Chapitre 12: Ma mère, ma pire ennemie
Write by kaynaliah
6 jours plus tard-
Dans la tête de Maira
Je suis à bord du vol d’air France à destination d’Abidjan. Karl est assis à côté de moi mais endormi. Il nous reste environ deux heures avant d’atterrir. Il est quand même beau quand il dort mine de rien. Je remonte un peu la couverture sur lui avant de me retourner vers le hublot. Ces cinq derniers jours ont été très intensifs. Déjà entre Karl et moi c’était trop bestial. On s’entend super bien au lit. Il me satisfait et je pense que moi aussi. On a quitté Atlanta deux jours après ma « soi-disante » maladie et avons regagné New-York où je devais me préparer à m’absenter. Au départ, j’étais réticente de me rendre à Abidjan car je ne me sentais pas capable de lui dire au revoir tout en sachant que ne lui ai pas pardonné le mal qu’elle m’a fait. J’ai rencontré un pasteur à qui je me suis ouverte. J’ai libéré mon cœur mais je n’étais toujours pas prête à pardonner. Il m’a dit que tant que je ne l’aurai pas fait, l’esprit de ma sœur sera tourmentée et elle ne quittera jamais ce monde sans être en paix. Je me suis remise à prier sérieusement avec l’aide du pasteur. Mes cauchemars ont recommencé deux jours après et je voyais toujours Malia. Mais je ne comprenais pas l’image qu’elle me renvoyait. Je la voyais enchaînée, la bouche cousue, en larmes, avec du sang partout. La première fois que j’ai vu cette image, j’ai tellement eu peur que je me suis réveillée pour prier car je pensais qu’elle me voulait du mal, qu’elle voulait me hanter. Deux jours après, j’ai encore revu cette image. Et même si j’avais un peu peur, j’ai tenté de m’approcher d’elle car je ne me suis pas réellement sentie en danger mais je me suis heurtée à un obstacle invisible. En la regardant, je la vis recroquevillée dans un coin sans me porter le moindre regard comme si elle appréhendait quelque chose. J’avais l’impression d’entendre des voix et je ne sais pas pourquoi je me suis réveillée à ce moment là.
Je ne comprends pas ce qui se passe. Je ne sais pas ce qui m’arrive mais c’est tellement étrange. Le lien qu’on avait toutes les deux est de plus en plus présent. Normalement il est rompu lors du décès d’un des jumeaux mais là c’est comme si elle était toujours vivante. C’est trop bizarre. Je préfère ne plus trop y penser et ferme les yeux pour essayer de dormir un peu. Les prochains jours seront très longs et assez éprouvants. Je ferai mieux de reprendre des forces. ¾ d’heures plus tard, j’étais réveillée et Karl était plongé dans des documents à côté de moi. Je relevai mon siège et il posa son regard sur moi.
-« Bien dormie Mlle ? »
-« Oui et toi ? »
-« Ca va »
-« Tu bosses ? »
-« Oui. Je regarde quelques dossiers vite fait »
-« Ok »
-« Tu as l’air soucieuse. Tu es sûre que ça va ? »
-« Oui si on veut »
-« Tu peux me parler tu sais »
-« Je suis juste un peu soucieuse de la façon dont les choses vont se passer là-bas »
-« Tout va bien se passer. Arrête de t’inquiéter »
-« C’est juste que je ressens un truc bizarre. Comme un mauvais pressentiment »
-« Arrête de t’inquiéter pour rien »
-« Tu as peut-être raison : peut-être que je me fais du sang d’encre pour rien »
Il me regarde un moment avant de replonger dans ses dossiers et moi je regarde à travers le hublot. Je suis ramenée à la réalité par Karl qui me secoue légèrement. On prépare notre descente sur Babi. Je ferme les yeux et fais une petite prière. On vient d’atterrir et là je fais toutes mes formalités. Je sors de l’aéroport avec Karl qui pousse notre chariot de bagages. Jason nous attend déjà. Oui il est venu nous chercher. Je cours vers lui et il me serre fort dans ses bras. Mon frère m’a trop manqué. Il me fait un gros bisou sur le front avant de se détacher de moi. Il donne une poignée de mains à Karl avant qu’on ne se dirige sur le parking. Je monte derrière pendant qu’ils mettent les bagages à l’arrière. Ils se parlent durant tout le trajet et Karl le remercie surtout de s’être occupé de moi pendant que j’étais malade et d’avoir fait le voyage avec moi. S’il savait ce qu’on a fait le reste du temps, il serait entrain de lui mettre des coups.
