Chapitre 13: Confusion
Write by Lalie308
I know a girl, she's like a curse.
Je connais une fille, elle est comme une malédiction.
We wanted each other, but no one will break first.
Nous nous voulons, mais nul ne veut briser la glace.
-- Shawn Mendes--
Harry
Dès qu'elle raccroche, je bondis dans ma voiture pour me rendre chez elle, mais cette putain de voiture ne démarre pas. La frustration est à son comble et je redoute le pire. Michelle ne va pas bien. Je me précipite dans la maison, me saisit maladroitement de mon téléphone et appelle Abdou, il décroche au bout de deux sonneries.
— Yep.
— J'ai besoin de ton aide. Conduis Michelle chez moi.
Il s'esclaffe.
— Sérieusement chez toi ? Je pensais que personne n'avait le droit de franchir le seuil de ton humble demeure vampirique, me nargue-t-il.
—Ecoute, pas le temps pour les explications. Je redoute le type de connerie qu'elle peut faire dans cet état. Conduis-là. Merci, tranché-je sèchement.
—Allez, calme-toi. Sans problème.
Il accepte sans problème même s'il fait très tard. Abdou ne travaille pas pour moi, il assure simplement la sécurité de Michelle. Il peut bien s'opposer à mon élan d'autorité, mais il ne le fait pas. Peut-être parce qu'il me connait, trop bien. Je ne sais pas pourquoi je suis dans cet état, pourquoi la détresse de Michelle m'alarme tant. Mes nerfs à vifs émettent trop de signaux contradictoires. J'attends impatiemment qu'il la conduise jusqu'à moi. Je ne tiens pas en place. J'ai mal jugé. Michelle n'est pas cette joie utopique que je pensais, elle a ses faiblesses, ses blessures, ses fêlures.
Soudain, je me rends compte qu'elle viendra chez moi, là où personne n'est jamais entré. Mon intimité. Une boule pèse mon estomac, j'aimerais appeler Abdou, lui dire de rester au près d'elle, fuir encore mais je n'y arrive pas. J'ai comme besoin de la voir, mon acte n'est pas que pour elle, mais dans un but plus égoïste. Recevoir mon traitement du soir, ma dose de Michelle. Quelques minutes après, on tape à la porte et je me presse d'aller ouvrir. Je découvre Michelle les yeux rouges, qui s'empêche de fondre en larme, les lèvres pincées et les cheveux en bataille.
Michelle
Abdou klaxonne. Je soupire bruyamment. Je lance un regard rapide sur le côté de la route puis reporte mon attention sur lui. Ses mains tiennent le volant, il me regarde au travers du pare-brise. Je l'ignore et reprends ma route, marchant rapidement vers une destination inconnue. Il sort en trombe du véhicule et me retient par le bras.
—Viens avec moi Michelle.
—Où ? lui demandé-je violemment, comme s'il était la cause de mon humeur de chienne.
—Harry veut te voir, se contente-t-il de me répondre.
Une partie de ma colère s'envole aussitôt. Je baisse ma garde. Il me tend sa main que je saisis, puis nous embarquons. Avant de démarrer, il me lance un regard inquiet.
—Ça ira ? me demande-t-il tendrement.
Je hoche doucement la tête, puis détache mon regard que je fige sur l'immeuble à ma droite. Abdou fronce les sourcils, mais se contente de démarrer.
—Déesse Michelle, ta tristesse est un lac de désespoir pour ton peuple.
Je le regarde en biais, intriguée par sa manière singulière de vouloir me remonter le moral.
—Merci mais ne t'inquiète pas ça va, tenté-je de le rassurer à travers un sourire.
Il me conte des anecdotes sur les déesses grecques le long du trajet.
—Je suis une amazone Abdou, les amazones sont des guerrières dans mon pays, elles se relèvent toujours.
—Je n'en doute pas, conclut-il en me gratifiant d'un sourire lumineux.
Pourtant, je ne vais pas mieux. Je n'arrive pas à extraire ma tristesse cette fois. Le long du trajet, je pianote sur mon téléphone, me libère encore dans les mots, me soulage.
Il était une épine,
Une épine qui me souriait, une épine qui m'aimait.
Il était un poison,
Un poison de l'ordre des anges déchu,
qui m'arrosait de son liquide palpitant...
Il était soudain cette lame,
Acerbe, tranchante,
Qui me lacère les poignets... Ceux du coeur.
Il était cette bête qui boit goulûment de ses lèvres pécheresse,
Le sang de mon supplice.
Il était mon ami,
Mon ennemi,
Mon cri et ma douleur.
Abdou débarque sur un chemin isolé, creusé dans une forêt et finit par se garer sur un parking en béton. Une maison se dresse dans le creux des arbres, isolé. Harry, sans aucun doute. Abdou vient m'ouvrir, il me lance un regard compatissant et s'adosse contre la voiture. Je marche doucement vers la porte de hêtre, tape avec le heurtoir en sentant mes doigts crispés se tordre d'appréhension. Quelques secondes après, Harry apparaît.
