Chapitre 12 ( Partie 1) : Reflet brisé
Write by Lalie308
Des murmures incompréhensibles, une obscurité effrayante. Lysga se trouvait dans l’antre de Galista ; il répétait incessamment les quatre premiers rituels. La douleur restait la même chaque fois, sinon qu’elle s’accentuait. Il ne pouvait y échapper, il n’avait plus de volonté, il ne pouvait réagir. Ses veines battaient à tout rompre sur sa tempe, son sang fusait dans ses veines et la quantité d’air explosait dans ses poumons dont le volume avait soudainement diminué.
— À jamais et pour toujours, sifflait la voix de Galista.
Plusieurs autres voix répétaient cette même phrase. Il était à présent allongé sur la table de l’antre de Galista, elle était absente. Les écritures fusaient sur sa peau, implantant leurs flammes dans ses os. Il restait toutefois immobile, comme mort. Le décor se substitua soudainement au vide. Un bébé, lui, se tenait dans le noir. Des voiles blancs serpentants se dirigeaient vers lui. Soudain, d’autres, plus sombres, s’interposèrent pour enrouler le petit bébé qui disparut sous la couche de voiles. Lysga apparut de nouveau, les yeux noirs et des marques blanches déchirant ses poignets. Une lame apparut dans sa main, puis son père à sa droite. Il leva sa main d’un geste rapide pour lui inciser le cou. Le sang de Cody gicla, se propulsant sur son visage, ses vêtements. Il ne bougea pas.
Des rires sonores se déployaient. De plus en plus fort. Sa respiration s’accéléra puis se coupa. Ses poumons luttaient vainement, son sang se solidifiait dans ses veines, et un cri strident déchira ses tympans. Les yeux de Lysga s’ouvrirent brusquement, il était en sueur. Son rythme cardiaque était aux extrêmes, tandis que ses membres tremblaient exagérément. Ce n’était qu’un rêve. Il planta ses yeux sur le plafond de bois en respirant bruyamment. Il faisait encore nuit dehors, mais il était persuadé qu’il ne trouverait plus le sommeil ce soir. Il se demanda si toute sa vie ne résumerait plus qu’à ça : fuir Galista, supporter le feu dans son âme. L’image de son père se faisant déchirer la gorge par lui se rappela à sa mémoire. Il ferma fort les yeux pour l’effacer afin de se convaincre que jamais il ne ferait ça. Il se leva pour s’asseoir au sol, jambes tendues. Il resta ainsi pendant toute la nuit, se retenant de hurler, de pleurer, se contentant de supporter, d’espérer que c’était fini.
Au matin, il se leva avec nonchalance pour s’apprêter. Lorsqu’il voulut enfiler sa tenue, les écritures inscrites par Galista apparurent le long de tout son corps, très douloureuses. Il leva la tête, serra les dents pour attendre que ça passe. Sur le mur en face de lui était écrit en rouge : ritornu (reviens). Il fixa longtemps les lettres, jusqu’à ce qu’un claquement à la porte ne les fasse disparaître. Il laissa échapper une longue expiration avant de crier :
— J’arrive !
— Lysga, c’est moi, répondit Luz depuis l’autre côté de la porte.
Il enfila rapidement sa tenue avant de se diriger vers la porte. Il plaça sa paume en face d’une zone jaune puis la porte disparut. Luz l’accueillit avec un immense sourire qui s’évanouit lorsqu’elle l’analysa de prêt.
— Tu as fait une nuit blanche ? lui demanda-t-elle inquiète.
— Oui, je… pensais, répondit-il rapidement.
— Chéri, cette fois, il faut qu’on se parle, rétorqua doucement Luz en lui prenant la main.
Il posa son regard sur leurs mains liées avant de répondre sans émotion :
— C’est bien ce qu’on fait maman, et n’essaie pas de lire dans ma tête.
Il retira rapidement sa main. Luz le considéra pendant quelques secondes avant de laisser échapper un soupire.
— Leterra (D’accord). Je dois me rendre à la cité, intéressé ?
— Non, je dois m’entraîner avec Nalu et Nerdy, déclina-t-il.
— Leterra. J’y vais alors. Je suis là si tu as besoin de moi.
Elle se retourna.
— Mamma? (Maman ?)
