Chapitre 14

Write by EdnaYamba

 

Chapitre 14

 

6 ans plus tard

Mélanie BOMO

-         C’est comment ? me demande maman en entrant dans ma chambre après que BOUMI l’ait claqué en sortant.

-         Pff, on s’est disputé

-         Pourquoi ?

-         Parce que ses parents ne pourrons pas assisté au mariage, son père est malade et sa mere ne veut pas le quitter, sa petite sœur quant à elle est en examens à l’UOB. Il m’en veut parce que j’ai refusé qu’on le fasse au GABON !

-         Peut-etre que tu aurais dû accepter

Accepter ? Non. Pour qu’une fois sur place,  je ne sais par quel hasard il ne croise Isabelle et qu’il vienne me dire : Mélanie on ne peut plus se marier ?

Jamais. J’ai déjà réussi à ce qu’on n’y retourne pas après les études, j’ai fait de mon mieux pour que toutes les propositions qu’ils reçoivent du GABON, n’aboutissent pas, chaque fois il était de plus en plus déçu, il a dû accepter les offres qu’on lui proposait ici , qui sont très bien. On vient bien mieux même que certaines familles françaises ici, BOUMI est compétent, et très intelligent, les sociétés se le disputent mais il ne voit pas ça, lui son désir est tourné vers le GABON. Il peut déjà considérer cet espoir comme perdu, si sa famille lui manque il gagne suffisamment pour pouvoir les faire descendre, s’ils ne veulent pas qu’il se contente de subvenir à leurs besoins à distance c’est pas mal non plus.

Mais vivre au GABON, il peut déjà se dire que ça n’arrivera pas.

-         Où sont alice et papa ?

-         Ils sont sortis ! me dit maman

-         Je veux réessayer ma robe encore, dis-je à maman en souriant.

Je me précipite vers le carton dans lequel je l’ai caché après livraison pour que BOUMI ne la voie pas. on se marie dans une semaine et toute ma famille est là, mon père, ma sœur, ma mère. Ils sont là pour me voir dire oui à celui que j’ai toujours voulu. Mes cousins et nos amis seront tous là pour me voir heureuse.

Je serais Mélanie BOUMI dans une semaine. Je suis toute excitée. C’est le visage heureux que je me regarde dans ma robe de mariée au miroir sous le regard ému de maman. Sans aucun doute on peut dire que je suis belle. 

Antoine BOUMI

-         Bonjour Antoine, alors heureux de sauter le pas ? me dit mon voisin à qui nous avons donné une carte d’invitation pour le mariage.

Je me contente de lui adresser un sourire.

Heureux ? Je ne saurais le dire. Je ne sais pas si ce sentiment de manque que je ressens est dû à l’absence de ma famille ou c’est le même que je ressens depuis des années. Je vais me marier bon sang , je devrais exulter de joie, mais rien , je suis content d’épouser Mélanie et rien de plus.

Pour arranger le tout, je me retrouve coincé dans ce pays, je ne me sens pas à ma place. Je ne comprends pas après avoir fini brillamment mes études, meilleure moyenne, major de ma promotion, j’étais suivi par des sociétés gabonaises qui voulaient m’employer mais du jour au lendemain elles m’ont toutes fermées la porte au nez. J’ai dû être obligé d’accepter une proposition d’ici parce que Mélanie me mettait la pression, il n’était pas question qu’on rentre si il n’y a pas de garantie d’emploi et elle avait raison sur ce coup là. Mais je ne suis pas heureux ici, je vis bien, j’ai une bonne situation, meilleure que la plupart des compatriotes mais je ne me sens pas à ma place. J’ai l’impression qu’ici je rate quelque chose d’important. Mais quoi ? Je n’arrive toujours pas à trouver une réponse à cette question.

C’est Alain qui doit avoir raison, il serait peut-être temps que j’aille voir un psychologue. On dit qu’après avoir parlé à un psychologue on se sent bien je vais aller vérifier la théorie. Je prends mon téléphone pour appeler Alain. Ironie du sort, lui qui ne se voyait pas au GABON après ses études, y a trouver un bon emploi et moi  j’étouffe ici . Je me sens comme une sardine coincée dans sa boite.

-         Tu n’as pas l’air heureux BOUMI, me dit-il

-         Je ne le suis pas ! lâché-je, Alain je te jure je ne veux pas rester ici !

Il éclate de rire.

-         On te prendra pour un fou à la longue BOUMI, tu es bien payé mieux que certains français eux-mêmes, tu n’as pas à te plaindre et tu veux rentrer ! tu vas bientôt te marier tu devrais penser à autre chose maintenant, aux choses qui te rendent heureux !

-         J’ai pris rendez-vous pour discuter avec un psy ! lui annoncé-je alors qu’il se marre.

-         Je ris mais je crois que c’est la meilleure solution pour toi !

