Chapitre 18 - Du bout des lèvres

Write by NafissaVonTeese

 Précédemment

Fama avait accompagné Salah dans sa chambre, espérant que Seydina l’apprenne et en soit blessé, après qu’il ait été présenté comme nouveau petit ami de Alima. Ses plans tombèrent à l’eau quand Ali débarqua dans la chambre et l’obligea à le suivre. Au lieu de la déposer chez elle comme Fama s’y attendait, il l’avait amené dans une ruelle sombre occupée par des prostituées. Il attisa sa colère en la comparant à elles avant qu’elle ne craque et ne fonde en larme. Comprenant qu’il s’était un peu trop emporté, il changea automatiquement d’humeur et se montra plutôt tendre, à la grande surprise de Fama.

***

 

Il l’avait encore une fois serré dans ses bras, puis ne sachant quel démon guidant ses gestes, il ferma les yeux et la prit par la taille pour poser un long baiser sur les lèvres de Fama.

 

Malgré tout le brouhaha de la rue, il avait eu l’impression que plus rien n’existait autour de lui, à part elle et lui. Il connaissait cette sensation. Il l’avait ressenti quelques années plus tôt, durant sa deuxième année d’études au Maroc. Ali était certain que cela n’allait plus jamais lui arriver, car faisant partie des choses qui n’arrivaient qu’une seule fois dans une vie. Ce soir là aussi, plus rien n’avait le sens d’exister autour de lui à part la femme avec qui il était. Il ne ressentait pas de l’amour. Ce sentiment l’avait quitté il y’avait bien longtemps. En la voyant faible et plus vulnérable que jamais, il n’avait pas pu résister à l’envie de l’embrasser.

 

Ali ne se reconnaissait plus, et ce, depuis le premier regard qu’il avait porté sur Fama. Cette dernière n’avait ni à prononcer un seul mot ni à faire le moindre geste pour que son cœur se serre. Lui qui avait toujours été amical avec tout le monde, même avec de parfaits inconnus, ne supportait pas la présence de la jeune femme. Limite, il la détestait, et ce, sans raison. Sans raison apparente plutôt. Il n’en avait touché un mot à personne, mais à chaque fois qu’il commençait à tomber amoureux d’une fille, il faisait tout de travers. Ali cachait sa sensibilité démesurée derrière un comportement qui laissait apercevoir tout le contraire de ce qu’il ressentait.

 

Devant Fama, il faisait tout pour qu’elle le déteste. Il savait que son moindre petit regard tendre porté à son égard, il allait briser sa carapace et devoir s’avouer à lui-même, ce qu’il ressentait pour elle. Ce n’était pas de l’amour pour lui, mais un sentiment qui pouvait le pousser avec le temps, à tomber amoureux d’elle. Alors en la présence de la jeune femme, il faisait tout ce qu’il pensait qu’elle aurait du mal à supporter. Dès qu’elle lui tournait le dos, il se demandait ce qu’elle pouvait aimer, ce qui la faisait sourire, ce qu’elle penserait de lui si elle connaissait sa vraie nature.

 

En peu de jours, il l’avait tant de fois observé en cachette, qu’il avait appris à la connaitre sans qu’elle n’ait eu à lui révéler quoi que ce soit sur elle-même. Il était deux fois passé devant des magasins de bijoux et y était entré, avant de ressortir avec un cadeau pour elle. Après réflexion, et les deux fois, il avait fini par se dire qu’il était mieux qu’il garde ces « dérapages » pour lui, pour ne pas que Fama vienne à penser qu’il était amoureux d’elle. Il ne l’était pas. Les deux boîtes, l’une avec des boucles d’oreilles et l’autre avec un bracelet, avaient fini dans un tiroir de sa chambre.

