Chapitre 17 : Explications

Write by Chrime Kouemo

Elle avait certainement mal entendu.

— J'ai dit que j'aimerais avoir une chance avec toi, répéta Simon en plein milieu de son salon.

Denise secoua la tête. C’était sûr à présent, elle devait être entrain de rêver : d’abord Sax qui l’appelait pour une offre inespérée, et maintenant Simon qui lui parlait de chance avec elle. Elle allait certainement se réveiller d’un moment à l’autre. Les bras toujours croisés, elle attendit.

— Je n’ai pas pu t’effacer de ma mémoire depuis la nuit qu’on a passé ensemble, poursuivit-il d’une voix profonde. Je…

Elle l'arrêta t-elle en levant une main, espérant par la même occasion réfréner les ardeurs de son coeur qui s’était emballé pour elle ne savait quelle raison.

— Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il ne peut rien y avoir entre nous. On était d’accord pour dire que c’était une erreur.

— Peut-être au début, parce que je le pensais. Mais ce n'est plus le cas. Ça m'a ouvert les yeux. J'ai rompu avec Esther  et ...

— Quoi ? le coupa t-elle une fois de plus, d'une voix au timbre plus aigu, trahissant la panique qui l'envahissait. Tu n'as pas fait ça !

Elle scruta son visage, à la recherche d'une lueur de folie dans ses yeux ou autre.

— Est-ce que tu pourrais arrêter de m'interrompre et me laisser aller au bout de ce que j'ai à dire ?

— Non ! Parce que je ne veux pas t'entendre. Il n'y a pas de toi et moi qui tienne ! On n'a rien à faire ensemble. Esther est celle qu'il te faut. Vous êtes du même monde... 

Elle s’arrêta net de parler en voyant Simon s’avancer vers elle. Instinctivement, elle recula, jusqu’à buter contre le mur derrière elle. 

— Je pense que je suis le mieux à même de savoir ce qui me convient ou pas, dit-il d’une voix calme. Et tout ce que je sais, c’est que je commettrais une grosse connerie en m’embarquant dans une histoire avec une autre femme, alors que je n’ai d’yeux que pour ma danseuse de voisine, et qu’elle m’obsède.

Denise détourna la tête, se soustrayant au pouvoir hypnotique de son doux regard.

— Ce n'était que du sexe. Ça te passera ! affirma t-elle d’un ton qu’elle jugea elle-même peu assuré.

Vraiment ? lui souffla une petite voix dans sa tête. Etait-ce aussi uniquement à cause du sexe qu'elle n'arrivait pas à le chasser de son esprit, qu'elle rêvait de lui régulièrement ? Etait-ce seulement à cause d’une belle partie de jambes en l’air qu’elle se sentait morose quand elle l’imaginait avec Esther ?

Simon était maintenant plus proche d’elle. Son subtil parfum de mâle aux senteurs boisées parvenait jusqu’à ses narines. Tranquillement, il s’empara d’une de ses mains et noua ses doigts aux siens. Un tremblement la saisit de la tête aux pieds, la privant de toute capacité de se dégager du contact de sa paume chaude. En avait—elle même d’abord envie ? 

— Si ce n'était rien d'autre que du sexe pour toi, dis-le moi en me regardant.

Elle lui jeta un bref coup d’oeil, puis poursuivit sans aucune conviction :

— Tu as tort de bousiller ta relation avec Esther pour une passade. Il ne peut rien sortir de bon entre toi et moi.

— Tu n'en sais rien. Laisse-nous une chance.

— Il n' y a pas de nous qui tienne...

— Si, il y en a un. Ça ne tient qu'à toi, parce que moi, j’attends ce moment depuis très longtemps. 

Denise ferma les yeux, pressant fort les paupières pour chasser l’image de Misty qui tentait de se matérialiser dans son esprit.

— Je ne veux plus faire partie d’un triangle amoureux. Esther t’aime et…

— Je ne suis plus avec elle, il n'y a pas de triangle. C'est toi que je veux.

