Chapitre 16 : La rupture
Write by Chrime Kouemo
Denise raccrocha son téléphone pour la quatrième fois. Trois jours après, elle n’avait toujours pas digéré les propos d’Eloïse. Cette fois-ci, elle avait vraiment besoin de lui faire comprendre que les limites avaient été largement franchies. A trente deux ans, et après avoir vécu dix ans loin de sa meilleure amie, elle ne pouvait plus accepter de telles gamineries. Sous le fallacieux prétexte de la protéger, Eloïse se permettait des réflexions sur ses fréquentations; il était temps que cela cesse.
Après avoir hésité un court instant, elle mit momentanément les appels provenant de Eloise sous silence. Elle la contacterait éventuellement demain. Pour le moment, il était impératif qu’elle se concentre sur la préparation de son spectacle. Il lui restait à peine une heure avant le but de son premier cours de la journée et elle devait en profiter.
Elle ajusta la petite caméra sur le trépieds et s’empara de la télécommande de l’enceinte Bluetooth pour lancer la musique.
L’heure suivante, elle répéta la chorégraphie d’ouverture de son spectacle qu’elle avait peaufinée et mise au point avec Elsie et Billie. Avec acharnement, elle reprit encore et encore chaque mouvement, variant l’intensité pour mieux s’imprégner de chaque pas. Complètement à fond, elle avait l’impression de se retrouver lors des séances de répétition de ses représentations parisiennes quand elle dansait jusqu’à ce que ses muscles demandent du répit.
Denise visionna une dernière fois l’enregistrement de sa chorégraphie d’introduction. Il restait encore deux ou trois choses à peaufiner, mais le résultat général était déjà très satisfaisant. Elle sauvegarda la vidéo et retira la carte mémoire de sa caméra pour l’insérer dans son ordinateur.
Alors qu’elle préparait un post sur sa page Facebook, son téléphone vibra sur la table. Elle fronça les sourcils en voyant le numéro qui s’affichait à l’écran.
— Sax ? Fit-elle en décrochant.
— Oui, c’est bien moi, répondit la voix grave du célèbre chorégraphe et producteur de comédie musicale. On dirait que tu as l’air surprise.
— Et comment ?! Ça fait plus de deux ans que je n’ai pas eu de tes nouvelles…
— Ouais, je sais... j’ai un peu disparu des radars. Comment va, sinon ?
— Très bien, et toi même ?
— Beaucoup mieux. J’ai eu une petite traversée du désert l’année dernière et j’essaie de rebondir.
Denise avait appris par Shana qu’il avait fermé sa compagnie de danse parisienne après des démêlés avec le fisc. Naturellement, elle l’avait appelé pour lui témoigner son soutien, mais il n’avait jamais décroché et ne l’avait jamais rappelée, ni même envoyé un message. Elle avait mis ça sur le compte de leur histoire commune compliquée.
Sax était tombé fou amoureux d’elle dès son arrivée en France. Bien que craignant que cela détériore leur relation de travail, elle l’avait éconduit. Heureusement pour elle, il était un gentleman. Quelques années plus tard, à l’occasion de leur dernière collaboration pour une comédie musicale, il était revenu à la charge. Elle ne savait même plus trop pourquoi ni comment, mais elle avait enfin accepté de sortir avec lui. Malheureusement pour le chorégraphe, trois mois plus tard à peine, elle avait rencontré Oswald lors d’une émission télévisée et ça avait été le coup de foudre . Elle avait rompu illico. Sax en avait été grandement affecté et s’était mis à boire. L’année qui suivait, elle s’installait à Londres pour vivre à fond son histoire avec Oswald.
Elle prit une inspiration pour revenir à l’instant présent. Elle n’aimait pas évoquer cette période de sa vie.
— C’est une bonne nouvelle. Je suis sûre que tu vas y arriver, dit-elle d’un ton encourageant.
— Merci, j’y crois aussi. C’est d’ailleurs pour ça que je t’appelais.
— Ah oui ?
— Oui. Avec un partenaire américain, nous avons un grand projet de spectacle avec une trentaine de dates à travers le monde. Nous allons commencer les recrutements à Paris en février et j’ai pensé à toi pour me donner un coup de main pour cette phase et celle des premières répétitions qui vont durer environ deux mois.
— Wow ! répliqua t-elle au comble de la surprise.
