Chapitre 13

Write by Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 13

 

Khazey Omanda


    

De derrière nous parviennent les lamentations d’un imbécile qui est devenu heureux grâce à ma sœur.

 

Lorsque nous arrivons à Ntchenguet, nous nous engageons dans un chemin de sable pour être au plus près de la maison des parents de cet imbécile. Quand nous arrivons, nous restons, mon frère et moi, bouche bée devant l’immense maison inachevée, dont Mbina nous a dit que c’est ma sœur qui la fait construire pour ses parents.

- On descend. Je ne partirai pas d’ici sans la marmite dont nous a parlé cet imbécile, dis-je à Frédéric.

Nous descendons de voiture. Je vais vers l’arrière du véhicule, ouvre une portière et regarde l’imbécile de Mbina. Je lui dis alors :

- Si tu veux ta liberté, tu as intérêt à te comporter de manière civilisée.

Il me regarde, me toise et me répond :

- Faut me laisser tranquille ! Vous voulez encore me faire quoi ?

Je referme la portière du véhicule. Je vais tranquillement toquer à une porte. Cette dernière s’ouvre sans résistance. Frédéric me dit :

- Entrons. J’ai déjà prévenu maman en lui disant d’appeler la police si nous ne sommes pas chez elle dans une heure.

Là, nous entrons dans ce qui est la cuisine. Il y a un vieil homme qui dort là, par terre, une bouteille de Regab en main. Le type ronfle comme un porc. Nous arrivons dans ce qui est le salon. Un autre ivrogne dort là sur le tapis sale qui recouvre le sol. Nous avançons et remarquons que toute la maisonnée dort encore. Nous ouvrons une porte puis une autre. Dans une très grande chambre contenant trois grands lits de deux places, des enfants dorment ci et là.

- Chut ! me fait Frédéric en entrant dans la chambre.

Je reste dans le couloir et surveille ci et là ! Mon frère avance à pas de loup, se baisse et regarde sous les lits. Il se relève et me fait signe qu’il y a quelque chose sous le lit du fond. Il avance et est obligé de se salir pour aller en dessous de ce lit. Frédéric en ressort effectivement avec une marmite. Une toute petite marmite en aluminium. Il avance pour sortir de la chambre. À ce moment-là, j’entends qu’on ouvre une porte plus loin. Je lui fais signe de venir. Une jeune femme sort d’une chambre en se frottant les yeux. Quand elle remarque ma présence, elle crie :

- Toi c’est qui ?

Seigneur ! Personne ne parle correctement français dans cette famille !

Je la regarde et lui dis :

- Je suis l’ami de Charlemagne. C’est votre mère qui m’envoie pour chercher des médicaments pour la petite Charissma. Elle a dit qu’on les trouvera sous son lit. Et j’ai trouvé. Je m’en vais. Charlemagne m’attend dans la voiture.

La jeune femme qui semble avoir bu plus que de raison et qui est encore sous le coup de l’alcool me sourit et dit :

 Chéri, on dit quoi ? Y a pas une petite Heineken, là !

Je fouille l’une de mes poches et en sors un billet. C’est un billet de 5mille francs. Je le lui tends. Elle le prend en souriant et va dans ce qui semble une douche. Je souffle et fais signe à Frédéric de sortir rapidement.

Là, nous nous dépêchons de sortir de cette maison de fous. Au moment où Frédéric pose la marmite en sécurité à ses pieds et monte, la porte de la maison s’ouvre. Une dame sort en pagne et nous fait signe. Elle crie :

- Eh, vous êtes qui, vous là ?

Je baisse la vitre et la regarde droit dans les yeux et lui demande :

- Et vous, qui êtes-vous ?

Là, alors que je démarre et amorce une marche arrière, elle crie alors :

- Au voleur ! Au voleur !

Essayez donc de rattraper à pied un voleur conduisant un véhicule 4x4 !

 

Alors que nous partons avec deux pelés et trois tondus qui courent après la voiture, la pluie s’abat d’un coup. La violence des rafales de pluie me surprend au point que je dis à Frédéric :

- On s’arrête à la première benne publique que l’on voit et on y jette ce type ! Il a besoin d’une bonne douche et la voiture aussi !

