Chapitre 16

Write by Auby88

Maëlly FREITAS


Bien calée dans mon siège, j'observe le trentenaire assis près de mon père. Il est beau comme un dieu grec avec ce teint métissé qu'il a et ses jolies fossettes qui se découvrent quand il étire ses lèvres. En plus, l'éloquence et l'élégance sont siennes...

Pour faire court, je dirais simplement que l'homme est "séduisantissime". Il pourrait être vu comme le mari idéal pour la majorité des femmes, mais pas pour Maëlly FREITAS. Parce qu'il lui manque une qualité essentielle qu'il n'aura jamais : "Il n'est pas Eliad MONTEIRO". Voilà !


Il est là à déverser une flopée de mots que papa écoute avec grand intérêt. Car monsieur Quidam est, à ses yeux, le gendre idéal.

Quidam ! Il n'a pas de nom ? Oh que si, il a bien une identité. Mais l'homme est si insignifiant à mes yeux que je ne m'en rappelle pas.

Inconsciemment, ma jambe droite vient se croiser sur ma jambe gauche.

En matière de langage corporel, ce geste involontaire, chez une femme droitière comme moi, traduit son malaise ou son désaccord face à une situation qui lui est imposée. Et j'avoue que la situation actuelle est bien déplaisante pour moi. Car c'est mon père qui a arrangé une rencontre avec l'homme, à mon insu.…



Depuis, je n'ai dit mot. Il est temps que j'entre en scène pour expressément signifier mon mécontentement.


- Eh bien, monsieur …

- …Guilhem da MATHA, très chère.

- Monsieur Guillaume…

- Guilhem, miss Maëlly. Et j'insiste là-dessus !


Au lieu de lui répondre un vulgaire " Ton prénom, je m'en torche ! ", je formule à son intention une réplique plutôt "polie" :

- Un tel verbiage, juste pour un prénom ?


Papa me fait des clins d'oeil que je choisis de ne pas voir. Quant à monsieur Quidam, il essaie de se justifier mais je ne lui en laisse pas le temps.


-  Moi, Maëlly, enchaîné-je aussitôt, on m'écorche le mien tout le temps en le diminuant ou en substituant un "e" au "ë". Pourtant cela ne me gêne guère. Vous imaginez, si je devais m'en plaindre à chaque fois. Eh bien, je serai devenu aphone ! A-phone !

- Je vous le concède, miss Maëlly, mais…

A nouveau, je l'interromps.

- Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?

- Eh bien, miss Maëlly, je suis un homme d'affaires !

- "Homme d'affaires" ! Ce terme cache bien des vices, vous savez !

- Je suis l'honnêteté incarnée, miss Maëlly ! réplique-t-il, avec un sourire enjôleur.

- Ah vraiment !

En gardant le même sourire charmeur et en me fixant droit dans les yeux, il répond :

- Oui, miss Maëlly ! Et si cela peut  vous rassurer, sachez que je commercialise des meubles haut de gamme.

- Importés ou localement fabriqués ?

- La première option, naturellement !

- Ça peut vous sembler bizarre mais le mot "importation", je ne l'aime pas beaucoup. Car je …

- Monsieur Guilhem, vous reprendrez bien un peu de vin ? intervient mon père en me lorgnant ouvertement.

- Bien volontiers, monsieur FREITAS.

- Eh bien, monsieur Guy..

- Guilhem, très chère !

- Oh, quelle récalcitrante mémoire que la mienne ! Elle s'obstine à ne pas vouloir retenir votre si précieux prénom !

- Offrez-moi l'occasion de vous fréquenter plus souvent et vous finirez par vous y habituer, miss Maëlly. D'ailleurs, votre père m'a donné son accord pour…


Un rire explose dans l'air. Un rire qui provient de mes entrailles et qui laisse monsieur Quidam sans voix. Il n'est nul besoin de préciser que les yeux de mon père, s'ils étaient des pistolets, m'auraient flinguée depuis.


