Chapitre 12: Ange déchu

Write by Lalie308

Les nelcaliens remirent enfin pied sur leur planète. Certains pleuraient de joie et d'autres restaient de marbre, traumatisés par l'expérience. Célesta marchait lentement vers les habitations, le visage fermé et attristé. Elle savait et était persuadée que plus jamais Fabos ne ferait partir des nelcaliens et cela lui fendait le cœur. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre que quelque chose clochait. La terre était sèche, les feuilles fanaient, le ciel était sombre et l'atmosphère pesante. Elle fronça les sourcils en marchant vers le village des nelcaliens suivie par la foule.

À peine eurent-ils pénétré le village qu'ils se paralysèrent. Ils paniquaient et hurlaient sans pouvoir esquisser le moindre geste. Même Célesta était prise au piège. Ils étaient comme ligotés par une corde invisible. Des bruits de pas interrompirent les cris des nelcaliens. Célesta déjà assez épuisée par les tortures sur terre leva juste la tête pour afficher une expression éberluée par la découverte que son esprit en court-circuit était en train de faire. La créature en face d'elle n'avait plus rien d'un nelcalien. Ses cheveux n'avaient plus aucun     éclat, ses yeux verts avaient été troqués pour des yeux noirs injectés de sang sombre. Un trait noir marquait chacune de ses paupières. Son regard était extrêmement sombre. Les humains étaient venus prendre les nelcaliens en trois mille deux, sept années étaient passées à présent. L'âge des nelcaliens se décomptait presque comme celui des humains, mais à partir de dix-huit ans, une année nelcalienne équivalait à cent années humaines.

Un ange était devenu un démon, la créature la plus inoffensive devenue le bourreau de toute une race. La créature en face de Célesta pencha la tête sur la gauche. Elle avait dix-sept ans à peine et était déjà l'incarnation du diable. Célesta ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ne savait pas sept ans plus tôt qu'elle avait confié son peuple à son destructeur. La jeune nelcalienne sourit sadiquement en regardant Célesta droit dans les yeux. Elle leva sa main droite, ouvrit sa paume et la referma lentement. L'emprise sur les nelcaliens se renforça et ils grognaient de plus belle.

— Fiona ? bafouilla Célesta.

— Grande sœur, la nargua Fiona en s'avançant.

— Mais qu'est-ce qui te prend ? l'interrogea Célesta.

L'expression de la créature devint plus dure, elle gifla Célesta si violemment qu'elle tomba à terre.

— Ce qui m'arrive ? commença-t-elle d'abord doucement puis un rictus démoniaque s'afficha sur ses lèvres.

— Disons que je voulais mon royaume pour moi toute seule, déclara-t-elle de la manière la plus désinvolte possible.

Célesta se contenta de l'observer, grimaçant de douleur et toujours à terre. Quelques secondes après, elle eut comme une illumination, une illumination déconcertante et affreuse.

— Ne me dis pas... s'étouffa-t-elle.

Sa sœur, ou plutôt ce qu'était devenue sa sœur, le troisième membre de l'élite divine, se mit à l'applaudir.

 Bingo ! Fabos et toi pensiez que parce que j'étais jeune vous n'aviez pas besoin de m'impliquer dans les affaires de la citée. Si tu savais à quel point je vous hais ! Du plus profond de mon être. J'ai donc décidé de trouver un bon moyen pour récupérer mon royaume. Les humains, cette race complètement débile, ils étaient ma solution. J'ai juste fait une petite escale chez eux, manipulé quelques pions pour entraîner la guerre. Je savais que certains nelcaliens survivraient, mais je me disais que Fabos et toi mourriez. Dommage tu es encore en vie toi. Mais ça peut s'arranger.

Elle bougeait ses doigts au fur et à mesure de ses gestes, Célesta se tordait dans tous les sens. Elle n'avait pas la force de répliquer, elle était bien trop faible, elle se sentait vidée de son énergie. Elle hurlait de peine et de douleur. Sa propre sœur était en train de la tuer. Elle s'arrêta ensuite puis se contenta de fixer Célesta, de la manière la plus haineuse possible.

— C....comment tu as fait ? bégaya Célesta qui ne comprenait toujours pas ce changement brusque de situation.

Sa sœur haussa les épaules.

— Appelle le diable et il te viendra. Invoque les pouvoirs et ils seront tiens. J'ai réussi à neutraliser vos pouvoirs, ceux de Fabos je les ai tous récupérés, assez facilement. Concernant les tiens, tu te montres plus réticente. Mais ne t'inquiète pas grande sœur, on va régler ça, chanta-t-elle.

Elle fit une pause puis éclata de rire. Les nelcaliens souffrant toujours le martyre l'observaient juste, tous choqués.