- Oui ! ça lui fera les pieds de côtoyer la verdure. De toute façon, on saura désormais où le trouver !

Nous avançons et juste après l’hôpital, nous nous arrêtons. Frédéric et moi descendons de voiture. Nous ouvrons l’arrière de la voiture, sans nous soucier des taxis qui circulent déjà. Là, je prends Mbina par un bras. Il supplie alors :

- Pardon, pardon, pardonnez ooooh ! Je ne dois pas me mouiller. Je ne dois pas me mouiller ooooooh ! Pardonnez ! Pardonnez ! Je ne dois pas me mouiller.

Frédéric me regarde et là il lui dit :

- Tu vas te mouiller mon cher ! Descends tout de suite ! Cette voiture n’est pas un taxi.

C’est sans cérémonie que nous le soulevons et le jetons dans une benne à ordure de laquelle il ne pourra pas sortir sans aide étant donné qu’il a le bas du corps entravé et emprisonné dans un sac poubelle bien ficelé. À la façon dont le type se met à pleurer comme un bébé, on pourrait se laisser attendrir, mais là, on entend :

- Mon parfum, ooooh ! Mon parfum va partir, ooooh ! On a dit que je ne dois pas me mouiller oooooh ! Mon parfum oooooh ! JE SUIS FOUTU ! JE SUIS FOUTU ! JE SUIS MORT OOOOOOOOOOOOOH !

C’est sans état d’âme que Frédéric et moi partons de là, complètement trempé, l’esprit plus préoccupé par ce que nous découvrirons dans cette marmite, que par ce qui arrive à Charlemagne Mbina.

 

En arrivant chez Maman à la Cité Shell moins d’une demi-heure plus tard, nous la trouvons assise dans le salon. Elle se lève rapidement pour aller nous chercher des draps de bain pour nous sécher. Une fois fait, je me débarrasse de mon haut et m’assois sur une chaise. Frédéric en fait de même et réclame à maman, une boisson chaude. Elle revient quelques instants plus tard avec un plateau sur lequel sont posées deux tasses pleines de citronnelle.

Je prends ma tasse et ce liquide chaud que j’ingurgite fait un bien fou à ma gorge. J’exulte et essaie d’oublier le cauchemar dont Frédéric et moi sortons. Maman nous demande alors :

- D’où venez-vous ? C’est quoi cette histoire avec Mbina ?

Je lui réponds alors :

- Depuis que j’ai sorti Azaliah de son taudis et qu’elle vit chez papa, elle se désintéresse complètement de son téléphone. J’ai donc lu quelques messages et appris que Mbina l’attendait au carrefour Trois métis à 3h du matin. J’ai décidé d’aller au rendez-vous à sa place. Je suis allé chercher Frédéric pour qu’il m’accompagne. Nous avons payé une fille pour qu’elle l’attire vers la maison de Jordan. Quand il est arrivé là, nous avons eu droit au déballage complet des petits secrets de Mbina et sa mère.

Je me tais, car j’ai l’impression que je vais avoir des maux de tête. Ma mère se tourne vers Frédéric et lui dit :

- Je t’écoute. C’est quoi cette marmite que tu as posée là à la terrasse ?

Frédéric lui répond :

- Attends, je vais te faire voir la vidéo qui t’expliquera tout.

Frédéric tend son téléphone à maman puis la laisse regarder la fameuse vidéo. Les yeux de ma mère manquent de sortir de leurs orbites. Elle lève le regard vers moi et d’une voix tremblante me dit :

- Ils ont vraiment fait ça ?

- Et encore, tu n’as rien entendu ni vu ! Je ne sais même pas combien de temps il me faudra pour me laver l’esprit après tout ce que j’ai entendu. Si la mère de Mbina était là, je lui aurais fait subir le même traitement que nous avons fait subir à cet homme.

- Cette femme est le diable incarné ! Comment peut-on encourager son fils à faire du mal à une femme enceinte ? Ils n’ont donc vraiment aucune considération pour Azaliah ?

- Maman ! Azaliah était leur banquier, leur supermarché, leur pharmacie et l’entrepreneur de leur avenir.

Je me tais, regarde ma mère puis mon frère. Je finis par demander :

- Est-ce que cinq ans ce n’est pas trop ?