 

Ali avait fini quand-même par trouver une ruse qui n’allait certainement pas durer bien longtemps, mais cela lui avait permis d’offrir une robe de marque à Fama, en se faisant passer pour son père. La connaissant, il savait très bien qu’elle n’allait jamais accepter ce cadeau en sachant qu’il venait de lui. C’était mieux qu’elle pense que ça venait de son père, s’était-il dit, parce que aussi,  il n’avait aucune idée sur comment expliquer que dès qu’il avait vu cette robe en feuilletant un des magazines de sa sœur, il avait rêvé de voir Fama dedans. Il s’était répété qu’il n’était pas amoureux d’elle, mais pouvait pas juste résister à l’envie de la voir habillée comme ces célébrités sur le tapis rouge. Son souhait s’était réalisé quand il la vit sortir de son immeuble dans cette robe, exactement comme il se l’imaginait. Elle était incroyable belle, encore plus belle que ces stars qui passaient à la télé et faisaient la couverture des magazines. Elle était sa star à lui, lui tout seul. Depuis cet instant précis, il n’avait plus eu la force de détourner son regard d’elle. Même son père lui avait plusieurs fois fait la remarque durant la soirée. Pour qu’il veuille bien passer à  autre chose, Ali avait fini par lui répondre, avec le plus de transparence qu’il lui était possible de feindre : « Elle est nouvelle. Il faut bien que quelqu’un la surveille avant qu’elle ne fasse une grosse bourde. ». « Professionnel ! », supposa-t-il que son père passait de lui.

 

Durant toute la soirée, Ali avait regardé Fama parler avec assurance, et il se disait que cela la rendait incroyablement séduisante. Il l’avait toujours trouvé très belle, même quand elle avait l’air d’avoir mal dormi la vieille. Mais ce soir-là dans cette ruelle plongée dans la pénombre, dans sa robe faite spécialement pour elle, les cheveux attachés en queue de cheval, et son maquillage complètement fondu à cause des larmes qu’elle n’arrêtait pas de verser, elle était plus belle que jamais. Elle l’était tellement qu’en quelques secondes, il avait osé s’avouer qu’il l’aimait. Oui il l’aimait, mais n’avait pas le courage de le lui avouer. Il l’avait alors embrassé pour le lui faire comprendre, parce que ce geste fallait mieux que mille paroles pour lui.

 

La petite voix dans la tête de Fama lui répétait de lui donner une autre gifle, et cette fois, si forte que cela allait lui laisser des marques qui n’allaient pas disparaitre avant trois jours. Mais elle n’en avait pas envie. Fama avait passé ses bras sur les épaules de Ali, et fermé les yeux pour s’abandonner à lui. Elle avait répondu à son baiser sans hésitation. Parce-qu’elle était dans un moment faiblesse et il en avait profité, ou parce-qu’elle le désirait sans se l’avouer ? Elle n’en avait encore aucune idée et ne voulait pas d’ailleurs en savoir plus à cet instant. Pour la première fois depuis des semaines, elle se sentait légère et en sécurité. Elle n’allait donc pas gâcher ce moment avec des questions inutiles, qui n’allaient rien changer de ce dans quoi elle était déjà embarquée.

 

Fama oublia très vite qu’elle était en pleine rue, au bon milieu d’incessants va-et-vient. Les talons qui plaquaient contre le goudron, les murmurent de ces femmes et leurs clients terrés dans leur voiture, avaient progressivement disparus, pour laisser place à un silence feutré. Elle était bien, un peu trop d’ailleurs, avec un homme qui était en réalité son patron. Cette pensée la fit se ressaisir. Quand elle repoussa Ali et ouvrit les yeux, une lumière aveuglante la frappa. Petit à petit, celle-ci s’estompa, et Fama ne remarqua plus la présence de Ali.

 

Le décor avait complètement changé. Sans pouvoir se l’expliquer, elle se retrouva dans une pièce éclairée que par des rayons de soleil qui se faufilaient entre les embrasures d’une toiture en ardoise délabrée. Ils venaient directement la frapper au visage.

 

La sueur dégoulinait sur son front et elle ressentait une cruelle pression au niveau de ses poignets. Fama avait essayé de bouger, en vain, avant de remarquer qu’elle n’arrivait pas à faire le moindre  mouvement. Elle avait pieds et mains attachés sur une chaise en bois à l’aide d’une corde torsadée. C’est affolée, qu’elle avait parcouru des yeux la pièce, essayant de comprendre ce qu’elle  faisait là. Elle ne vit rien d’autre que de la poussière, des murs à la peinture effritée et une porte délabrée en bois, qui ne tarda pas s’ouvrit.