Je cesse de rire, me redresse dans mon siège et prends un air grave. Papa pressent déjà que la tornade de Force F5 "Maëlly FREITAS" est sur le point de se déclencher.


- Maëlly !

Trop tard, papa ! me dis-je intérieurement.

- Vous devriez avoir honte de vous servir de mon père pour m'impressionner !

- Maëlly !

- Miss Maëlly ! Ce n'est pas ce…

- Cette manière que vous avez de murmurer "Miss Maëlly" à chaque bout de phrase m'écoeure !

- Vous….

- Je ne suis pas intéressée par vous. Pas le moins du monde ! A présent, sortez d'ici ! terminé-je en me levant pour indiquer la sortie.

- Vous… Vous… êtes bien impétueuse !

- Impétueuse Non. Franche Oui !

- Maëlly, ça suffit ! crie mon père. Monsieur Guilhem ne part nulle part. Il est mon invité et tu te dois de le respecter !

- Oui, ton invité. Pas le mien, papa !

- Maëlly, tu baisses le ton quand tu me parles !


Je n'avais pas l'intention de hausser la voix sur mon père. C'est la colère qui m'a fait réagir ainsi. Pour ne pas contrarier davantage Papa, je me rassois et ne dit plus mot.


- Monsieur Guilhem ! Je suis désolé pour ce désagrément. Ma fille est un peu stressée par son boulot ces jours-ci !

- Papa ! rétorqué-je devant un mensonge pareil.

- Maëlly, tu te tais !  

- Monsieur FREITAS, il m'arrive à moi aussi d'être stressé, mais ce n'est pas pour autant que je me défoule sur mon entourage ! Je vous remercie pour votre… hospitalité, mais je préfère m'en aller.

- Mais…

- S'il vous plaît, ne me retenez pas. Je ne supporte plus d'être dans la même pièce qu'une personne aussi désagréable que votre fille ! Pardonnez-moi de le dire, mais c'est normal qu'à son âge, elle soit encore célibataire !

- Papa, tu l'entends ?

- Il n'a pas tort, Maëlly, et tu le sais bien.

- Papa ! m'insurgé-je.

- Venez, monsieur Guilhem, je vous raccompagne ! Mille excuses ! J'espère que cet incident …

- Soyez rassuré que cet incident n'affectera ni nos relations, ni la grande estime que j'ai pour vous…


Je cesse de les écouter. Je suis toujours fâchée, d'autant plus qu'à cause de Papa, j'ai dû "déclarer forfait" devant cet idiot en costard. Sinon dans d'autres circonstances, Maëlly FREITAS ne l'aurait jamais laissé avoir le dernier mot. Jamais !


* *

 *


- A nous deux à présent, Maëlly ! débute mon père en se rapprochant de moi. Tu peux m'expliquer ce qui t'a pris tout à l'heure ?

- Tu veux vraiment le savoir, papa ? Parce que j'ai de plus en plus l'impression que mon bonheur ne t'intéresse pas !

- Sottise !

- C'est la vérité, papa ! Tu tiens à tout prix à me caser au premier venu comme si mon choix ne comptait pas.  C'est de ma vie qu'il s'agit. Et je te rappelle que je ne suis plus un enfant ! Et puis, pourquoi faut-il nécessairement qu'une femme ait des enfants ou se marie avant trente ans ! C'est…

- Cesse de divaguer ! Je ne t'ai forcé à rien !

- Mais tu as ramené ce Gui-machin chez nous et tu lui as donné le droit de …

- Arrête de dramatiser les choses ! Tu sais bien que je ne suis pas le genre de père qui donnerait sa fille en mariage forcé !

- Je commence à en douter, papa.

- Maëlly ! Tu sais bien que je t'aime énormément, que tu es la prunelle de mes yeux !

- Papa ! réponds-je en souriant, émue par ses mots.