Prenant son courage à deux mains, elle leva enfin les yeux vers lui. La tendresse qu’elle lut dans ses prunelles la bouleversa. 

— Simon, je ne suis pas quelqu’un pour toi. Je ... je n’ai eu que des aventures depuis deux ans, je...

Sa voix réduite à un murmure, se brisa. 

— Laisse-moi ma chance, répéta Simon avant de coller son front contre le sien. Laisse-nous une chance. 

Il leva leurs mains jointe entre eux et posa un délicat baiser sur le dos de sa main. 

La gorge nouée, elle prit une grande inspiration pour apaiser son cœur qui s’agitait furieusement dans sa poitrine. Elle était diablement tentée de croire que quelque chose était possible entre eux, qu’elle pouvait s’investir à nouveau dans une relation sans tout gâcher. 

— Simon, il faut que je te raconte...

— Laisse-nous une chance, dit-il encore d’une voix terriblement rauque, provoquant des frissons qui se propagèrent dans tout son corps. 

Lentement, comme dans une scène au ralenti, il se pencha et posa un premier baiser sur le bout de son nez, puis sur sa joue. Ses dernières velléités de résistance fondirent comme neige au soleil tandis qu’il encerclait sa taille de son bras libre. Sa bouche se posa sur la sienne, avec la légèreté d’une abeille butinant une fleur. Jusqu’au dernier instant, il attendait sa reddition, sans rien forcer. Elle ne l’en apprécia que plus. Capitulant, elle entrouvrit ses lèvres, accueillant son baiser comme la végétation accueille les premières gouttes de pluie après une longue période de sécheresse. 

C’était intense, puissant. Un torrent de sensations s’abattit sur elle, balayant tout ce qui n’était pas lui, tout ce qui n’était pas son étreinte passionnée, ses lèvres enflammées dévorant les siennes. Elle se laissa aller contre lui, s’abandonnant complètement, laissant ses gestes lui dire à quel point elle avait attendu ce moment elle aussi sans jamais vraiment vouloir se l’avouer, combien elle avait lutté pour que cela n’arrive pas, mais aussi à quel point elle était finalement heureuse de se rendre. 

Elle savoura le baiser, laissant sa langue danser avec la sienne, se délectant de sa saveur qu’elle n’avait pu oublier depuis cette fameuse de nuit. 

Simon la plaqua contre le mur, moulant son corps au sien. Elle accrocha les mains autour de son cou, appréciant la douce pression de son corps de mâle contre le sien. Un gémissement de plaisir lui échappa, se mêlant à celui de l’homme qui peuplait ses rêves. 

Les grandes mains d’homme de Simon se fixèrent sur sa taille pour la soulever de terre. Elle lui facilita la tâche en encerclant la sienne de ses jambes. 

Bras et jambes emmêlés, ils atterrirent sur le canapé, leurs lèvres toujours scellées. Elle glissa une main sous son teeshirt, avide du contact de son torse ferme et de sa peau chaude sous ses doigts. Un grognement accompagna son geste comme elle descendait plus bas. 

Simon déposa une multitude de petits baisers en suivant la ligne de son menton à son cou. Elle se cambra encore plus, impatiente de sentir sa peau nue contre la sienne. Son membre déjà au garde à vous pointait allègrement contre son ventre. 


***


— Denise... Pas ce soir, murmura t-il contre ses lèvres. 

— Quoi ?

Simon se détacha de Denise et s’adossa sur le canapé. 

— J’ai dit, pas ce soir. Je meurs d’envie de te faire l’amour, reprit-il d’une voix hachée, mais je voudrais faire les choses bien cette fois, comme t’inviter à sortir demain avec moi. 

Il se mordilla intérieurement la joue pour s’empêcher de sourire en voyant son air incrédule. Elle se redressa à son tour, prenant appui sur ses coudes. 

— Pourquoi ? 

— Entre toi et moi, je ne veux pas que ce ne soit qu’une histoire de coucherie. Tu es ma voisine de palier direct, ce serait très commode, mais j’attends plus de notre relation. J’aimerais apprendre à te connaître. 