La demande de Sax était extrêmement flatteuse et pour le moins inattendue. Ils ne s’étaient plus vraiment parlé depuis son départ à Londres. Il y avait des centaines de chorégraphes de talent à Paris. Alors, qu’il lui propose de la seconder pour une phase aussi délicate et charnière que le recrutement des danseurs et les premières répétitions, la laissait littéralement sans voix.
— Tu dois t’étonner que je te contacte pour un truc pareil après tout ce temps, mais après les coups durs que j’ai traversés ces derniers temps, je fais maintenant très attention aux gens avec qui je m’associe. Et de ce que je sais, tu as toujours été loyale avec moi envers et contre tout.
— Et tu penses vraiment que je suis qualifiée pour ça ? Je connais ton niveau d’exigence Sax…
— Laisse-moi ça, j'ai vu les vidéos de tes cours sur Youtube et le moins que je puisse dire, c'est que tu as suivi digement mes traces. Je t'en félicite d'ailleurs.
— Oh ! Merci, fit-elle, esquissant un sourire, charmée.
Ce n’était pas rien que le grand chorégraphe Sax prenne le temps de regarder ses vidéos.
— Alors ? Qu’est ce que tu en dis ?
— Ce serait combien de temps exactement et à partir de quand ?
— Je dirai de février à avril pour être au plus juste.
Denise réfléchit à toute vitesse. Accepter la proposition équivaudrait à une suspension de ses cours pendant trois mois quelques semaines seulement après le spectacle, mais une opportunité pareille ne se refusait pas. Elle trouverait le moyen d’entretenir ses élèves malgré son absence. Et travailler pour Oswald lui apporterait encore plus de crédit et de visibilité de façon indéniable.
— Je suis partante !
— Yes ! Je suis ravi ! Je t'avoue que j'avais un peu peur que tu refuses. Tu as toujours tellement été indépendante...
— Ça me fait franchement plaisir que tu aies pensé à moi.
— Et moi j'ai hâte qu'on collabore à nouveau ensemble. Je t'enverrai tous les éléments de contrat d'ici deux semaines. Je dois encore peaufiner les derniers points du financement avec mon partenaire américain, mais tu verras, la paie est plus que généreuse.
— OK, j'attends alors.
Elle avait encore le sourire aux lèvres quelques minutes après avoir raccroché, avec l’impression grandissante d’avoir rêvé le coup de fil de Sax. Depuis qu’elle était partie de Londres sans demander son reste, elle ne s’était plus jamais imaginée retourner en Europe pour y travailler. Et surtout pas avec un type de proposition telle que celle que venait de lui faire son premier mentor.
La sonnette de la porte d’entrée retentit. Elle leva les yeux vers l’horloge. Il était 15h, ça devait être Armelle. Elle lui avait envoyé un message une heure plus tôt l’informant de son passage.
Sur un nuage, elle se dirigea vers la porte.
Armelle se tenait sur le seuil, la mine triste. Bien qu’aucune trace de larme ne soit visible sur son visage, on devinait à ses yeux légèrement rougis qu’elle avait pleuré.
— Hé ! Qu’est-ce qui ne va pas ? S’écria t-elle , inquiète.
— Bobby est marié...
— Quoi ?
— Il est marié. J’ai rencontré sa femme et sa famille ce matin, chez lui...
Abasourdie, Denise se laissa tomber sur le canapé à côté de son amie.
— Attends, c’est quoi ce délire ? Raconte-moi tout depuis le début.
Armelle poussa un profond soupir et se lança dans son récit.
— Et il t’a dit quoi pour s’expliquer ? Demanda Denise.
— Je ne l’ai pas laissé s’expliquer. Je bloque ses appels depuis tout à l’heure.
— Peut-être que tu...
Son amie secoua énergiquement la tête.
— Non, Denise ! Tu écouterais ses explications à ma place ? Et dire qu’il était là à jouer les hommes sérieux victimes de préjugés. Mon œil ! Les mecs sont bien tous les mêmes !
Denise n’en revenait pas. Bobby, marié ?! En deux ans de fréquentation, elle ne l’avait jamais entendu évoquer une quelconque femme ou un enfant. D’accord, ils avaient une relation plus professionnelle qu’autre chose mais quand même.