Luz se retourna à nouveau vers lui.
— Je vais bien.
Elle lui sourit puis disparut.
Teinté d’une légère couche dorée, le soleil illuminait toute la planète sans réellement la réchauffer. Les plantes mouraient lentement, puis de nouvelles poussaient rapidement pour que le cycle se répète. Il faisait toujours aussi froid. Lysga, aussi neutre que d’habitude, ne prêtait aucune attention à tous les regards posés sur lui. Solenna apparut soudainement en face de lui, plein sourire aux lèvres.
— Gilma, commença-t-elle joyeusement.
Lysga s’arrêta brusquement, posant sur elle un regard interrogateur, sourcils froncés.
— Je n’ai pas vraiment le temps pour la causette Solenna, rétorqua-t-il directement avant de la contourner.
— Je sais, je vais aussi m’entraîner, lui répondit-elle en marchant à ses côtés. Avec mon père, c’est très bizarre depuis la mort de maman, donc je préfère m’occuper l’esprit.
Lysga la regarda brièvement, légèrement tenté de s’excuser. Quoique, au fond de lui il pensait avoir fait une bonne action. Il n’a fait qu’épargner la vie de Solenna, deux fois d’ailleurs.
— Tu es sûre que tu vas bien? se surprit-il à lui demander.
Solenna n’avait pourtant pas l’air déconcertée, comme si elle était à présent immunisée de l’intimidation que lui imposait auparavant la présence de Lysga. Secrètement, celui-ci commençait à apprécier sa compagnie — puisque dès que Solenna était dans les parages, il n’y avait plus rien, plus aucune voix. Elle lança un regard circulaire à la cour avant de déclarer anxieusement :
— C’est à moi de te poser cette question, ne vois-tu pas comment ils t’observent tous?
Lysga osa enfin poser son regard sur les différents êtres qui l’épiaient sans discrétion. Il se contenta de leva un sourcil avant de répliquer :
— Ma mère n’est pas morte.
Le silence de Solenna lui fit penser qu’il l’avait blessée. Il fut d’abord très légèrement satisfait, mais réussi à prendre le dessus sur ses émotions obscures.
— Mais la mienne est comme la tienne, alors ça ne change rien. Tu peux considérer la mienne comme la tienne si tu veux, en plus elle te préfère.
— Ne dis pas n’importe quoi Lysga, ta mère pourrait donner sa vie pour toi.
— Et je parie que pour toi aussi, je vous ai vu dans la salle d’entraînement de la cité, le jour où j’ai rejoint Galista.
Solenna fronça légèrement les sourcils, alors qu’ils se trouvaient à l’entrée de la grande forêt. Elle s’arrêta.
— Ne me dis pas que c’est pour ça que tu es parti.
Il ne se retourna pas vers elle, mais s’arrêta pendant quelques secondes avant de reprendre son chemin. Solenna lui emboita le pas. Elle ne reçut aucune réponse. Elle n’avait pas non plus la force de se charrier avec Lysga. Elle tentait juste de se convaincre que si sa mère n’était pas morte, elle aurait terminé à sa place.
Et que d’une certaine manière, Lysga lui avait sauvé la vie. Elle se persuadait surtout du fait qu’elle avait peut-être raison depuis le début : Lysga était une bonne personne. Néanmoins, lorsqu’elle s’osait à voler quelques petits regards en biais au gilma, elle le sentait tendu, perdu, isolé. Elle avait peur que Galista ne remporte la bataille. Ils arrivèrent enfin sur le terrain d’entraînement où se trouvaient déjà les autres.
— Hala, salua Solenna avec un large sourire.
Lysga fronça les sourcils, de plus en plus déconcerté par sa faculté à sourire dans un moment censé être douloureux pour elle.
—Hala, répliquèrent les autres avant de poser leurs regards sur Lysga qui se contentait de rester debout, bras croisés.
Il remarqua la présence de son père, s’arrangea pour ne point croiser son regard.
— Je pense que vous survivrez sans que je ne vous salue! s’exclama-t-il en levant les yeux au ciel.
— Tu aurais pu saluer 10 personnes avec la salive que tu viens d’utiliser pour montrer combien imbécile tu es, cracha Nerdy en le regardant droit dans les yeux. Commençons l’entraînement, pas d’énergie pour gérer les caprices de ce môme aujourd’hui de toute façon.