— Au cas où tu ne t’en souviendrais pas, nous avons déjà franchi le cap. 

— Comment pourrais-je l’oublier ? Mais, il n’est jamais trop tard pour bien faire les choses. 

— OK... dit-elle d’une voix qui cachait mal sa frustration. 

Il esquissa un léger sourire cette fois. Il exultait intérieurement de savoir qu’elle le désirait autant que lui.  Cela lui donnait envie de se taper le torse à la manière d’un gorille. Il tendit une main vers elle pour la ramener plus près de lui. Elle se laissa faire et se coula tendrement contre lui. Il huma son parfum. 

— Tu as quelque chose de prévu demain soir ?

— Non. Mon dernier cours s’achève à 19h30 et après je suis libre. 

— Je passerai te prendre à la sortie pour qu’on aille manger au restaurant. Ça te va ?

Elle acquiesça d’un mouvement de la tête. Il l’embrassa une dernière fois sur les lèvres et rassemblant toute sa volonté, se leva. Il n’avait pas envie de la quitter. Il se sentait trop bien dans ses bras. Mais il le fallait, sinon il était bon pour franchir les limites qu’il avait lui-même énoncées. 

Il récupéra le petit sac contenant le moelleux au chocolat qu’il avait posé sur le buffet et le lui tendit. 

— Qu’est-ce que c’est ?

— Du moelleux au chocolat fait maison. 

— Ah ! Tu avais bien préparé ton coup, on dirait, dit-elle la mine faussement boudeuse que démentait son regard brillant de gourmandise. 

— Disons que j’ai mis un maximum de chances de mon côté, répliqua t-il, tout sourire. 

Elle s’empara du sac et jeta un coup d’œil à l’intérieur avant de lui sourire à son tour, provoquant une légère crispation aux creux de ses entrailles. 

Il gagna la porte, le pas lourd. Il n’avait vraiment pas envie de partir. 

— On se dit à demain alors ?

— Ça marche. 

— Tu fais de beaux rêves remplis de moi ?

Elle le fusilla du regard lui arrachant un sourire.  

— N’en rajoute pas s’il te plaît. 

— Tu me manques déjà. 

— Toi aussi, chuchota t-elle. 

Après un dernier baiser, il sortit et referma la porte derrière lui. 


***

Armelle s’arrêta net en apercevant Bobby nonchalamment appuyé contre la carrosserie de son véhicule. 

— Bobby ? Qu’est-ce que tu fous là ? 

— Tu ne réponds à aucun de mes appels et messages. Il faut qu’on discute toi et moi. 

Elle le toisa de haut en bas, ignorant son cœur qui se mettait à battre la chamade à sa simple vue. 

— Personnellement, je n’ai rien à discuter avec toi. 

Elle appuya sur sa clé pour activer le déverrouillage automatique des portières et avança vers sa voiture. Bobby ne fit pas mine de bouger. 

— Tu me condamnes sans même me laisser m’expliquer, dit-il d’un ton dépité en tendant la main pour la toucher. 

Elle l’esquiva et se tint à distance de lui. 

— Que tu veux m’expliquer quoi ? Lança t-elle de plus en plus colère. On passe des semaines à échanger au téléphone, je te parle à cœur ouvert de ma vie, et je crois que tu en fais de même pour découvrir par surprise que tu as une femme et une fille dont tu n’as jamais fait mention !  Si les rôles étaient inversés, tu accepterais de m’écouter ?

Il baissa la tête et se passa une main sur ses dreadlocks ramenés en chignon arrière avec un catogan. 

— Je reconnais que j’aurais du mal ... 

— Voila ! Laisse-moi maintenant rentrer dans ma voiture, répliqua t-elle sèchement en pointant du doigt la portière du conducteur. 

— Attends, s’il te plaît. Laisse-moi t’expliquer, je t’en prie, supplia t-il le regard triste. 

— OK. 

— Tu ne veux pas qu’on aille discuter au calme quelque part ? Ça risque d’être un peu long...

