
Chapitre 15 : C'est elle
Write by Nobody
La sortie du restaurant a quelque chose de paisible. Maïssa toujours avec son sourire fait aurevoir à la fille du propriétaire en lui promettant de revenir très rapidement, sans même me consulter comme si je lui avais confirmé qu'on allait revenir. Sa complicité soudaine avec cette petite inconnue me sidère, mais quelque part, elle m’émeut. Ma fille est capable d’ouvrir son cœur comme si elle y avait toujours laissé de la place pour les rencontres improbables. Ça me fait du bien.
Le soleil commence à décliner doucement sur Pointe-Noire, teintant le ciel d’orangé, mais la chaleur reste tenace, enveloppante. Des enfants jouent près du kiosque, des couples dînent encore sous les pergolas, et les motos pétaradent sans cesse au loin. Maïssa me parle en boucle de ce que la fille lui a raconté, et moi je fais semblant d’écouter, mon esprit encore suspendu à la conversation interrompue avec Moussif. Ma main tient celle de ma fille, sa peau est tiède, souple, vivante. Et moi, je me demande si cette journée a été réelle ou si j’ai juste rêvé de cet échange impossible avec Moussif.
On s'installe Maissa et moi dans la voiture puis je mets l'adresse de l'hôtel dans le GPS. Sans que je n'ai besoin de le voir, je sais que Chafik est sûrement installé dans sa voiture prêt à s'en aller aussi.
C’est en sortant du parking que je remarque soudain une silhouette devant nous, marchant sur le trottoir poussiéreux, mains dans les poches. Moussif. Il marche, seul, les épaules légèrement courbées, comme alourdies d’un poids qu’il ne veut pas montrer.
Je plisse les yeux. Il ne s’est pas fait déposer ? Il n’a pas prévu de taxi ?
— Il va où comme ça ? je me demande à haute voix
Je m’arrête et baisse la vitre. Il se retourne, un peu surpris. Son visage s’adoucit légèrement en me voyant.
— Tu marches ? je demande
— Je prends l’air.
— À cette heure ?
Il hausse les épaules, le regard sur mes phares comme s’ils l’aveuglaient.
— Je rentre chez un ami. C’est pas très loin. Et marcher un peu me fera du bien je pense
— Monte, on te dépose. Tu marcheras après si tu veux.
Il me fixe quelques secondes, puis hausse les épaules, résigné. Ce qui, en soi, est déjà un événement. Je n'aurais jamais cru qu'il allait accepté, cet homme est assez entêté et fier de ce que j'ai pu voir jusqu'à présent.
— Bon. Si tu insistes…
Je déverrouille la voiture, Maïssa passe derrière, souriante et sans que je ne lui demande. Moussif s’assied devant en remerciant Maissa de lui avoir céder sa place. Le trajet est silencieux au début, chacun un peu dans son monde. Moussif donne juste une adresse que je rentre dans le GPS et nous rassure que ce n'était vraiment pas très loin. Du coin de l'oeil, je regarde Moussif. Il fixe la route, le regard droit, figé puis je me concentre sur la conduite, histoire d’avoir une bonne excuse pour ne pas parler.
Le chemin n’est pas très long comme il l'avait dit effectivement, mais les rues sont mal entretenues. La voiture rebondit légèrement à chaque nid-de-poule. Moussif demeure toujours silencieux, la main posée sur la vitre.
J’essaie de ne pas le regarder. Mon regard se porte plutôt sur les enfants qui courent pieds nus sur les trottoirs, les vendeurs de jus glacés à la sauvette, les vieilles maisons aux portails en fer forgé… Ce pays est chaud, vivant, indompté. A l'instar du Bénin. Cela me rappelle d'ailleurs que je dois appeler mes parents pour prendre de leurs nouvelles, ils ne m'ont pas appelé depuis que je suis arrivée mais j'essaie de les comprendre et de leur trouver une excuse. Faut dire que notre dernière entrevue ne s'est pas passée comme d'habitude. Je sais également que mon frère Khadim m'en veut parce qu'il estime que je lui ai désobéi mais j'espère que tout ceci va s'arranger et qu'ils reviendront à de meilleurs sentiments, de toutes les façons je suis déjà là au Congo et j'ai déjà rencontré Moussif.
