Chapitre 19

Write by Meritamon

Leçon numéro 1 

Quelle est la différence entre une personne qui réussit et une autre qui ne réussit pas? C’est l’audace d’aller là où personne n’irait.


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      -       Impossible! Avait été la première réaction de Jay Patel lorsque Serena lui avait exposé, au téléphone, son désir de financer une entreprise bio agricole au Fouta-Djalon, en Guinée.

 

Le jeune Indien se trouvait toujours aux Seychelles à profiter de la vie sur un Yacht avec des amis, à faire le tour des îles et fêter.

 

     -       Même Malick Hann n’investit pas dans l’agriculture, pour quelle raison on le ferait, nous? C’est peu rentable, les marges de profit ne sont pas énormes et c’est beaucoup de risques pour pas grand-chose!  poursuivit-il avec réticence.

 

Serena s’était préparée à la réaction de son partenaire d’affaires. Elle avait anticipé sa frilosité et attaqua :

 

     -       Pourquoi ferait-on comme mon père?

    -       Tout simplement parce que ses stratégies ont toujours fonctionné, je te rappelle, et qu’on en a bénéficié à chaque fois que nous les avons appliquées?


    -       Alors, il est temps que je t’avoue une chose Jay Patel.  Le business model de mon père ne représente que 40% de toutes les décisions d’investissements que j’ai prises, et qui t’ont enrichies toi et les autres membres.

 

    -       Qu’est-ce que tu racontes? Tu dis ça pour frimer…

 

    -       Pas du tout. Ce qui veut dire que je suis allée avec mon instinct pour 60% des cas quand il fallait décider où investir: dans ces starts-up en technologie par exemple, dans le bio tech et la santé, dans les commerces et services.

 

     -       Tu n’as pas agi sans m’en parler d’abord! Où est passé la confiance? S’était écrié Jay, scandalisé.


     -       Calme-toi et écoute-moi, Jay! Nous avons été autonomes le plus souvent et cela ne nous a jamais créé de préjudices. Au contraire, nous avons même doublé nos investissements au courant de l’année… Et pour une fois, nous avons l’opportunité de diversifier notre portefeuille d’investissements pour rechercher d’autres sources de rendements alternatifs.

 

     -         Jusqu’à maintenant, nos placements traditionnels se portent bien, Serena. Je ne t’apprends rien. Pourquoi ne pas continuer sur cette voie?


     -         Oui, je suis au courant de cela, fit Serena en faisant fi de la mauvaise foi de son partenaire. Mais l’agriculture est une stratégie qui serait profitable parce que s’il y a une chose que j’ai appris et qui ne changera jamais, c’est que les gens vont continuer de manger, et même de manger mieux. Les gens prennent conscience de ce qui va dans leurs assiettes. Le bio ce n’est plus pour les hippies ou les originaux...

Jay eut la difficulté d’admettre qu’elle avait raison. Tous les arguments qu’elle apportait étaient solides! Mais, il avait une nature frileuse quand il s’agissait d’argent.

      -         Il y a de l’argent à perdre aussi, Serena. Les risques sont énormes. Dois-je m’inquiéter?

     -         Mon flair ne m’a jamais trahi, Jay. Tu dois aussi savoir que la demande mondiale en produits biologiques est en hausse et le prix de ces commodités également.

« Tout ce que je te demande c’est de convaincre les membres du Club à orienter les investissements dans cette branche ».

Il y eut un silence ponctué par le bruit de la fête qu’elle entendait sur le bateau. Jay était toujours hésitant.

      -         Serena… C’est beaucoup trop d’informations que je dois traiter en même temps. Et je ne peux pas forcer les membres du club… ils sont frileux, tu les connais.

      -         Je n’ai pas parlé de forcer leur décision mais d’orienter les efforts… Tu sauras comment t’y prendre, je ne m’inquiète pas. Tu réussis très bien à embobiner, n’est-ce pas?

      -         Mais là tu me mets devant les faits, il y a des règles…

      -         Au diable, tes règles, Jay! Lança avec exaspération la jeune femme.

Jay Patel avait mis des règles en place qui se voulaient démocratiques, qui garantissaient à chaque investisseur un droit de vote pour les décisions relatives à leur fonds spéculatif. Mais comme les investisseurs se faisaient nombreux, il fallut créer un « conseil d’administration » avec les membres qui détenaient la plus grande part des investissements.

