Chapitre 19 : L'affront
Write by Auby88
"Le désir, je l'ai découvert très tôt, rend parfois bêtes les plus brillants d'entre nous. J'ai souvent été stupéfait de voir à quel point la convoitise sexuelle peut s'emparer d'un homme intelligent pour le transformer en idiot.
Frédéric Lenoir ; Nina (2013)"
Dans la somptueuse salle des fêtes du nouvel hôtel Prestige de Cotonou, les amoureux du jazz se sont donnés rendez-vous. Le Panthers Jazz Band se produit. Dans les coulisses, Richmond s'impatiente. Cica n'est pas encore descendue de sa chambre d'hôtel. Pourtant, il ne leur reste plus qu'une vingtaine de minutes. Il leur faut revoir les derniers détails : finaliser les branchements des instruments et refaire une balance audio.
Sandra vient d'entrer dans la salle. Sans prendre le temps de saluer les autres, elle se dépêche d'enlacer Richmond. Il se défait d'elle.
- Sandra, je suis désolé, mais je n'ai pas de temps pour les câlins. Je suis très anxieux. J'ai mille et une choses à faire.
- Ah ! Je voulais juste t'encourager ! Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?
- T'asseoir dans un coin ou parmi le public, et nous laisser travailler !
Le vieux sourit intérieurement. Sandra choisit d'aller s'asseoir dans le public.
Dans la chambre 201 de l'hôtel, Satine est visiblement très occupée.
- Je te mets une dernière couleur sur les paupières, je maintiens ta perruque et c'est fini.
- Je l'espère bien. Ton frère doit s'impatienter. Il risque de me "tuer" si je m'amène en retard.
Satine en rit.
- Ne t'inquiète pas !
- J'aimerais bien, mais il y a aussi le stress qui commence à s'installer en moi.
- Tu es une habituée des scènes, tu t'en souviens ?
- Chanter dans un petit bar avec quelques tables autour est bien différent d'une grande salle avec un public plutôt raffiné. Et cela remonte à bien longtemps que j'ai foulé une scène !
- Je comprends. Néanmoins, Crois-moi, tout se passera bien ! Tu es une diva, ce soir. Regarde-toi.
Cica s'exécute avec hâte. Sa maquilleuse amatrice, est plutôt très qualifiée. Cica n'en revient pas de cette image d'elle qui se reflète dans le miroir.
- Satine ! Tu m'as complètement métamorphosée !
- Non, je n'ai fait que mieux ressortir ta beauté extérieure.
- Tu es un amour ! J'ai les larmes aux yeux, tellement c'est beau !
- Réprime tes pleurs ! Tu feras couler ton maquillage.
Le mobile de Cica sonne. Ce sont soeur Grâce et soeur Anne : l'une lui souhaite bonne chance tandis que l'autre lui rappelle d'être bien sage. Elle raccroche et respire profondément.
- Vite ! On prend une photo ensemble et on file, recommande Satine.
Cica acquiesce. Satine prend la perche pour photo. Elles sourient. Flash …
Puis, elles se dépêchent de sortir pour prendre l'ascenseur. Cica n'est pas trop à son aise. Trop de regards, vers elle, se portent. Elle a l'impression qu'on la déshabille. Satine sourit en regardant son amie, manifestement gênée.
- Tu finiras bien par t'y habituer. Ceci n'est que le début d'une longue aventure, je te rappelle.
- Ne m'en parle même pas. Ça me stresse encore plus.
Satine se moque d'elle.
- Allez, on se laisse ici. Je vais attendre dans le public. Ma mère doit y être déjà.
Elles se font la bise et se séparent.
Quand Cica pousse la porte blindée, derrière laquelle se trouvent les instrumentistes, Samson, Arsène et le vieux ne parviennent pas à cacher leur étonnement. Richmond lui fait dos. Il est au téléphone.
- Cica, tu es magnifique ce soir ! commence Arsène.
Richmond se retourne, hébété. La femme en face ressemble à une déesse. Sa gorge semble s'assécher. Il perd le fil de sa conversation. Le "Allô, Richmond" répété par Alice le ramène un peu à la réalité. Néanmoins, il finit par interrompre la conversation.