Le soulagement se dessine sur ses traits dès qu'il me voit. Une autre parcelle de colère s'envole. Il fait un signe de tête à Abdou puis s'efface afin que je pénètre dans la maison. Le vestibule reste dans l'esprit vieillot de la maison, un porte manteau s'y dresse, un tapis turc aux motifs emmêlés orne discrètement le sol. Les murs de pierres sont très impersonnels, revêtis d'une teinte grise propre et vide.
Je détaille chaque détail des pièces, comme si je détaillais Harry. Comme s'il me donnait accès... à son intimité. Dans le silence, il me conduit dans le salon, qui contrairement au reste des lieux est des plus modernes, mais sans vie. Télé incrustée dans le mur, appareils électroniques, sofas gris, table basse de verre ornée de plusieurs bouquins, tapis toujours turcs, mais aux motifs plus discrets. L'impersonnalité se peint gaillardement dans le décor.
—Assieds-toi là je reviens, m'indique Harry en désignant le sofa.
J'obéis. Je m'installe lentement, le regard accroché sur chaque détail de la pièce. Harry se rend dans la pièce adjacente et en ressort quelques instants après avec un plateau orné de deux verres de jus de pomme, une fois encore, je suis ravie qu'on partage la même addiction. Il ne vient pas seul, une boule de poil le talonne.
Le chien vieux de quelques années a une pilosité douce rien qu'à l'œil, ses poils gris se dressent divinement et lui accordent une apparence avoisinant celle du loup. Un vampire et un loup, de mieux en mieux. Ce dernier, comme s'il me connaissait se dirige vers moi, par réflexe, je le caresse tendrement.
—Comment s'appelle-t-il ?
—Snipper, souffle Harry.
Mon mouvement se bloque, le même nom que ma défunte chienne.
—Euh Ginger, ça va ? me demande Harry en plissant ses yeux.
Je secoue maladroitement la tête puis mon regard se pose lui. Aussitôt posé, aussitôt retiré. Comme si le sien me brûlait, me consumait. J'attache mon regard à un point invisible de l'autre côté de la pièce, serrant mon jus de pomme entre doigts gelés malgré la température abordable.
—Qu'est ce qui ne va pas ? reprend un Harry décidé pour la première fois à faire la conversation.
Les derniers évènements qui m'avaient totalement échappé me reviennent brutalement. En l'espace de quelques minutes s'étaient envolés les paroles acerbes de Liam, les brûlures de mon âme. D'un coup, ils reviennent sans prévenir. Mes yeux me piquent de plus belle, je fais violence pour ne pas éclater en sanglots, pas devant Harry. Je ne ferai pas le poids face à une Audrey douce et souriante si je fais ça. Il me retire le verre de la main, m'arrachant un sursaut. Je devrais arrêter de m'évader si brutalement du monde. Il prend ma main dans la sienne et la tient tendrement. Ce simple geste électrifie mon être, mon flux sanguin augmente anormalement et mon cœur palpite.
—Ginger ? insiste-t-il.
—Liam, veut m'abandonner, comme ma mère, il veut aussi me laisser. Il veut se laisser faire par cette méchante vie et m'abandonner, articulé-je faiblement, la voix secouée par des sanglots.
Ma mère est morte depuis des années. La vérité est que je n'ai jamais réussi à faire mon deuil. Chaque moment de solitude me replonge dans ce passé là, dans la solitude qui m'a envahie pendant cette période. Harry me regarde, comme l'on regarde une fillette perdue qui confie ses chagrins à un adulte. J'en ai marre de ne lui inspirer que ça, de l'affection, cette sale affection qu'on ressent pour une sœur.
—Comment ça ? m'intime-t-il d'un ton plus doux.
Le son de sa voix se glisse dans mes oreilles pour les bercer comme des nouveaux nés. Mon cœur se serre alors que ma mémoire rejoue incessamment les paroles de Liam. Quand m'acceptera-on pour qui je suis ? Alors même que j'en ai honte, moi-même. « Michelle arrête de jouer la détraquée et concentre-toi un peu, tu rêves trop ». « Ne l'approche pas, elle est tarée cette gamine, c'est sûr qu'elle a tué sa mère à coup de connerie ».
Ces phrases si lointaines, mais si présentes se jouent incessamment dans ma tête, je suis comme prisonnière de tous ces mauvais sentiments. Non, je ne veux pas. Un sourire se dessine sur mes lèvres, le regard de Harry est de plus en plus inquiet alors qu'il nettoie des larmes avec son pouce. Je pleure ? Mais pourtant je souris. Comme si j'étais heureuse.
—Tu as dit que je n'avais pas à jouer avec toi alors ne le fais pas avec moi. Sois la vraie Michelle. Laisse tes émotions devenir palpable, souffle Harry, son regard dans le mien.
Je soupire bruyamment. J'inspire, j'expire, mais je craque. J'éclate en sanglots, ils me secouent, brisent mes cordes vocales. Des masses d'eau salée envahissent mes joues. Je lui narre la scène avec Liam. Comment le seul que je pensais m'accepter m'avait prouvé combien j'étais un phénomène, un phénomène que personne ne voulait. Tout le monde faisait semblant avec moi et les masques tomberont un à un.