— Tu conduis bien dit-il subitement
— Merci. J’ai pris l’habitude, je fais beaucoup de route à Cotonou tu sais, en plus j'ai appris à conduire très tôt. Et puis j’ai loué une automatique, c’est plus simple.
— Etait-ce nécessaire que tu loues une voiture d'ailleurs ?
— Oui je réponds sans sourciller, je n'allais pas dépendre de toi pour mes déplacements ni passer mon temps à commander des taxis. Une voiture c'est plus simple, voilà tout et je ne comprends même pas pourquoi tu en fais un sujet.
Il marmonne quelque chose que je ne comprends pas. Et honnêtement, je n’ai pas envie de comprendre. Il a toujours ce petit air piqué dès qu’il ne contrôle pas quelque chose.
— T’es du genre à tout vouloir maîtriser, hein ? je lui demande en levant les yeux au ciel
— Et toi, t’es du genre à fuir tout ce que tu ne comprends pas il répond du tact au tact
Je lève à nouveau les yeux au ciel puis bifurque à gauche en prenant la nouvelle voie.
— On ne va pas recommencer.
— On n’a jamais commencé.
Je ne réponds plus. Et lui non plus. L’ambiance redevient morne. Heureusement, le GPS indique que nous arrivons. C’est une petite résidence calme, dans un quartier résidentiel de Pointe-Noire. Un jeune homme sort de la maison en claquettes et short de sport, téléphone à la main.
— Eh, Moussif ! T’as fait vite !
Son regard tombe sur moi. Il se fige un instant, puis son sourire s’élargit encore.
— Mais… tu ne m’avais pas prévenu que tu venais avec une créature aussi merveilleuse, dis donc ! Ma belle, vous êtes belle !
Je souris, surprise par son ton direct.
— Euh merci beaucoup c'est gentil. Je m'appelle Naïla et voici Maïssa, ma fille.
— Enchanté, Naïla. Vous avez bien fait de venir, ce n'est pas tous les jours que j'ai de la chance d'admirer une telle beauté. Enchanté, je suis Chris, l’ami fidèle et accessoirement le psy du gars là. Je suis celui qui lui tire les oreilles quand il déraille.
— Eh bien on peut dire que vous avez du mérite je dis taquine, parce que pour pouvoir supporter votre ami au quotidien il le faut !
Moussif, derrière nous, soupire fortement.
Chris me serre la main chaleureusement, puis se baisse légèrement à la hauteur de Maïssa.
— Eh bien c'est que vous êtes toutes belles dans la famille, tu viens que je t'offre un truc à boire pendant que tu me dis si ta grand-mère est aussi charmante que toi? J'ai toujours été attirée par les femmes plus mature murmure-t-il discrètement à mon endroit
— Je voudrais un verre d'eau s'il vous plait dit simplement Maissa
— Marché conclu.
Je l’observe s'asseoir sur l'une des chaises de la terrasse pendant que Chris rentre à l'intérieur certainement pour lui rapporter son verre d'eau puis je me tourne vers Moussif avec un petit sourire.
— Il est toujours comme ça ton ami ?
— Toujours ! Et encore tu n'as rien vu. Chris c'est vraiment un phénomène, soit tu l'adores soit tu ne peux pas le saquer, avec lui il n'y a pas de demi-mesure. Mais moi comme tu t'en doutes je l'aime bien, il met de l’ambiance là où moi j’apporte des silences dit-il en haussant les épaules
— Tu dis ça comme si c’était une qualité, tu joues les mystérieux pour rien.
— Chez moi, ça l’est. J'aime bien garder une certaine distance avec les gens, c'est comme ça c'est tout.
Chris revient avec deux verres au moment même où j'allais lui rétorqué une phrase bien acerbe puis m’en tend un.
— Je sais pas si tu préfères les trucs raffinés ou les choses simples, mais pour toi j'ai ramené du jus de citron maison, sans sucre je précise.