- Je crois voir une princesse ! renchérit Samson.
Le vieux s'approche d'elle et met un bras sous le sien.
- Ne restez pas plantée là, splendide créature. Venez prendre place près du modeste homme que je suis !
Cica sourit. Les paroles du vieux la détendent.
- Cica, tu es en retard ! intervient Richmond. Tu sais pourtant bien que je déteste cela.
Il emploie un ton sérieux.
- Je m'excuse. Je te promets que cela ne se répètera pas à l'avenir !
Il ne répond pas. Son visage reste grave. Il fuit son regard.
- De toute façon, il n'y a pas d'occupation pour elle ici, fait remarquer le vieux.
- Je te l'accorde. Cependant, elle aurait bien pu trouver quelque chose à faire, par exemple revoir ses textes, réplique Richmond.
- Je vous en prie. Tout est de ma faute. Je m'excuse à nouveau, Richmond.
Elle s'approche de lui, le touche mais il se rétracte aussitôt.
- Je vais prendre l'air dehors.
Elle s'en veut de n'avoir pas respecté l'heure de répétition.
A l'extérieur de la salle, Richmond respire profondément à plusieurs reprises. S'il a été sévère avec elle, s'il est sorti précipitamment de la salle, c'était pour réfréner l'envie innommable qu'il avait. Tout son être, tout son corps brûlait de désir pour Cica...
Ils sont à présent prêts à monter sur scène. La salle est pleine, pour une première. D'autant plus, que le jazz n'est pas un genre musical assez apprécié et répandu au pays.
Richmond s'approche de Cica qui semble stressée. Il a le temps de lui parler avant l'ouverture du rideau. Il lui prend la main. Elle le regarde et sourit difficilement.
- Ne t'inquiète pas, tu seras à la hauteur, j'en suis sûr !
Elle hoche juste de la tête. Sa gorge est nouée.
- Je suis désolé pour tout à l'heure. Avec tout ce remue-ménage, j'ai oublié de te dire que tu es divine ce soir !
Elle sourit.
- Merci. C'est l'oeuvre de Satine !
- Ah !
Le rideau s'ouvre devant eux. Leurs mains restent enlacées. Sandra, assise à la première rangée, ne voit pas cela d'un bon œil. Un tonnerre d'applaudissements. Cica est émerveillée par ce monde devant elle. Richmond lui sourit. Il laisse sa main pour s'occuper de son saxophone.
Il fait une brève introduction, une de ses nouvelles compositions pour souhaiter la bienvenue au public. Puis Samson lance les hostilités avec sa batterie. Pendant tout le concert, Richmond joue en regardant la femme près de lui. Parfois, il s'approche tout près d'elle, parfois il lui tourne autour.
Cica lui sourit sans se laisser déconcentrer. Le stress de début l'a quittée. Sa voix est encore plus belle que d'habitude et ses gestes gracieux.
A sa place, Sandra bouillonne. Leur petit jeu ne lui plaît pas. Cela commence par l'agacer. Elle se lève, manque de tomber sur Suzanne, son amie, qui lui fait des remontrances. Elle continue son chemin sans s'excuser.
Au final, c'est un succès. Le public est conquis. Les musiciens aussi. Ils sont prêts à regagner les coulisses quand quelqu'un s'approche d'eux. Un trentenaire, élégamment vêtu d'un smoking noir sur fond blanc. Il tient à remercier les instrumentistes et en particulier la chanteuse. Il n'a d'yeux que pour elle ; ce qui semble ne pas plaire à Richmond.
- Cica, il faut que je te parle ! lance-t-il en direction de la jeune femme.
Elle ne l'entend pas, trop occupée à sourire à l'admirateur qui la complimente depuis peu.
- Vous êtes une fée, une Vénus africaine ! J'étais littéralement scotché dans mon fauteuil tout à l'heure. Je reconnais que votre designer a su mettre vos courbes en valeur.
Cica porte une maxi robe jaune qui laisse ses épaules presque à nu.