— Non, ici et maintenant. 

Elle ne voulait pas se retrouver en tête à tête avec lui. Il avait encore trop le pouvoir de la déstabiliser par sa seule présence. L’animation de la rue en cette fin de journée la rassurait en quelque sorte. 

— Ok, très bien, acquiesça t-il finalement. 

Elle croisa les bras et attendit, le regard au loin, vers les gens qui se pressaient vers la poste centrale pour stopper leur taxi. Elle ne voulait pas croiser ses yeux qui avaient encore trop le pouvoir de la déstabiliser. 

— J’ai rencontré Alicia à Johannesburg quand j’étais étudiant en ingénierie du son. Elle y était installée quelques années avant moi. Ça a été tout de suite le coup de foudre entre nous. En moins d’un an, nous nous sommes mariés, mais c’était une terrible erreur. Alicia est très instable psychologiquement... C’est une perverse narcissique. Elle m’a rendu la vie impossible pendant les trois ans que nous avons vécu ensemble. Je croyais que j’arriverai à la faire changer, à la sécuriser. Elle avait des humeurs extrêmement changeantes et je ne savais jamais à quoi m’attendre avec elle quelque soit la situation. Elle pouvait être tour à tour d’une gentillesse extrême et l’instant d’après d’une cruauté sans nom. L’arrivée de notre fille n’a rien changé. J’ai donc décidé de la quitter. C’était une déclaration de guerre. Je... j’avais trempé dans quelques affaires louches pour lancer mon business, elle était au courant et elle m’a fait chanter avec ça. Quand j’ai pu être clean, je n’ai plus hésité, je suis parti. Elle m’a menacé de demander la garde exclusive de notre fille si je demandais le divorce, j’ai malgré tout tenu bon et j’ai envoyé les papiers par mon avocat. Elle a quitté l’Afrique du Sud sans me prévenir et je n’ai plus eu de nouvelles de ma fille pendant trois ans. J’ai cru devenir fou. J’ai suspendu la procédure en espérant trouver un terrain d’entente avec elle. Elle a effectivement refait surface et m’a annoncé qu’elle s’était installée en France. Elle m’a autorisé à parler avec ma fille.  On a pu reparlé du divorce à tête reposée, mais sans grand résultat. Elle ne signait toujours pas les papiers. À chaque fois, elle trouvait toujours une raison pour faire traîner le dossier. Quand je t’ai rencontré, j’ai recommencé à lui remettre la pression pour qu’elle signe les papiers. J’étais décidé à aller jusqu’au bout. Elle a dû soupçonner quelque chose, c’est pour ça qu’elle a débarqué pour mettre à nouveau ma vie sens dessus dessous.

Armelle fixa à nouveau Bobby. Une grande tristesse transparaissait sur les traits de son visage aux angles saillants. Elle en fut touchée, mais se reprit aussitôt. C’était trop facile ! Pourquoi ne lui avait-il pas expliqué ça avant, alors qu’il avait été le premier à lui demander de lui parler librement ? 

— Ça ne m’explique pas en tout cas, pourquoi tu me l’as caché alors que tu disais être sincère avec moi ?

— C’est une histoire très douloureuse pour moi. J’avais l’intention de t’en parler une fois les papiers du divorce signés. J’avais peur que tu mettes fin à notre histoire en sachant que j’étais encore engagé avec quelqu’un. 

Il avait décidément réponse à tout. Ça semblait plausible, mais elle ne voulait pas se laisser à le croire aussi vite. Les hommes pouvaient être des fieffés menteurs quand il voulait quelque chose. Il lui avait délibérément tu qu’il avait une femme dont il n’avait jamais divorcé et une fille, et ça, elle avait du mal à digérer après tous ses discours sirupeux. Que lui cachait-il d’autre ? 

En quelques semaines de fréquentation, il avait pris une place trop importante dans sa vie, elle commençait même à en être amoureuse pour tout dire. Elle avait donc été profondément blessée de savoir qu’il lui cachait des choses aussi capitales. Elle en avait soupé des cachotteries de Ralph et elle ne voulait plus vivre ça. La personne avec qui elle espérait faire sa vie devrait pouvoir lui confier librement ses tracas, partager ses soucis avec elle. 

