Chapitre 16

Write by WumiRa

« Il y'a un début à tout »


Lorsqu'il se glissa une heure plus tard à ses côtés, dans le lit, Maya retint sa respiration. Elle avait en vain attendu le sommeil, mais ce dernier semblait se moquer d'elle, aussi demeura t-elle simplement couchée, à songer aux évènements des derniers jours. Cependant, à présent qu'il était là, elle allait devoir faire des efforts, pour ne pas se précipiter hors de la chambre ; c'était plus fort qu'elle.


Comme à son habitude, elle attendit qu'il engage la conversation, mais à sa grande surprise, Malik se tourna sur le côté, lui faisant dos et peu après elle put constater qu'il dormait grâce à sa respiration.


Ce n'était pas la première fois qu'ils dormaient dans un même lit, mais depuis sa proposition insolente de ce matin, elle redoutait qu'il veuille la forcer à consommer leur mariage, si du moins c'en était un !


Un moment plus tard, elle sombra également dans les bras de Morphée.


** 


Le lendemain, à son réveil, il avait déjà préparé le petit déjeuner et l'attendait au salon, occupé à pianoter sur le clavier de son ordinateur.


Étonnée qu'il soit aussi matinale, elle alla directement s'asseoir après l'avoir salué. Le fait qu'il fasse la cuisine la gênait énormément et elle se mit à réfléchir sur comment lui en faire part, sans créer une nouvelle dispute. À croire que c'était inévitable. Lorsqu'il se leva pour la rejoindre, elle ne pu s'empêcher d'admirer ses muscles pectoraux que moulaient à merveille son débardeur blanc. Il transpirait, ce qui lui fit penser qu'il était sorti courir. Mais alors, qui s'était chargé du petit déjeuner ? 


Comme pour répondre à ses pensées, il dit :


- J'ai demandé à Rachel de m'envoyer l'une de ses domestiques pour quelques jours. Elle s'appelle Zena et elle est arrivée ce matin.


Les yeux baissés, Maya ne sut que répondre. Mise à part la "situation" dans laquelle elle se trouvait, en tant que femme wolof, c'était à elle qu'il revenait de s'occuper de la maison et c'était également à elle de préparer les repas de son mari, aussi détestable soit-il. Quoique...


- Tu m'écoutes ?


- Bien sûr.


- Très bien. Zena se chargera de tout jusqu'à ce que tu...


- Elle peut repartir. 


Il ne répondit rien et se coupa une tranche de fromage.


- Je veux dire qu'il me revient de faire tout ce qu'il y'a comme travail ici.


- Humm...


Quoi ? C'était bien normal, non ? Au moins de cette manière, elle aurait la conscience tranquille et se sentirait moins achetée.


- D'habitude je ne me réveille pas aussi tard, expliqua t-elle. J'étais très fatiguée.


- OK, finit-il par répondre. Je vais demander à Zena de s'en aller. 


- Merci. 


Elle se concentra ensuite sur sa tasse de chocolat chaud, évitant de le regarder. Malik quant à lui, se leva de table et se dirigea vers l'extérieur, sans rien ajouter. Ce ne fut seulement qu'à ce moment, qu'elle pu respirer un grand coup.


- Seigneur, faites que je ne devienne pas folle.


Contrairement à l'appel qu'elle crut qu'il était allé prendre, il ne revint pas et elle finit par débarrasser la table, pourtant bien garnie. Peut-être lui avait-elle simplement coupé l'appétit ? Il ne manquerai plus que cela : c'était quand même lui le tyran, le bourreau et à la fois le... Elle s'arrêta un moment et tendit l'oreille. Un téléphone était en train de sonner.


La sonnerie se fit plus insistante, avant qu'elle ne remarque que cela provenait de la petite table. Sans aucun doute, que Malik avait oublié son téléphone. Elle s'approcha et s'en saisit juste au moment où la personne raccrochait. Mais lorsqu'elle allait le redéposer, l'écran signala à nouveau un appel entrant de la part de... Chrystal ? Drôle de nom. Poussée par la curiosité, elle décrocha, s'attendant à entendre la voix d'un homme. Quelle ne fut sa surprise.


- Putain, Mal ça fait plus de vingt fois que j'essaie de te joindre ! Pourquoi ne décroches-tu pas à mes appels ? Pourquoi ? Tu me manques, chéri, je n'arrive pas à croire que tu aies épousée une vulgaire sénégalaise !... Mal ? Malik ? 


Wooow.