— Personne n'a le droit de blesser ton humeur, Ginger. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de ton ami, mais je peux t'assurer que tu es parfaite comme tu es, commence doucement Harry.
Il me relève doucement la tête puis ses mains se noient dans ma crinière.
—Tu es la beauté de l'âme, la pure. Je te l'assure Michelle que tu n'as pas à te remettre en question à cause des autres. Tu es un éclat bien trop brillant pour certains, ajoute-t-il plus fermement, comme s'il parlait pour lui-même.
Une sensation... un apaisement se déchaine en moi. J'aime quand il me parle comme ça, qu'il me touche, ne serait-ce qu'un effleurement. Mes yeux se noient dans les siens. Pourtant, ils ne trouvent pas la clé vers son âme, pourtant la sienne, munie d'un anti balle se hisse jusqu'aux tréfonds de la mienne. Il lit ma détresse, ma folie, ma joie, mon optimisme, mon pessimisme. Il lit qui je suis, le feu et l'eau.
Le soleil et la lune, mitoyenne aux opposés. Il lit qui est Michelle Lawson, la fille inconstante. Un élan brusque me pousse à coller mes lèvres aux siennes, pendant quelques secondes, je goutte au fruit défendu, pendant quelques secondes mes lèvres redécouvrent le gout du bonheur et si perdent. Pourtant, Harry se décolle. Il me regarde comme si je venais de commettre un péché.
—Michelle je... Je ne veux pas que tu penses... commence-t-il.
Je ne le laisse pas finir, je retire doucement ses mains de mon visage en consolant mon corps qui geint de ne plus bénéficier de son toucher. Je tente de cacher tant bien que mal mon mal être. Mon cœur se remet à saigner, ma blessure s'est réouverte. Que pensais-je ? Que d'un coup, le regard d'Harry envers moi allait changer ? Qu'il allait me désirer comme moi je le désire ? Pathétique.
—Je comprends, soupiré-je en me levant. Excuse-moi d'avoir fait ça.
J'espérais qu'il me dise que je n'avais pas à être désolée. Que mes lèvres sur les siennes lui avait plu. Qu'il me retienne et qu'il me désire, aussi fort que je le fais. Une tension palpable se répand dans mon bas ventre, je la répulse violemment en marchant vers la sortie.
—Tu vas où ? m'interroge-t-il en se grattant nerveusement la nuque, à son tour debout.
—Je rentre.
—Mais il est tard et Abdou est rentré. Dors ici. Demain ma voiture sera réparée à l'aube et je te conduirai.
Il parle comme si rien ne venait de se passer, comme si tout était normal, ça me blesse encore plus. Je me retourne vers lui, sans dire un mot, le scrute pendant un instant. Je lis parfaitement son embarras.
—D'accord, me contenté-je de dire.
—Monte par les escaliers, deuxième chambre à droite. Je te rejoins tout de suite.
Je me contente de marcher vers ma destination, mais il m'interpelle de nouveau.
—Ecoute Michelle, je ne veux pas qu'il y ait de froid entre nous. Je tiens à toi, mais pas comme ça. Et je ne veux pas que tu souffres pour quelqu'un comme moi.
A la massue, s'ajoute le poignard. Malgré ça, je souris. Plus je souris, plus mon âme se déchire, les cendres s'éparpillent sur ce sol atrocement propre, d'une propreté vertigineuse, plus souillée que mon esprit boueux.
—Ne t'inquiète pas Harry. Il n'y a pas de souci. C'était le trop plein d'émotions, mens-je.
—Certaine ? demande-t-il avec l'air d'un petit garçon apeuré.
—Certaine.
Il esquisse un sourire de soulagement, pourtant pas très sûr de lui. Je hausse les épaules et reprend mon chemin. Je monte doucement les marches en bois, fixant mon regard sur le sol qui tangue sous mes pieds et mon âme qui y flotte. Un râteau, un gros râteau. Je monte enfin et débarque dans un couloir, je vois une première porte à droite, une en face. Celle en face est fait d'un bois orange vif, couleur en parfaite désharmonie avec le reste de la maison. Ma main est attirée par la poignée.
—Qu'est-ce que tu fais ?
Je sursaute brusquement en me retournant vers Harry.
—Désolé, je ne voulais pas fouiner.
Il est atrocement crispé, paniqué, nerveux. Que cache-t-il derrière cette porte ? Il me conduit vers la chambre qui m'est destinée, elle est encore plus impersonnelle que le salon.
—Ma chambre est juste à côté, m'indique-t-il, dans l'entrebâillement de la porte.
Après des « bonne nuit » plats, atmosphère lourd infligé par mon acte incongru, je prends un bain et enfile une chemise d'Harry puis m'emmitoufle dans les couvertures. Le sommeil, je le cherche désespérément. J'ai l'impression de percevoir le souffle d'Harry à l'autre bout de la pièce, à travers ses murs. J'ai tenté ma chance, et j'ai perdu, lamentablement.
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Lalie