— Tu me crois alors ? Demanda Bobby comme elle avançait vers la portière du conducteur. 

— Ça n’a pas d’importance. 

— Comment ça ? 

— Je veux dire, j’ai bien entendu tout ce que tu m’as raconté et je pense que le plus important c’est ta fille.

— Et toi et moi ?

— Laisse tomber, lâcha t-elle la mort dans l’âme. 

— Non, ne dis pas ça s’il te plaît. 

Elle secoua la tête. Elle n’avait pas quitté Ralph pour se jeter dans une relation biscornue et compliquée. Après dix ans de déboires et désillusions, elle aspirait plus que tout à une certaine sérénité. 

— Je préfère qu’on en reste là, toi et moi. C’est mieux ainsi. 

— Je...

— Non, Bobby, l’interrompit-elle aussitôt. C’est comme ça. Restons-en là. 

Il finit par hocher la tête et s’éloigna de la portière côté conducteur. 

Armelle s’engouffra dans le véhicule. Après un bref signe de la main et un coup d’œil encore plus rapide, elle enclencha le contact et sortit du parking. 

Dans son rétroviseur, au fur et à mesure que l’image de Bobby rapetissait, elle sentait ses yeux s’embuer. Elle avait terriblement mal, mais c’était mieux ainsi. Elle avait pris la bonne décision. Sa douleur finirait par s’estomper. 



Une demie heure plus tard, elle garait sa voiture devant le portail de la maison de Ralph. C’était à son tour de récupérer Stan pour passer une semaine avec lui. 

Elle abaissa le miroir de courtoisie pour vérifier son maquillage et poussa un soupir en constatant ses yeux légèrement rougis après s’être laissée aller à pleurer quelques instants plus tôt. Malheureusement, elle ne pouvait chausser ses lunettes de soleil pour les camoufler, au risque d’attirer l’attention de Stan qui n’hésiterait pas à lui demander la raison pour laquelle elle portait un tel accessoire alors que la nuit commençait à tomber. 

Ralph, avec un air sombre sur le visage qui ne semblait plus le quitter depuis leur séparation, vint lui ouvrir le portillon d’entrée. Il répondit avec un sourire crispé à son salut et s’effaça pour la laisser entrer. 

Stan, déjà apprêté, attendait dans le petit salon en regardant un dessin animé. Il se précipita vers elle quand il l’aperçut. Elle le serra dans ses bras en passant une main câline sur ses cheveux. 

— Ça va, mon doudou ?

— Oui maman ! 

— Si tu es prêt, on va y aller. 

— On peut attendre la fin de mon dessin animé s’il te plaît ? 

Elle regarda l’écran de TV. C’était un episode de Pokémon. Vu la position du curseur en bas de l’écran, il restait environ cinq minutes avant la fin de l’épisode. Elle interrogea Ralph du regard. Il haussa les épaules. 

— OK, dit-elle alors en se tournant vers son petit garçon. 

À vrai dire, ça ne l’arrangeait pas du tout, mais elle ne pouvait pas refuser cette faveur à son fils. Stan acceptait mieux la situation entre Ralph et elle, et les crises du début de leur séparation étaient passées. 

Elle s’apprêtait à prendre place près de son fils quand elle entendit la voix de Ralph proposer :

— Tu ne veux pas boire quelque chose en attendant ?

Elle leva brusquement la tête, surprise. Son ex la fixait intensément, un sourire naturel —cette fois— sur ses lèvres. 

— Euh... oui, merci. 

Elle le suivit dans la cuisine et fut doublement étonnée en le voyant sortir du jus d’orange du frigo. 

— J’essaie de limiter ma consommation d’alcool, se justifia t-il en voyant son air incrédule. 

— C’est bien ! L’encouragea t-elle après quelques secondes. 