Jay hésitait malgré la confiance qu’il portait en Serena. Il la savait impulsive parfois, imprudente même. Il ne comprenait pas pourquoi spécifiquement cette région en Guinée, particulièrement ce domaine agricole de Diarri. Et la fille continuait d’assener, ferme.

      -         Tu me dois cela. Ça fait plus de trois ans que toi et les autres membres, vous vous enrichissez grâce à mes conseils avisés et les stratégies que je volais à mon père!

      -         Qu’est-ce qui se passe? Tu t’es entiché de ton coin de région?

La jeune femme eut un soupir exaspéré en voyant qu’il semblait si obtus.

     -          Je ne me suis entichée de rien de tout. Tu sais que je ne suis pas sentimentale. C’est les affaires. Je ne peux pas tout expliquer là maintenant. Le réseau est tout le temps pourri, je manque de temps. Je pourrais te faxer mes notes plus tard.

 

     -         Combien d’argent aurais-tu besoin approximativement? Évalua Jay.

     -          Un million de dollars… pour commencer.

Sans surprise, Serena l’entendit hoqueter à l’autre bout de fil. Il venait de s’étrangler avec une gorgée de whisky. Sa demande était exorbitante!

     -         C’est impossible, je ne pourrais pas sortir toute cette somme d’argent de notre Offshore, c’est trop de risques. Ça pourrait attirer l’attention de l’Autorité des marchés financiers.

Serena, impatiente, avait envie de lui asséner sèchement : « Tu te débrouilleras » mais elle préféra ménager sa monture. Elle utilisa une autre approche: La culpabilité.

     -         Jay, you were about to ruin my fucking life, (tu étais sur le point de détruire ma vie) commença-t-elle.

"J’ai failli perdre la vie sur cette route avec Chacha et Noura, à cause des drogues que tu m’as fait prendre. Et je continue de payer cet accident parce que j’ai protégé ton petit cul brun, Jay Patel!"

- Et par ta faute, mon père m’a exilé et mes meilleures amies ne me parlent plus. Il est temps que je reçoive ta foutue reconnaissance.  Si tu veux te racheter, ou si tu veux que je continue de traiter des affaires avec toi, fais ce que je te demande! »

Il y eut un silence où le jeune indien semblait être sonné. Elle l’entendit jurer et soupirer à l’autre bout du fil.

       -         Tu as toujours eu le don de me faire culpabiliser…

-         Ce n’est pas personnel. À présent, Contacte Tahaa Badr. Pas directement, mais à travers la firme d’avocats qui représentent nos intérêts pour qu’ils traitent avec lui. Et il faut que ça soit confidentiel. Tahaa ne doit pas savoir d’où vient l’argent.

C’était cela « la méthode Serena ». Donner des ordres sans explications, sans directions précises, en mettant les gens dans le flou. On croirait son père! Maugréa Jay Patel, mais il devait s’exécuter. Jusque-là les choses marchaient bien, l’instinct de Serena et son talent rapportaient de l’argent au Club.

Ensuite, la jeune femme prit un ton léger et lui demanda :

      -         Raconte-moi ce que je manque à Nairobi.

   -         Pas grand-chose. Les filles vont bien. Chacha va étudier les Beaux-arts à Paris et Noura est dans l’effervescence de son mariage…

Serena en eut un pincement au cœur. La vie à Nairobi s’organisait sans elle. Elle en souffrit mais réussit à dissimiler sa peine. Aucune de ses amies ne daignait lui écrire ou appeler pour prendre de ses nouvelles.

      -         C’est pour bientôt, ce mariage ? fit-elle mine de demander.

 

     -         Dans trois mois. Tu n’as pas reçu ton invitation?

Serena eut un double pincement au cœur. Jay faisait-il exprès de remuer le couteau dans la plaie?

     -         Non.  

Serena vint au fait qu’elle n’était pas invitée au mariage de Noura. Personne n’espérait plus rien d’elle. Les rancœurs étaient encore vives. Et puisqu’elle était encore une paria dans la haute société bien-pensante Nairobite, le chemin de la rédemption était encore loin.

      -         Laisse-moi vérifier avec Noura, elle pourrait te l’envoyer à ton adresse dans ton coin de brousse, plaisanta Jay. 

-         Non! ne t’en fait pas avec ça. C’est peut-être un oubli, fit Serena, sans trop de conviction, en préservant son orgueil.

Elle n’allait quand même pas supplier pour être invitée au mariage de Noura.

Puis, la jeune femme entendit Jay Patel commenter, une amertume dans la voix.