- Tu es ma fille et c'est compréhensible que je veuille avoir des petits-enfants dont je pourrai profiter longtemps encore avant de regagner le ciel. C'est donc normal que je veuille que tu te maries avec quelqu'un de financièrement stable, quelqu'un de bonne famille et qui saura te protéger, même quand je ne serai plus là ou trop vieux pour le faire.

- Cette personne- là qui me complètera, qui me rendra heureuse, je l'ai déjà choisie et tu sais qui c'est, papa !


Il soupire et me fixe, avant d'ajouter avec une voix pas gaie.

- Eliad MONTEIRO !

- Oui. Eliad est l'homme de ma vie !


Mon père se laisse choir dans le siège face à moi !

- Mais il ne t'aime pas, ma fille !

- Si, papa, Eliad m'aime. Il n'en est juste pas… bien conscient, c'est tout. Et puis, rappelle-toi, tu m'as souvent repeté que c'était lui ton gendre idéal.

- Oui, mais c'était bien avant qu'il ramène cette étrangère ici !

- Justement, elle est morte !

- Pour nous Oui, mais pour Eliad Non.

- Ce n'est qu'une question de temps pour qu'il l'oublie !


Je le vois sourire.

- Ah bon !

- Oui ! répliqué-je avec assurance.

- On dit que l'amour est aveugle mais sûrement pas muet. Il suffit d'entendre toutes les débilités qui sortent de ta bouche pour s'en convaincre !

- Papa ! rétorqué-je.

- Ecoute-moi bien, Maëlly ! poursuit-il sur un ton très formel. Tu perds ton temps avec Eliad. Il n'y a que toi qui ne t'en rends pas compte ! Il t'a toujours vue comme sa soeur, son amie et ce sera toujours ainsi. Réagis ma fille, Réagis avant qu'il ne soit trop tard !

- On ne choisit pas qui on aime, papa. Et je ne peux extirper Eliad de mon coeur, en un claquement de doigt ou en un coup de baguette magique !

- Encore faudrait-il que tu aies essayé !


De lui, je m'approche et m'accroupis en lui prenant les mains. Je le regarde avec des yeux suppliants, qui ne l'ont jamais laissé de marbre.

- Parle-lui, papa ! Dis à Eliad combien je l'aime !

- Aujourd'hui, tes yeux ne m'attendriront pas, Maëlly ! Tu m'imagines moi, Pedro FREITAS, essayer de convaincre Eliad de t'épouser ? Autant parler à un sourd, parce cet homme-là n'a plus toute sa tête et tu le sais très bien !

- S'il te plaît, papa !

- NON, Maëlly ! Je t'aime trop pour te jeter moi-même dans le gouffre qu'est Eliad MONTEIRO.

- Papa ! Eliad n'est pas …

- Ouvre les yeux, ma fille ! Il te suffit de voir comment il traite sa propre fille, celle que lui a laissée son épouse adorée pour déjà imaginer comment sera ton avenir près de lui. Crois-moi Maëlly, Eliad n'a plus d'amour à donner à qui que ce soit, après Camila !

- Tu te trompes papa, tu te trompes !

- Non Maëlly, mes paroles sont sensées. Eliad se plaît à rester dans son veuvage. Pour que ça change, il faudrait qu'il le veuille. Ce qui n'est point le cas.

- Ce le sera bientôt. J'en suis sûre, papa !


Je l'entends rire avant de poursuivre :

- Je te croyais assez mature, assez intelligente, assez perspicace, Maëlly, mais je vois que toutes ces qualités chez toi se limitent uniquement au monde des affaires.

- Pourquoi me traites-tu si durement papa ? N'est-ce pas toi même qui m'a toujours repété qu'il ne faut jamais renoncer à ses rêves, à un objectif qu'on chérit… En bref qu'il ne faut jamais abandonner ?

- Oui, je te l'ai enseigné ! Mais je t'ai aussi dit qu'il ne sert à rien de mener une guerre perdue d'avance ! Malheureusement, cette partie-là n'est jamais rentrée dans tes oreilles !