Ma mère hausse les épaules et répond :

- C’est difficile de convaincre un esprit attaché. Avec tout ce que j’ai entendu, je comprends mieux pourquoi Azaliah nous rejetait et retournait à chaque fois vers Mbina. J’ai mal à au cœur.

- J’ai l’impression qu’un rouleau compresseur m’est passé dessus ! Je vais pourtant devoir aller au bureau. On parlera de tout ça plus tard. Il va falloir trouver comment se débarrasser du contenu de cette marmite.

Ma mère me regarde puis me dit :

- Où avez-vous laissé cette ordure de Mbina ?

Je lui réponds :

- Dans une benne à ordure. C’est là qu’est sa place avec les rats et les asticots !

Je me lève et décide de partir avec ce drap de bain autour de mes épaules. Alors que je passe le pas de la porte, un téléphone sonne. Je le sors de la poche. C’est le téléphone de Mbina. Je décroche et mets le haut-parleur. La voix éraillée de la mère de Mbina hurle :

- Chaloulou ! Chaloulou, tu es où, hein ? On dit que les gens sont venus vole rà la maison, là-bas ? Chaloulou, c’est qui les gens là ? Ah Chaloulou j’espère que tu as réussi ta mission, ooooh ! On a bien dit les Etats-Unis, ooooh ! Chaloulou, dis que tu as réussi !

Je lance alors :

- Madame, c’est le capitaine Nguéma Ndong Séraphin, au bout du fil. Votre fils Charlemagne Mbina est détenu en ce moment au commissariat central de Port-Gentil.

Je raccroche tranquillement avec l’espoir que ce petit mensonge fasse un effet boule de neige et dérange au plus haut point cette famille de timbrés.

 

Quand j’arrive au bureau avec 30 minutes de retard, j’essaie de retrouver mes marques après cette nuit raccourci. Une heure après, je vais dans le bureau de Claire Mékang, la responsable juridique de l’entreprise. D’entrée de jeu, je lui demande :

- Claire, connaîtrais-tu quelqu’un de confiance au niveau de la police ? Je ne sais pas trop comment m’y prendre avec une affaire assez rocambolesque.

- J’ai une amie d’enfance qui est commandante de la brigade maritime au niveau de la province. Je peux passer par elle en cas de besoin. Raconte-moi ce qui se passe.

Je m’assois face à son bureau et lui dis :

- Ma petite sœur est enceinte de 8 mois. Elle a failli se faire violer dans la nuit par l’homme qui partage sa vie. Ils sont séparés depuis quelques jours.

- Oh ! Je vois. Écoute, laisse-moi appeler mon amie. Elle saura vers qui nous guider.

Elle prend alors son téléphone et appelle l’amie en question. Quand elle raccroche, elle me dit :

- J’ai un numéro de téléphone. Mon amie va nous introduire vers un responsable au commissariat central. On y va ensemble, si tu veux ? Je te servirai de conseil.

Je me lève et vais prévenir mon assistante que j’ai un rendez-vous important en dehors de l’entreprise et que je serai de retour dans une heure. Nous partons dans ma voiture. Arrivé au commissariat central, je souffle, car jamais je n’aurais eu la patience, je le pense, de venir et rester ici. L’endroit ne paie pas de mine et l’accueil est quelque peu…mitigé.

Vu que nous avons été annoncés par l’amie d’enfance de Claire, le commandant nous reçoit immédiatement. C’est un homme au sourire débonnaire. Il est trapu avec un fort accent fang. Il nous propose une tasse de thé et très vite nous demande d’en venir au fait. Je me lance alors :

- Ma sœur est enceinte de 8 mois. Il se trouve qu’en ce moment, elle est séparée de son compagnon et vit chez mon père. La nuit dernière, cet homme lui donne rendez-vous. Son intention était de la violer sous couvert de pratique sorcellaire. Je me suis rendu au rendez-vous qu’il lui avait fixé à 3h du matin. Je me suis occupé de lui et il a fait des aveux auxquels je ne m’attendais pas.

- Pratiques sorcellaires ! Pouvez-vous documenter tout ce que vous dites là ?

- Oui, je le peux. J’ai sur moi le téléphone portable de cet homme, dis-je en sortant le téléphone de Mboina d’une des poches de la veste de mon costume.

