choisi d’avoir des enfants aussi tôt et aussi nombreux.
Je réponds sans cligner des yeux :
- C’est bien simple, j’ai
toujours voulu avoir beaucoup d’enfants. De l’autre côté, je veux réussir ma
carrière professionnelle. J’ai pensé qu’il était judicieux de faire des enfants
maintenant, vu que je suis encore jeune et énergique. Ils grandiront ensemble
et cela me laissera désormais la possibilité de me concentrer correctement à ma
carrière. Cela peut sembler un choix risqué et inconsidéré, mais c’est celui
que j’ai fait et que j’assume entièrement.
Sans prévenir, l’on quitte du
français à l’anglais. Cela dure une demi-heure durant laquelle les questions
techniques et les plus banales, fusent. Ceci fait, les deux hommes se
regardent. Le monsieur blanc, dont le nom est Trevor Hexen, finit par me dire
en anglais :
- Mademoiselle Onanga,
pouvez-vous attendre dehors, un instant ?
Je me lève, sans trop
comprendre pourquoi ils me demandent de sortir. Ils me font glander dehors une
demi-heure encore. J’ai le temps de répondre à un appel de Khazey qui me
demande des nouvelles. Je lui réponds :
- Ils se concertent. J’aurais
une réponse surement aujourd’hui.
- Pourquoi ont-ils besoin de
se concerter ? C’est juste une mission pour une simple rédaction de
procédures. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué dans tout cela ?
- Je n’en sais rien. Je te
rappelle une fois qu’ils auront statué.
Un quart d’heure plus tard,
l’un des messieurs arrivent et me demande de revenir dans la salle. La dame qui
n’a pas ouvert la bouche pendant tout cet entretien me dit alors :
- Vous êtes trop qualifiée
pour le poste pour lequel vous vous trouvez là, aujourd’hui.
Je me lève alors du fauteuil
dans lequel j’avais pris place et dis :
- Je vois. Je vous remercie
d’avoir pris le temps de m’écouter.
Elle me retient et me
dit :
- Nous n’avons pas terminé. Asseyez-vous,
s’il vous plait.
Je m’assois sans trop de
conviction. J’ai soudain l’impression d’en avoir trop dit. Là, j’entends dire
par la femme :
- Nous avons un poste à vous
proposer. Mais cela vous demandera un investissement personnel plus grand que
ce à quoi vous vous attendiez en arrivant ici ce matin.
Je les regarde sans
comprendre. C’est l’homme blanc, qui prends la parole et me dit :
- Il y a un poste à pourvoir
dans notre équipe de géologues. Votre profile correspond tout à fait. Tenez, me
fait-il en me tendant des documents. A vous de voir si cela répond à vos
attentes.
J’ai besoin de travailler.
J’ai envie de travailler. Alors, je regarde la proposition qu’ils me font. Je
passe en revue les documents qui en fait, sont une fiche de poste avec tous les
éléments de salaire qui correspondent. J’apprends que si ce poste m’intéresse,
je vais devoir aller à Houston pendant trois mois.
Je passe en revue toute cette
proposition en faisant en sorte de ne pas laisser transparaitre mes sentiments.
Mon cœur s’émoustille et mon esprit est en émoi.
- Le poste est à pourvoir dès
le 2 novembre. Qu’en dites-vous ?
- Je suis partante.
- En êtes-vous sûre ?
- Oui, je le suis.
Les trois me regardent en
silence puis finissent par parler en me disant qu’ils sont heureux que l’idée
me plaisent. Ils ajoutent que leur entreprise a besoin de mettre en avant les
femmes dans les domaines techniques car il leur a été reproché de reléguer les
femmes au tâches administratives et commerciales.
Je pars de là avec le sourire,
l’envie de sauter au plafond, le soulagement de découvrir que toutes les portes
ne m’ont pas été fermées après le mail qui m’a éjectée de l’entreprise où j’ai
fait mes premiers pas.
Je pense à cette opportunité
qui s’offre à moi de briller à nouveau professionnellement parlant. Je sais que
cela va être dur de partir si loin en laissant les enfants mais j’ai envie de
m’éloigner un tout petit peu de Port-Gentil. Je peux heureusement faire
confiance à ma famille pour prendre soin des enfants. J’espère qu’ils ne m’en
voudront pas trop.
Quand je sors des locaux du
cabinet, j’appelle Khazey.
- Alors ?
- Ils m’ont proposé un emploi
différent que celui pour lequel j’ai postulé. Je commence le 2 novembre. On en
parle ce soir, tu veux.
- D’accord. On se voit ce
soir.
Vu qu’il est pratiquement 13h,
je décide de faire un tour au supermarché Casino pour acheter des yaourts aux
fruits et des madeleines pour les enfants.
Vu que Port-Gentil est petit,
plus petit qu’un quartier d’Abidjan, sur qui je tombe ? L’une des sœurs de
Charlemagne. Quand elle me voit, elle baisse la tête et sans rien dire, change
de trajectoire. Au moins, elle ne me salira pas les oreilles avec des insultes
ou des conneries.
Je suis au rayons des produits
frais, quand j’entends que l’on appelle mon nom. Je n’ai pas besoin de me
retourner pour savoir qui est là dans mon dos. J’entends Charlemagne
dire :
- Pardon, oooh ! Je
change d’endroit. Je n’ai pas envie qu’on me perce encore les roues de ma
voiture.