Choquée et à la fois très surprise, Maya écarta un moment l'appareil de son oreille. C'était qui cette Chrystal qui la traitait de "vulgaire sénégalaise" ? Eh bien...! Elle prit une profonde inspiration et s'apprêtait à répondre, quand tout à coup le téléphone lui échappa. S'attendant à le voir au sol, elle baissa les yeux avant de comprendre qu'en fait, on le lui avait arraché par derrière. Elle se retourna et faillit heurter Malik de plein fouet. 


Il raccrocha d'un simple geste et attendit. Qu'elle s'excuse ? Qu'elle lui demande des explications ?


- Je...


- Tu ?


- Elle...elle m'a traité de...


Elle secoua la tête et demanda :


 - C'était qui ?


- Oh, mais à toi de me le dire puisque maintenant tu te charges de répondre à mes appels téléphoniques.


- J'allais... En fait je pensais que c'était urgent, donc...donc...


- Donc tu as préféré décrocher au lieu de directement me l'apporter ? C'est très ingénieux, Maya.


- Désolée. Si je savais que c'était ta petite amie, je n'aurais sans doute pas décroché, je ne suis pas folle.


Dérouté par ses excuses, Malik se tut un moment. 


- Mais par contre, dis lui de ne plus me traiter de vulgaire sénégalaise, c'est très insultant.


Quoi ? Chrystal avait vraiment dit une chose pareille ? Mais bon, après il fallait s'attendre à tout de la part de cette fille. Ce qui l'étonnait en revanche, c'était que Maya ne se soit pas mise à se plaindre ou à pester contre lui, après ça. 


« Tu délires, mec. Elle a fouillé dans ton téléphone ! »


- Je ne veux plus que tu touches à mes affaires. J'entends par là téléphone, ordinateur, agenda. La prochaine fois que...


- Tu vas me frapper, c'est ça ? 


- Je ne suis pas fou.


- Dans ce cas peut-être que je devrais te rappeler que je ne suis pas une fouineuse. Si j'ai décroché c'est parce que... Ça va, désolée, je ne le referai plus.


Elle s'empara du torchon qu'elle avait jeté sur la table et prit la direction de la cuisine. 


S'il eut envie de la suivre, Malik se retint. Il n'avait pas à la suivre à chaque fois pour lui faire entendre raison, comme un gamin. Ce qui n'expliquait pas pour autant, pourquoi elle avait eu le culot de fouiller dans son téléphone.


Jurant, il entra à son tour dans la cuisine.


- En fait, il y'a un truc que as oublié de me dire, déclara t-il en s'approchant d'elle. C'était quoi ton plan ?


- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit-elle, en rinçant les plats.


- Je t'ai suprise en train de prendre un appel qui m'était destiné, tu as oublié ?  Tu dois être satisfaite, maintenant.


Maya se retint de ne pas lui laisser une tasse à la tête. Elle se retourna.


- Tu sais ce que ça veut dire que d'être "désolée", monsieur ? Ou peut-être qu'il faudrait que je te le dise à genoux ? Si j'ai décroché c'était par simple curiosité et parce que le nom de ta dulcinée m'intriguait, merde !


Elle s'avança vers la porte.


- Tu sais quoi ? Les disputes pour des futilités j'en ai marre, reste loin de moi.


Mais alors qu'elle allait lui fausser compagnie, il la retint en lui saisissant le bras.


- L-â-c-h-e moi s'il te plaît.


Malgré lui, il obtempéra.


Songeant qu'il serait trop facile de la retrouver dans leur chambre, elle alla chercher son téléphone et alla se réfugier au dernier étage. Ensuite seulement, elle composa le numéro de Sonya les larmes aux yeux. Cette dernière décrocha à la deuxième sonnerie.


- Allô ? fit-elle d'une voix ensommeillée 


- Sonya...


- Maya ?


Il y'eut un bruit de couverture froissée, puis la voix de Sonya reprit :


- Maya, ma belle ça va ?


- Oui... Enfin, non...


- Attends... Tu pleures ? 


Comme si elles se trouvaient en face l'une de l'autre, Maya secoua vigoureusement la tête.


- Ne me dis pas que votre lune de miel est annulée, dis.


- Lune de miel, mon cul ! Écoute... Il faut que je te vois, Sonya, c'est très... important.


- Ah OK OK, mais comment ? Tu es où ?


- Je t'écrirai pour te dire où tu devras me retrouver. Mais avant... Est-ce que tu te souviens de l'avocat de papa ? Est-ce que tu pourrais aller le voire s'il te plaît pour ?


