Richard n’hésita pas à passer un savon à son ami Hervé pour avoir rompu l’instant magique. Et voilà Chantal désormais hésitante. Depuis une semaine, on dirait qu’elle essayait de l’éviter. Ils n’étaient pas encore en couple et le doute s’installait déjà dans la tête de Chantal. Et Richard ne pouvait plus supporter les choses de cette façon. Il invita Hervé un soir à la sortie du boulot à prendre une glace ensemble.

-          Richard, c’est surprenant que ce ne soit pas de la bière que nous prenons comme d’habitude mais une glace.

-          C’est pour avoir les idées claires et ne pas dire des choses et après clamer que l’on ne pensait pas vraiment ce qui s’était dit en accusant l’effet de l’alcool.

-          Ça doit être délicat alors. Que se passe-t-il ? Et puis en passant, tu ne m’as plus fait signe pour me raconter comment les choses s’étaient passées à Kpodjiville.

-          Justement c’est de cela que nous allons parler.

-          Là je suis tout excité.

-          Je vois que tu dois être très content puisque tu es très excité.

-          Je ne comprends pas. Qu’est-ce que j’ai fait ?

-          Tu ne pouvais pas attendre comme aujourd’hui pour me demander comment les choses se sont passées ? Pourquoi fallait-il que tu appelles précisément à l’heure-là ?

-          Pourquoi est-ce si important ? Je m’inquiétais pour toi. Cela faisait plus de vingt-quatre heures que tu n’avais pas fait signe de vie.

-          Même si je te considère comme un grand frère, tu ne dois surtout pas oublier que je suis majeur.

-          Sincèrement toutes mes excuses. Qu’est-ce que je peux faire pour arranger la situation ?

-          C’est de convaincre Chantal qu’elle n’est pas l’objet d’un pari. Car c’est ce à quoi elle pense depuis samedi nuit.

-          Oh mon Dieu. Je suis vraiment désolé que les choses se soient passées comme cela. Je te promets de faire tout mon possible pour régler le problème.

-          Je vais te filer ses contacts. Mais à une condition.

-          Laquelle ?

-          Tu ne fais rien sans m’en parler à l’avance. Je veux savoir tout ce que tu vas lui dire et tout ce qu’elle va te raconter.

-          Ok. Promis juré. Considère que j’ai une dette envers toi.

-          Voici son numéro.

Richard prit un bout de papier et griffonna le contact de Chantal dessus avant de le tendre à Hervé. Ce dernier s’empressa d’enregistrer le numéro dans son téléphone et de prendre congé de Richard.

Avait-il bien fait de lui remettre son numéro ? N’envoyait-il pas lui-même le loup vers l’agneau ? Il n’en savait rien pour le moment mais ne tardera pas à le savoir. Si quelque chose ne marche pas, il serait au moins convaincu de savoir que son ami n’en n’était pas vraiment un. Il avait toujours la rage. Malgré ce qu’il venait de faire, il n’avait plus totalement confiance en Hervé. Du coup, une autre idée lui vint à l’esprit. Mais cela risquait aussi de porter un coup dur à leur amitié s’il s’avérait que son ami était clean. Mais comme on le dit, dans la vie, qui ne risque rien n’a rien.

De son côté, Hervé réussit à obtenir un rendez-vous avec Chantal. Il informa aussitôt Richard qui lui remit une carte de crédit avec une provision suffisante pour gérer les dépenses de la rencontre. Le rendez-vous s’était déroulé au Phénicien. Dès qu’ils se sont installés, Chantal engagea la première la conversation :

-          On dirait que vous jouez en équipe.

-          Pardon ? Je ne saisis pas ce que tu veux dire.

-          Richard qui m’invite ici et toi aussi qui m’invite ici, je peux savoir le plan ?

-          Il n’y a pas de plan. Tu commandes quoi ?

-          Je prendrai juste une salade de fruits.

-          Dans ce cas, ce sera pareil pour moi aussi.

-          Alors je t’écoute, tu voulais me parler.

-          En effet, et tout d’abord permets-moi de te présenter mes excuses pour avoir gâché votre week-end.

-          Alors comme cela vous vous racontez tout ?

-          Non, ce n’est pas ce que tu crois. Richard et moi, nous sommes comme des frères. Alors je m’inquiétais du fait qu’il ne me donnait pas de ses nouvelles. Il n’y a pas de complot contre toi.

-          Et je suis censé vous croire ?

-          Pour être sincère, je m’en fous que tu me crois ou que tu crois Richard. C’est ton problème. Ce que je sais, c’est qu’il a changé depuis qu’il t’a connu. Il n’est plus le même. Parfois je m’énerve silencieusement contre lui mais je ne peux pas lui dire qu’il perd la boule. Car il ne comprendrait pas. Si tu l’aimes, je pense que tu dois vous donner une chance avant qu’il ne soit trop tard.

-          Pourquoi tu me racontes tout cela au juste ? Pourquoi lui-même ne me le dit pas en face ?

-          Pour ta première question, c’est parce que je veux qu’il soit heureux et que toi aussi tu sois heureuse. Et pour ta deuxième question, c’est parce que tu refuses de lui parler.