Il dépose Karl avant qu’on ne continue à la maison. Maman Lyne m’a accueillie chaleureusement et m’a dit que mon père se reposait pour l’instant dans sa chambre. Jason monta mes bagages et je montai me rafraîchir aussi. J’activai ma puce par la suite et envoyai un sms à Karl. Je descendis et je trouvai papa assis au salon principal avec maman Lyne. Il ouvrit juste ses bras dans lesquels je me suis blottie. Il me caressait si lentement ma tête. Il se mit à me raconter ce qui était arrivé à Malia d’après ma mère. Elle avait un cancer et l’a caché à tout le monde. J’en revenais pas. Elle serait morte dans son sommeil chez ma mère. Son corps est à IVOSEP et sortira dans deux jours. Il sera exposé chez celle qui me sert de mère et enterré au cimetière de Williansville. Cependant, il n’a toujours pas vu le corps de Malia et on ne le lui aurait pas conseillé car elle avait considérablement maigri.
La tristesse se lit sur le visage de papa et Maman Lyne. Je finis par les laisser et à monter me reposer. La nuit fut tranquille sans être interrompu par un cauchemar. Le lendemain, en allant prendre mon petit-déjeuner, je trouvai Jason attablé. Il regardait des albums-photos de l’époque où nous étions encore une famille normale. Je le rejoignis et on se mit à parler de Malia dans notre enfance car nos plus beaux souvenirs avec elle sont à cette période. La journée se passe lentement. J’ai reçu l’appel de Karl et de Tricia qui m’ont confirmé qu’ils seraient présents pour l’exposition du corps demain chez ma génitrice. Voilà une que j’aurai bien aimé éviter et cela même toute ma vie s’il le fallait. J’ai nullement besoin d’elle et je continuerai ma vie ainsi.
Je suis dans ma chambre à chercher une tenue toute noire pour demain dans mon placard. Je n’arrive pas à croire qu’elle soit partie. Je suis sortie de mes pensées par la sonnerie de mon téléphone : Karl. Je décroche et discute avec lui. Il me dit qu’i s’inquiète pour moi et me demande de rester forte pour les évènements à venir. Je suis obligée d’être forte de toute façon. Il me dit qu’il veut que je sache qu’il est là pour moi même s’il ne peut pas vraiment le démontrer à cause de Jason. Je lui ai juste dit merci d’être là car c’est vraiment important pour moi. Jason vint me retrouver par la suite dans la chambre et on discute longuement de la façon dont les évènements risquent de se produire à partir de demain. On fait une prière avant de se mettre au lit. On s’endort dans les bras l’un de l’autre après s’être soufflés de doux « je t’aime » fraternels.
Je me lève ce matin avec une petite appréhension. Je fais ma prière matinale avant d’aller prendre ma douche. Je descends prendre mon petit-déjeuner avant de remonter dans ma chambre. Je me remets à prier jusqu’à ce que je vois que l’heure approche. Je n’irai pas à la levée de corps mais directement chez ma génitrice pour l’exposition du corps. Je n’aime pas les morgues et toute l’effervescence qu’il y a autour de la mort. Ca me fait peur. Je ne préfère pas y être alors. Papa et Maman Lyne sont déjà partis tandis que Jason et moi on les retrouve tout à l’heure. Je viens de finir de m’habiller et me regarde dans le miroir. Je crois que c’est la première fois que je me regarde ainsi. J’observe et j’analyse la personne que je suis devenue. J’entends des petits coups frappés à la porte. Je vais ouvrir et ‘est Jason qui me demande si je sui bientôt prête. Je lui demande de m’accorder 15 minutes supplémentaires et ce sera bon. Il acquiesce avant de refermer la porte derrière lui. Je sors ma valise et en sors une petite bouteille d’eau bénite que je mets dans mon sac. Je saisis ma Bible posée sur le chevet du lit et mon chapelet. Je fais une dernière prière et je sors de la chambre rejoindre Jason au rez-de-chaussée. On se rend sur le parking, il déverrouille sa voiture et on prend place à l’intérieur.