— Le citron, c’est parfait. J’aime quand ça pique. Et petite confidence je ne sais pas si c'est Maissa qui te l'a dit, mais le jus de citron c'est ma boisson préférée après l'eau, et je le bois toujours sans sucre.
Il me regarde avec un air malicieux.
— Elle ne m'a rien dit mais faut croire que je t'ai tout de suite cerné.
J'apprécie la fluidité de nos échanges et le tutoiement qui s'est tout naturellement installé entre nous. Chris nous invite à nous asseoir et on s’assied sur les chaises à côté de Maissa qui tripotait son téléphone. Chris commence à raconter des anecdotes sur Moussif, comment il a failli tomber dans une fosse sceptique à Brazzaville, ou encore ce jour où il s’est fait arnaquer en pensant acheter une montre suisse alors que c’était une contrefaçon chinoise. Moussif se défend mollement, mais le ton est léger.
Chris est très drôle et très bel homme. On parle de tout, de rien, surtout de cuisine. Il me dit qu’il adore cuisiner pour les autres, mais déteste manger seul. Je lui raconte mes aventures culinaires à Cotonou. Je lui ai avoué qu'il fut un temps, je n'étais pas du tout douée avec la cuisine et que j'ai même dû prendre des cours histoire de nourrir Maissa et de ne pas l'intoxiquer. J'avoue également que aujourd'hui bien que je me débrouille à merveille, cela reste une activité que je n'aime pas du tout faire et que je fais par obligation. ll rit fort, me regarde sans cesse avec curiosité, presque comme s’il me cherchait déjà à me sonder.
Peu après Maïssa a décidé d’explorer les environs. Chris la guide vers l’arrière-cour pour lui montrer de ce que j'ai compris, son chien. Je les entends rire et ça me surprend car Maissa avait toujours eu peur des chiens. Je fais une prière silencieuse afin qu'ils restent là bas avec le chien et qu'aucun des deux n'ai la fabuleuse idée de vouloir me le montrer parce que la façon dont je vais détaler d'ici seigneur. J'ai une peur viscérale des chiens bien que je les adore, mais de loin, de très loin. De toutes les façons j'ai peur de tous les animaux, tous sans absolument aucune exception.
Chris revient vers nous.
— Naila tu viens voir Nike ? tu vas l'adorer comme ta fille.
Je ne peux m'empêcher de faire un mouvement en arrière bien que le chien ne soit pas avec eux. Rien que l'idée de le voir me met dans tous mes états, eh oui à mes grands 28 ans je tremble encore à l'évocation d'un chien.— Euh non merci je passe mon tour
— Maman a peur des chiens ajoute Maissa
— Oui bon pas tant que ça je dis faussement indignée
— Tu ne verras donc aucun inconvénient si je l'appelle ? demande Moussif taquin
Je lui lance un sal regard et avant même que je ne puisse dire quoi que ce soit, je l'entends appeler le chien.
— Nike viens ici
Après ça les choses se passaient très rapidement. J'entends le chien aboyer et venir vers nous. Je me lève précipitamment, tire Moussif et me place derrière lui afin qu'il me serve de bouclier.
— Ecoute moi bien Moussif tu vas lui dire de repartir là-bas tout de suite, je ne m'amuse même pas avec toi, dis lui de ... AHHHHHHHHHHHHHHHH je m'écrie en le voyant venir vers nous.
Tout le monde riait pendant que je luttais pour ma vie, même cette ingrate de Maissa riait avec eux, mais depuis quand on trahit sa mère comme ça et comment avait-elle fait pour ne plus avoir peur des chiens celle là.
— Aller viens ici Nike, couché et pas bougé dit Chris alors que je m'égosillais en les suppliant de l'arrêter.
Le chien s'exécuta pendant que Moussif continuait de rire comme l'imbécile qu'il est. Je lui lance un regard bien noir, lui donne un coup entre ses côtes puis je me décale doucement.