Certainement…

 

Isabelle MOUKAMA

Quand je m’approche pour récupérer Grace à la sortie des classes. Je la trouve assise, une petite mine. Elle a l’air triste.

-         Qu’est-ce qu’il y a ? lui demandé-je

-         Maman, pourquoi je n’ai pas de papa ?

Mon cœur se serre. Je suppose qu’elle a dû voir encore un de ses camarades avec son père, je ne sais pas le nombre de fois qu’elle me l’a posée depuis qu’elle sait parler mais surtout analyser et comprendre les choses.

-         Mais tu as plein de papa, tu as papa Richard, papa Xavier, tonton rené

-         Je ne parle pas de ce genre de papa , maman je parle de mon papa à moi, comme ma copine Rebecca , un papa à moi !

Si je pensais que ça allait être facile, voilà  que je me rends compte que ce ne sera pas aussi simple que je le pensais. Je veux bien répondre mais je n’ai pas la réponse à cette question, je crains que pour ces petites oreilles de 6 ans, ce ne soit pas une vérité à entendre.

-         Pourquoi tu me demandes ça ? lui dis-je

-         C’est parce que Rebecca m’a dit que tu vas voir un bébé, elle a dit que sa mère était comme toi avant que sa petite sœur ne naisse.

Elle pose son regard sur mon gros ventre. C’est vrai qu’à 6 mois c’est déjà assez visible.

-         Et puis elle m’a demandée si mon papa était content ? je lui ai dit que tonton René était content mais que ce n’était pas mon papa. Et elle m’a demandée pourquoi ?

Je soupire. Je suppose que maintenant qu’elle n’a pas pu répondre la question m’est adressée et si je demandais à cette Rebecca pourquoi elle ne parle pas des choses de son âge, des barbies, des poupées, je ne sais pas moi.

-         Je t’ai déjà dit que tu as plein de papa Gracie,

-         Mais non, maman … je veux un papa, comme tonton   René sera le papa du bébé…

Soupir.

Il va falloir que je trouve une solution vite sinon, elle n’est pas prête d’arrêter. Je sais qu’elle a envie d’avoir un père, je le vois dans ses yeux quand elle regarde les autres, je le vois. Mais elle n’a pas encore les oreilles aiguisées pour cette vérité. Et je n’ai pas pour le moment envie de me souvenir de cette partie douloureuse de mon existence. Je veux me concentrer sur le présent.

René et moi allons avoir un enfant. C’est une des meilleures choses qui me soit arrivé dans la vie, René. C’est un homme merveilleux, avec qui je n’ai pas besoin de me cacher et qui fait tout pour que je sois heureuse. C’est fini le passé, aux oubliettes. Je suis avec lui et je me sens bien.

Et c’est ça le plus important pour reprendre les mots de Lydie et Mireille

Quand René et moi avons commencé notre petite histoire, je gardais toujours des réserves. Au fond je craignais une déception, je voulais protéger mon cœur en gardant cette relation secrète comme celle avec BOUMI mais un jour il est venu et m’a dit :

«  Isabelle, je ne suis pas un voyou et je suis assez grand pour te voir en cachette ! ou tu me laisses rencontrer ta famille qu’on sache qu’on est ensemble ou on se quitte ! à toi de voir ! »

J’ai fait le pari très risqué d’accepter  et des années plus tard , je ne suis pas déçue, il est toujours là, énervant parfois mais le même qui me donne de voir la vie sous un angle meilleur.

-         Mais tonton René, il est gentil avec toi non ?

-         Oui , mais..

-         S’il est gentil, c’est suffisant ! coupé-je. Ah j’oubliais madame Gisèle a dit que Jonathan, Loïc et Sandra viennent en vacances

-         Youpi, s’écrie-t-elle. Maman je pourrais aller jouer avec eux ?

Je lui réponds oui alors qu’on poursuit le chemin avec une grâce qui désormais ne parle plus que des petits-enfants de madame Gisèle avec qui elle va s’amuser.

Je ne travaille plus pour madame Gisèle parce que le restaurant que nous avons ouvert Lydie et moi fonctionnent plutôt bien. Mais de temps en temps elle m’appelle quand elle a des réceptions pour que j’aille l’aider :

-         Je préfère que ça soit toi qui fasse la nourriture Isabelle, la fille que j’ai prise-là ne sait rien faire. Me dit-elle.

Si c’est la fille qui ne sait rien faire ou c’est elle qui est trop compliquée, je ne saurais répondre. Mais je vais volontiers l’aider car je n’oublie pas que sous ses faux airs de femme dure se cache un grand cœur. Et ses petits-fils adorent Grace. Chaque vacance, quand ils descendent, ils la réclament pour les jeux et parfois quand Grace reste à la maison, Jonathan le plus grand d’entre eux à peine plus âgé que cassie de 4ans, les emmène jusque dans nos bas-fonds et quand ils en reviennent c’est tout sale. Eux qui jouent souvent dans la maison, découvrent ce que c’est de vraiment jouer avec les gamins du quartier. Je plains déjà, la pauvre ménagère !   