 

C’était Alima qui l’avait traversée, avant de s’avancer lentement vers elle. Elle n’affichait aucune expression au visage, ce qui tiqua Fama. Elle ne l’avait vue que deux fois, sur une photo dans le bureau de son père, et à la soirée de lancement ; mais toutes les deux fois, elle avait l’air joyeuse, avec un énorme sourire aux lèvres.

 

Alima était venue s’agenouiller devant elle, l’avait scrutée minutieusement avant de soupirer longuement.

Le cœur de Fama battait à vive allure. Elle avait voulu lui demander ce qu’elle faisait là, les poignets attachés à une chaise, mais n’y arriva pas. Elle comprit qu’elle avait aussi été bâillonnée. Tout cela n’avait aucun sens. Plusieurs fois dans la semaine, elle avait eu ce genre d’hallucination. Elle se retrouvait d’un seul coup prisonnière dans sa tête et des scènes pour le moins sensées, se jouaient devant elle durant quelques secondes, avant qu’elle ne revienne à la réalité. Elle avait mis cela sur le compte de la fatigue et du stress, mais ça commençait sérieusement à l’inquiéter. Elle allait devoir trouver une solution pour se débarrasser une bonne fois pour toutes de ses moments d’absence qui devenaient de plus en plus fréquents. En attendant, elle devait se ressaisir et revenir à la réalité avant que Ali ne se rende compte de quelque chose et ne la prenne pour une folle ; s’il ne le pensait pas encore. Elle ferma les yeux et s’agita dans toutes ses forces sur la chaise pour se réveiller ; sans résultat probant. Fama recommença, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la force de continuer.

 

Alima se tenait toujours à genoux devant elle, et la regardait sans la moindre réaction. Quand elle la vit à bout de force, elle lança calmement à son égard : « Pardonne-moi mais je ne peux pas te laisser me priver de ce que j’ai toujours attendu d’avoir. ». Elle avait remarqué les yeux de Fama s’écarquiller sous l’effet de l’incompréhension. Alima avait ravalé sa salive avant de se mettre à l’étranger sans aucune hésitation.

 

Elle se débattait de tous les forces qui lui restaient. Quand elle commença à manquer d’air et à prendre sa vision, Fama comprit que cette fois-ci, son délire prenait une ampleur considérable. Il fallait qu’elle se tire de là, et très vite. Elle continuait à se débattre, quand elle revint d’un seul coup à la réalité.

Elle avait la tête qui tournait et avait serré la main contre sa poitrine en reprenant son souffle. Quand elle se sentit un peu mieux, elle se souvint de Ali, mais ne remarqua toujours pas sa présence. Lui, ainsi que le fil de voitures garées sur le trottoir et les claquements des chaussures à talons sur le goudron, avaient disparu. Une légère odeur de tissu en feu avait pris la place de celle nauséabonde de la cigarette qui embaumait la ruelle. Fama avait appelé Ali à deux reprises dans le noir, avant de tourner sur elle-même afin de le repérer. Tout ce qu’elle avait réussi à apercevoir, était une lumière qui se déplaçait lentement au loin, pour se rapprocher d’elle.

Fama cria à plusieurs reprises le nom de Ali, mais n’eut aucune réponse de sa part.

 

Les battements de son cœur qui étaient déjà à un rythme effréné, s’accélèrent. Elle sentait une légère brise s’abattre sur sa peau, mais cela n’empêcha pas la sueur de perler son front.

Fama commençait à être gagnée par un mauvais pressentiment. Elle ne savait ni quoi penser, ni quoi faire.