- Bah !

- Ouvre les yeux, ma fille ! Je te le repète. Ouvre les yeux avant qu'il soit trop tard pour toi !


Tout bas, je murmure :

- Eliad reste l'amour de ma vie !

- Je n'ai plus de doute là-dessus. Ce que tu ressens pour Eliad c'est de l'obstination ou de la paranoïa, mais surtout pas de l'amour !

- Si, c'est de l'amour, papa ! Un amour si grand que même le temps n'a pu éteindre en moi !


Papa secoue la tête fortement.

- Deux "écervelés" ensemble, je ne veux même pas imaginer un tel désastre !

- Papa, tu exagères ! Je…

Il se lève et me lance avec furie !

- Je t'aurais prévenue, Maëlly ! Ne viens pas après pleurer sur mes épaules !

- Papa !

- Laisse-moi, Maëlly ! A force d'entendre toutes les idioties qui sortent de ta bouche, je risque de faire un malaise.  


Je n'insiste pas. J'attends que papa quitte la pièce pour m'emparer de mon mobile. Depuis ce matin, je tente de joindre Eliad. Sans succès. Messages et appels restent sans suite.

Ah ! Enfin, il décroche :

- Bonjour, mon ….

Je me ravise de dire "Bonjour, mon amour".

- Bonjour, Eliad ! Tu vas mieux aujourd'hui ?

- Oui, Maëlly ! D'ailleurs, je suis au bureau actuellement.

- Eh bien, moi je…

- Maëlly, je suis navré... Je dois raccrocher.

- Mais …

- On se parlera plus tard ! Bye !


Conversation terminée ! Juste comme ça ! On dirait qu'il m'évite. Pas grave.

Il peut toujours courir, Eliad MONTEIRO ! Il est à moi ! A moi et à personne d'autre. A cela, rien ni personne ne changera quelque chose !



**********


Des semaines plus tard.


Nadia P. AKLE


Aujourd'hui, j'ai le blues. Je suis nostalgique de Carine. J'observe une photo d'elle que je garde précieusement dans mon porte-monnaie. Une photo d'identité où on voit son visage sans maquillage. Une photo où elle est plus humaine, plus femme que pute. Je ne peux me résoudre à parler d'elle au passé. C'est ainsi.

Sur le papier, je passe mes doigts en soupirant.


- Elle, c'est qui ?

Ça, c'est Milena. Je n'ai même pas senti sa présence dans mon dos.

- Ma grande-soeur !

- Ah, elle est jolie ta grande-soeur !

- Tu trouves ?

- Oui. Est-ce qu'elle est aussi gentille que toi ?

- Oui.

- Et où est-ce qu'elle est ?

- Au… paradis !


En réalité, je ne sais pas si le paradis existe vraiment et si Carine y est. Cependant, j'ai décidé de croire qu'elle est dans un monde meilleur à présent.


- Comme ma maman !

Je hoche juste la tête.

- Toi aussi, elle te manque beaucoup, comme ma maman ?

- Oui. Énormément.

- Viens !

Elle m'entoure du mieux que ses petits bras le peuvent. Je souris.

- Tu te sens mieux maintenant ?

- Oui, ma princesse !

- Ça te dirait d'aller marcher un peu dehors !

- Marcher ? T'en es sûre, Milena ? T'as oublié combien tu as rouspété la dernière fois ?

- Oui, j'ai dit que marcher était fatiguant et ennuyeux ! Mais je ne le pensais pas vraiment !

- Ah bon !

- Oui. Alors, allons-y.

- Je ne sais pas trop, Milena.

- Allez ! fait-elle en tirant mon bras.

 

Je fais un peu ma maligne puis finis par céder...


En bas, dans le hall, madame Jeanne converse avec une femme. Une femme blanche chichement vêtue. Elle porte un manteau gris orné de strass brodés. En dessous, on peut apercevoir une robe bleu foncé. Une capeline, de la même couleur que le manteau, recouvre ses cheveux.