— Maissa tu prends mon sac sur la table et on s'en va
— Ohh mais c'est bon je l'ai calmé il va plus rien faire
— Non on s'en va pardon ma tension !
— Tu n'avais pas dit que tu n'avais pas tant peur que ça ? Un gentil chien comme ça et tu cries à la mort dit Moussif en me regardant un sourire narquois aux lèvres.
— ça lui ai déjà arrivé, un jour elle s'est retrouvée dans l'ascenseur, une dame est rentrée avec son chien de service. Maman a tellement paniquée qu'elle a tiré la dame et a crié pendant que tout le monde se moquait d'elle. Malheureusement la porte s'est fermée elle a dû rester dans l'ascenseur jusqu'au 24 étage. Comment elle transpirait et n'osait plus bouger finit Maissa en éclatant de rire
Les deux hommes se joint à elle dans un concert de rire joyeux, je surprends même Moussif effacer une larme qui lui ai roulé sur la joue.
— Ha ha ha comme c'est drôle je lance faussement mécontente. Aurevoir maintenant !
Chris vient vers moi et me passe un bras autour de l'épaule. Heureusement son matou est resté bien sagement à sa place là bas.
— Oh ne te vexe pas ma belle, tu as le droit d'avoir peur. Par contre demain faut éviter de faire la grande et dire que tu n'as pas peur, assume seulement mdrr
— Mais arrêtez de vous moquer de moi, c'est normal d'avoir peur ohlala t'as vu la taille du machin ? Bref ça y est
On échange encore deux trois phrases, on parle de tout et de rien.— Tu sais quoi, Chris ? J’espère qu’on aura l’occasion de parler plus souvent. Tu me plais bien.
Il éclate de rire.
— Moi ? Mais j’ai déjà un fan club au quartier, madame. Si tu me rajoutes à ta liste, on va devoir créer un comité de gestion à ce rythme. Je sais que le garçon est beau mais faut se calmer là.
On rit ensemble. Et même Moussif sourit, discrètement. Au bout d’un moment, je décide qu'on part pour de bon cette fois. Maïssa proteste, mais Chris promet de l’inviter un autre jour. En sortant, je croise encore son regard franc, amusé. Il me lance :
— Reviens quand tu veux. La porte est ouverte.
Je souris.
— Merci. C’est rare les accueils comme ça.
Moussif nous raccompagne à notre voiture.
Et en reprenant la route, je me dis que cette rencontre m’a laissée plus légère. Comme une petite trêve dans une guerre silencieuse.
POV Moussif
On referme la porte du salon derrière nous et je m’appuie un instant contre le mur. Je laisse échapper un soupir. Chris, lui, me regarde avec son sourire moqueur habituel, celui-là même qui veut dire : « Toi-même tu sais que tu veux en parler. »
— Alors, raconte, bro. T’étais tendu comme un câble tout le long, il a fallu l'incident avec Nike pour que tu sortes un peu tes dents lâche-t-il en se dirigeant vers la cuisine.
Je me laisse tomber sur le canapé en cuir vieilli, celui qu’il a récupéré je ne sais plus où, et je secoue la tête.
— Frère… cette fille-là, elle est spéciale je pense vraiment.
— Elle est canon surtout, dit-il depuis la cuisine.Quand tu me disais qu'elle était belle franchement tu n'as pas exagéré. Et sa petite ? Trop polie, très calme tu sens qu'elle a reçu une très bonne éducation. Elle a quoi ? Onze ans ? Douze ?
— Treize.
Il revient et m’observe comme un chirurgien prêt à opérer.
— Donc elle a eu la petite à 15 ans ? Vu que tu m'as dit qu'elle a 28 ans
— Oui on dirait, mais de toutes les façons je m'en fous. Tout le monde peut faire des erreurs de jeunesse, qui sommes nous pour la juger d'ailleurs.— Tu as raison, et donc… ? Cette discussion, c’était comment ?
— Bizarre. Y a eu un moment de complicité, on riait, on apprenait à se connaître. Puis d’un coup, elle a lâché une phrase… comme si elle doutait de ma famille. Qu’on avait peut-être des intentions cachées et qu'on a tout inventé de A à Z.
