Chapitre 19

Write by Annabelle Sara


   

Ils étaient seuls, mais Victoire avait le dos tourné, il la regardait sans broncher sans esquisser le moindre geste. Il avait peur de la voir fuir à toutes jambes. Que sa vie, que cette partie de sa vie soit dévoilée au grand jour ne lui avait guère fait du bien, il l’avait lu dans ses yeux quand la femme du juge avait tout dévoilé. Elle avait horreur d’inspirer de la pitié ! Mais comment lui dire qu’il ne ressentait pas de la pitié en ce moment pour elle, il la respectait pour sa force son courage et il l’aimait…

Bon Dieu ! Quand était-il tombé amoureux de cette femme ? Ce qu’il prenait pour du désir s’était muer en respect, en de la confiance, et finalement en amour. En ce moment il avait une envie folle de la tenir dans ses bras, la rassurer qu’il prendrait soin d’elle, parce que comme l’avait dit le Juge Mougnol, elle était un joyau, mais son joyau à lui et il n’avait aucune envie de la laisser lui glisser entre les doigts.

Ce silence allait le rendre complètement fou, son cœur fit un bond en la voyant chanceler.

  « Victoire ! », s’écria-t-il en la rattrapant avant qu’elle ne tombe de tout son long. La soulevant dans ses bras il la déposa sur un sofa et s’agenouilla face à elle.

  « Je vais bien ! » dit-elle essayant de se relever.

Il la repoussa gentiment contre le support moelleux.

  « Non tu ne vas pas bien… »

  « Je  t’assure, je vais m’en sortir. »

  « Tu veux me parler ? »

Elle fit non et détourna la tête. Il comprenait qu’elle ne veuille pas lui parler, il ne l’avait pas crut et maintenant qu’une haute autorité en personne corroborait ses dires, il était pressé de la voir lui raconter son histoire.

  « Je comprends ! » Fit-il penaud. « Laisse-moi au moins te donner un peu d’eau pour te rafraichir… »

Au moment où il se levait, elle le rattrapa par le bras, se relevant de sa position couchée.

  « J’ai besoin … je veux que tu me prennes dans tes bras… s’il te plait ! »

Comment refuser quand c’est si gentiment demandé. Il s’assit dans son dos, instantanément elle s’accrocha à ses épaules. Elle se pressa contre lui, et Stéphane huma le doux parfum de ses cheveux, sentit se souffle chaud dans son cou, mais une larme  coula sur le col de sa chemise.

  « Victoire… »

  « Excuses-moi je salis ta tenue et tu as une réunion plus tard ! »

Il la dégagea pour la regarder dans les yeux.

  « Au diable ma tenue, je veux que tu saches que ce qui s’est passé ici ne change rien pour moi ! Tout ce dont j’ai besoin  c’est que tu me fasses assez confiance… Je prendrais soin de toi ! »

Elle lui sourit en comprenant où il voulait en venir, il lui caressa la joue du bout des doigts.

  « Ce ne serait surement pas le spectacle que ton oncle attendrait de ta part s’il entrait ici ! », répondit-elle en esquivant la discussion.

  « Oh ! Etienne s’attend à tout de ma part, il sait de quoi je suis capable, tu crois qu’on m’appelle Mister Chocolate pour les prunes ? »

Elle rit, enfin elle rayonnait, peut être pas encore de bonheur, mais il allait tout faire pour que ce soit l’expression qui se lise sur son visage dans les jours à venir.

  « Il faut que j’y aille, il faut que je vois ma sœur… »

  « Je comprends ! Dès que je finis je t’appelle. »

Elle lui sourit et se leva.

Stéphane eut le sentiment qu’il ne la verrait plus, il en était pas question ! Il la retrouvera où qu’elle aille, il irait l’y déterrer avec ou contre son gré, il n’allait pas la laisser lui échapper.

On frappa à la porte, Julia venait la chercher pour qu’elles s’en aillent.

  « Il y’a un monde fou là dehors, j’espère juste que nous pourrons passer je n’avais jamais vu ça ! Nous devons aussi faire une déclaration écrite… je veux être certaine que tu es d’accord avec ce qui sera écrit. »

  « Je te fais confiance Julia ! », lui répondit Victoire tandis qu’elle se levait pour la suivre.