- Richmond, tu ne vois pas qu'elle est occupée ? C'est Arsène qui lui parle à voix basse.
- Ce type n'est qu'un séducteur, un beau-parleur !
- Et alors, où est le problème ? intervient Samson qui essaie de confondre son ami.
- Le problème, c'est que Cica ne mérite pas ce genre d'homme.
Arsène lève vers lui des yeux interrogateurs. Il ne comprend rien de ce que raconte Richmond. Il tient à le raisonner.
- Elle vient à peine de le rencontrer. Ils ne font que parler. Et toi, tu les maries déjà !
- Il est préférable que vous arrêtiez cette discussion, sans tête ni queue. Richmond est jaloux. C'est tout.
- Non, le vieux ! riposte Richmond. Ma préoccupation pour Cica est réelle. Ce n'est pas une affaire de jalousie.
- Tes gestes te trahissent. J'ai bien vu comment tu t'es fâché contre elle au départ, comment tu lui as tourné autour pendant le concert. Avoue qu'elle te plaît.
- Laissez-moi tranquille !
- Je parie que tu meurs d'envie de la mettre dans ton lit ! renchérit Arsène.
- Tu t'es heurté à un roc, mon petit. Parce que Cica n'est pas une fille légère comme Alice.
- Arrêtez ! Ça suffit. Oui, elle me plaît et il n'y a pas de mal à cela !
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? interroge Sandra qui les épiait.
Il la prend par la main en chuchotant :
- Pas de scandale ici, je t'en prie. On en reparle à la maison.
- Non, je veux qu'on en parle maintenant !
Elle hausse le ton.
- Parle moins fort.
- Je parle comme ….
- Richmond, mon fils, tu as été génial comme d'habitude !
Ils sont interrompus par madame Vanessa. Satine rejoint Cica. L'homme est au loin. Elle complimente Cica sur sa prestation. L'autre la remercie pour son aide.
- Je vois que tu as un nouvel admirateur !
- Oui Satine, et j'avoue que j'en suis très flattée … Il a le verbe beau.
- Est-ce que cela veut dire qu'il te plaît ?
- Non. Tu sais que mon coeur ne bat que pour une seule personne.
- Leo ! Le regard de Cica s'attriste.
Je t'ai pourtant dit que tu ne peux pas continuer à t'accrocher à un mort !
Elles sont interrompues par le vieux.
- N'oubliez pas que le propriétaire de l'hôtel nous offre un cocktail dînatoire.
- On y va tout de suite !
Satine s'impatiente. Son ventre crie famine.
- Et ta mère, tu la laisses seule ?
- Je ne suis pas sûre qu'elle restera. De toute façon, elle est en bonne compagnie.
Elles regardent en arrière. Madame Vanessa est occupée à parler avec Sandra.
- Allons-y, mesdames. Après vous !
Elles insèrent leurs bras de chaque côté du vieux, puis s'en vont.
Le cocktail se tient en plein air autour d'une grande piscine. Avec aux alentours, des haies. A leur arrivée, on lance des feux d'artifice. Cica est fascinée. Jamais, elle ne pensait pouvoir pénétrer un monde si féerique. Elle pense aux enfants de l'orphelinat qui seraient ravis de voir ces feux. Le buffet est en libre-service. Il y a aussi des mets locaux. Elle et Satine s'empressent de se servir. Richmond est avec Sandra, Samson et Suzie. Sa mère est rentrée. Sandra lui parle. Il répond sans vraiment l'écouter. Il n'a d'yeux que pour Cica, qui ne le voit pas. Il a envie d'être près d'elle. Elle est avec Satine, Arsène et le vieux. Ils parlent et rient.
L'admirateur de tout à l'heure s'approche du petit groupe. Il invite Cica à danser. Elle hésite, mais il insiste. Les autres lui donnent leur accord. Richmond est manifestement en rogne. Tout en lui bouillonne de jalousie. Sans se préoccuper de Sandra, il s'approche du couple improvisé.
- Je pourrais vous emprunter votre partenaire ?
L'homme ne s'y oppose pas. Cica accepte de le suivre. Richmond l'emmène loin du bruit dans un coin assez désert.
