Chapitre 15
Write by Lilly Rose AGNOURET
« Hey, Mme Anderson. How are
you ? »
« Hey, toi ! J'avais besoin de parler à quelqu'un. Je ne
te dérange pas j'espère ? »
« Mon oreille te sera toujours attentive. N'oublie pas que
c'est toi qui m’as quitté. », me fait Blake, mon ex-mari au bout du fil.
Il sait qu'à chaque fois que je compose son numéro professionnel
c'est que tout va mal.
Nous sommes samedi matin. J'ai eu beaucoup de mal à fermer l’œil
après les révélations faites par ma mère. Autant dire que je n'ai pas du tout
dormi. J'ai tenté ce matin au réveil à 6h 30, de faire le vide et d'effacer son
visage qui toute la nuit est revenue dans mes rêves (si tant est que je peux
ainsi les nommés).
Je pense au laps de temps qu'il me reste à passer ici. Juste 3
jours. Je reprends l'avion mardi soir, après la passation de dossier avec ma
collaboratrice Lindsey qui arrive de Londres ce soir et que je présenterai à
toute l'équipe de Jalil ce soir au cocktail donné par son entreprise pour fêter
ce gros contrat qu'ils ont obtenu.
« Alors, le Gabon ? »
« J'aimerais être ailleurs. Je t'assure, Blake, je donnerais
tout pour me voir amputer de tout ce passé. »
« Tu me l'as déjà répété dix mille fois, Merlie. J'osais
espérer que les années auraient transformé les choses. As-tu revu ta
mère ? »
« Oui. », dis-je avant de me mettre à lui raconter ce
dont elle a été capable dans le passé.
« Dis-moi que j'ai été adopté et qu'elle aurait dû
m'abandonner dans la poubelle dans laquelle m'avait jeté ma génitrice. »
« Je te dirai que tu n'es pas elle car la providence a fait de
toi quelqu'un de merveilleux et une maman géniale. Tu n'a rien de cette femme,
Merlie. Elle t'a juste porter dans son ventre, point. »
« Hum ! J'aimerais être ailleurs mais il faut que
j'aille au bout de cette
aventure. »
« Essaie de prendre du recul pendant la journée pour analyser
la situation. N'entreprends rien aujourd'hui. Sors te rafraîchir les idées. Va
faire un tour à la mer. Après une bonne nuit, demain tu y verras plus clair. Si
tu dois approcher le géniteur de ta sœur, renseigne-toi encore plus à son
sujet. Tu sauras comment l'aborder. Si tu dois te rapprocher de la fille de ton
ancien tortionnaire, vas-y avec franchise sans rien lui cacher. Je te souhaite
du courage. Et je te le répète : cette femme t'a simplement porté dans son
ventre ; ce n’est pas une mère. »
« Comment puis-je te dire merci pour le temps que tu
m'accordes. »
« Hum ! Sacrée Merlie. Je te signale que dans 3 mois j'en
épouse une autre. »
« Je sais. Je ne devrais pas abuser de ton temps. Je
t'embrasse. »
« Appelle si tu en as envie. Tu seras toujours une priorité
pour moi. Et je te signale que c'est toi qui m’as quitté. »
« Je plaide coupable. Embrasse les enfants. Je les appelle
plus tard. »
Je raccroche et sors du lit décidée à passer une journée agréable.
Je vais prendre un bain, puis j'appelle 3A pour ramener notre rendez-vous à 16h
et non 18h. A midi, j'irai manger avec les garçons avant de me perdre dans
Libreville pendant l'après-midi. J'irais sûrement faire un tour au village
artisanal.
Je sors de l’hôtel, vêtue d'une magnifique robe d'été aux motifs
fleuris. Elle est longue avec des boutons sur le devant. J'ai mis des
espadrilles aux pieds car j'ai envie d'aller marcher pendant une heure au bord
de la mer. Pour cela, il me suffit juste de descendre et sortir à pieds.