  « Je suis heureuse d’avoir travaillée avec vous Mr Medou… »

  « Stéphane, vous pouvez m’appelez Stéphane, Julia moi je suis heureux de savoir qu’elle a une amie en qui elle peut avoir confiance et bien le bonjour à votre mari… »

   « C’est mon ex hein ! » rigola Vicky.

Stéphane et Julia éclatèrent de rire.

Victoire sortait dans le grand hall tandis qu’eux ils discutaient en la suivant. Quand soudain un jeune homme courut dans sa direction déjouant les gardes qui empêchaient la foule de pénétrer dans l’enceinte de l’entreprise.

Il se rua vers elle, il l’effraya une minute, mais lorsqu’elle vit se qu’il tenait dans la main elle se calma et fit signe aux gardes de le laisser approcher.

Il lui apportait une rose ! Il s’arrêta devant elle essoufflé par sa course, il reprit sa respiration une minute et se rapprocha d’elle à pas lents, elle pouvait voir son cœur battre.

Stéphane se rapprocha d’elle pour garder un œil sur le jeune homme, elle lui fit signe de rester en retrait, il était déjà assez effrayé comme ça par les hommes de main.

  « Je… je viens vous demander de nous pardonner Mlle… », murmura-t-il en lui tendant la rose d’une main tremblante, anxieux qu’elle ne rejette ses excuses.

  « Merci ! » Fit-elle en prenant la fleur. Elle la porta à ses narines. « C’est gentil ! »

Elle le regarda un moment, il était maigre et semblait n’avoir que quinze ans au maximum. Il baissa la tête malgré le soulagement qui se lisait sur son visage.

  « Ma petite sœur vous aime beaucoup ! »

Elle lui sourit et se rapprocha.

  « Oh, elle n’est pas avec toi ? », lui demanda-t-elle en lui touchant l’épaule pour qu’il relève la tête.

  « Elle est dehors ! », murmura-t-il en montrant du doigt. « Avec notre mère. »

  « Alors viens, nous allons leur faire un petit coucou ! »

Il lui sourit se rendant compte qu’elle n’était pas réticente, il l’emmena vers la foule en délire qui criait son nom dehors, et lui hurlait des mots d’amours, ayant appris la nouvelle version de l’histoire ils étaient tous venus pour se faire pardonner par leur « joyau national ».

La particularité de ce peuple, est qu’il sait poser les genoux au sol pour expier ses fautes, devant Dieu comme devant les hommes.

Elle se tint sur la marche la plus haute devant Julia et Stéphane, sans accorder grande attention aux gens qui criaient son nom, tandis que le garçon allait chercher sa sœur et sa mère. Il revint une minute plus tard avec une petite fille dans les bras. Elle sourit à la petite.

Elle s’agenouilla devant la petite, l’ainé se tint derrière elle.

  « Bonjour ! », fit la petite avec une voix douce et avec un grand sourire.

  « Bonjour ma chérie, comment tu t’appelle ? »

  « Tricha ! »

La foule s’était calmée et observait cette scène avec beaucoup d’intérêt. Stéphane s’était aussi approché et regardait Victoire discuter avec les enfants qui ne tarissaient pas, on aurait dit des futs sans fond.

  « Notre maman est là ! »

  « Comment s’appelle votre maman ? »

 « Anne, la voilà qui arrive… »

Victoire leva la tête vers la femme qui se dirigeait vers eux, elles se sourirent, elles se connaissaient, et maintenant elles étaient en larmes.

  « Oh, Anne je ne savais pas que c’étaient tes enfants ! », murmura-t-elle en prenant l’inconnue dans ses bras.