On roule silencieusement jusqu’à Treichville mais il me jetait tantôt des regards. Je voyais beaucoup de voitures garées devant la concession. Jason gara pas trop loin et on descendit de la voiture comme des automates. Il me tendit la main que je saisis et on avança vers la concession. Je commençais à me sentir toute chose. Je serrai fortement mon sac contre moi car je ne me sentais pas vraiment en sécurité. On entre et il y a du monde. Des gens que je n’ai jamais vus ni d’Adam ni d’Eve. On avança toujours lorsque j’aperçus papa et maman Lyne assis devant d’un côté et ma mère de l’autre. C’est la première fois que je la revoyais depuis 4 ans et elle avait changé. Mais j’aurais même dit qu’elle a rajeuni. Bizarre non ? En avançant du côté de mon père, je remarquai les personnes entourant ma mère. Elles me fixaient longuement. Je ressentis des frissons me parcourir le corps. On s’assit à côté de papa et maman Lyne mais je ressentais toujours les regards posés sur moi. Je tournai la tête vers leurs côtés et je les vis chuchoter entre elles je ne sais quoi. Ma mère finit par lever son visage et nos regards se sont croisés. J’ai cru qu’elle allait même faire une attaque en me détaillant de son regard froid. Une aura noire entourait ces personnes. Je priais intérieurement pour ne pas qu’elles osent s’approcher de nous.
Je finis par me lever de là et à entrer dans la maison où était exposé le corps. Jason avait posé sa main sur mes épaules et on y alla ainsi. J’apercevais le cercueil blanc qui était fermé. Apparemment d’après ma mère, elle avait perdu trop de poids et ce ne serait pas une bonne idée de laisser ça ouvert pour ne pas choquer les gens. J’ai fait le tour mais je n’ai pas duré car je me sentais compressée. C’est trop étrange tout ce qui se passe. Je ressortis de là et les mêmes personnes me fixaient toujours. Elles n’étaient pas claires du tout pour moi. Ma mère me fixait toujours et parlait avec elles. Je suis sortie de la concession prendre de l’air. J’étais de dos quand je sentis une présence derrière moi. Je me retournai et mon visage se renferma.
-« Tu as drôlement changé »
-« En quoi est-ce ton problème ? »
-« Je ne te permets pas de me parler ainsi. Je suis ta mère et tu me dois du respect »
-« Le respect se mérite et est réciproque. Tu n’es pas ma mère mais juste ma génitrice »
-« Pourquoi tu parles ainsi ? »
-« Tu me fais perdre mon temps. Aujourd’hui tu te souviens que tu as une fille du nom de Maira ? N’insulte pas mon intelligence stp »
-« Mais je t’aime toi aussi. Tu es ma fille »
-« Tu ne m’as jamais aimée. Celle que tu as toujours aimé a toujours été Malia au détriment de tes deux autres enfants. J’ai grandi sans toi et j’en suis fière »
-« Qui te met des bêtises pareilles dans la tête ? »
-« Personne. Je sais tout ce que tu m’as fait. Je n’oublierai jamais. Je te jure que si j’avais la possibilité de choisir ma mère avant de venir sur terre, jamais je ne t’aurai choisie »
-« Mais tu es impolie Maira »
-« Si tu savais comme je me contrefous de ce que tu peux penser de moi car tu ne fais pas partie de ma vie. Ne dis plus jamais que je suis ta fille. Ce n’est pas vrai »
-« Tu es la seule fille qui me reste »
-« Ce n’est pas moi. Tu n’es pas ma mère. Maman Lyne est ma maman… »
-« Je comprends d’où proviennent maintenant tes idées farfelues »
-« Elle est la maman que j’ai toujours voulu avoir et est tellement différente de la sorcière qui m’a mise au monde »
-« Pourquoi tu es si méchante ? »
-« Je dis juste la vérité maintenant excuse-moi »
Je ne sais pas ce qu’elle a voulu faire mais j’ai juste vu sa main se lever et j’eus un mouvement de recul. Elle est sérieuse elle ?