 

Pendant qu’elle essayait de rassembler ses idées floues, la lumière s’approchait de plus en plus d’elle. Quand elle fut assez proche, Fama put apercevoir une masse corporelle recouverte d’un tissu sombre, et tenant à la main une lampe à huile dégageant de la fumée. Elle était terrorisée. Ses jambes étaient devenues si frêles qu’elle doutait de pouvoir tenir debout encore dix petites secondes. Elle était sur le point de s’écrouler par terre quand la personne s’arrêta sous un arbre à kapok, qui ne se trouvait qu’à  quelques mètres d’elle. Sans prêter la moindre attention à Fama, elle posa la lampe qu’elle avait à la main par terre puis s’agenouilla. Sous le tissu volumineux qui drapait son corps,  un tas ressemblant à un livre, avait été tiré. Durant plusieurs minutes, des inscriptions avaient été posées dessus, sous les yeux écarquillés et apeurés de Fama. Quand elle s’arrêta enfin, de fines petites mains placèrent le manuscrit au fond d’un des contreforts de l’arbre, avant d’être recouvert de feuilles mortes. La personne s’était ensuite levée, pour s’avancer vers Fama, qui voulut prendre ses jambes à son cou, mais elle ne parvenait même plus à respirer, encore moins faire le moindre mouvement.

 

Fama était figée, son corps déconnectée de sa tête. Que cela soit un rêve ou pas, la personne qui était là, juste devant elle pouvait bien s’en prendre à elle, sans qu’elle n’ait la force de se défendre, tellement elle était paralysée par la peur.

 

D’un geste vif, elle avait attrapé le tissu qui lui couvrait la tête ainsi qu’une grande partie de son visage, et le tira vers l’arrière.

Fama crut perdre la tête quand elle se reconnut à travers une femme qui se tenait à quelques centimètres d’elle. Elle jura qu’elle était devenue complètement folle.

 

Le double d’elle qui se tenait devant elle, lui prit la main gauche et y plaça quelque chose. Elle lui avait aussitôt tournée le dos avant de disparaitre dans le noir, en laissant sa lampe sous l’arbre.

Le premier réflexe de Fama fut de couvrir se réfugier sous l’arbre, comme si la lumière d’elle allait la protéger de toutes les horreurs du monde, à commencer par le cauchemar dans lequel elle s’était retrouvée prisonnière, sans savoir comment en sortir. Elle ramassa la lampe à huile et l’approcha de sa main pour voir ce que son doublon lui avait donné. Fama n’eut aucune peine à reconnaitre le pendentif accroché à un cordon tressé noir, que Seydina lui avait passé au cou le matin où elle quittait Saint-Louis pour Dakar. Le même pendentif offert par sa mère, qu’elle l’avait vu porter depuis toujours, et qu’elle avait elle-même laissée sur le lavabo de sa salle de main avant de sortir.

 

Fama se rappela que tout cela ne se passait que dans sa tête. Cela ne l’empêcha quand-même pas de rester effrayée. Elle s’agenouilla à son tour à la même place que la femme qui lui ressemblait trait pour trait, et se mit d’une main tremblante, à balayer le tas de feuilles qui couvrait ce qu’elle cachait. Elle découvrit le vieux livre qu’elle avait trouvé dans l’auberge miteuse dans laquelle elle avait passé la nuit à Dakar, avant de se retrouver sans savoir comment, à la gare de Saint Louis. Elle l’ouvrit et parcourut les inscriptions dessus sans comprendre ce qu’elles signifiaient.

 

S’en était de trop. Il fallait qu’elle se réveille. Elle jeta tout par terre, le livre ainsi que le pendentif, puis se tint debout avant de s’écrier, haletante : « qu’est-ce que tout cela veut dire ? Laissez-moi tranquille ! ». Fama était au bord des larmes quand elle se sentit secouée.

 

-         Laissez-moi tranquille ; avait-elle répétée avec rage.

 

-         Mais t’es complètement malade toi, lui avait répondu une voix masculine.

 

Le visage décomposé de Ali se dessina petit à petit devant elle. Il la tenait avec ferveur par les bras, tentant de la maîtriser alors qu’elle s’agitait dans tous les sens.

 

-         Ça suffit, avait hurlé Ali avant de la pousser loin de lui. C’est quoi ton problème ? Il faut te faire soigner !