Autre détail non moins important : elle garde dans ses bras un caniche qui porte une robe rose en tulle et des lunettes de soleil.

Hmmm ! Dans mon village natal, ce chien privilégié-là aurait plutôt atterri dans le ventre trop affamé de quelqu'un. (Sourire).


- Je ne comprends pas ce que vous dites, madame ! répète encore et encore la gouvernante à son interlocutrice qui parle l'espagnol.


- Buenos dias, señora ! (Bonjour madame) m'adressé-je à la dame.

- ¡Por fin! (Enfin !) s'exclame-t-elle en se tournant vers moi.

- ¿Que puedo hacer por usted? (Que puis-je pour vous ?)

- ¿Está aqui, Eliad? (Eliad est là?)

- Sí (Oui)

- Dile que (Dites-lui que)…


Elle arrête sa phrase et fixe Milena.

- ¿Está mi nieta, la hija de Camila? (Est-ce ma petite-fille, la fille de Camila ?)


Comment n'y ai-je pas pensé, moi ?


- Qu'est-ce qu'elle veut ? me demande la gouvernante.

- Elle dit être la mère de madame Camila et souhaite discuter avec monsieur Eliad.

- Ah ! Suivez-moi, madame, que je vous introduise à lui. Il est au salon.


A ma manière, je traduis les propos de la gouvernante.

- ¡Ven conmigo, Milena! (Viens avec moi, Milena) reprend la grand-mère.


Milena ne bouge pas. Je ne la force pas non plus.


- ¿No me conoces? No te preocupes. Tendremos mucho tiempo para eso. (Tu ne me connais pas ? Ne t'inquiète pas. Nous aurons tout le temps pour ça), achève-t-elle en tentant de caresser la joue de Milena, qui l'esquive pour se cacher derrière moi.


La dame sourit et s'éloigne avec la gouvernante.

- Viens, tata Nadia. On y va.

- On devrait peut-être attendre. C'est ta grand-mère !

- Moi, je veux profiter du soleil ! Allez, viens !

- Ok, on y va.

Elle prend ma main et je la suis dehors.



*************


Eliad MONTEIRO


Cette nouvelle rencontre avec la mère de Camila, je l'appréhende depuis des jours. J'inspire profondément avant de m'approcher d'elle.


- ¡Buenos dias, señora ! (Bonjour madame !)

L'une de ses mains n'est pas gantée, alors je m'incline pour y appliquer mes lèvres. Le baisemain est un geste de respect auquel la mère de Camila attache beaucoup d'importance.


- ¡Por favor, sientese! (Je vous en prie, asseyez-vous !)

- Gracias. (Merci)


Tout autour d'elle, elle regarde.


- Debo admitir que tienes una casa muy lujosa. Desafortunadamente, no tienes sangre real. Así que para mí, siempre serás uno de los pobres. Mi hija podría haber tenido un destino maravilloso al casarse con un príncipe. ¡En cambio, ella prefería enamorarse de un plebeyo, un descendiente de esclavos, un negro como tú, y luego morir en un país miserable! (Je dois reconnaître que tu as une maison très luxueuse. Malheureusement, tu n'as pas le sang royal. Donc pour moi, tu feras toujours partie des pauvres. Ma fille aurait pu connaître un merveilleux destin en épousant un prince. Au lieu de cela, elle a préféré s'amouracher d'un roturier, un descendant d'esclaves, un nègre comme toi pour ensuite mourir dans un miséreux pays !


Je serre les poings et m'efforce de ne donner aucune réplique à son commentaire très blessant.


- ¡Si tan sólo, Camila me hubiera escuchado! Ella todavía estaría viva. (Si seulement, Camila m'avait écoutée ! Elle serait encore en vie. )


Je ne sais quoi lui répondre, alors je fais diversion.


- ¿Quiere que se le sirva un enfriamiento? (Voulez-vous qu'on vous serve un rafraîchissement ?)