Dès que les autres s’avancèrent, Cody se rapprocha de Lysga avec un petit sourire.
— Alors, tu vas mieux?
— Oui, bafouilla-t-il rapidement avant de s’avancer vers les autres.
— Solenna, on va essayer de travailler sur la direction de tes bola di luce. Lysga, étant donné que tes pouvoirs ont été forcés, on essaiera de les cerner et d’éviter que ça ne devienne dangereux. De toute façon, tu en auras besoin contre Galista.
Il remarqua un nelcalien qui les observait depuis la forêt. Dès que leurs regards se croisèrent, l’espion se volatilisa dans les aires à travers une fumée opaque.
— Lysga?
Il sursauta puis posa son regard sur son père qui venait de lui parler.
— Oui? répondit-il en lançant un dernier regard à l’endroit où il avait aperçu la créature.
— Tout va bien?
— Arrêtez de me poser cette question, okay? Je ne suis ni malade, ni fou, donc foutez-moi la paix avec ça, hurla-t-il presque.
— Solenna, on commence, se contenta de dire Cody.
Les autres se reculèrent tandis que Cody et Solenna se placèrent face à face.
— Vous ne devez pas vous toucher, l’une des deux forces doit dominer l’autre, précisa Nerdy.
Les deux se concentrèrent en respirant profondément. Des étincelles électriques fusaient dans le regard de Cody, puis sur la pointe de ses doigts. Pendant ce temps, Solenna fixa un point dans l’espace où apparut une étoile de lumière minuscule qui augmenta progressivement de volume.
— Partez! hurla Nerdy.
L’étoile de Solenna se dirigea à vive allure vers Cody, qui fut protégé par un long cylindre de particules électriques qui compétait avec l’arme de Solenna. L’étoile trainait derrière elle un long filet blanc. Tandis qu’ils observaient avec intensité leurs armes, l’une reculait au profit de l’autre, puis l’autre faisait pareil.
En un clignement des yeux, Lysga crut voir Galista à la place de Solenna, puis les faisceaux de lumière désintégrer son père. Lorsqu’il cligna à nouveau des yeux, il vit simplement l’arme de Solenna prendre le dessus puis le champ électrique créé par Cody se vaporiser. Solenna se concentra longuement puis dirigea son étoile dans l’eau de la rivière. Ils posèrent tous deux les mains sur les genoux en respirant bruyamment.
— Ça prend plus d’énergie que je le pensais, remarqua Cody.
Nerdy affichait un petit sourire vainqueur.
— Bravo Solenna.
Elle se contenta de lui sourire. Les deux revinrent près du groupe.
— Lysga? appela Nalu.
Il leva un sourcil.
— Je pensais que je travaillais avec Nerdy. Nalu n’a même pas de pouvoir! s’opposa-t-il.
Un jil sortit de nulle part lui piqua violemment la tête.
— Aie!
Nalu lui sourit victorieusement tandis qu’elle faisait la révérence à l’oiseau.
— Gilma Lysga, bien que ma spécialité ne soit pas le combat, je possède des pouvoirs ou plus des spécialités. Je suis la gardienne de la bonne humeur et de la foi. Mais je peux rapidement faire sortir mes griffes. Aller, viens par là.
Lysga s’avança silencieusement jusqu’à elle.
— Je vais tenter de lire dans ton esprit les différentes portes déverrouillées pour déterminer comment les gérer.
Lysga esquissa un mouvement de recul.
— Non.
Il avait répondu si brusquement qu’il était effrayé qu’ils se rendent compte que quelque chose clochait encore avec lui. Nalu posa son regard sur les autres puis sur Lysga. Le regard de celui-ci croisa brièvement celui de son père avant que son attention ne se reporte sur Nalu.
— Leterra, on va procéder autrement alors gilma. Galista t’a-t-elle dit quelque chose?
Il déglutit lentement avant de prendre la parole.
— Elle a parlé de la terre et du feu qui ont été activés.
— Donc pas d’air ni d’eau. Et tant que ça ne te tentera pas d’y retourner, ça restera ainsi. Mon gilma. Dès tes 18 ans, toutes les portes seront alors complètement ouvertes. Tu ne le devras à aucune force maléfique qui réclamera constamment sa récompense. En quoi ont consisté les étapes que tu as déjà suivies?