 

Il avait pressé le pas vers sa voiture et s’engouffra dedans  avant de claquer la portière. Après quelques petites secondes, il cria à l’endroit de Fama :

 

-         T’es complètement dérangée ! Monte. Je te ramène chez toi. Il est temps que je me débarrasse de l’espèce de tarée que tu es.

 

Fama avait regardé autour d’elle, et tout le monde faisait semblant de n’avoir rien suivi de la scène. Toutes les voitures qui étaient garées dans la ruelle démarrèrent presque en même temps et quittèrent l’endroit en trombe.

 

Secouée, Fama était restée plantée là.

« Qu’est-ce que qui vient de se passer ? » se demanda-t-elle avant d’entendre le bruit du moteur de la voiture de Ali grogner. Elle remit sa recherche de réponse à plus tard pour le rejoindre, car même si elle se sentait complètement déboussolée, elle avait toujours conscience qu’il était capable de la planter là si elle tardait.

 

En essayant d’ouvrir la portière, Fama se rendit compte qu’elle avait toujours à la main, le pendentif que son double lui avait donné. Son sang se glaça quand elle comprit que ce qu’il tenait était bien réel, aussi réelle que la voiture devant laquelle elle se tenait. Sans plus réfléchir, elle le jeta par terre puis monta en voiture.

   

Aucun des deux n’avait prononcé le moindre mot durant tout le trajet. Quand Ali se gara enfin devant l’immeuble de Fama, elle s’extirpa du siège passager et se dirigea vers l’entrée principale toujours dans le silence. Elle avait terriblement honte d’avoir fait une crise d’hystérie devant lui. Il la prenait certainement pour  une folle, et à juste titre. A sa place, elle aurait pensé la même chose.

Elle poussait la porte d’entrée de son immeuble quand Ali l’appela. Elle se retourna puis le vit lui tendre la sacoche avec laquelle elle était partie au cocktail. Elle l’avait complètement oubliée, comme cela lui arrivait très souvent. La dernière fois qu’elle l’avait vue, c’était après l’avoir jetée sur le siège arrière de la voiture, avant de rejoindre le salon Brun de l’hôtel, accompagnée de Ali.

 

Fama avait évité son regard jusqu’à arracher sa pochette de sa main. Elle n’eut même pas le temps de lire adresser un merci, quand Ali tourna le pas, s’engouffra dans sa voiture et démarra. Elle avait juste envie de disparaitre de la surface de la terre, tellement elle avait honte.

 

Elle franchit l’entrée de son immeuble la tête baissée et le pas trainant. Son téléphone s’était mis à sonner. Quand elle s’en empara, elle ne reconnut pas le numéro de l’appel entrant. Fama jeta un coup d’œil à l’heure et remarqua qu’il était presque minuit. Elle se sentait épuisée, sans aucune force ni l’envie de parler à quelqu’un. Elle rejeta l’appel puis s’engagea dans les escaliers pour rejoindre son studio.

 

Fama était à bout de force quand elle franchit la dernière marche. Elle n’était pourtant pas arrivée au bout de ses peines. Elle vit Salah assis par terre, devant sa porte, une boîte sur les genoux et un téléphone à la main. En remarqua sa présence, il se leva aussitôt et lui dit :

 

-         Je n’arrête pas de t’appeler depuis une éternité. Tu vas bien ?

 

Fama n’en pouvait plus. Elle était à bout et ne voulait même pas chercher à comprendre ce qu’il faisait là. Même si elle essayait de toutes ses forces, elle n’arriva plus à garder son calme. Elle sentait ses larmes monter et en voyant l’œil au beurre noir de Salah, et se disant que c’était de sa faute, elle craqua à nouveau. Elle s’était encore une fois mise à pleurer comme une madeleine. Ce n’était pas la première fois de la soirée, mais cette fois, c’était différent. Elle savait que c’était le meilleur moyen qu’elle avait de se défouler, de se sentir un peu mieux au moment où tout allait de travers.

   

Le pauvre homme, même s’il avait du mal à cacher sa surprise et son incompréhension face à la situation, essuya par sa main ses larmes et lui dit avec un calme qui le surprit lui-même :

 

-         Il va falloir réchauffer notre diner, mais je m’en occupe.

Du bout des lèvres