-« N’ose plus jamais refaire ce que tu as tenté de faire »
-« Je vais t’apprendre la discipline moi ? »
-« A part la méchanceté et faire du mal, tu ne peux rien enseigner à quelqu’un »
Je l’ai laissée plantée là et je suis retourner m’asseoir. Jason et Maman Lyne me regardaient mais je leur ai juste dit que je leur en parlerai plus tard. Elle alla se rasseoir du côté de son plan tout en toisant Maman Lyne. Papa était éprouvé et je ne voulais pas me donner en spectacle non plus. J’allais m’asseoir à côté de lui et je posai ma tête sur son épaule. Tricia et Karl arrivèrent en début de soirée. On finit par s’en aller et à rentrer à la maison. Tricia dort même avec moi ce soir. Je n’arrive pas à trouver le sommeil. Je reste donc allongée sur le dos à fixer le plafond et je pense à Malia. Que voulait-elle dire quand elle me disait de ne pas faire confiance à notre mère ? Pourquoi je n’ai pas ressenti ses douleurs plus tôt quand sa maladie a commencé ? C’est bizarre. Je finis par m’endormir sur ses questions sans réponse. Je me suis réveillée aux alentours de 5 heures du matin. J’ai fait ma prière du matin avant d’aller prendre une douche. En revenant, j’ai pris mon téléphone et j’avais des sms de Karl. Lui-là vraiment. Je répondis à ses messages avant de descendre au salon principal m’asseoir pour réfléchir. Aujourd’hui, je vais enterrer Malia et ça me fait trop bizarre. Ca me fait mal de savoir qu’elle soit morte comme ça. Qu’elle soit partie comme ça.
Il est 10 heures et nous sommes à la paroisse Saint Jean de Cocody. Je suis la messe d’une oreille distraite et pense à tous mes souvenirs avec Malia. Tant les bons que les mauvais. Je me dis que c’est dommage que la vie nous ait ainsi séparées. Je regarde papa et il tient. Maman Lyne veille à cela. Je regarde mon frère et il est fort aussi donc ça ira. Je regarde vers ma mère et je la vois entrain de discuter avec quelqu’un et ça me choque même. Comme si elle n’était pas intéressée par ce qui se passait. Je me reconcentre sur la messe.
Il est 13 heures et nous sommes tous au cimetière de Williamsville. Ma mère avait souhaité enterrer Malia chez elle mais papa s’y est farouchement opposé et Jason et moi n’étions pas d’accord aussi. On est tous regroupé autour de sa future demeure. Chacun tenant une rose rouge en mains. On fait une dernière prière collective avant que le cercueil ne commence à descendre et là je commence à réaliser que ma sœur est vraiment partie. Je réalise qu’on ne se reverra plus jamais. Mes yeux s’embuent de larmes qui sont camouflés par mes lunettes de soleil. Ils finissent par sortir de leurs cachettes et commencent à dégouliner sur mes joues mais je les essuie rapidement. Ma mère fait tout un tapage mais je la trouve tellement fausse. Je sais que c’est méchant mais c’est l’impression que j’ai. C’est ce que je ressens. Je m’avance et jette ma rose qui atterrit sur le cercueil. Tout le monde fait de même. Ensuite, on soulève une poignée de terre qu’on balance sur le cercueil et les gens commencent à se dissiper tandis que moi je reste là pour voir la dernière demeure de Malia. Jason finit par me tirer de là avec Tricia, man Lyne et papa. ON rentre directement à la maison où Karl nous retrouve. Moi je vais directement dans ma chambre car je ne suis pas d’humeur à discuter là et je finis même par m’endormir. A mon réveil, Jason me demande si je vais bien et je lui réponds positivement. Je ne suis pas bien en fait, je ressens des choses bizarres. Je prends la voiture et sors faire un tour. Je vais chercher des glaces à SOCOCE. Vous ne devinerez jamais sur qui je suis tombée là-bas : Ross. J’essaye de faire demi-tour mais trop tard il m’avait vue et se dirigeait vers moi. Je faisais celle qui ne l’avait pas vue et me dirigeait vers un magasin quand il saisit mon bras et me retourna de force.
-« Arrête de me fuir Maira. Je veux juste te parler un instant. Je t’en prie »