Beverly

Je ne m'étais plus endormie après m'être réveillée à trois heures cette nuit. Je suis restée à discuter avec Arthur jusqu'à six heures du matin. Nous nous sommes racontés nos vies, même si je l'ai trouvé assez évasif lorsqu'il parlait de son passé.

Dès que six heures avaient sonné, nous étions sortis de la maison et nous avions hélé un taxi pour mon quartier. 

- J'espère que tes parents ne te causeront pas d'ennuis, avait lancé Arthur d'une voix désolée. 

- Ne t'inquiète pas, lui avais-je simplement répondu. 

Je voulais simplement le rassurer, mais je n'étais pas sûre de ne pas avoir de problèmes. Je rentrais généralement tard à cause du boulot, mais je n'avais jamais passé la nuit dehors.

Nous nous étions séparés à une centaine de mètres de la maison. Je ne voulais pas risquer d'être vue avec lui à cette heure. Je lui donnai un baiser rapide sur la joue et m'éloignai précipitamment. 

Vu que je rentrais presque toujours à des heures indues du boulot, je détenais un double des clés de notre maison. Je remerciais le ciel pour cela aujourd'hui.

J'avais ouvert la porte silencieusement et avais poussé un ouf de soulagement quand je n'avais croisé personne sur mon chemin. J'avais ensuite ouvert la porte de notre chambre et étais rentrée sur la plante des pieds. J'avais rapidement enfilé mon pyjama et m'étais glissée dans le lit. 

Je me suis ensuite levée vers 10 h et j'ai trouvé maman et Virginie assises au salon, en train de bavarder joyeusement. Je les avais saluées, peinant à masquer ma surprise. 

J'étais retournée dans la chambre et quand je m'étais saisie mon téléphone, j'y avais trouvé un message d'Arthur.

" Bien rentrée, chérie ?" 

Le message était arrivé juste après mon arrivée à la maison. J'avais été tellement stressée et fatiguée que je m'étais endormie immédiatement.

" Bien rentrée, bébé. J'ai eu de la chance, ils étaient encore tous endormis et personne ne sait à quelle heure je suis rentrée."

" Ça me fait plaisir. Je dois avouer que j'étais assez inquiet."

" Merci, chéri. Tout va bien maintenant".

" D'accord. Je suis tout de même heureux d'avoir passé ces moments avec toi. Je suis convaincue que ce n'est que le début d'une longue série. " 

" Tu veux ma mort, monsieur Mvogo ? "

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Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)

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" Ce n'est qu'une question de temps. Tu seras madame Mvogo."

Cet homme... J'avais juste envie de rentrer à travers l'écran de mon téléphone pour l'embrasser.

" Merci bébé" avais-je simplement répondu.

J'avais passé une bonne partie de la journée couchée dans mon lit. Les rires et les blagues de maman et Virginie me parvenaient jusqu'ici. J'avais fini par somnoler un petit moment avant d'être réveillée par un de mes cadets qui entrait un peu trop bruyamment dans la chambre. 

Je me redressai péniblement du lit et regardai l'heure sur mon téléphone. Purée, il était déjà 18 heures. J'avais fait beaucoup plus que somnoler. 

Je ne rendis donc aux toilettes pour une douche rapide. J'entendis toquer à la porte. 

- Qui est-ce ? demandai-je.

- C'est moi, répondit Virginie. Tu en as encore pour longtemps ? 

Mais qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ?

- Juste quelques minutes. J'ai presque fini, répondis-je tout de même. 

Je sortis des toilettes et cédai ma place à Virginie. Je me rendis dans la chambre et m'habillai à la hâte. J'étais en train de me saisir de mon sac quand mon regard fut attiré par cet ensemble string et porte-jarretelle de couleur rouge. Je cédai à la curiosité et me saisis de cette chose indécente. La porte s'ouvrit à cet instant sur Virginie, enveloppée dans une serviette. 

- C'est à qui ? demanda-t-elle.

- C'est à moi. Je dois sortir avec Frédéric ce soir, répondit-elle avec arrogance.

- Mais Virginie, que t'arrive-t-il ? Pourquoi t'embourber dans une situation pareille ? demandai-je d'une voix calme. 

- Je n'ai pas de leçon à apprendre de toi, se mit-elle tout à coup à hurler. Tu oses me faire la leçon ? Tu oses me faire la leçon ? Où étais-tu cette nuit ? Et surtout, que faisais-tu ? Tu veux venir jouer la sainte ici, pourtant tu as passé toute la nuit à baiser ! Tu penses peut-être que je ne t'ai pas entendue rentrer ce matin. Si tu veux me faire la morale ? Assure-toi déjà d'être meilleure que moi. Moi, au moins, toute la maison sait qui me cou...