Chris hausse les sourcils
— Ah ouais ? Genre elle pense que c'est un coup foireux ?
— Ouais et j’ai pété un câble, j’te mens pas. J’ai pas compris pourquoi elle disait ça alors qu’elle est là d’elle-même, qui l'a obligé à venir ? Et puis après… je sais pas. Je la comprends un peu. C’est pas évident pour elle non plus.
Il me regarde, puis hausse les épaules.
— Franchement, je comprends. Elle est arrivée dans un pays qu’elle connaît à peine, pour rencontrer un mec qu’elle n’a pas choisi, dans le cadre d’un pacte dont elle n'a pas demandé l’existence. Et en plus elle a une gosse. C’est chaud. Et toi que veux-tu maintenant ?
— Je veux juste comprendre dans quoi je mets les pieds.
Chris s’assied en face de moi, son regard plus sérieux cette fois.
— Et tu veux aller où avec elle ? T’as vraiment envie de faire ce mariage ?
Je prends une longue inspiration.
— Au début non. Je voulais juste honorer la promesse, faire plaisir à Maman Élise. Mais maintenant… je sais pas. Y a un truc chez elle. Elle me bouscule, elle me pousse à réfléchir. Et en même temps elle m’énerve. Je veux apprendre à la connaitre mais genre pour de vrai, pas parce qu'on me demande de le faire ou parce que je m'y sens obligé, mais simplement naturellement, je t'avoue que cette petite m'intéresse vraiment.
Chris rigole.
— Parfait combo pour tomber amoureux, tu l'as vu que hier et déjà tu es piqué ayi ayi ?
Je l’ignore, mon téléphone vibre. C’est Maman Élise. Je décroche tout de suite.
— Allô ?
— Mon fils, viens me voir. J’ai besoin de parler avec toi.
Je raccroche, je me lève.
— C’est Maman Élise. Faut que j’y aille.
— Vas-y. Et ramène-la-lui. Elle va peut-être adoucir un peu les choses.
Je hoche la tête.
Quelques minutes plus tard, je suis avec ma grand-mère. On échange un peu puis elle me dit qu'elle souhaiterait voir Naila.
Je lui envoie donc un message simple : « Maman Élise veut te voir. »
Elle répond dans la foulée : « On arrive tout de suite. »
Je suis fortement surpris. Je pensais qu’elle allait faire traîner, qu’elle allait dire « demain » ou poser mille questions ce qui serait totalement normal. Mais non. Elle va débarquer malgré l'heure un peu avancée, avec sa fille comme toujours.
Quand plus tard elles arrivent, je leur ouvre le portail. Elles sont venues en taxi cette fois. Maïssa descend en premier, puis Naïla. Elle a changé de haut, elle porte un chemisier fluide couleur ocre qui la rend encore plus belle dans la lumière tamisée de la ruelle.
— C’est par ici, dis-je en avançant.
On entre dans la maison de Maman Élise. L’air est doux à l’intérieur, parfumé à l’encens. Elle est là, assise sur le grand fauteuil du salon, le regard tourné vers la porte.
Quand Naïla franchit le seuil, leurs regards se croisent. Et soudain, Maman Élise fond en larmes. Pas des larmes silencieuses. Non. Des sanglots profonds, déchirants, comme si elle retrouvait quelqu’un qu’elle croyait perdu à jamais.
Naïla, elle, reste figée. Une main sur la poitrine.
— Je… je me sens bizarre, murmure-t-elle.
Elle regarde Maman Élise avec des yeux humides, comme si elle-même ne comprenait pas ce qu’elle ressent. Maïssa se glisse dans un coin du salon, silencieuse. Moi, je m’approche de Maman Élise, inquiet.
— Maman… qu’est-ce qui se passe ?
Elle secoue la tête.
— C’est elle. C’est bien elle.
— Elle qui ?
Maman Élise regarde Naïla comme une mère reconnaîtrait son enfant, après des années de séparation. Et moi, je reste là, au milieu, bouleversé sans même comprendre pourquoi.