Chapitre 15

Write by WumiRa

Le reste de la journée s'écoula très lentement. Malik leur avait commandé un dîner digne de ce nom, mais une fois à table, Maya ne réussit qu'à avaler quelques bouchées du délicieux tchep en face d'elle. Il le remarqua et le lui reprocha.


- C'est mal de jouer avec la nourriture, dit-il.


Comme si elle-même l'ignorait, songea Maya. À croire qu'il la prenait pour l'une de ces gosses de riches pourries à l'intérieur et obsédées par leur physique. 


- Je ne joue pas avec. 


Il ne dit plus rien et se remit à manger. Du coin de l'oeil, elle l'observait. Elle le détestait non seulement de la retenir auprès de lui, mais également d'être aussi séduisant. C'était ridicule, mais si elle avait eu affaire à un vieux au visage hideux, il aurait été plus facile de le tenir à distance. Par contre, Malik Sylla lui était tellement sûr de lui et du charme qu'il dégageait qu'elle aurait parié qu'il s'attendait à la voir lui tomber dans les bras en l'espace de quelques jours. Heureusement qu'elle n'était pas la dernière des idiotes... Enfin, il fallait le croire. 


- Mange, Maya.


Sa voix la fit de nouveau sortir de ses réflexions.


- Je n'ai pas faim. Désolée.


- Tu aurais aimé autre chose ? 


Sans blague ? Il y'avait plus de six mets différents sur la table. Ce n'était pas qu'aucun d'eux n'étaient assez appétissant, le problème était à son niveau : elle était vachement nerveuse et son appétit en avait profité pour s'envoler.


- Je t'ai dit que je n'ai pas faim. 


- Et j'insiste en disant que tu devrais manger. Je sais de quoi je parle. 


Elle leva les yeux au ciel. 


- Ce ne sera pas la première fois que j'irai dormir le ventre vide, tu peux être tranquille. 


Il finit par hausser les épaules, puis s'empara de sa coupe de champagne. 


- C'est comme tu voudras. 


Si seulement cela pouvait être vrai. Pour éviter de le regarder, elle fit de même et vida sa coupe d'un trait, avant de se resservir. 


- Tu tiens l'alcool ? demanda t-il perplexe. 


- J'imagine que oui, pourquoi ?


- Je parlais sérieusement. 


- Tu ne te souviens pas m'avoir ramenée chez toi toute ivre ? 


Sa question le freina et curieusement, il n'y répondit pas. 


- Tu es toujours sur la défensive ou c'est seulement avec moi ? 


Déroutée à son tour, elle reposa sa fourchette et fit mine de reprendre la coupe. Malik arrêta à temps son geste. 


- Quand j'aurai envie de te saouler, je le ferai, déclara t-il. Pour le moment, je te veux lucide. 


Elle eut un rire nerveux.


- Quand tu auras envie ? Et pourquoi irais-tu me saouler ? 


- J'ai cru comprendre que tu aimais ça. Alors, et si tu répondais à ma question ? 


- Quoi ? 


- Suis-je aussi détestable pour toi ? 


Enhardie par le peu d'alcool qu'elle avait bu, elle dit :


- Si cela pourrait flatter ton égo, oui tu es l'homme le plus détestable et le plus manipulateur qu'il m'ait été donné de rencontrer. 


Mais contrairement à ce qu'elle avait cru, il n'eut pas l'air de prendre sa remarque au sérieux. 


- Si c'est vraiment ce que tu penses de moi, j'en suis flatté, j'avoue, répondit-il simplement. Très flatté, Maya, parce que tu as raison, je suis loin d'être un type bien. Tu n'es même pas prêt d'imaginer qui je suis en réalité. 


- Je m'en moque. Tout ce que je veux c'est retrouver ma liberté. 


D'un mouvement précis, Malik se leva et lui tendit la main. 


- Plus tôt tu réussiras à me donner ce que je veux, plus tôt tu pourras aller retrouver "l'homme de tes rêves", crois moi. 