Il s’apprêta à s’opposer à une réponse quand Fiona apparut près d’eux.
— Duna sangue (don de sang), croix sur la faiblesse, meurtre et les marques obscures, annonça-t-elle directement.
Les regards surpris se posèrent sur elle, en plus de celui mauvais de Lysga.
— Il n’aurait pas répondu de toute façon, se défendit-elle en haussant les épaules.
— Et qu’elle était censée être la prochaine? demanda simplement Nalu.
— Je ne connais pas les étapes que je n’ai pas faites.
Lysga espérait au moins une réponse de Fiona sur l’étape cinq. Il voulait savoir ce que Galista voulait bien faire de son père.
— Et toi Lysga?
Il s’efforça à rester calme pour ne rien laisser paraitre.
— Je suis partie dès la quatrième. Donc je ne sais pas, formula-t-il rapidement en sentant le stress s’accroître en lui.
Personne n’insista davantage.
— Avant d’aller plus loin et de n’attaquer tes pouvoirs, on va essayer de t’aider à contrôler ta force intérieure, expliqua Nalu avec une expression sérieuse.
Les forces tu veux dire, pensa Lysga.
— Je n’ai pas très envie de mascarades, tu vois?
— Tu comprendras que tes envies, mon cher Lysga, sont la première chose qu’on doit régler.
Solenna laissa échapper un gloussement, ce qui lui valut un regard noir de la part de Lysga. Elle reprit rapidement un air sérieux en se faisant petite.
— Je vais te montrer une série d’exercices que tu dois pratiquer, en plus de ça, je veux que tu suives toutes les instructions de Solenna pour la démarche « humilité ».
— Mais qui a besoin d’humilité? se moqua Fiona.
Nalu se contenta de lui adresser un sourire plein de sous-entendus. Fiona leva les yeux au ciel avant de s’éloigner un peu du groupe.
— Pourquoi est-ce que Solenna serait mon professeur? s’indigna Lysga.
— Laisse-moi réfléchir, commença Nerdy, elle est plus intelligente, plus forte, plus…
— N’importe quoi!
— Lysga, tu dois te montrer coopératif si tu ne veux pas que Galista prenne le dessus, dit Cody.
Lysga se tut. Nalu tapa trois fois sur son chapeau de champignon qui s’illumina directement.
— Approche gilma, touche. Je te transmets juste la clé pour pouvoir le faire seul après.
Lysga s’avança vers elle pour lentement poser sa main sur le champignon, puis recula. Un losange de couleur orange se dessina un sol avec au centre une représentation de la lune. Elle s’assit.
— Viens là.
Lysga lança un regard aux spectateurs qui selon lui ne percevaient pas l’intimité du moment. Il finit par s’installer, hésitant.
— Ferme les yeux.
Il obéit.
— Respire profondément et oubli tout ce qui est autour.
Lysga tenta de respirer aussi profondément que possible, puis d’ignorer tout, absolument tout. Lorsqu’il sentit sous ses pieds de l’eau, il ouvrit brutalement ses yeux. Nalu et lui se trouvaient sur ce qui semblait être la lune, faite d’une eau grise.
À l’intérieur de la sphère nagaient des créatures de tout genre qui produisaient des sons uniques et relaxants. — Tu pourras accéder à cet endroit chaque fois que tu auras besoin de t’évader, chacun en a un unique. Tu pourras venir ici pour calmer toute noirceur en toi. Je sais qu’ils sont nombreux Lysga et très bruyants.
Lysga posa un regard surpris sur elle.
— Je n’ai pas besoin de lire en toi pour ressentir la présence de ses ombres, gilma. Je sais que c’est dur et qu’ils se sont implantés dans ton cœur avant ta naissance. Je sais que tu veux être quelqu’un de bien, au fond de toi, mais que tu n’arrives même plus à guider tes propres émotions. Et surtout, je sais que la perdition la plus douloureuse, c’est de se perdre soi-même sans savoir comment et pourquoi.
Lysga resta attentif, reconnaissant qu’elle n’ait pas déballé tout ça lorsque tous les autres étaient présents.