- No, gracias. Espero que mi nieta ya haya sido informada sobre nuestra partida. (Non, merci. J'espère que ma petite fille a déjà été informée de notre départ.)

- No todavía, pero no es una preocupación. Será una mera formalidad. (Pas encore, mais ce n'est pas un souci. Ce ne sera qu'une simple formalité.)

- ¿Estás seguro de tu decisión ? (Es-tu sûr de ta décision ?)

- Yo lo soy. Y es mejor así. (Je le suis. Et c'est mieux ainsi.

- ¿Para ella o para ti? (Pour elle ou pour toi ?)

- Para todos nosotros. (Pour nous tous)

- No puedo entender que quieras separarte de tu hija, aunque… eso me conviene perfectamente. Porque tengo la intención de terminar con Milena lo que no pude con Camila. ¡Me aseguraré de que ella no cometa los mismos errores que su madre y que ella se comporta completamente como una hija de sangre real ! Verás, Elena, muy pronto tendrás a tu sobrina cerca de ti y podréis jugar juntos. (J'ai du mal à comprendre que tu veuilles te séparer de ta fille, quoique… cela me convienne parfaitement. Car je compte achever avec Milena ce que je n'ai pas pu avec Camila. Je veillerai à ce qu'elle ne commette pas les mêmes erreurs que sa mère et qu'elle se comporte entièrement comme une fille de sang royal ! Tu vois, Elena, très bientôt tu auras ta nièce près de toi et vous pourrez jouer ensemble. )


Il n'y a que cette femme déjantée pour croire qu'une chienne puisse avoir un lien de parenté avec un humain ! Bon Dieu, comment une aussi aimable femme comme Camila a pu sortir du ventre d'une femme pareille ?  Le pire, c'est que mes oreilles doivent s'efforcer de supporter toutes ses paroles absurdes.


- Eres impaciente, Elena ¿no?. Sí, le soy también. (Tu es impatiente, Elena. N'est-ce pas ma princesse ? Oui, je le suis aussi.)


J'entends la chienne couiner de joie et sa maîtresse, ou plutôt sa mère, lui sourire grandement puis l'embrasser. La fin de l'excentricité de ma belle-mère n'est pas pour demain ! C'est sûr !


- No esperaré más. (Je n'attendrai pas davantage)


Elle se lève. Je n'en attendais pas moins d'elle. L'atmosphère me pesait déjà, avec elle et son toutou près de moi.


- Me quedo en este hotel. (Je loge dans cet hôtel. )

Elle me tend un feuillet que je prends de ses mains.

- Tráeme a mi nieta mañana. Podrá así acostumbrárseme una poco, antes de que se vaya. Y sobre todo, explícale todo. (Amène-moi ma petite fille demain. Elle pourra ainsi s'habituer un peu à moi, avant qu'on parte. Et surtout, explique-lui tout.)

- Sí, lo haré. (Oui, je le ferai) ! réponds-je en m'inclinant à nouveau pour embrasser sa main tendue.


Cette fois-ci, le geste dure à peine une seconde. Précipitamment, elle enlève sa main et s'adresse à l'animal :


- Nos vamos, Elena. Sé que este ambiente no te gusta, pero ten paciencia. Te prometo que volveremos a España en una semana máximo. Yo también, yo tengo prisa de dejar este país siniestro antes de que el sol queme nuestras hermosas pieles. (Nous partons, Elena. Je sais que cet environnement ne te plaît pas, mais sois patiente. Je te promets que nous retournerons en Espagne dans une semaine au plus. Moi aussi, je suis pressée de quitter ce sinistre pays avant que le soleil brûle nos jolies peaux.)


Hmm ! m'exclamé-je intérieurement en ouvrant la porte.


- Después de usted, señora. (Après vous, madame).

- Gracias. A propósito, en la entrada, había una mujer joven, bonita y de piel clara. (Merci. Au fait, à l'entrée il y avait une femme jeune et jolie, à la peau claire.)