Je ne comprenais pas pourquoi elle avait besoin de hurler autant. Je lui avais pourtant parlé calmement. Un sentiment de honte sans fin m'envahit en pensant à ce que Virginie était en train de crier. Je n'eus pas le temps de réfléchir davantage que la porte de la chambre s'ouvrit brusquement.

- Que se passe-t-il ? demanda maman. 

- Demande à ta fille, répondit Virginie en se tournant vers maman. Elle veut me faire la morale par rapport à mon histoire avec Frédéric.

Maman se tourna immédiatement vers moi, le regard lançant des flammes. 

- Quel est ton problème exactement ? Pourquoi autant d'hypocrisie ? Tu crois peut-être que je ne t'ai pas entendue rentrer à sept heures ce matin ? Tu rentres de plus en plus tard sous prétexte du boulot… Tu penses que si je ne dis rien, c’est parce que je ne vois rien ? Ta sœur nous a présenté un homme respectable, et toi ? Tu préfères aller te faire coucher par des moins que rien et jouer les moralistes devant elle ? 

J'étais non seulement choquée par les propos de maman, mais aussi par la virulence qu'elle avait employé pour prononcer chaque mot. 

- Euh... euh... dis-je à court de mot.

Je réalisais une fois de plus que ma nuit chez Arthur me coutait énormément cher, ma crédibilité... 

- Je ne veux plus que tu lui dises quoi que ce soit. C'est ma fille, pas la tienne. Quand tu auras tes propres enfants, tu pourras leur faire la morale autant que tu veux, n'importe quoi ! conclut maman en sortant de la chambre, non sans avoir claqué la porte avec force. 

Je me laissai simplement tomber sur le lit, sans voix. Virginie me lança un bref regard désolé avant de commencer à enfiler ses vêtements.

Je l'observais s'habiller, et un profond dégoût me submergea. Ma sœur ressemblait simplement à une pute. Elle prit ensuite le porte-jarretelle et le lança dans son sac. Sa jupe était tellement courte qu'il en aurait débordé. 

N'y tenant plus, je me levai brusquement du lit et sortis de la chambre. Je saluai mes frères qui étaient assis au salon et pris la porte. 

Je dus arrêter mon mouvement quand je vis la voiture de Frédéric garer dans notre cour. Il en descendit et je lui lançai une brève salutation de la main avant de poursuivre son chemin jusqu'à la route où je hélai un taxi pour le boulot. 

Je travaillai la mort dans l'âme. Je me sentais épuisée, plus physiquement cette fois, mais mentalement. Maman risquait de gâcher la vie de Virginie par cupidité. 

- Bonsoir mademoiselle, pourrai-je passer ma commande ? me lança un client. 

Ce n'était pas la première qu'il venait dans notre local et j'avais parfois l'impression qu'il était intéressé par moi. C'était d'ailleurs le seul client qui s'adressait à moi avec politesse. C'était un homme d'une trentaine d'années. Un bel homme, dirais-je. Grand de taille, toujours élégamment vêtu. La montre qu'il arborait à son poignet équivalait à des mois de dur labeur pour moi. Il s'en allait généralement en me laissant un pourboire consistant.

- Bien-sûr monsieur, répondis-je avec un sourire aimable aux lèvres. Que voulez-vous boire ?

- Une Kadji bière (boisson camerounaise), ordonna-t-il. 

- Ce sera tout ? 

- Pour le moment, oui, répondit-il en me regardant un bref moment avec insistance.

Je retournai au comptoir et servis la commande du client. 

- Merci, répondit-il simplement.

Je continuai mon service pendant près d'une heure. Le bar commençait à se vider et je sentais la fatigue me gagner. J'étais adossée contre le comptoir quand le client précédent me fit un bref signe de la main.

- Oui, monsieur, dis-je avec gentiment. 

- Vous me semblez épuisée. Vous ne voulez pas vous asseoir un petit moment ? 

- Euh... euh... c'est gentil de votre part, mais je ne suis pas autorisée à m'asseoir avec les clients. 

- Je vous comprends, dit-il d'un ton aimable. Pourrais-je avoir votre numéro ? 

- Euh... désolée, mais nous ne sommes pas autorisés à donner nos numéros au client durant nos tours de service.

Mon employeur nous avait en effet interdit de donner nos numéros aux clients. Cela pourrait être mal interprété, déjà que les bars regorgeaient de beaucoup de personnes mal intentionnées. 

- Il n'y a pas de problème. J'attendrai donc la fin de votre service, dit-il en souriant.