Elle voulut lui demander de quand datait sa résolution, mais se réfréna. Même s’il avait l’air affable maintenant, elle ne se rappelait que trop bien toutes les fois où il avait répondu à ses questions d’un regard chargé de mépris. 

Il remplit deux verres et lui en tendit un. Elle le prit et le remercia. 

— Alors, tu t’y fais à ta nouvelle vie ? Demanda t-il.

Elle fronça les sourcils de plus en plus intriguée. D’abord il lui proposait aimablement de boire un verre, et maintenant, il lui posait des questions sur sa vie. Où était passé le Ralph de ces dernières années ?

— Oui, j’ai pris mes marques. J’ai plus de temps de trajet pour déposer Stan à l’école, mais nous avons trouvé notre rythme, je pense. Et toi ? 

— Oh... Je crois que...

La sonnerie de son téléphone le coupa dans sa réponse. Il décrocha et elle vit ses traits se décomposer en quelques secondes. 

— J’arrive tout de suite ! S’écria t-il avant de couper la communication.

— Ralph, que se passe t-il ? 

— Maman a fait un accident grave. Ils la conduisent à l’hôpital Général. 

— Oh mon Dieu !


***


Denise virevoltait sur la piste de danse, peaufinant les derniers pas mis au point avec ses partenaires. Les six chorégraphies principales sur lesquelles s’articulait le spectacle étaient prêtes. Il fallait maintenant  les répéter jusqu’à faire sien chaque mouvement. 

Par la suite, elles devraient préparer chacune leur solo. Denise en tant que chef du groupe, en avait deux à exécuter. Elle avait déjà une idée très précise de ce qu’elle ferait. 

Elle s’interrompit un instant pour se désaltérer et jeta un coup d’œil à l’horloge murale. Il lui restait encore vingt minutes avant que Simon ne vienne la chercher. Un grand sourire étira ses lèvres à la simple évocation de son nom. 

Dix jours qu’ils étaient officiellement un couple, mais elle avait encore parfois l’impression de rêver. Ça lui semblait si naturel et si étrange à la fois. Ils déjeunaient régulièrement ensemble, passaient toutes leurs soirées à dîner et discuter ou regarder un programme à la télé. Il la sortait du lit tous les matins à 5h pour aller courir. Elle acceptait sous prétexte que ça améliorait son cardio et constituait une bonne préparation pour le spectacle, mais au fond d’elle, elle s’avouait qu’elle appréciait plus que tout de partager ce moment avec lui. 

Le week-end dernier, ils étaient partis en   randonnée sur le mont Yemesoa près d’Emana. Elle avait découvert en lui un compagnon charmant, cultivé, amoureux et respectueux de la nature, avec des valeurs que l’on trouvait de moins en moins chez des hommes de son âge. En effet, quel gars aujourd’hui insistait pour faire plus ample connaissance avec sa copine avant de la mettre dans son lit ? Surtout quand celle-ci n’y voyait aucun inconvénient ? 

Tous les soirs, il la raccompagnait sur le pas de sa porte après un dernier et tendre baiser. Curieusement, elle ne se sentait pas frustrée de cet état de faits, ça nourrissait son excitation et la laissait dans une délicieuse expectative de leur futur passage à l’acte qui elle le sentait, ne viendrait plus à tarder. 

La porte d’entrée de la salle s’ouvrit et la tête d’Eloïse apparut dans le miroir. Denise fronça les sourcils et se retourna lentement pour lui faire face. Son amie, un air accablé sur le visage, s’avança vers elle. 

— Je suis venue faire la paix, déclara t-elle sans ambages. 

Denise la fixa sans répondre.  

— Est-ce que tu vas m’en vouloir encore longtemps ? Ajouta t-elle comme elle ne disait rien. 

— Je ne t’en veux même pas. Je suis juste fatiguée de ces enfantillages. Je ne demande pas ton avis avant de me lier d’amitié avec une personne. Si tu n’es pas capable de comprendre ça, je crois que nous allons au devant de sérieux problèmes toi et moi. 