- Hay varias mujeres entre mis empleados. No sé de quién está hablando. (Il y a plusieurs femmes parmi mes employés. Je ne sais de qui vous parlez.)

- Parecía muy familiar con Milena. (Elle semblait très familière avec Milena.)

- Entonces, este debe ser su niñera. (Alors, ce doit être sa nounou.)

- ¡Es perfecto!. (C'est parfait !)


Là, je ne la suis pas.


- Quería justamente que esta mujer viniera con Milena para servirme de traductora. (Je voulais justement que cette femme vienne avec Milena pour me servir de traductrice.)

- ¡Traductora! (Traductrice !) m'étonné-je.

- Sí, se expresa bastante bien en español. Es gracias a ella que la "ama de llaves" finalmente comprendió que era. ¿No lo sabías? (Oui, elle s'exprime assez bien en espagnol. D'ailleurs, c'est grâce à elle que la "gouvernante" a finalement compris qui j'étais. Tu ne le savais pas ?)


Je secoue la tête.

- ¡Un dueño digno de ese nombre se debe de conocer todo sobre los que viven con él! (Un maître digne de ce nom se doit de tout connaître sur ceux qui vivent avec lui !)

- Tiene razón (Vous avez raison), reconnais-je malgré moi.

Je la vois sourire.

- La niñera vendrá con ... su nieta. (La nounou viendra avec votre petite-fille.)

- ¡Estoy encantada! (J'en suis ravie !).


Je la raccompagne jusqu'à la porte d'entrée puis reprends la direction de mon salon.

- Monsieur, vous désirez quelque chose ? s'enquiert madame Jeanne que je viens de croiser.

- Non. Plutôt oui ! Je désire parler à la… nounou.

- Elle est sortie avec la petite.

- A son retour, dites-lui de passer me voir. Je serai dans le salon.

- Bien, monsieur.


Je rejoins mon salon et me sers un peu de whisky. Je ne peux m'empêcher de penser à cette nounou qui recèle encore bien des mystères.



**********


Nadia P. AKLE


C'est avec l'esprit inquiet que je toque contre la porte du salon. Parce qu'à chaque fois que monsieur Eliad m'appelle, c'est pour me réprimander.

- Bonjour monsieur, commencé-je en restant à une bonne distance de l'homme debout dans la pièce.


Il ne répondra pas, c'est sûr. Mais par respect, je le salue quand même. Comme je m'y attendais déjà, il bouge juste la tête pour ensuite dire :


- Acerque y siéntese. (Approchez et asseyez-vous)


J'hésite à faire ce qu'il dit.

- ¡Es una orden! (C'est un ordre !)

- Bien, señor. (Bien, monsieur)


Ses yeux me fixent, tandis que je m'exécute. J'avoue que je suis un peu intimidée.

- Pourquoi ne m'avoir pas dit que vous parliez l'espagnol ?

- Eh bien...je ne pensais pas que cela était important. Et puis, je ne parle pas si bien que ça.

- D'accord. Si je vous ai fait appel, c'est surtout pour vous informer que demain vous emmènerez… la petite chez sa grand-mère maternelle. Le chauffeur vous conduira à l'hôtel où cette dernière séjourne. Je souhaite également que vous commenciez à apprêter des valises pour… la petite !

- Des valises ?

- Oui. Dans quelques jours, elle partira en Espagne pour y vivre définitivement avec sa grand-mère !

- Quoi ! Mais… répliqué-je d'une voix tremblante.

- Votre avis ne compte pas ! Ici, vous n'êtes qu'une employée comme les autres. Vous vous devez juste de suivre mes instructions !

- Vous ne …

- J'en ai fini avec vous. Alors, levez-vous et allez vaquer à vos occupations !


Je me lève du siège et regarde l'homme qui, brusquement, me tourne le dos. Je sors de là en pressant mes pas. Dans le hall, je prends une pause pour me remettre de mes émotions. Cet homme, je ne le comprends définitivement pas !
















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