- Ce n'est vraiment pas nécessaire, répondis-je en m’éloignant précipitamment. 

Arthur viendrait me chercher ce soir, et je ne voulais pas de problèmes. J'en avais déjà assez à la maison pour en rajouter avec mon copain. 

Je débarrassai les tables qui se vidaient et la fin de mon tour de service arriva finalement. Je me rendis aux toilettes pour me changer et lorsque j'en sortis, je vis le client qui était debout, m'attendant visiblement. 

- Avez-vous fini ? dit-il en venant à ma rencontre. 

- Oui, répondis-je avec réserve. 

Je voulais à tout prix éviter de sortir avec lui du local. 

- Au fait, je m'appelle Benjamin, dit-il en me tendant la main.

- Beverly, répondis-je en prenant sa main. 

- Joli prénom, enchanté la belle Beverly, dit-il galamment. 

Il s'achemina ensuite vers la sortie et je dus le suivre à contre cœur. Mon regard croisa celui d'Arthur dès que nous eûmes franchi la porte du bar. Il fronça les sourcils en se rendant compte que j'étais accompagnée. 

- Euh... je dois vous laisser, dis-je d'une voix embarrassée. Je suis attendue. 

Il parcourut la rue du regard et sembla repérer Arthur. Un bref sourire s'étira sur ses lèvres.

- Je vois... À la prochaine alors. 

- Au revoir Benjamin, dis-je simplement en allant à la rencontre d'Arthur. 

J'entendis ensuite le bruit du déverrouillage d'une voiture et vis Benjamin monter dans une Mercedes rutilante. 

- Qui était-ce ? demanda Arthur en suivant du regard la voiture de Benjamin s'éloigner. 

- Je ne le connais pas, dis-je en haussant simplement les épaules. 

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- Et pourquoi êtes-vous sortis ensemble du bar ? 

- Il avait fini sa consommation et était sur le point de sortir. 

Arthur me regarda fixement, semblant douter de mes propos. 

- Ça va ? demandai-je dans le but de changer de sujet.

- Non, ça ne va pas, chérie, répondit Arthur d'un ton boudeur. Tu ne m'as pas encore salué comme il se doit.

- Haha, quand devais-je le faire ? Tu étais tout concentré dans ta petite crise de jalousie. 

- Haha, personne ne touche à ma femme, répondit Arthur en m'attirant à lui.

- Ta femme ? dis-je en secouant mon annulaire vide devant ses yeux. 

- Ce n'est qu'une question de temps, répondit-il en riant. 

Il me prit la main et on s'achemina tout en bavardant. Je me perdis tout à coup dans mes pensées. La scène qui avait précédé ma sortie de la maison me hantait. 

- Beverly, Beverly, me secoua gentiment Arthur. 

- Euh... oui..., répondis-je d'un air perdu.

- Que se passe-t-il bébé ? demanda Arthur d'une voix douce. Regrettes-tu ce qui s'est passé entre nous ? 

- Euh... pas du tout, répondis-je mollement, la tête encore pleine de pensées sombres.

Arthur s'arrêta brusquement et me captiva du regard. 

- Bébé, tu n'as pas à regretter quoi que ce soit. J'ai passé la plus belle soirée de ma vie avec toi. Pas seulement pour cette nuit de passion, cela va bien au-delà de cela. Beverly, Je t'aime. J'étais sérieux quand je t'ai dit que cette nuit ne représentait que la première d'une longue série, une infinie série, je dirais. Je t'aime et tu seras madame Mvogo. Je t'en fais la promesse.

Je le regardai sans savoir que répondre. Je n'étais pas prête à une déclaration d'une telle envergure. Nous étions encore jeunes tous les deux et l'avenir parfois réservait des surprises. 

- Tu n'es pas obligée de me répondre, reprit-il simplement en prenant ma main. 

On continua notre chemin pendant qu'Arthur me racontait ses projets. 

- J'ai passé l'après-midi à déposer les CV dans les différents supermarchés. Je pense le faire demain dans les principales boulangeries du centre. Qu'en penses-tu ? 

- Je pense que c'est une bonne idée, répondis-je. 

Nous étions maintenant près de chez moi. 

- Arthur, je vais y aller. Même s'ils ne se sont pas rendus compte de mon retour ce matin, je préfère tout de même rentrer à une heure raisonnable.

- Je comprends bébé, bonne nuit chérie.

- Bonne nuit Arthur. 

J'avais préféré lui taire ma dispute avec ma sœur et ma mère. Je ne voulais pas qu'il se sente coupable de quoi que ce soit. C'était un problème familial.