Je n’ai pas besoin de me
retourner pour savoir qu’il a déguerpi. Je ne sais pas où ils ont trouvé
l’argent qu’il leur permet de venir faire les courses ici, mais, ma foi, je
m’en fous. Tant qu’ils changent de trajectoire en me voyant et ferment leur
clapet, ça me va. Ça m’évitera de commettre des meurtres.
J’ai cinq lots de yaourts et
quatre lots de Madeleines lorsque j’arrive à la caisse. Je remarque alors, qu’à
la caisse N°2, Charlemagne, l’une de ses sœur et deux de ses nièces, dépose des
tonnes de victuailles sur le tapis. Je fais comme si je n’avais rien vu, me
contentant de payer et sortir du supermarché. Leur vie ne m’intéresse pas. J’ai
simplement besoin que la ville soit un peu plus grande pour que nous ne nous
rencontrions plus à chaque coin de rue.
Je me dirige vers la voiture
que papa m’a prêtée. J’ouvre la portière arrière gauche, pour ranger les courses.
Au moment où j’ouvre la portière côté chauffeur, je vois deux grands bras
masculins qui m’enlacent et une tête qui vient poser un baiser sur ma joue. Je
me retourne et me retrouve face au visage souriant de Christopher. Il éclate de
rire et me dit :
- C’est vrai que j’ai envie de
te manger toute crue mais j’attendrai que tu sois prête. Alors, comme vas-tu
aujourd’hui ?
- Tout va bien. Et je suppose
que tu dois le savoir étant donné que quelqu’un te fait un rapport sur ma vie.
Il sourit et me dit :
Si tu n’as pas encore compris que bientôt tu
me demanderas en mariage, qu’y puis-je.
Son regard reste fixé sur mes
lèvres. Là, je lui dis :
- Peux-tu me libérer, s’il te
plait ? Mes enfants m’attendent.
Il me répond :
- Fuis-moi, je te suis.
- Il t’arrive d’être
sérieux ? lui dis-je.
Il n’a pas le temps de
répondre car l’on entend crier :
- Wèèèèè ! Tantine
Azaliah a trouvé un beau métis comme ça, où ça ? Vise le beau gosse, Touna.
Regarde le beubeu !
Je garde les yeux rivés sur
Christopher, histoire d’ignorer les deux bêtasses qui servent de nièces à
Charlemagne. Je dis alors à Christopher :
- Je rentre.
Il me répond :
- Je t’appelle tout à l’heure.
De grâce, garde ton téléphone portable sur toi.
Je souris sans rien promettre.
J’ai envie de rentrer à la maison et dormir.
Je me mets au volant lui
souhaite bonne journée et ferme la portière. Il toque alors à la vitre. Je la
descends, il me lance :
- Diner, ce soir, 20h ?
- C’est du harcèlement, ça,
monsieur Olympio.
- C’est ton cœur qui harcèle
le mien, me fait-il en m’envoyant un baiser à la volée.
Je démarre et pars de là, avec
l’envie de rentrer et me glisser sous mes draps. A mon arrivée à la maison, je
vois Imani qui repart. Elle descend de voiture et vient à moi. Elle me dit
alors :
- J’ai prévu un shooting
photos pour ce week-end. Vu que nous sommes maintenant tous réunis, il faut immortaliser
tout cela en images.
- D’accord, fais-je évasive.
Je la regarde et lui demande
alors :
- Tu es certaine que
Christopher Olympio ne cache pas une petite amie quelque part ? Es-tu sûre
qu’il n’a que trois enfants ?
Elle me regarde et prend une
voix de marionnette et me répond :
- Imani, je sais qu’Azaliah
est ta sœur, mais dis-moi, pourquoi n’est-elle pas encore mariée ? Il est
où ce couillon qui se prenait pour le Prince Charmant à chaque fois qu’il
venait la chercher à la sortie du boulot ?
Je fais la grimace et lui
dis :
- C’est bon ! Arrête de
faire la belle et répond à mes questions. Es-tu certaine qu’il ne cache pas une
petite amie quelque part ? Qu’est ce qui l’intéresse chez moi ? Il
n’est pas un peu fou de courir après une nouvelle maman ?
Imani me regarde puis me
dit :
- J’ai mené mon enquête, qu’est-ce
que tu crois ! Il est libre comme l’air. Et s’il est fou, c’est peut-être
parce que tu le rends maboule.
Je hausse les épaules et lui
demande :
- Tu retournes au
bureau ?
- Oui. Je suis juste passée
faire un bisou aux jumelles.
- Cool ! Passe un bel
après-midi.
Je fais mine d’aller vers le
portail puis me retourne et lui demande :
- Pourquoi Christopher me
court-il après ? Qu’est-ce qu’il me trouve ?
Imani secoue la tête et me
répond :
- Tant que tu continueras de
refuser ses invitations à diner, tu n’auras pas la réponse à cette question.
Deux minutes après, alors que
je suis, couchée dans mon lit avec l’intention de fermer l’œil. Je vois
débarquer trois petites têtes qui viennent me rejoindre dans le lit. Comme
chacun a des choses à raconter, j’écoute patiemment et je reformule tout ce que
mes enfants ont d’intéressant à dire. Une heure plus tard, je suis encore en
train de jouer avec les enfants, qui sont assis sur mon lit et m’obligent à
leur raconter une histoire. Il me vient à l’idée que la seule chose que jamais
je ne regretterai est d’avoir eu mes enfants. J’aurais peut-être fait les
choses différemment avec un autre homme mais voilà, j’ai cette vie-là. Il me
reste de longues années devant moi pour changer la donne et créer un avenir
radieux à ces doux visages qui comptent sur moi.
A
SUIVRE