— J’ai compris. Et je ne veux pas valider tes amitiés. C’est un peu puéril, je le reconnais, mais j’étais jalouse du temps qu’Armelle passait avec toi. Tu es ma meilleure amie depuis l’âge de sept ans et on a fait dix ans loin l’une de l’autre et j’avais la fausse impression que tu t’éloignais de moi. 

— Tu as trouvé le bon terme « fausse impression ». Je ne m’éloignais pas de toi. 

Eloïse se rapprocha d’elle. Denise finit par la prendre dans ses bras. 

— C’en est où la préparation du spectacle ? Demanda Eloïse en la suivant dans les vestiaires. 

— Nous avons très bien avancé les filles et moi. Je suis assez contente de nous. 

— Et la vente de billets ? 

Denise s’assit sur le banc de bois afin d’ôter ses leggings. 

— Ça stagne un peu. On n’a vendu que le quart des billets pour l’instant, mais je ne me focalise pas trop dessus. 

— Je pourrai t’avancer les sous pour compléter les frais de réservation de la salle si c’est chaud. 

— Oh merci, pupuce ! On verra le moment venu. 

Elles sortirent de la salle de danse et Denise ferma la porte puis glissa les clés dans son sac à mains. 

— Je te dépose chez toi ? S’enquit Eloïse en déverrouillant les portières de sa voiture. 

— Euh... non merci. Je passe la soirée chez Armelle et elle arrivera d’un moment à l’autre. 

Son mensonge était sorti tout seul, sans qu’elle n’eut à réfléchir. Elle en fut la première étonnée. Elle n’avait jamais rien caché à sa meilleure amie, mais là, tout de suite, elle ne se sentait pas prête à lui parler de sa relation naissante avec Simon. 

— Okay... Passe une bonne soirée. 

Elles se firent la bise et Eloïse monta dans sa voiture. 

La Toyota Rav 4 de Simon apparut au coin de la rue à peine quelques secondes plus tard.


— Mmmh... Ça me fait du bien...

Denise exhala un soupir en se laissant aller contre l’accoudoir du canapé. De retour à la résidence, elle s’était plaint d’avoir mal à la plante des pieds après plus de six heures de danse sur des talons hauts. Après le dîner, Simon avait aussitôt entrepris de lui faire un massage aux serviettes chaudes.

— Ça va mieux là ? Demanda t-il en passant une main câline sur son mollet. 

Elle ouvrit les yeux, croisa son regard et lui sourit. 

— Oh oui... Merci.

La main de Simon remonta le long de son mollet, s’attarda un instant sur son genou avant de poursuivre son chemin vers sa cuisse. Une lueur de désir s’alluma dans ses prunelles sombres la faisant frémir des orteils à la racine des cheveux. 

Elle glissa sa main sur sa joue —elle adorait enfouir ses doigts dans sa barbe— et l'attira vers elle. 

Leurs bouches se retrouvèrent, avides l’une de l’autre. La texture chatoyante de son menton sur ses joues était exquise. Soupirant de plus belle, elle noua ses doigts derrière sa nuque et apprécia la douce pression de son corps contre le sien. Elle emmêla sa langue à la sienne, le laissant mener la danse. 

La main de Simon était maintenant au creux de ses cuisses déclenchant les sensations les plus folles en elle.  Presqu’inconsciemment, elle se mit à onduler sous lui. Son corps réclamait le sien. L’attente n’était plus délice mais torture et le besoin de le sentir en elle se fit impérieux. D’un geste empreint de fébrilité, elle glissa les mains sous le teeshirt de Simon et caressa la peau chaude et lisse tendue par les muscles. Il gémit et à son tour, logea ses mains sous son top à bretelles et prestement , le fit passer par dessus la tête. Il marqua une pause. Son regard s’attarda sur ses seins dénudés aux pointes fièrement dressés.  

— Tu es belle, murmura t-il les yeux luisants. 

Elle lui répondit par une œillade coquine et lui ôta son teeshirt. 