— Quand je pense que tu les as tous laissés entre mes mains, se moqua Fiona. Tellement naïve, tellement stupide, trop bonne pour être forte. Tu aurais pu être ma servante si tu n'étais pas si idiote, mais bon.

Fiona se rapprocha de sa sœur, posa sa paume droite sur son front et fit pression. Célesta se mit à hurler, son front noircissait comme s'il brûlait alors que Fiona semblait se délecter du spectacle. Célesta se sentait libérer son dernier souffle et s'en voulait de ne pas avoir été plus forte. Mais alors qu'elle se sentait virer du côté non destiné aux dieux, une étincelle jaillit au niveau de son front et Fiona se retrouva projeter à terre. Célesta ne comprit pas ce qui se passait. Elle ferma ses yeux, sentant ses forces lui revenir. Elle vit du pur blanc, un bébé allongé sur un trône et dont on entendait les rires. Elle ressentit un puissant lien avec ce bébé. Dès qu'elle ouvrit les yeux, elle se releva doucement, plaça ses mains en face d'elle et fit un tour sur elle-même. Tous les nelcaliens furent délivrés de l'emprise invisible et s'échappèrent vers les habitations. Elle avait retrouvé en un rien de temps toute sa vivacité. Elle avait compris qu'un miracle venait de se produire, que le monde venait d'accueillir une merveille. Fiona qui n'avait pas compris ce qui s'était passé se releva difficilement.

— Tu vas me le payer, hurla-t-elle en courant vers elle.

Un halo lumineux forma une barrière devant Célesta et Fiona fut de nouveau projetée. Des rires d'enfants remplirent l'atmosphère. Fiona jeta des regards autour d'elle, mais ne vit rien.

— Qu'est-ce que c'est ? aboya-t-elle, sentant la situation lui échapper.

Célesta souriait, des filets de larmes coulaient sur ses joues. Elle leva juste la main droite en s'avançant vers Fiona. Elle savait que cette énergie n'était pas sienne, mais pour sauver son peuple. Fiona était à présent apeurée et reculait, toujours au sol.

— Tu fais quoi ? Grande sœur, ne fait pas de bêtise, supplia-t-elle.

— Je veux juste protéger mon peuple, souffla Célesta.

Elle se rapprocha de Fiona et prit sa main. Cette dernière hurlait, mais ne pouvait plus bouger.

— Kata, chuchota Célesta.

L'instant d'après, un puissant vent souffla et sa sœur s'évapora vent souffla et sa sœur s'évapora, une fumée sombre monta vers les cieux.

*

L'enfant pleura en réalité pendant sept secondes. Puis il se mit à rire aux éclats. Le cœur de Julia avait cessé de battre pendant ses sept premières secondes puis elle revint à la vie. Ni Fabos, ni Hongust ne l'avait remarqué. Fabos coula pour la première fois des larmes face au petit être qu'il venait de prendre dans ses bras. Cet enfant était comme un rayon de soleil, la paix.

— Notre fille est née, souffla-t-il alors que Julia avait les yeux endormis rivés sur eux, en sueur et la respiration saccadée.

Fabos lui tendit la petite fille qui avait déjà de petits cheveux blanc-noir. Elle la prit doucement dans ses bras et admira le sang de son sang, la chair de sa chair. Hongust aussi était ému, mais ressentait une légère voire immense pointe de tristesse après s'être rappelé que lui plus jamais il ne reverrait ses filles. Ils aidèrent Julia à bien s'installer, elle s'assit et allaita sa fille. Il la recouvrait d'un morceau de tissu.

— Tu veux la prendre ? demanda Julia à Hongust qui était silencieux.

Elle savait qu'il avait mal, mais était trop bon pour empêcher le bonheur des autres à cause de son malheur à lui. Hongust se contenta de se rapprocher et prit la petite dans ses bras. Elle semblait si fragile qu'il ne voulait pas la casser. Une puissante émotion l'envahit, il s'attachait déjà au petit être.

— C'est aussi ta fille, déclara Fabos en souriant.

Julia acquiesça, provoquant un sourire à Hongust.

*

— Attendez, laissons ce plaisir à Hongust.

Ils se trouvaient tous dans la grande base. Julia et Fabos étaient attachés et l'un contre l'autre. C'était évident qu'ils allaient se faire capturés, ils avaient eu le réflexe de mettre Axa en lieu sûr avant que les soldats ne débarquent dans la grotte quelques heures plus tôt. Hongust lança un regard mauvais à celui qui venait de parler. Il se sentait comme avoir échoué. Les gliders dont ils avaient secrètement lancé la fabrication étaient déjà prêts et il espérait pouvoir sauver Fabos et Julia mais c'était trop tard. On lui remit une arme. Il ne dit rien, souffla et se plaça face à Julia qui le suppliait du regard. Une détonation fendit l'atmosphère et la balle traversa d'abord la tête de Julia puis celle de Fabos. La terre trembla et tous les volcans se réveillèrent, des tsunamis se déclenchèrent, l'apocalypse s'installa.