Elle détourna le regard. Dieu seul savait ce qui faisait penser à cet homme qu'elle comptait retourner auprès de Djibril. Elle n'était pas idiote, bon sang.


- À ta place je réfléchirais à deux fois, reprit-il. Je ne te veux pas de mal, même si ta haine vis-à-vis de moi est parfaitement justifiable. Par contre tant que tu seras avec moi, tant que tu seras ma femme, je ne tolérerai pas que tu penses à un autre. 


Voyant par là une autre occasion de le mettre hors de lui, Maya tourna la tête et affirma avec assurance. 


- Pour ça il faudrait que tu parvienne à lire dans mes pensées. Tu peux m'obliger à vivre avec toi, peut-être bien à coucher avec toi mais jamais, je dis bien jamais tu ne seras en mesure d'obnubiler mes pensées. 


- Ça, c'est ce que tu penses.


- Je suis parfaitement en mesure de contrôler mes sentiments, la preuve je n'aime...


« Je n'aime pas Djibril » ? Mais il serait idiot de lui faire savoir une chose pareille ! S'il la croyait sérieusement amoureuse de son ex, elle finirait bien par le lasser au bout de quelques mois, non ? 


- Tu... ? 


- Rien. 


Puis se levant, elle déclara : 


- Je vais me coucher, bonne nuit. 


Elle n'attendit pas sa réponse et se dirigea vers les escaliers qui menait à l'étage suivant. Malik la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle ait disparue. 



Pendant ce temps...


- Salamalekum ! (Salut !)


Les Fall qui se se trouvaient à table, échangèrent un regard.


- Tu attends quelqu'un ? demanda Firda Fall


- J'allais te poser la même question, répondit Henri. 


- Mais où sont passées ces filles ? Maïnouna ?


- Ce n'est pas la peine de crier, lui chuchota son mari. J'ai ma petite idée de l'identité du visiteur.


- Qui ?


- Attend.


Il se leva et se dirigea vers le salon. Automatiquement, elle le suivit. 


- Soit le bienvenu, mon frère, déclara Henri à l'adresse d'un homme qui se tenait immobile, au centre de la pièce. Salamalekum !


Ce dernier se retourna et le jaugea durant quelques secondes. C'était un grand homme, d'à peu près le même âge qu'Henri, mais contrairement à celui-ci, son visage était très fermé et de ce fait, plus ridé. Ils s'approchèrent l'un de l'autre et se serrèrent la main, tandis que Firda était restée en retrait, histoire de ne pas être vu. 


- Nanga def ? (Comment ça va ?)


- Alhamdoulilah, mangi fi rekk ! (Dieu merci, ça va bien) et toi, frère ? Assieds-toi donc.


Le nouveau venu, après un bref regard autour de lui, s'assit et Firda  en tant que bonne épouse vint le saluer.


- Sois le bienvenu, Karim, dit-elle.


- Merci Firda. Ana waa kër gi ? (Comment vont les gens de ta famille ?)


- Ñunga fa rekk. (Ils vont bien)


- Naka afeeri ? (Comment vont les affaires ?) 


- Mingi dox. (Ça marche)


Il approuva d'un signe de tête et dit encore :


- May ma ndox ma naan. (Donne moi de l'eau pour boire)


Firda n'eut pas besoin de regarder son mari pour savoir qu'autant qu'elle, il était étonné. Karim, son démi-frère et en même temps le nouveau chef de famille, n'acceptait jamais de boire la moindre goutte d'eau lorsqu'il était de passage, chez eux. Il les disait trop modernisés et les voyait comme de mauvais pratiquants de la religion, simplement parce que contrairement à lui, Henri avait été longtemps à "l'école du blanc" et par la suite, avait épousée une chrétienne. Le fait qu'il veuille de leur eau à présent, les laissait tous les deux perplexes.


- Laisse nous femme, finit-il par dire. Je dois parler à ton mari.