Je décide d'y aller en fourrant mon téléphone dans une petite
sacoche. Me voilà dans l'ascenseur l'esprit un peu plus léger. Vivement que
cette journée se passe sans souci.
Je sors de l’hôtel et discute deux minutes avec le portier.
Soudain, mon téléphone sonne. Je décroche.
« Allo ! Marlène. Je suis désolé mais
je...euh ! »
« Bonjour Jalil. Comment vas-tu ce matin ? »
« Marlène. »
« Plus personne ne m'appelle Marlène. »
« Je suis désolé. Euh...puis-je te demander de faire attention
à toi ? »
« Que se passe t-il ? Que veux-tu dire,
Jalil ? »
« Je...Je suis désolé. Je ne suis pas parvenue à la contrôler.
Je...Euh... »
« Que se passe t-il ? Le ton de ta voix ne me rassure
pas. »
« C'est Victoire. Elle est montée en voiture il y a un quart
d'heure et elle est en route vers ton hôtel. »
« Oh ! Qu'est ce que cela veut dire elle est en route
vers mon hôtel ? »
« Euh ! Je suis désolé...Je... »
Je sens comme une profonde gène dans sa façon de s'adresser à moi.
Mais ce que je sens encore plus, c'est l'imminence du danger. Mon instinct me
dit que je dois surveiller mes arrières. Alors, je remets mon téléphone dans
mon sac, regarde le parking devant moi et décide que finalement, non, je ne
sortirai pas à pieds.
Je reviens à l’intérieur et me dirige vers la réception.
« Puis-je avoir un taxi, s'il vous plaît ? »
« Taxi compteur ou taxi simple ? »
« Un taxi dans lequel je me sente en sécurité. »
« Un instant, madame. »
Je vais m’asseoir dans un fauteuil plus loin, avec un faux palmier
à mes côtés ; j'ouvre le magazine de la femme africaine, que je trouve là,
sur une tablette devant moi et j’attends. Quand quelques minutes plus tard le
jeune agent de la réception indique du doigt au chauffeur de taxi où me
trouver, celui-ci vient vers moi. Je me lève alors et remarque la personne qui
arrive droit comme une furie en se dirigeant vers la réception. Cette personne
n'est autre que Victoire Ratanga. J'observe la scène de loin. Elle semble
s'adresser à l'agent à la réception avec très peu de déférence, comme si elle
était en quelque sorte la « patronne ». Le type tremble en regardant
à droite à gauche comme pour me chercher. Quand il m'a en visuel, je mets
simplement mon index droit devant ma bouche pour lui faire signe de garder le
silence. Par un chemin détourné, j’entraîne le chauffeur de taxi vers
l’extérieur car, peu m'importe les raisons pour lesquelles l'épouse de Jalil arrive ici sans avoir pris la peine
d'enlever de la tête, le foulard avec lequel elle a dormi. Avec ce Kaba qu'elle
porte, on croirait qu'elle a sauté du lit sans prendre sa douche et est arrivée
ici parce qu'on l'aurait appelée d'urgence en lui disant qu'il y avait un
décès. J'ai autre chose à faire ce matin que de perdre du temps à parlementer
avec une dingue.
Assise à l'arrière dans le taxi, je décide d'aller au village
artisanal, remettant à l'après-midi mon petit tour au bord de mer. Je prends
mon téléphone et rappelle Jalil.
« Rebonjour monsieur. »
« Je suis désolé Marlène. »
« Arrête de m'appeler Marlène et dis-moi plutôt pourquoi ton
épouse est arrivée à mon hôtel de cette façon. »
Silence.............
« Je t'écoute Jalil. Que s'est-il passé ? Sais-tu que je
n'hésiterai pas à porter plainte si seulement elle ose me toucher ou m'insulter
en public ? »
Silence...........
« Qu'est ce qui ne va pas Jalil ? Que
veut-elle ? »
Je l'entends souffler et il me lance enfin :
« C'est de ta faute aussi. Qu'est ce que tu crois
MARLENE ! Que tu peux revenir comme ça des années après sans souci ?