D’une certaine façon, ça lui rappelait son histoire avec Oswald. Lui non plus ne lui avait rien dit sur sa situation maritale avant de la laisser s’embarquer dans leur relation... Elle se reprit. Il ne fallait pas laisser ses pensées dériver plus loin.
— Je suis désolée, c’est à cause de moi que tu l’as rencontrée.
Armelle tourna vers elle son visage où flottait un sourire triste.
— Ça m’apprendra plutôt à ne pas m’emballer aussi vite. Quand je me suis levée ce matin dans ses bras et qu’il m’a dit qu’il avait préparé le petit déjeuner pour nous, je me suis dit que c’était trop beau pour être vrai, que c’était trop facile de quitter si vite dix ans de relation chaotique avec Ralph pour tout de suite tomber sur le bon numéro et...
— Arrête ça ! L’interrompit-elle doucement en posant une main sur la sienne. Bobby n’a peut-être pas été sérieux avec toi, mais tu ne dois pas prendre ça comme prétexte pour en attendre moins de la vie.
— Hum... Et pourquoi tu ne t’appliques pas ton conseil à toi-même ?
— On n’est pas entrain de parler de moi là, éluda t-elle.
— Peut-être, mais il n´en demeure pas moins que ce soit vrai.
— Mais moi je ne cherche pas quelqu’un, contrairement à toi.
— C’est ce que tu dis... On reprendra cette conversation un de ces quatre, tu peux compter sur moi.
— On verra... Ça ira ? Reprit-elle en voyant Armelle baisser la tête.
— Je suis très déçue et je me sens abusée. Ça lui coûtait quoi de me dire la vérité ? Pourquoi me mentir ? Je me suis ouverte avec lui comme jamais avec un autre homme. Je lui faisais confiance... Ça fait mal...
Sa voix se brisa et elle se mit à sangloter sans retenue. Denise l’entoura de ses bras, peinée pour elle. Armelle se laissa aller contre son épaule.
***
— Chéri, tu fais quoi samedi prochain ? Demanda Esther en posant son coude sur le torse de Simon, le menton appuyé dans la paume de sa main.
De retour de la messe, ils avaient déjeuné ensemble et s’étaient étendus sur le canapé pour digérer après le repas.
— Rien de prévu, pourquoi ?
— Ma mère arrive samedi sur Yaoundé.
Simon se sentit se raidir sur place. Esther le fixa les sourcils froncés. Rapidement, il reprit contenance et força un sourire.
— Oh ! Elle vient pour combien de temps ?
— Je ne sais jamais avec elle. Elle m’a dit une semaine, mais ça peut changer, elle a du mal à rester longtemps loin de Bafia.
— Hum... OK.
Le regard d’Esther se fit soupçonneux. Il se dégagea doucement de son étreinte et se redressa sur le canapé.
Le moins qu’on puisse dire est qu’il était coincé. Il ne fallait pas être détective pour deviner que sa copine attendait qu’il demande naturellement à rencontrer sa mère. Seul hic, il n’était pas prêt. Il ne le serait jamais. Ça faisait des semaines qu’il refusait de voir la réalité en face. La flamme entre Esther et lui s’était éteinte; elle ne s’était même d’ailleurs jamais allumée. Il avait commencé à la courtiser en raisonnant en personne ultra cartésienne qu’il était et avait cru en être amoureux parce qu’elle matchait avec les principaux critères qu’il recherchait chez une femme. Il avait faux sur toute la ligne et il avait fallu qu’il couche avec Denise pour s’en rendre compte. Et encore ce n’était pas tout à fait vrai. Après la nuit passée avec son amie d’enfance, il avait continué à se mettre des œillères en se cherchant toutes sortes d’excuses. Sa locataire était une femme exubérante, expansive, qui se faisait remarquer partout où elle passait, rien donc à voir avec la discrétion et la retenue qu’il appréciait en général chez les membres du sexe opposé. Seulement, en une nuit, toutes ses convictions avaient été saccagées, foulées aux pieds par une déesse au corps de liane, au sourire enjôleur et aux longues tresses acajou. Le fait qu’ils s’évitassent comme la peste depuis lors ne changeait rien à l’affaire. Il la désirait toujours autant. Ses bonnes résolutions et raisonnements pétris de logique n’y faisaient rien non plus. Il n’y avait qu’à voir comment leur rencontre fortuite dans le couloir de la résidence quelques jours plus tôt l’avait chamboulé.