Elle obtempéra et retourna dans la salle à manger, quoique très intriguée par la réaction de son beau frère. Il était clair qu'il ne les aimait pas particulièrement et s'il se trouvait là, ce ne devait pas être pour rien. Quoi ? se demanda t-elle. À part lui et quelques envieux, son mari était bien et bon envers tous les Fall. À moins que...


Elle se rapprocha à nouveau de la porte, et l'entrebailla légèrement, pour écouter des bribes de la conversation qui avait lieu au salon. 


Ce fut la voix de Karim qu'elle entendit premièrement et tout ce qu'il dit, ne lui échappa pas.


- Pour ne pas trop vous importuner ta femme et toi, j'irai droit au but.


Henri dû acquiescer, car elle ne l'entendit pas.


- Où est ta fille ? 


- Elle n'est pas là.


- Où est-elle ? 


Il y eut un silence de quelques secondes, qui fut vite brisé. 


- Pourquoi me le demander si tu le sais déjà ? 


- Tu m'étonneras toujours mon frère. Je ne faisais que te poser une question et tu n'avais qu'à me répondre. Mais de toute façon, ta manière de parler ne m'est pas nouvelle, aussi vais-je te dire pourquoi je suis là, assis dans ton salon.


- Fais comme chez toi.


- Merci, mais non.


- Trop de modestie tue la modestie, Karim, railla Henri.


Son frère ne releva pas sa pique et poursuivit en disant : 


- La famille veut savoir ce qui t'a poussé à marier ta fille, sans daigner leur en faire part. 


De nouveau, le silence s'installa et Firda entendit l'un d'eux tousser, puis s'éclaircir la gorge.


- Il est de coutume chez nous, que toute la famille soit présente au mariage de l'un d'entre nous. Pourquoi as-tu fait ça ?


- Je n'ai rien fait, répondit Henri. Les choses ont été précipitées, mais je connais mon devoir et dès qu'elle rentrera, elle fera tout dans les normes, insha'Allah. 


- Tout aurait été simple, si elle était venu nous voir, nous ses oncles et tantes. Qui est cet homme qu'elle a épousé et qui ne pouvait pas attendre ? N'y a t-il aucun respect des coutumes d'où il vient ?


- Écoute, Karim, je t'ai dit que nous allions remédier à la situation. J'irai personnellement m'excuser auprès des autres, mais toi tu n'as pas à critiquer le choix de ma fille !


Le nommé Karim se leva d'un seul coup.


- Alors dans ce cas je n'ai plus rien à faire ici. Je rentre chez moi et puisses-tu tenir ta promesse. Mangi dem ! (Je m'en vais, aurevoir).


À peine fut-il parti, que Firda réapparut au salon.


- Il a raison, chéri, dit-elle.


- Quoi ? 


- Maya doit accomplir le mariage selon la tradition. 


- Tu as entendu quand je lui ai dit qu'elle allait le faire, non ?


- Et les parents de Malik ?


- Il n'en a pas.


- Je croyais que...


- Il m'a dit qu'il est orphelin et ce n'est pas moi qui vais le forcer à m'en dire plus. 


Il se tourna vers elle.


- Le fait que ta fille soit heureuse, ne te suffit-il pas ?


- Mais bien sûr que si ! Que vas-tu croire ? J'essayais juste de te faire comprendre que...


- Alors n'en parlons plus s'il te plaît, jusqu'au retour de Maya. 


- OK. Mais... J'espère que Karim n'est pas au courant pour elle ? Vu sa réaction d'il y'a un moment.


Le front d'Henri de plissa.


- C'est de l'histoire ancienne.


- N'en soyons pas si sûrs, Henri. Il se peut que cette femme soit toujours en vie. Et si elle avait simulée sa mort, tu imagines ?


Pour toute réponse, il vint passer un main autour de sa taille et l'entraîna vers la salle à manger.


- Même si ce que tu dis est vrai, nul ne pourra t'enlever l'amour de ta fille. C'est impensable.


- Tu crois ?


- J'en suis sûr. 

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