Je te réponds que non. Tu ne peux espérer et t’attendre à ce que je ne ressente
plus rien en te voyant, en t'entendant.
Sais-tu seulement quel martyr j'endure à t’écouter pendant de longues
journées !!!! »
C'est le début de la folie ou je ne m'y connais pas. Qu'est ce qui
ne va pas ? Où sont cachées les caméras ?
« Mr Ratanga, je te signale que je ne suis ici que pour
raisons professionnelles. Ce qui se passe dans ta cuisine ne me regarde en
rien. »
« Je te parle de mon cœur, Azizet. Penses-tu vraiment que ton
retour puisse passer comme cela sans conséquence ? »
« C'est quoi mon problème dans ce qui a rapport à ton
cœur ? Est-ce à moi de le gérer ? Il me semble que tu as une épouse
pour ça ! Et entre nous, tu devrais lui apprendre à mieux choisir ses
vêtements. Où a t-elle déniché cette robe ? On dirait un sac de
patates. »
SILENCE...............
« Si jamais je dois m'abstenir d'assister à ce cocktail ce
soir, fais-moi signe. Je n'ai surtout pas envie de me faire rosser ni insulter
en public par une femme enrager. »
« Dis-moi que le son de ma voix n'éveille plus rien en toi ?
Dis-moi que me voir ne te ramène pas au meilleurs moment de notre idylle. Moi,
j'ai beau me raisonner, chaque partie de ton corps se dessine dans ma mémoire
chaque fois que je ferme les yeux. Et c'est tout bonnement que j'ai crié ton
nom en faisant l'amour à mon épouse au réveil ce matin. Parce que le corps que
j'aimais à ce moment et celui qui me
faisait jouir est le tiens qui s'est dessiner dans mon esprit quand je me suis
réveiller. Tu m'ensorcelles Azizet ! Je t'ai dans la peau et je ne peux
simplement l'ignorer. »
Je garde longuement le silence avant de répondre de manière
implacable :
« J'ai compris. Je prends tout de suite mon agenda
électronique et j’efface le rappel pour le cocktail de ce soir. Je suis sûre
que tu sauras expliqué mon désistement à toute ton équipe, Mr Ratanga. Je te
souhaite de passer une très belle journée. »
Je raccroche sans même prendre la peine d'écouter ce qu'il a à
ajouter. Qu'est ce qu'il ne faut pas entendre, alors ! J'aurais jubilé si
je n'avais pas en tête de sauver d'abord la santé de mon neveu, peut-être me
montrerais-je sensible aux révélations de Jalil. Mais à quoi bon s'y
attarder ?
Je descends du taxi alors qu'il se gare devant le village
artisanal. Je lui demande alors de m'attendre.
« C'est 10 mille pour une heure, madame ! », me
lance t-il.
« Dis donc ! Vous ne faites pas dans la dentelle
vous ! »
« Ah, c'est comme ça c'est comment ça ! On va encore
faire comment ? »
« Ok. Je reviens. »
J'entre dans le village artisanal à la recherche de je ne sais trop
quoi. Je cherche des objets faciles à transporter que je pourrai offrir à Blake
et à mon amie Salima. J'appelle cette
dernière alors que je tiens en main, un magnifique torse de femme sculpter dans une pierre de Mbigou.
« Bonjour, ma belle ! », me fait-elle.
« Bonjour toi ! Je crois que tu avais raison. Il me faut
plus de 10 jours pour régler ce pour quoi je suis venue au Gabon. »
« Hum ! Il y a du Jalil dedans. Je ne sais pas pourquoi,
mais j'ai l'impression que tu as quelque chose à me dire à son sujet. »
« Je n'ai pas craqué, si c'est ce que tu penses. Non ! Je
suis juste tomber sur un os. Si tu savais. »
« Hum ! Tu n'as pas retrouvé le géniteur de Lauryne,
c'est ça ? »
« Si si, je sais qui c'est. Tiens-toi bien, il s'agit de
l'autre. De Nyama. »
« God ! Tu me fais une blague ! »
« Ce n'est pas une blague. »
« Oh ! C'est déstabilisant non, de avoir que la sœur que
tu aimes tant est une partie de ce type. »
« Hum ! C'est déstabilisant, oui ! Comment d'un ogre
a pu naître une fée, dis-moi ? »
« Les voies du Seigneur sont impénétrables ! »
« Depuis quand crois-tu en Dieu, Salima. »
Elle se met à rire et cela me met du baume au cœur.