      -         Tout ce que je peux te dire à propos de ce mariage, c’est la folie... Tu connais ma sœur Noura, comme elle est capricieuse et tout… Figures-toi qu’elle voudrait des éléphants au mariage, suivi d’un défilé de la cavalerie nationale. Toutes les chambres des hôtels de notre père ont été mises à disposition pour héberger les convives. Même des vedettes de Bollywood se déplaceront pour l’occasion…

      -         Ok, c’est du sérieux… Mais on n’a jamais vraiment connu ta sœur pour sa modestie, fit Serena amusée.

Il lui semblait être à des années lumières de tout ce faste, de tout ce clinquant et du m’as-tu-vu.

     -         Tu parles! Il n’y a pas moins de 500 invités pour sept jours de festivités. Sans parler des innombrables tenues qu’elle a commandées! Le sari rouge qu’elle portera par exemple pour le Thirumanam (cérémonie spéciale dans les mariages indiens), est brodé de fils d’or et coûte à lui seul près d’un demi-million de dollars... Toute la communauté indienne de Nairobi en parle.

     -         Ça sera certainement le mariage du siècle. Noura a toujours rêvé de ce moment, dit Serena, pensive. Elle s’y était préparée depuis toute petite.

Jay Patel semblait énervé au téléphone.

     -       Mon père a tellement dépensé en argent que je m’inquiète sérieusement pour mon héritage à moi!

Shankar Patel, le père de Jay et de Noura, connu pour ses grands hôtels, avait trois autres filles à marier, et toutes ses filles rêvaient de leur jour J. S’il dépensait autant d’argent pour sa première fille, allait-il en rester assez pour les autres?

     -       Mon père va nous ruiner, annonça Jay, dépité.

    "Le marié a déjà reçu deux Ferrari, 10 millions de dollars en dot, une villa à Mumbai, toute sa famille a reçu des cadeaux somptueux, tu te rends compte? Le type est déjà riche mais comme c’est la coutume des indiens que ce soit la mariée qui paie la dot…"

      -       Crazy rich Indians... résuma sagement Serena. Ton tour viendra aussi et tu auras l’occasion de rentabiliser en exigeant la même dot à ta future belle-famille.

Jay soupira et fit cette réflexion.

      -       Je doute fort de me marier, tu le sais. À moins que toi, Serena, tu me fasses changer d’avis…

Serena rit chaleureusement.

     -       T’es con, Jay! Se moqua-t-elle gentiment, comme il tâtait le terrain avec elle.

Comment lui expliquer qu’il n’y avait qu’un seul homme qui avait attiré son attention? Et c’était Tahaa Badr? Qu’avec cet homme-là, elle expérimentait autant les nœuds à l’estomac quand seulement elle le voyait que les pincements au cœur lorsqu’il s’éloignait d’elle.

Qu’elle était abasourdie par la facilité avec laquelle il l’avait renversée, sans lutte, sans capacité de vaincre…

Était-ce de cette passion là que Noura parlait ? Cet ouragan qui ne la laisserait pas indemne, qui lui faisait peur malgré tout?

     -       Je suis désolée, mais toi et moi, il n’y a pas de chance que ça marche en amour.

    -       Tu ne m’as pas vraiment donné la chance de te le prouver… dès le départ, tu m’as mis dans la case « best friends for life », fit-il très amer.

Serena esquissa un sourire à l’entendre.

     -       Tu me manques, Serena.

     -         Tu me manques aussi. Aie confiance en moi, Jay. Parce qu’avec les projections que je suis en train de faire, si jamais tu embarques dans ce projet avec moi, je te promets que tu n’auras plus à t’inquiéter pour ton avenir.






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      -         Serena?

      -         Hummm? Fit-elle distraitement en s’arrachant difficilement de ses pensées et de ses innombrables calculs, alors qu’elle soignait en même temps la patte blessée d’une jeune brebis, elle qui adorait travailler désormais auprès du bétail.

 

         -         Reviens sur terre… où t’étais-tu envolée ?

        -         Je suis là, Idy, répondit-elle.  

   Ses fossettes se creusèrent en l’entendant et elle soupira.

         -         Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire, dit le dicton.

-         J’ai tout ce qu’il me faut. Je suis heureuse.

-         Mais encore? Que se passe-t-il Serena?

Elle avait levé les yeux sur Idy. Il était temps qu’il apprenne certains de ses projets.