Elles pleuraient vraiment, heureuses de se voir dans ses conditions, entourées par une foule stupéfaite et curieuse de voir que Victoire serrait une femme qui n’était pas de sa classe dans ses bras ;

  « Merci pour tout Victoire… »

  « Tu n’as pas besoin de me remercier… Oh ! Anne, je suis heureuse de savoir que ta petite fille va bien et si c’était à refaire je le ferais dix fois ! »

  « Ma belle tu ne peux pas imagine ce que ce voyage a permis de sauver la vie de mon bébé… »

  « Ce n’était que de l’argent, c’est quoi devant la santé de ta fille ? Elle est en rémission ?  »

   « Totale par la grâce de Dieu ! Je ne peux pas te remercier autrement qu’en priant pour toi et ta famille Vicky… Que Dieu te bénisse ! »

Tandis qu’elle les prenait dans ses bras, les spectateurs comprirent de quoi il s’agissait, ils se mirent alors à applaudir. A ce moment précis Stéphane comprit qu’il ne pouvait pas laisser cette femme sortir de sa vie. Pas sans se battre. Parce qu’il savait qu’il allait devoir se battre pour elle !

   

Victoire grimpait les marches qui la séparaient de la porte d’entré de sa sœur, son cœur battant encore plus vite au fur et à mesure qu’elle approchait de son objectif.

Il fallait qu’elles parlent, de ce scandale, de Stéphane. Surtout de Stéphane, parce que Victoire ne savait pas exactement ce qu’elle deviendrait si jamais elle devait perdre sa sœur, mais à présent qu’elle a gouté à une infime partie du bonheur qu’elle connaitra auprès de cet homme, elle n’avait aucune envie de le laisser sortir ainsi de sa vie. Pas après qu’il l’ait mis sens dessus-dessous.

Elle ne voulait même pas imaginer de se lever le matin sans son odeur à ses cotés.

Mais si jamais cela devait lui couter sa famille ?

Un dilemme !

Elle sonna, elle préférait ne pas avoir cette conversation, qui sera surement très houleuse mais il fallait que les choses soit tirées au clair et qu’elles se pardonnent mutuellement toutes les blessures qu’elles se sont infligées.

Angèle ouvrit et sans lui dire un mots s’écarta et s’en alla.

Son regard était aussi noir qu’un ciel orageux.

  « Ange… il faut qu’on parle ! », s’exclama Victoire en suivant sa sœur qui ne s’arrêtait pas et qui finalement prit place dans un fauteuil.

La sœur ainée resta debout face à sa frangine.

  « De quoi veux tu… ah oui ! Tu veux surement que je te présente des excuses ? »

Victoire n’en revenait pas, comment pouvait elle réagir avec autant de cynisme, comme si c’était à elle que l’on avait fait du tort, alors qu’elle avait été très méprisante envers elle.

  « Attends tu veux me faire des excuses ? »

  « Quoi, tu préfères que je te fasse une lettre publique ? Ne t’inquiètes pas je vais en faire une au nom de La Crête dès … »

  « Ce n’est pas ce que je te demande, Ange… tu agis comme si ce qui s’est passé n’a pas d’importance ! Des gens ont monté une immonde histoire à mon sujet, moi, ta sœur… et tu ne m’as pas cru quand je t’ai dis que c’était un tissu de mensonge, tu ne m’as même pas donné la chance de m’expliquer, pire tu as voulu me retirer le titre d’égérie de ton projet et tu reste là assise à me parler d’excuses à faire… te crois tu excusable ? », s’énerva Victoire en éteignant le poste de téléviseur qui diffusait des images de sa conférence de presse, plus précisément le moment de l’arrivé du Président de la cour suprême et son épouse.

Sa sœur ne semblait pas atteinte par ses cris et ses gesticulations.

  « Et toi tu penses peut être que tu es excusable ? »

  « De quoi parles-tu ? »

  « Tu as tout fait pour me le prendre ! », cria-t-elle brusquement. « Et tu oses venir ici pour me parler de confiance en toi ? Personne ne peut te faire confiance ma belle, sans tes hautes relations tu n’es rien du tout, rien d’autre qu’une sale garce, voilà ce que tu es Victoire… »

Elle n’en revenait pas, elle s’attendait à une querelle mais pas à ce point.