« Mais Jalil. Alors, raconte. »
« RAS. Dossier clôt il y a 12. C'est un dossier classé. Si tu
vas aux archives, tu n'en trouveras même plus trace. », dis-je.
« Merlie ! Je suis impressionnée. Je ne sais pas pourquoi
j'ai longtemps pensé qu'il suffirait qu'il prononce des mots magiques pour que
tu succombes à son charme ! »
« Le charme est rompu, Salima. »
« Hum ! Bien. Au moins, tu sais t'éviter des soucis. Je
t'embrasse fort, ma belle. Appelle-moi sitôt que Lindsey sera arrivée à
Libreville. »
« Je t'embrasse. »
Je tourne une demi-heure encore, achète 4 petites choses et reviens
vers le taxi. Je lui demande de me déposer au bord de mer car j'aimerais m'y
perdre un instant, les pieds dans l'eau.
Arrivée là, je laisse le reflux des vagues caresser mes pieds. Je
regarde au loin sans trop me laisser perturber par les couples qui ça et là, se
promènent main dans la main. L'eau a un effet apaisant sur moi. J'aimerais tout
laisser sur le rivage et plonger habiller pour me baigner et évacuer mes
soucis. Au risque d'être prise pour une folle, je décide de continuer
simplement la balade.
Il st midi quand je redescends de ma chambre d’hôtel, vêtu d'un
jean et d'une chemise à manche ¾. Je retrouve les garçons qui sont assis dans
le hall de l’hôtel.
« Comment s'est passée la journée, Merlie ? », me
fait Christian.
« Tranquille. Je préfère que l'on aille manger dehors. Je me
sentirai plus à l'aise qu'ici. »
« Qu'est ce qu'il y a ? Tu cherches à éviter quelqu'un ? »,
dit Pédro.
« Oui. Euh, non. En ait, oui. L'épouse de Jalil est passée
tout à l'heure. »
« Hum ! Ce ventre vide. Elle surveille son
homme : », lance Christian.
« Elle peut se fatiguer, si elle veut. Le gars ira butiner
ailleurs à moins qu'il soit trop con et trop peureux. »
« Vous vous entendez parler !!! », leur fais-je.
« Merlie ! Toi-même tu connais le calibre du type. Tu le
vois quitter cette terre là en ayant été malheureux toute une vie ? »,
me demande Pédro.
« Ce ne sont pas mes affaires ! On change de
sujet ! », leur dis-je.
« Bref ! J'espère que tu as bien dormi. Je me suis fait
du souci pour toi. J'aurais aimé pouvoir t'éviter la douleur d'apprendre la
nouvelle que nous t'avons apprise. Ah, sacré Nyama ! Il y a de quoi aller
faire un tour au cimetière, le déterrer pour lui foutre deux
claques ! »
« C'est très poétique, Pédro ! Tu devrais écrire des livres ! »,
lui fais-je sarcastique.
« En tout ça ! Au moins tu sais comment manœuvrer pour la
suite. », me répond t-il.
« Ce n'est pas évident. Soit tu retourne chez les Nyama, soit
tu vas vers ce fou de Bertrand Makaga. C'est compliqué. Mais allons manger. On
y verra plus clair avec les ventres pleins. »
« Hum ! Je vais rentrer à Londres dans quelques jours. Je
reviendrai très vite. »
« C'est comme tu le sens. Nous on est là ! Libreville ne
peut se séparer de nous ! », lance Pédro.
« C'est que tu es un vrai poète mon cher ami ! »,
lui dis-je.