Quand on arrive à la maison, Grace va s’asseoir devant les dessins animés.

 

 

Mélanie BOMO

Nous sommes invités manger chez des amis à BOUMI qui ont organisé un petit barbecue en notre honneur.

Nous discutons gaiement dans le jardin quand Léa, la maitresse des lieux qui a accouché il y a deux mois, se précipite pour aller prendre son bébé qui pleurait. Elle revient l’allaiter au milieu de la bande avant de le passer à son mari.

-         Je peux le prendre ? demande BOUMI à qui Léon, le père remet le petit.

Il le berce et se met à lui chanter des berceuses, en le regardant comme si c’était la 8e  merveille du monde.

-         On dirait que ton gars veut déjà pouponner Mélanie, tu t’y mets quand ? me demande en riant Léa alors que mon ventre se serre.

-         Ah oui, il faut s’y mettre là, renchérit une autre, vous vivez bien vous vous êtes mariés, la suite logique ce sont les enfants. Hein BOUMI tu veux combien d’enfants ?

-         J’en veux au moins 5 ! lance-t-il en riant.

-         Mélanie tu es prévenue !

Je ris à contre cœur.

Il en veut 5 au moins alors que je ne pourrais lui en donner aucun.

Au début, je ne pensais pas que ce vieux BOUTSOUROU était vraiment sérieux lorsqu’il me disait que je n’aurais pas d’enfant, j’imaginais qu’avec le temps, tout ça n’aurait plus d’impact mais quand il y a deux ans, j’ai essayé de tomber enceinte et que toutes mes tentatives ont été infructueuses. Je me suis rendue compte : je n’allais pas être mère.

J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps mais je ne regrettais rien, j’avais BOUMI et c’était le plus important et ça l’est toujours. Il va devoir s’y faire à l’idée qu’il ne tiendra certainement jamais un enfant dans les bras. En tout cas pas de nous.

Le seul enfant qu’il a est celui qu’il a fait avec Isabelle, enfin si cet enfant est vraiment né ou a survécu. En tout cas je ne veux pas en entendre parler !

Quand nous rentrons à la maison, il évoque le sujet des enfants. Il en veut maintenant. Je me contente d’acquiescer pour lui faire plaisir en me demandant comment est-ce que je vais faire pour l’embrouiller ?

 

Antoine BOUMI

Ça fait quelque mois que je viens chaque semaine en consultation auprès du Dr MARECHAL. J’avoue qu’elle est d’une oreille vraiment attentive, je ne sais pas par quel moyen, elle a réussi à me mettre en confiance alors qu’au premier rendez-vous j’avais encore quelques appréhensions et hésitations.

-         Alors Mr BOUMI, comment vous sentez vous aujourd’hui

-         Bien, lui dis-je

-         Et votre sentiment de manque s’est-il comblé après le mariage ?

-         Toujours pas, mais vous savez docteur, j’ai pensé à une chose

-         A laquelle ?

-         Peut-être que si on avait des enfants, ça règlerait le problème.

-         C’est possible mais j’ai bien l’impression, que votre problème est plus profond que ça, parlez-moi de cette fille Isabelle vous l’avez évoqué la dernière fois

Isabelle.

Les seuls souvenirs qui me restent d’elle, ce sont ceux d’une menteuse, d’une femme méchante, qui m’a envoutée pour que je sois avec elle et qui a osé vouloir me faire passer pour le père de son enfant.

J’exprime au médecin mon désir de ne pas évoquer cette fille. Elle ne mérite pas que je dépense mon argent pour parler d’elle.

-         Bien , je vois que c’est encore une partie très sensible de votre vie, mais je veux juste vous amener à comprendre si vous la détestez autant que vous semblez le montrer c’est peut-être qu’elle a compté non !?

-         Excusez-moi Dr MARECHAL vous êtes blanc et ces choses-là vous n’y comprenez rien, mais je vous dis que cette fille m’a envoutée. Je n’étais pas en possession de tous mes esprits quand j’étais avec elle.

-         Ou peut-être étiez-vous  tout simplement amoureux ! rigole-t-elle.

Qu’est-ce que je disais, il n’y comprendrait rien. Ça s’est les choses d’Afrique qui leur semble absurdes.

-         Mais on ne va pas insister, me dit-elle

C’est bien mieux ! Pensé-je.

-         Et pour ce qui est de votre emploi, vous sentez vous maintenant heureux ?

-         Toujours pas, et je dois vous avouer quelque chose docteur ?

-         Je vous écoute BOUMI.

-         Je m’accorde encore un an et je démissionne travail ou pas travail, je rentrerais dans mon pays !

-         Et votre épouse qu’en dit-elle

-         Elle ne le sait pas ! je compte la mettre sur le fait accompli ! on est marié, elle n’aura pas d’autre choix que me suivre !

L'orpheline