- Mais Maya, tu sais que ce type est un salaud. Je l'ai quitté ! Tu peux me dire ce qu'il t'arrive non ? En quoi as-tu besoin que je parle à Steve ?


Un long soupir lui parvint en signe de réponse.


- Bon très bien, j'irai le voir. Où est Malik ? 


- Je n'en sais rien.


- Sans blague ? Ne me dit pas que...


- Je te raconterai tout, mais pas au téléphone So. Je ne peux pas.


- Bonnnnn OK. Mais j'avoue que je vais me mettre à flipper jusqu'à ce que je te verrai, toi tu ne pleures jamais, enfin.


Se rendant compte qu'en effet, il lui arrivait rarement de pleurer, Maya s'essuya le visage.


- Aurevoir So.


- Aurevoir chérie, prends soin de toi, je t'aime !


Lorsqu'elle raccrocha, elle se laissa tomber sur le lit et se mit à réfléchir à toute vitesse.


C'était mort d'avance, songea t-elle. Si elle avait cru pouvoir le supporter, elle s'était bourrée d'illusions, parce que jamais elle ne pourrait vivre ainsi, avec un homme qui lui manquerait de respect et qui ne lui laisserait aucun instant de répit. Comment avait-elle pu être conne au point de penser qu'elle arriverait à supporter Malik Sylla ? Cet homme était bourré d'un tel égoïsme qu'elle n'en avait jamais vu et rien, pas même le bruit de la faillite de l'entreprise de son père ne la retiendrait auprès de lui. Et comme il allait certainement s'opposer à ce qu'elle parte, il ne lui restait plus qu'une solution : la fuite. Au diable la morale et au diable L'HFL ! Où elle irait, elle était certaine qu'on ne la retrouverait pas de si tôt. 


***


Las d'être resté longtemps assis dans son bureau, Malik décida qu'il était temps de parler avec Maya et cette fois, très sérieusement. 


Il ne comprenait pas pourquoi, mais après cette dernière dispute où elle était parti en pleurant, il se sentait mal dans sa peau. Il s'était attendu à ce qu'elle persiste à avoir le dernier mot, mais sûrement pas à ce qu'elle pleure, bon sang. Jamais, il n'avait eu l'intention de lui faire du mal, même si les siens eux, lui avait fait un mal qu'il traînait depuis l'âge de huit ans. Sa haine pour les Fall n'avait rien à voir avec leur relation, encore que maintenant, il tenait plus que tout à ce que Maya lui donne un fils. Il n'avait pas cessé d'y penser pendant la nuit dernière, alors qu'elle le croyait endormi. Il avait décidé de garder ses distances, pendant un moment, jusqu'à ce qu'elle aille décrocher à un appel qui ne lui était pas destiné.


« Ta dulcinée ». C'était bien ce qu'elle avait dit. Croyait-elle vraiment qu'il était le genre d'homme à avoir de véritables sentiments pour une quelconque femme ? C'était déjà incroyable, qu'il ait du remords en ce qui la concerne ! 


Soudain, sur un coup de tête, il rappella Chrystal. La sonnerie retentit plusieurs fois de suite et il fut sur le point de raccrocher lorsqu'elle décrocha. 


- Chéri pourquoi as-tu...


- Je t'interdis d'appeler à nouveau ce numéro, Chrystal, coupa t-il, furieux.


- Pardon ? Malik ? C'est Chrystal !


- Tu n'as pas entendu, alors je vais me répéter une nouvelle fois. Je ne veux plus que tu m'appelles, est-ce clair ?


- Oh la oh la, on se calme mon amour, je crois comprendre pourquoi tu es en colère. C'est ta laideron d'épouse qui a décroché tout à l'heure, c'est ça ?


Malik perdait patience, mais se contraint à répondre assez posément.


- "Elle" est très loin d'être une laideron et tu n'aimerais pas l'avoir en face de toi, aussi écoute ce que je te dis et ne m'appelle plus, jamais. Me suis-je fait comprendre ?


- Je t'aime Malik, tu ne peux pas...


- Non, mais arrête moi ça Chrystal. Arrête ! Qu'est ce que tu veux ?


- Toi. Je sais que tu ne l'aimes pas, je sais que tout ça n'a aucun sens.


Il jura.


- Passe une belle soirée.


- Mal...


Il raccrocha et ouvrit le téléphone, avant de sortir la puce qu'il fendit en deux. Il s'empara de tous ses autres téléphones portables avec lesquels il répéta la même chose. Après, il sortit du bureau et se mit à gravir les escaliers.

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