  « Tu n’as peut être pas couché avec cet homme, mais on ne peut pas compter ceux qui sont passé dans ton lit, et ceux que tu séduis sachant pertinemment qu’ils ne t’appartiennent pas… »

  « Attention à ce que tu me dis ! Je suis ta sœur ainée Angèle… Et puis de quoi tu me parles ? »

  « Oh ne joue pas les grandes sœurs avec moi cela ne te va vraiment pas… tu t’es d’abord accroché à sa sœur pour mieux pouvoir me le prendre. Tu es minable et je ne te savais pas capable d’autant de mesquinerie, plutôt si ! Tu en es effectivement capable. »

A son tour Victoire sortit de ses gongs, car elle savait de qui sa sœur parlait et que la réaction de celle-ci la poussait à lui montrer que non seulement elle était l’ainée mais aussi Stéphane avait pris sa décision librement.

  « Non seulement je n’ai pas couché avec Medou, mais en plus il ne t’appartient pas ! Il t’a clairement et gentiment repoussé… je n’ai jamais couché avec un homme qui avait une femme dans sa vie … au contraire j’étais toujours celle qui appartenait à quelqu’un ! », lui répondit-elle dans le même ton.

  « C’était mon occasion de rebondir et  d’oublier David ! Ça tu le savais ! »

  « Il n’a pas voulu de toi Ange… Ce qui n’est pas étonnant, tu le regarde come un compte bancaire ambulant ! Tu n’es même pas amoureuse ce qui t’intéresse c’est l’argent et le pouvoir que tu vas gagner en devenant sa femme ! »

  « Et alors ? Toi tu es différente ? Je l’ai vu la première mais tu t’es imposée comme toujours, quand on était petite tu t’es toujours débrouillée pour me faire jouer le rôle de la seconde, toujours après toi… même avec Maman… comme si tu comptais plus que les autres ! Plus que moi ! », sa voix se coupa dans sa gorge.

Victoire était perdue elle ne comprenait pas d’où venait cette rancœur qu’elle pouvait lire dans les yeux de sa sœur et l’idée de perdre la seule personne qui lui restait techniquement de sa famille la faisait souffrir au plus haut point.

  « Je n’aurais jamais imaginé que tu puisses penser que je t’ai fait du mal délibérément… »

  « Tata ! »

Au même moment Cathy Ly sortit en courant dans sa direction en l’appelant par son nom, brusquement sa mère la rattrapa et l’empêcha de poursuivre sa course vers sa tante qui allait l’accueillir ses bras ouverts.

  « Je t’interdis de t’approcher de ma fille…maintenant que tu as un homme dans ta vie tu n’as qu’à faire un enfant, si jamais tu y arrives cette fois ! »

Ce fut le coup de grâce. Victoire sentit le sol se dérober sous ses pieds, comment pouvait elle utiliser cet argument contre elle. Avait-elle oublié toute la peine qu’elle ressentait à cause de la perte de sa nièce, celle qui devait jouer avec Cathy Ly ? Faisait-elle cela pour lui faire délibérément du mal ?

  « Comment… pourquoi, qu’ai-je fais pour mériter un tel dédain, une telle haine de ta part Ange, pour que tu… m’en veuille  autant, qu’ai je fais de mal? J’ai toujours été là pour toi et c’est ainsi que tu me remercies ? »

  « C’est tout ce que tu mérites ! »

Le ton était tranchant et très clair.

  « Je veux que tu t’en ailles de chez moi maintenant et surtout ne reviens pas… vas t’en ! »

Victoire ne pouvait pas en supporter plus, elle quitta la pièce et salua sa nièce du regard priant pour pouvoir la revoir un jour. Sa douleur était grande mais elle ne pouvait rien y faire, elle allait devoir attendre que sa sœur se calme et qu’elle veuille bien lui reparler un jour !

Elle ne voulait pas perdre sa sœur comme elle avait perdu son père.

Elle espérait juste qu’elle réagisse avant qu’il ne soit trop tard, parce que Victoire n’était pas sure de pouvoir lui pardonner un jour de ne pas lui avoir fait confiance et de lui avoir tourné le dos au moment même où elle avait le plus besoin d’elle.


Un Nouveau Souffle