Il se gratta l’arrière du crâne, confus. Ses yeux toujours braqués sur lui, Esther s’était redressée elle aussi et avait croisé les bras sur sa poitrine, attendant visiblement qu’il dise quelque chose.
— Hum... Euh... Je pense que je ne pourrai pas rencontrer ta mère cette fois-ci, commença t-il après s’être raclé la gorge à plusieurs reprises.
— Qu’est-ce qu’il y a ? Si tu es trop pris avec le boulot, je peux ...
— Esther, ce n’est pas ça, la coupa t-il en se levant brusquement.
— C’est alors quoi ?
Simon soupira. Elle n’avait vraiment pas l’intention de lui faciliter la tâche.
— Je... Je pense qu’on devrait arrêter là toi et moi. Ça ne marche pas ...
— Quoi ?!
Elle se leva à son tour. Le coussin qu’elle tenait contre elle glissa par terre.
— Je suis désolé.
— Comment ça, ça ne marche pas ? Tu n’es pas bien avec moi ? Il y a quelque chose que tu me reproches ?
— Non, ça n’a rien à voir avec toi. Ça vient de moi plutôt.
— Je ne comprends pas. Explique-moi.
Elle secouait la tête, les mains tendues vers lui, l’air suppliant. Affreusement mal à l’aise, il détourna le regard vers la baie vitrée. La pluie s’était mise à tomber, drue, bruyante. Les gouttes d’eau s’écrasaient violemment contre la paroi lisse, glissant en laissant leur empreinte jusqu’à la dalle en béton du balcon.
— Je te demande pardon, si je te blesse. Tu es quelqu’un de bien, je pense que tu trouveras la personne qui te correspondra et…
— Pourquoi ? Qu’est ce qu’il y a ?
— Esther, ce n'est pas toi, c'est moi qui ai changé d'avis.
Les yeux embués, les lèvres tremblantes, celle qui avait été son amante durant plusieurs mois se tenait telle une pauvre petite chose esseulée dans son salon. Il se détesta d’être celui qui lui causait tant de peine, d’être à l’origine de son désarroi. Il n’avait pas voulu lui briser le coeur, mais il savait maintenant qu’il n’avait fait que retarder l’échéance. Il n’était plus le même depuis qu’il avait secouru Denise la nuit de son agression. Il avait lutté comme il avait pu, mais il avait perdu la bataille. Et il s’agissait maintenant de ne pas donner plus de faux espoirs à Esther.
— Il y a une autre...
La voix hachée, pleine de sanglots raviva sa culpabilité. Il ne dit rien, se contentant d’observer le déchaînement des éléments à l’extérieur.
— C’est elle n’est-ce pas ? C’est Denise.
Il sursauta. Sa bouche s’ouvrit pour réfuter. Elle l’interrompit d’un geste de la main.
— Ne me mens pas. J’ai remarqué comment tu la regardais à la cérémonie de commémoration de tes parents. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas s’en rendre compte.
— Esther...
— Je suis prête à te pardonner.
Elle s’approcha de lui et en quelques enjambées, elle fut devant lui. D’un geste, elle essuya les larmes qui avaient roulé sur ses joues, à l’aide de la manche de son pull léger.
— Ma soeur m’a dit que ça pouvait arriver, qu’on ne pouvait pas attendre d’un homme qu’il soit à cent pour cent fidèle. Ca me fait mal, mais je suis prête à passer dessus. Je t’aime.
Simon écarquilla les yeux, éberlué. Elle lui rendait la tâche encore plus difficile à insister de la sorte. Il recula et repoussa doucement les mains qu’elle essayait de poser sur ses avant-bras.
— Non, Esther. Il vaut mieux qu’on en reste là.
— Simon, s’il te plaît... Ne fais pas ça, on peut..., supplia t-elle d’une voix hachée.
Mortifié, il fit un nouveau pas en arrière en secouant la tête.
— Non, ça ne marchera pas.
Pendant quelques secondes interminables, elle resta debout devant lui, pleurant en silence. Bien que déchiré, il s’interdit d’aller vers elle pour éviter de lui donner de faux espoirs.
Enfin, elle hocha la tête puis se dirigea en silence vers la chambre. Un moment plus tard, elle en sortait avec un petit bagage.