Je pose le téléphone sur le bureau de cet homme. Claire le prend et le passe en revue. Là, elle joue le dernier message vocal reçu par Mbina. On peut entendre la voix affolée de sa mère qui crie en langue. Elle parle en punu. Vu que personne dans la pièce n’u comprend rien, le commandant prend le combiné du téléphone posé sur son bureau et appelle pour demander qu’un certain caporal Moussadji, vienne tout de suite dans son bureau. Lorsque ce caporal arrive, il ferme la porte, salue son commandant et attends les ordres. Là, le commandant demande à Claire de jouer à nouveau le message reçu. Le caporal écoute la voix éraillée et paniquée de la mère de Mbina. Là, il nous traduit le message en disant au commandant :

- Mon commandant, cette femme se trouve sur la route du côté de Lambaréné dans un temple bitwi d’un certain maitre Mangata. Elle dit que la petite Charissma qu’elle a emmenée là-bas pour se faire soigner est morte avant l’arrivée chez ce Mangata qu’elles sont allées consulter. Elle dit à la personne à qui elle envoie le message qu’ils vont être obligés d’enterrer le corps là-bas sur la route pour ne pas avoir de problème.

Si je m’attendais à ça ! Je dis alors au commandant :

- Ces gens habitent du côté de Ntchenguet. Il y a l’hôpital juste à côté. Pourquoi emmener une enfant malade jusqu’à Lambaréné ?

Le commandant me répond :

- Ils ont sûrement quelque chose à cacher. On finira par le savoir.

Le commandant demande de jouer d’autres messages récents. C’est ce que fait Claire. Là, le caporal nous dit :

- La dame a emmené l’enfant du côté de Lambaréné parce qu’il fallait cacher quelque chose. Elle avait peur qu’on découvre quelque chose si elle avait emmené la petite à l’hôpital de Ntchenguet.

Là, le commandant me regarde et me dit :

- Vous allez remplir ce dossier et me donner tous les détails sur ces personnes.

C’est ce que je fais en indiquant le nom de Mbina, le lieu précis de l’habitation de la famille. Le commandant s’agit dans son fauteuil en tentant de joindre ses collègues à Lambaréné. Claire me demande alors comment se sont terminées les choses entre Mbina et moi. Là, c’est sans détour que je réponds :

- J’ai jeté ce monsieur dans la benne à ordures qui se trouve devant l’hôpital de Ntchenguet.

Le commandant me dit alors :

- À quelle heure l’avez-vous jeté dans cette benne ?

- Oh ! juste au moment où l’orage a commencé ce matin !

- Oh ! Mais si cet homme est mort noyé dans cette benne, vous finirez en prison, mon gars !

Il éclate de rire après cela puis me dit :

- Je ne sais pas ce qu’il avait l’intention de faire à votre sœur, mais pour ce qu’il cache au sujet de cette petite, sa mère et lui paieront. Donnez-moi ce téléphone. Je n’en pas fini.

Quand le commandant joue les autres notes vocales, on peut écouter les mêmes messages qui m’ont agacé quand j’ai eu le téléphone en main la première fois. Le commandant manque de s’étouffer lorsqu’il s’écrie :

- Mais comment peut-on demander à un homme d’aller péder une femme enceinte ? Oh, excusez-moi, se reprend-il. C’est que nous entendons de tout, ici. Toute cette perversité me choquera toujours !

Il se lève et somme le caporal de réunir une équipe dont il cite les noms. Là, il dit :

- Prenez ma voiture et allez à l’hôpital de Ntchenguet. Fouillez les bennes à ordures et ramenez-moi ce Charlemagne Mbina. S’il ne se trouve plus dans cette benne à ordure, renseignez-vous à l’hôpital. Peut-être que quelqu’un l’aura délivré et livré à l’hôpital.

Il se rassoit et me dit :

- Monsieur Omanda, merci pour tous les renseignements. Nous nous occupons de cette affaire. Si cet homme était le compagnon de ma fille, je lui aurais mis deux balles dans les couilles. Nous gardons le téléphone de cet homme comme pièce à conviction.

Le téléphone est mis sous scellé. Nous prenons congé du commandant. Dans la voiture, claire me dit :

- Bon retour au Gabon, Khazey ! J’espère que les réalités du pays ne te donneront pas envie de fuir et de repartir vivre en France.