— En fonction de ce que ce monde qu’on appelle luna luminosu, ressentira dans ton aura, elle te présentera des activités précises. Je te laisse découvrir la première. Juste un conseil : joue le jeu. Tous les deux, nous savons que tu en as besoin.
Sans un mot de plus, Nalu disparut. Elle ouvrit les yeux dans le vrai monde puis rejoint les autres qui s’entraînaient. L’enveloppe charnelle de Lysga était assise en tailleur, yeux clos. Sur luna luminosu, il se tenait debout, observant à ses pieds les créatures qui bougeait à un rythme calme et apaisant.
Soudain, le « sol » s’ouvrit sous lui, il se retrouva plonger dans l’eau. Il respira toutefois parfaitement. Les créatures autour de lui se mirent à produire des sons beaucoup plus agités et moins apaisants, se déplaçant dans tous les sens et le bousculant incessamment.
— I criaturi chì u sensu. Per calma, ci hè da toccu à calmà, in armunia cù a vostra persona per chì u vostru ambiente hè cun voi (ces créatures ressentent tes émotions. Tu dois te calmer pour qu’ils le fassent, tu dois être en harmonie avec ta personne pour que ton environnement lui soit avec toi), lui annonça une voix sans tonalité, sur laquelle il ne put poser un genre.
Il ferma les yeux en se protégeant de la collision avec les créatures. Il inspira puis expira profondément pour calmer ses sens. Que pouvaient bien ressentir ces créatures? Les forces en lui? Ou simplement ses sentiments? Il essaya vainement de se calmer, mais rien n’y fit. Il tenta de faire le vide, mais toujours rien.
Il essaya et réessaya sans résultat. Soudain, une énorme créature ayant l’apparence d’un poulpe se dirigea à vive allure vers lui. Dès leur collision, il poussa un long cri avant de se retrouver sur le terrain d’entraînement. Il se releva brutalement, en colère.
— Tu appelles ça une activité relaxante toi? s’insurgea-t-il à Nalu.
— Calme-toi Lysga, ça prendra du temps. C’est un apprentissage, pas un miracle!
Il soupira bruyamment avant de se mettre à marcher vers l’autre côté du terrain.
— N’oublie pas de pratiquer, cria Nalu à son attention.
Fiona disparut pour apparaître en face de Lysga qui marchait rapidement pour aller s’isoler loin d’eux.
— Petit menteur, lui glissa-t-elle à l’oreille avant de disparaître à nouveau.
Il savait pertinemment que Fiona était au courant de ce qui se passait réellement avec Galista. Il doutait par contre du fait qu’elle sache exactement ce qui lui avait demandé Galista.
— Lysga!
Il continua de marcher, faisant mine de ne pas entendre son père.
— Lysga! répéta-t-il plus fortement en faisant apparaître des étincelles au pied de Lysga qui recula rapidement.
Cody marcha rapidement jusqu’à lui.
— Suis-moi.
Il obéit et suivit son père jusqu’à une des cours du village, relativement peu fréquentée. Cody s’arrêta pour faire face à son fils.
— Que se passe-t-il cette fois? lui demanda-t-il sérieusement.
— Je suis juste fatigué.
— Et tu m’éviterais parce que tu es fatigué? avança Cody, incrédule en arquant un sourcil.
Lysga lança un regard circulaire autour d’eux, lorsqu’il regarda à nouveau Cody, il vit le visage de Galista sur le corps de son père. Le choc que lui provoqua cette vision le poussa à reculer, yeux écarquillés. Il secoua énergiquement sa tête pour retrouver une vision normale.
— Tu vas bien? s’enquit Cody en fronçant les sourcils.
Lysga afficha une expression septique en hochant maladroitement la tête.
— Me, veni à mè, ( Moi, viens à moi), chuchota une voix dans sa tête.
Celle de Galista.
— Papa, finit-il par soupirer en affichant pour la première un air apeuré en face de son père.
— Lysga? rétorqua Cody avec une once d’espoir.
— Éloigne-toi de moi, déclara Lysga d’une voix tremblante.