— Je peux te raccompagner chez toi, proposa t-il spontanément. Il pleut à verse dehors.
— Non, je vais prendre un taxi course.
— Laisse-moi au moins l'appeler pour toi.
Elle acquiesça d’un signe de tête avant de se rasseoir dans un des fauteuils du salon le plus éloigné de l’endroit où il se trouvait.
Le taxi était arrivé. Naturellement, il prit son sac pour l’accompagner. Elle le lui arracha des mains sans ménagement.
— Pas la peine de m'accompagner, dit-elle sèchement.
La porte d’entrée claqua violemment la seconde d’après.
Il se laissa tomber sur le canapé, la tête dans ses mains, navré.
— Et alors, tu vas voir Denise quand ? Demanda Amandine d’une voix qui cachait mal son excitation.
Il venait de lui annoncer sa rupture avec Esther. Sa petite soeur n’avait même pas fait semblant de compatir.
— Qui a dit que je devais aller la voir ? Je te rappelle qu’elle ne me calcule même pas depuis là. Nous nous sommes à peine adressé la parole.
— Et après ? Donc, tu as viré Esther pour t’asseoir dans ton canapé à t’interroger si Denise serait intéressée ou pas à sortir avec toi, sans lui poser vraiment la question ?
— Amandine… dit-il d’un ton de mise en garde.
— Excuse-moi Simon, je sais que tu es mon grand frère, mais là, tu réagis comme un ado.
— Hum…
— C’est vrai, insista sa soeur. Tu perds le temps là pourquoi ? Elle te plaît et mon petit doigt me dit que tu ne lui es pas indifférent. Tu as fait un grand pas en te débarrassant de l’autre malgré tous tes principes, maintenant, fonce !
Simon fixa son téléphone d’un oeil incrédule. C’était Amandine qui lui parlait de la sorte, avec tellement de maturité. Il avait un peu du mal à réaliser qu’elle et la fillette dont il avait pris soin ses quinze dernières années, étaient la même.
— Tu as raison, reconnut-il finalement. Je vais aller lui parler.
— Voilà ! Tu fais ça quand ?
— Amandine, tu es encore ma petite soeur de loin hein, rappela t-il d’un ton faussement menaçant. Je ne vais pas me mettre à te raconter ma vie amoureuse.
— N’est-ce pas ? répliqua t-elle, ironique.
Il éclata de rire, puis raccrocha quelques instants plus tard, le coeur léger. Amandine n’avait pas tort. Il ne s’était pas séparé d’Esher pour encore perdre son temps en atermoiements. Dès demain, il irait voir Denise pour lui parler. Son rythme cardiaque augmenta rien qu’à cette seule pensée. Il était définitivement touché.
Simon jeta un coup d’oeil à sa montre. 20h. Denise était rentrée depuis environ une heure. C’était le moment d’y aller.
Il récupéra sur le plan de travail de la cuisine le sac contenant le moelleux au chocolat qu’il avait confectionné pour elle et sortit de chez lui.
Devant la porte de Denise, il leva un doigt hésitant sur le bouton de la sonnerie. Fermant les yeux, il prit une inspiration pour calmer les battements désordonnées de son coeur dans sa poitrine. Il n’était quand même plus un adolescent…
Résolu, il pressa sur la sonnette. Denise apparut sur le seuil, dans un ensemble d’intérieur noir moulant. Elle fronça imperceptiblement les sourcils en le voyant.
— Simon ? Ça va ?
— Oui, ça va et toi ?
— Bien, merci.
— Je peux entrer ? demanda t-il, voyant qu’elle restait immobile sur le seuil, la porte entrouverte. J’aimerais te parler.
— Euh oui…
Elle s’effaça et ouvrit grand la porte. Il s’avança dans le séjour, parfaitement rangé et laissa un instant son regard traîner sur le grand portrait d’elle accroché au dessus du canapé. Sur le cliché, en noir et blanc, elle prenait la pose, la main sous le menton, le regard au loin et mystérieux. Elle y était sublime.
— Simon ? C’est à propos de quoi ?
Il détourna les yeux du portrait. Les bras croisés, l’oeil suspect de Denise allait du sac qu’il tenait en main à son visage. Il faillit se décourager un instant, mais il chassa rapidement son doute.
— J’aimerais avoir ma chance avec toi, lâcha t-il sans détour.
— Pardon ?