- J’espère que non. Dans moins de 6 semaines, mon épouse et mes enfants seront là. Je vais devoir apprendre à me réadapter à la vie ici. Je suis d’ici.

- Oui ! Je te souhaite du courage. Ce n’est pas évident, parfois.

C’est en écoutant les informations sur RFI que nous repartons au bureau. J’appelle ma mère puis Frédéric pour leur parler de mon rendez-vous au commissariat central. Le reste de la journée, je le passe à travailler dans la plus grande concentration.

À 18h 30 avant de quitter le bureau, j’appelle mon épouse. Entendre la voix de mes filles me réconcilie toujours avec l’espoir. Là, mesdemoiselles me racontent leurs vies avant de me demander quand elles prendront l’avion pour venir me retrouver. Leur insouciance me fait beaucoup de bien. Quand mon épouse reprend le téléphone, elle veut en savoir plus sur la villa que j’ai finalement choisie. Là, je lui réponds :

- J’ai demandé à Imani de superviser l’ameublement de la maison. Tout sera prêt à votre arrivée. Tu n’auras qu’à te charger de la déco.

Nous avons décidé de laisser tout en état dans notre appartement à Paris et de mettre l’appartement en gestion à une agence pour AirbnB. Il reste juste le temps à mon épouse de dire au revoir à sa vie là-bas, à nos amis, à sa famille.

Quand j’arrive chez ma mère, il est 19h. elle m’accueille en me disant :

- Je suis allée à la messe à midi. J’ai discuté avec Monseigneur. C’est prête exorciste. J’ai souvent discuté avec lui. Bref, c’est long à expliquer. Il m’a indiqué comment faire pour détruire et annihiler tous les plans qui avaient été prévus pour le contenu de cette marmite.

- Que doit-on faire ?

Je l’écoute me dire en détail ce qu’elle fera dans la nuit pour détruire la fameuse marmite.

- Du sel en gros grain, de l’eau bénite et de l’encens. Rien que ça.

- Rien que ça. Je vais le faire dans la nuit. Ensuite, on devra voir un changement dans les jours prochains.

- On vivra forcément un changement, maman ! Mbina va finir en prison. L’une de ses nièces est morte. C’est une histoire un peu rocambolesque, mais tu en entendras forcément parler.

- L’une de ses nièces est morte ? C’est lui qui l’a tuée ?

- Disons que sa mère et lui avaient l’intention d’enterrer le corps de la petite dans la brousse, ni vu ni connu, car ils ont un gros secret à cacher.

Ma mère se tient la tête et me dit :

- Ne me dis pas que cet homme a violé cette petite !

- Je n’en sais rien, maman. Comme je te l’ai dit au téléphone, la police enquêtera sur Mbina. Qu’il ait violé cette petite ou qu’il atterrisse en prison, ce n’est plus mon problème.

 

Maman m’invite à table. Là, assis avec les deux enfants de mon oncle qui vivent avec maman, nous mangeons tranquillement. Mon téléphone sonne à 21h. au bout du fil, c’est le commandant qui me dit :

- Monsieur Omanda, Charlemagne Mbina a été retrouvé. Bon, il a dû faire un petit tour à l’hopital car il était en piteux état après la pluie de ce matin, mais voilà, il a été placé en garde à vue. Nous avons mené une enquête de proximité pendant la journée et recherché la petite Charissma. En discutant avec deux élèves de sa classe, nous avons appris que la petite s’était confiée à des amies en disant que son oncle Charlemagne l’avait violée et que depuis, elle se sentait malade. Nous avons réussi grâce au concours de la gendarmerie de Lambaréné, à mettre la main sur la mère de Charlemagne. Bon, il faut dire que cela m’a coûté quand même pads mal de bouteilles de Régab, mais nous y sommes parvenus.

Je termine cette conversation avec le commandant. Je le remercie à la fois pour son efficacité et la promptitude avec laquelle il a agi. Il me lâche en fin de conversation :

- J’ai promis une tournée aux gendarmes qui ont contribué à l’affaire. Alors, la mère de Charlemagne Mbina et le cadavre de la petite Charissma seront de retour à Port-Gentil avant la fin de la semaine.