Le souvenir de la fois où ce morceau de bois avait transpercé le pied de son père lui revinrent en mémoire, puis la culpabilité extrême qu’il avait ressentie. Il n’avait plus envie d’avoir les mains tachées de sang, il ne l’a jamais voulu. Et si Galista voulait qu’il tue son père? Cody fronça de plus belle les sourcils en scrutant son fils, essayant de lire ce qui se cachait sous cette armure de béton, ces fissures de porcelaine qui effritaient l’image que Lysga a toujours montré.
— Que veux-tu dire? Pourquoi devrais-je? Au contraire Lysga, c’est le moment pour qu’on soit tous les deux ensembles, unis. Quand ta mère avait commencé à se sentir isolée des autres, elle a fait beaucoup de mauvais choix. Tu as la chance d’avoir des personnes qui tentent de te protéger Lysga.
Les ombres en lui se mirent soudain à bouger très rapidement, c’était l’impression qu’il avait. Il pouvait les sentir cogner fort dans son ventre et dans sa tête comme des prisonniers qui tentaient de briser des rambardes. La douleur était insupportable, certes, mais surtout constante. Quoi qu’il fît, il se sentait faible, à leur merci. « Je veux servir le mal », avait-il dit sans savoir que c’était le mal qui s’était servi de lui depuis sa conception. Il ferma brièvement les yeux, s’efforçant à remettre suffisamment ses idées en place pour parler.
— Tu as raison.
Cody esquissa un sourire avant de l’étreindre. Lysga ne bougea pas, ouvrant grand les yeux de surprise. Une explosion de fumée noire dans ses yeux lui provoqua une vive douleur qu’il refoula avec violence. « Profite de la tendresse, Lysa », se raisonna-t-il mentalement.
Lorsque Cody se détacha enfin de lui, il tenta de le regarder avec un air neutre.
— Je vais y aller.
— Oui, on se voit ce soir pour la Luminaso.
— Oui, souffla Lysga avant de s’éloigner à grandes enjambées.
Cody resta sur place, fixant son fils s’éloigner. Lysga tenta de ne regarder que droit devant lui, pas de distraction. Il devait vite se rendre dans sa chambre, s’enfermer, respirer, mourir en silence. « Subitu (vite), subitu », se répétait-il. Son regard s’accrocha pourtant à une nelcalienne qui le fixait, encore une autre créature dissimulée entre des arbres. La créature lui adressa un sourire malicieux, puis se fit spontanément remplacer par Galista. Lysga s’arrêta net, mais se ressaisit rapidement pour reprendre sa route. « Elle n’est pas là, elle ne l’est pas. » Il marchait par pur automatisme, il voyait flou.
Le sol tanguait sous ses pieds. Le visage de Galista s’imposait constamment à lui, un visage fou et fourbe. Il arriva enfin dans sa chambre après plus de temps qu’il ne l’aurait espéré. Il laissa échapper un long soupire en se passant la main dans les cheveux, de la même manière que le faisait Cody. Son regard croisa son reflet dans le miroir nuage. Il semblait si bien portant, si normal. Néanmoins, sous cette façade bien bâti, il pouvait aussi apercevoir le reflet d’une âme pourrie, les reliques de cris et de douleur.
Il s’approcha lentement du miroir, s’observant toujours aussi intensément. Il observait la pointe blanche de ses cheveux, les points noirs dans ses yeux, les marques sur son visage. Une main émergea soudainement de la glace pour lui encercler le cou. Il recula instantanément en sentant déjà son corps s’appauvrir en oxygène. Le visage de Galista n’était plus qu’à quelques centimètres du sien.
— Ritornu (Reviens), grondait la voix métallique.
— Non, hurla-t-il d’une voix quasi éteinte.
— Ritornu, insista plus sauvagement la voix.
Il se retrouva à genoux, à court d’air. Une série de flashs rapides l’éblouit : encore chacun des quatre rituels.
— Non, non, non, répéta-t-il en s’éloignant de plus en plus.
La seconde qui suivit, il n’y avait plus de Galista, plus de main, plus personne. Il resta à genoux pendant plusieurs minutes, essayant plus de ne pas s’effondrer que de reprendre sa respiration. Il s’osa à poser un dernier regard sur son reflet dans le nuage miroir, un dernier regard pour tracer une nouvelle trace mnémonique de l’être pesteux.
Merci de lire, voter et commenter.
Lalie