*

Axa revint violemment à la réalité et inspira profondément. Elle se leva rapidement, le visage perdu et plongea son regard sur Célesta. Elle avait toujours voulu tout savoir, mais à présent tout son être palpitait face à ces informations déconcertantes. Célesta se leva à son tour, le regard vide. Axa se tourna vers l'eau de la rivière, ce qu'elle venait de voir défilait incessamment dans sa tête. Elle ressentait un mélange d'émotions : de la colère, de la peur, de la confusion, de la satisfaction. En effet, elle ressentait involontairement ce sentiment négatif contre Hongust, elle ne comprenait pas pourquoi il avait tué ses parents aussi lâchement. Il n'avait pas l'air d'avoir hésité. Toutefois, elle reconnaissait que la perte de la famille de Hongust a été terrible et encore plus la sinistre manière, dont cela, s'était fait. Elle avait aussi de la peine pour lui et comprenait à présent la froideur de son paternel. Mais pour elle, rien, mais absolument rien n'expliquait la trahison faite à Julia et Fabos. Il était quand même le mieux placé pour savoir l'importance d'une famille, il était celui qui ne devait pas avoir séparé à tout jamais une fille de ses parents. Ce qui éveillait et attisait plus ses nerfs en feu de colère était le fait que Hongust lui ait dit qu'elle était responsable de la mort de sa mère alors qu'il était son assassin, son bourreau. Axa n'avait pas eu la réponse quant à comment elle avait fini comme fille de Hongust mais se disait que la plus simple explication était qu'il l'avait recueillie avant la fuite sur Nelca.

— Je sais que ça fait beaucoup à encaisser, commença Célesta.

Axa n'écoutait pas réellement. Les images de ses parents se bousculaient dans tête, elle admirait encore et encore leur amour, leur beauté et leur bonté. Elle aurait aimé qu'ils soient près d'elle à cet instant, mais cela n'était pas possible.

— Pourquoi ma mère m'avait-elle dit qu'elle n'était pas vraiment morte ? demanda-t-elle.

— Quand tu es née, tu as pleuré pendant sept secondes. Pendant ces sept secondes, ta mère est morte.

Axa fronça les sourcils et se retourna vers Célesta, ne comprenant pas ce qu'elle disait.

— Après tu as souri, ri aux éclats. C'est ce qui l'a ramenée à la vie. Ton pouvoir est immense ma glami. Quand elle a été tuée, cette parcelle de pouvoir que tu lui as laissée et surtout le fait de son accouplement avec un dieu lui a conféré une nouvelle dimension. Elle est donc allée dans un lieu disons spécial. C'est normalement un lieu de repos pour les dieux, un lieu que ton père a créé. Elle y repose, mais c'est un monde non accessible au mortel.

— Et Fabos ?

Elle ne pouvait pas d'un coup l'appeler papa.

— Hum. Disons que c'est compliqué. Il y est aussi, mais laisse tomber tu veux ?

Axa n'avait pas envie de se battre à nouveau pour avoir une réponse. Elle haussa les épaules et se rassit enfin face à la rivière aux vagues. En effet, c'était non seulement une magnifique et large rivière, mais elle comportait des vagues, de très petites et fragiles qui apaisaient.

— Quel est la suite ? ...Tata, interrogea-t-elle.

Célesta ressentit une agréable sensation au cœur et sourit puis son expression redevint neutre.

— Tu la connais, glami. Les humains ne sont sûrement pas satisfaits de ce qu'ils nous ont fait. Ils en veulent plus. Ils nous détestent alors que nous sommes ceux qui doivent les haïr, annonça Célesta.

Elle marqua une pause, une haine trop profonde secouant sa voix. Axa comprenait sa douleur, surtout au vu de l'amour et du respect intenses qu'elle avait pour Fabos.

— Glami, fait ton choix. Tu dois décider, déclara Célesta.

Axa fronça les sourcils et se concentra encore plus sur la vue qui s'offrait à elle. Son regard était vide, mais aussi brisé. Elle entrouvrit les lèvres, n'ayant jamais cru devoir en venir un jour à cette situation.

— Que puis-je faire d'autre que défendre mon peuple ? demanda-t-elle dans un murmure.

Un sourire se dessina sur le visage de Célesta. Le compte à rebours venait de se déclencher.



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Lalie




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