Quand je raccroche, je dis à ma mère :

- Mbina est en garde à vue. La gendarmerie de Lambaréné a retrouvé sa mère ainsi que le cadavre de la fameuse nièce. La petite avait confié à ses amies en classe, que son oncle, c’est-à-dire Mbina, l’avait violée.

- Monseigneur avait raison en disant qu’en toute chose c’est la patience qui paie. Il m’avait demandé de ne jamais brusquer les choses. À chaque fois que je venais le voir et me plaignais au sujet de la situation d’Azaliah, il me demandait d’apprendre la patience, aussi difficile que cela pût être.

Je regarde maman et ai le courage de lui demander :

- À aucun moment, tu ne t’es douté que Mbina allait voir des charlatans pour maintenir Azaliah prisonnière ?

Elle me dit alors :

- J’ai l’impression que tu m’as réveillée d’un grand sommeil.

J’insiste en lui disant :

- Maman, si Mbina a pu agir ainsi impunément, c’est qu’il avait le champ libre et ne craignait personne.

- Le diable ne craint personne jusqu’à ce que Dieu lui rappelle qu’il est l’Alpha et l’Oméga.

J’évite alors de lui parler de cent millions de francs qu’Azaliah a reçus comme solde de tout compte en quittant la compagnie pétrolière pour laquelle elle travaillait.

- C’est comme si tout le monde avait abandonné Azaliah à son sort, fais-je dépité.

- Personne ne l’a abandonnée. Elle a juste pensé qu’elle était adulte et responsable et qu’on devait lui foutre la paix. Elle nous a souvent chassés de chez elle en disant qu’on voulait l’empêcher d’être heureuse. Ça laissait la possibilité à Mbina d’agir et de nous insulter par la même occasion. Sait-on seulement comment l’amour est capable de transformer quelqu’un ?

- Maman, ce type lui a fait des enfants de façon anormalement rapprochée, pour déformer son corps et la rendre moindre attractive pour les autres hommes. Il ne l’a jamais aimée. Il s’est simplement servi d’elle. Pendant tout le temps où il nous débitait ses conneries, pas une seule fois il n’a parlé de ses enfants. Comme s’il s’en foutait. Il a répété qu’il nous a fait une faveur en nous donnant des enfants gratuitement.

- Dans ce cas, qu’il aille au diable ! Il ne nous reste plus qu’à élever ces enfants de sorte qu’ils réussissent au-delà des espérances.

Je regarde ma mère et lui dis :

- Je vais dormir. J’ai besoin d’avoir les idées claires pour les prochains jours.

Je m’en vais et vais retrouver ma chambre d’hôtel. Couché sur le lit, je repasse en revue la nuit passée. J’essaie de me rappeler de toutes les conneries que ce Mbina a pu débiter. Bientôt, je me lève du lit et compose le numéro de Frédéric. Il répond au bout de 4 sonneries et me dit :

- Yo ! comment va ? Désolé, j’étais absorbé par le boulot. Je suis rentré à 20h.

- Ok. Je suis allé dîner chez maman. Nous avons eu du nouveau. La mère de Mbina a été appréhendée. Le type et sa mère sont bons pour un tour en prison. Il y a un cadavre et une accusation de viol sur mineur.

- C’est une très bonne nouvelle. On peut enfin souffler.

Je respire un coup puis lui dit :

- Frédéric ! dans cette affaire Azaliah a perdu des millions de francs. Elle a reçu un chèque de cent millions de francs. Elle m’a raconté une histoire selon laquelle on les lui a volés dans la voiture et son type aurait couru après le voleur. On parle de cent millions. Comment peut-on rater un voleur avec un sac aussi plein ?

Frédéric me dit alors :

- Tu peux dormir tranquille. Les cent millions sont à la banque.

- Quoi ? Qu’est-ce que tu viens de dire ?

- Je viens de dire que les cent millions sont à la banque. Je te raconterai tout ça demain. Tu as besoin d’une bonne nuit de sommeil.

- Frédéric, je veux tout savoir tout de suite ! Comment sais-tu que cet argent est à la banque ? Que veux-tu dire par-là ? C’est quoi cette histoire ?

- Khazey ! Dors tranquille ! On se voit demain. Je te raconterai tout.

- D’accord, d’accord ! À demain ! 



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