Elle retint son souffle quand il se pencha vers elle pour prendre un mamelon dans sa bouche. De sa langue, il lécha, enroba, suçota la pointe. Sa respiration se fit saccadée et elle se mit à haleter au rythme de ses caresses. 

Son rythme cardiaque s’affola littéralement quand les paumes baladeuses de Simon se retrouvèrent sur la ceinture de son legging. Ses doigts se faufilèrent sous le tissu en stretch. 

Il leva les yeux vers elle et l’interrogea du regard. 


***


Simon prit une grande inspiration essayant de calmer comme il pouvait le brasier qui lui dévorait les entrailles. C’était mission impossible avec le corps dénudé de Denise étendu près de lui dans son grand lit. Il ne pensait qu’à une seule chose, fusionner avec elle. Mais avant, il voulait la rendre folle de plaisir. Il ne savait d’ailleurs pas qui de lui ou d’elle rendrait l’autre fou en premier. Il avait bien failli perdre pied tout à l’heure quand elle lui avait enlevé son jogging et en avait profité pour le prendre dans sa bouche.

Il avait retardé ce moment depuis presque deux semaines, ce qui tenait lieu de l’exploit étant donné le désir vorace qu’elle lui inspirait. Les douches froides avaient été ses amies pour calmer ses ardeurs. 

Il l’attira à lui et se remit à l’embrasser à en perdre haleine, se repaissant de sa saveur unique, de la douceur de ses lèvres. Il délaissa ses lèvres pour aller taquiner le lobe de son oreille et la sentit frissonner contre lui. Ses jambes fermes remontèrent vers sa taille et l’emprisonnèrent dans leur étau de chaleur. Son membre se tendit encore plus, à lui en faire mal. Il serra les dents puis laissa sa bouche descendre vers son cou, butiner la ligne de ses épaules, mordiller le bout d’un sein rond. Poursuivant son chemin plus bas encore, il enfonça le bout de sa langue dans le creux formé par son nombril et se délecta des frémissants de plaisir de sa peau. 

Il était maintenant plus bas, les mains sous ses fesses rebondies, les narines envahies par son odeur intime. Les mains de Denise étaient à présent posées sur crane et caressaient à ses cheveux. Son bassin s’agitait sous son nez, trahissant son impatience de recevoir la caresse ultime. Il prit encore un peu son temps, laissant sa barbe taquiner sa fine toison pubienne.  Le cri qu’il lui arracha quand enfin il se décida à l’embrasser de la façon la plus intime qui soit, lui donna l’impression d’être l’homme le plus puissant qui soit. Fier et conquérant, il s’abreuva à sa source, lapa avec application son suc. Elle hurla de plus belle, scandant son nom. Il se laissa porter par ses soupirs de plus en plus rauques et continua de balader sa langue entre les pétales de sa fleur et d’aspirer son bouton. 

Elle se mit à trembler plus fort entre ses mains. Sa jouissance était proche. Il la lécha avec plus de vigueur. Quelques secondes plus tard, un long cri de jouissance jaillissait de sa gorge. 


— Oh mon Dieu, tu as failli me tuer, ronronna t-elle avec le sourire d’un animal repu sur son visage, quand il remonta vers elle. 

— C’est vrai ça ? 

Il était assurément l’homme le plus heureux de la terre. 

— Oh oui !

— Tu sais que ce n’est pas fini, non ? 

Son sourire s’élargit, dévoilant sa dentition éclatante. 

Il se pencha pour prendre une protection dans le tiroir de son chevet, et la lui tendit. Elle la lui enfila lentement avant de plaquer ses mains sur ses fesses, en une muette invite. Il arrima son regard au sien et la pénétra d’un seul mouvement. Son souffle se bloqua dans sa poitrine. Il n’avait pas rêvé les sensations de la dernière fois, ne s’était pas trompé sur la symbiose parfaite de leurs corps. Les pupilles luisantes de Denise lui disaient la même chose. Il était à sa place, celle qu’il avait cherchée pendant longtemps. Ému, il lui fit l’amour passionnément. 

Les Promesses du Des...