       -         As-tu besoin de tes terres, Idy? Parce que là où tu iras, ils ne te serviront pas à grand-chose.

       -         Je sais. Il est convenu avec Inna que Tahaa s’occupera de ma part. Mon frère sait mieux y faire que moi.

 

Serena regarda autour d’eux. Ils se trouvaient dans la prairie et il n’y avait aucune autre oreille humaine à proximité. Prenant ses précautions, elle parla tout bas.

      -         Et si moi je suis intéressée par tes terres? Voudrais-tu me les vendre?

Elle ajouta : « Au prix que tu voudras, l’argent n’est pas un problème ».

Abasourdi, Idy s’éloigna d’elle, il fit quelques pas et passa ses mains nerveusement dans ses dreadlocks. Le jeune homme n’était pas très à l’aise avec cette idée.

     -         Je ne sais pas si je peux faire ça.

     -         Pourquoi pas? Tu n’as jamais eu d’intérêt pour l’agriculture de toutes les façons.

     -         C’est vrai, je ne l’ai jamais caché. Mais toi… Qu’est ce qui te motives? Pourquoi voudrais-tu de lopins de terre dans une contrée perdue? De plus tu vas retourner à ta vie palpitante quelque part dans le monde.

     -         Pour des besoins d’investissements…

Comme il la regardait circonspect, elle lui expliqua brièvement qu’elle avait un peu d’argent qu’elle avait fait fructifier, ainsi que des partenaires d’Affaires à l’affût d'opportunités.

Idy rigola. Il y avait des choses qu’il prenait souvent à la légère à cause de sa nature artistique.

     -         Pas dans ce trou perdu, n’est-ce pas? Tu risques de perdre beaucoup d’argent dans ce projet. Le plus ironique, c’est que mes parcelles à moi sont les plus arides. Elles ne servent qu’à produire le fourrage pour le bétail. Je suis le dernier fils, donc j’imagine que c’est par mon rang de benjamin que je les ai reçues. 

 

Il l’évalua ensuite du regard.

   

      -         Sans parler d’un autre obstacle…

      -         Lequel ?

      -         Les gens de cette région ne travailleront pas pour toi si tu n’es pas l’une des leurs, si tu n’es pas une Badr. Il y a comme un système de loyauté qui s’est établi à travers les générations. Tout n’est pas question d’argent. 

Serena balaya cette affirmation qui sortait tout droit du Moyen-âge.

      -         C’est ridicule. Je peux les contraindre de travailler pour moi… fit-elle avec sa morgue habituelle.

 

Puis, elle fut embarrassée de prononcer ces mots qui sortaient de sa bouche comme s’ils furent soufflés par Malick Hann, champion du capitalisme et de l’exploitation, en personne.


Idy la regarda du coin de l’œil, désapprobateur.


     -         Tu ne peux forcer personne ici à travailler pour toi. Ce sont des personnes libres, pas des esclaves. Ce qu’il te faut, c’est une alliance. Comme je te disais, il faut que les paysans soient convaincus que tu es l’une des leurs.

      -         Mais je ne pourrais pas devenir une Badr…

Un doute dans ses prunelles d’encre. Une vérité que la jeune femme refusait d’intégrer, alors qu’Idy la regardait, amusé et effrayé en même temps par son ambition et par ses idées de grandeur. Qu’est-ce qui pouvait la motiver, cette gosse de riches, à vouloir s’approprier de terres inconnues, outre le profit, l’aventure? Était-ce une lubie d’enfant gâtée? Il était décidé d’en savoir plus.

      -         Pour quelqu’un dans ta condition, l’option la plus probable est le mariage avec un Badr.

      -         Impossible! C’est ridicule, lança-t-elle en se renfrognant. Il doit bien y avoir un autre moyen. Je demanderais à Inna de m’adopter, elle accepterait de me donner son nom.

Idy éclata de rire, très amusé.

     -         Inna n’est pas née Badr, Serena. Elle a épousé mon grand-père. Mais si Amara est déjà marié, et que moi je m’en vais d’ici, alors il reste… Tahaa.

Son regard taquin glissa vers Serena puisqu’en fin psychologue, il avait perçu leur attirance commune.

      -         Plutôt mourir que d’épouser Tahaa, nos natures sont différentes, lança Serena avec hargne.

Serena se renfrogna. Elle trouvera un autre moyen.

 

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Coucou, je suis contente de revenir. Merci pour votre soutien habituel. 

Bisous!


 
L' héritière