- Qu'avais-tu de si urgent à me dire, Richmond ? Il y a un problème ?
- Pas vraiment. C'est juste que je m'inquiète pour toi, Cica.
- Pour moi ! Pourquoi ? s'étonne-t-elle.
- Je pense que tu devrais faire attention à cet homme qui te tourne autour.
Elle hausse les épaules et écarquille les yeux.
- Ben, je n'ai rien fait de mal avec lui, à ce que je sache. Nous ne faisions que danser et il ne pas manqué de respect. De toute façon, je n'ai pas de compte à te rendre, Richmond, concernant mes fréquentations. C'est ma vie privée.
- Tu es sous ma protection, Cica ! C'est à moi que soeur Grâce t'a confiée.
- J'ai toujours su me défendre toute seule, Richmond ! Sache que j'ai beaucoup de respect pour toi, mais là tu en fais un peu trop !
Elle essaie de s'en aller. Il retient son bras.
- Je m'excuse, Cica. J'avoue que je ne supporte pas de te voir avec cet homme. Tu ne peux savoir à quel point je suis jaloux, à quel point je te désire.
Elle retire sa main et demeure perplexe.
- Je t'ai déjà dit que je ne suis pas intéressée par toi, Richmond ! Mon coeur appartient à quelqu'un d'autre. Je ne t'aime pas. Je ne t'aimerai jamais, comprends-le. Laisse-moi tranquille !
- Je n'ai pas besoin que tu m'aimes. Je n'en peux plus d'attendre. Je veux juste une nuit avec toi !
Elle lui donne un soufflet.
- Ressaisis-toi, Richmond. Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as bu ou …
Pour toute réponse, il la plaque contre le mur près d'eux, se colle contre elle et l'embrasse de force, tout en promenant ses mains sur son corps. Elle le repousse. Il semble plus fort. Elle panique.
- Lâche-moi, Richmond ou je crie !
- Tu seras à moi, cette nuit ! De gré ou de force ! Sache que d'ici, personne ne t'entendra !
- Tu me fais mal !
Il ne l'écoute plus. De quelques centimètres, il descend la fermeture de sa robe et commence à dénuder ses épaules...
- Ne me fais pas ça, Richmond. Je t'en supplie.
- Reste calme et tout ira bien.
Elle est terrorrisée. La peur semble la paralyser. Elle ne dit plus rien. Fort heureusement pour elle, ils entendent des pas. Richmond relâche quelque peu son étreinte. Elle revient à elle, en profite pour le pousser à nouveau de toutes ses forces et parvient à se libérer. Elle court aussi vite qu'elle peut et heurte presque le garde qui faisait le tour de la maison.
- Que vous arrive-t-il, mademoiselle ?
Elle n'arrive pas à parler. Il essaie de la toucher mais elle esquive. Elle s'enfuit. Richmond se rend compte de sa bêtise et cogne de toutes ses forces contre le mur.
- Qu'est-ce je viens de faire ? Qu'est ce qui m'a pris ? Bon sang !
Cica est encore sous le choc. Elle vient de frôler le pire. A double tour, elle ferme la porte de sa chambre d'hôtel. Elle a peur que Richmond revienne, qu'il essaie à nouveau d'abuser d'elle. Elle est en colère contre lui et contre elle-même. Elle regrette s'être habillée différemment.
Elle éclate en sanglots. Sa belle robe est déchirée. Elle se rend compte que soeur Anne avait raison. Il ne faut avoir totalement confiance en aucun mâle. Elle n'aurait pas dû accepter de le suivre, dans un endroit si isolé. Richmond frappe à sa porte. Elle prend peur.
- Cica ! Il faut qu'on parle.
- …
- Je suis désolé pour tout à l'heure. Excuse-moi ! Je ne suis qu'un idiot.
- Va-t'en ! Laisse-moi tranquille ! Je n'ai plus confiance en toi ! Tu n'avais pas le droit de me traiter de la sorte, comme une moins que rien.
- Pardonne-moi, Cica. Je t'en supplie.
- Laisse-moi tranquille. Va-t'en ! Tu n'es qu'un salaud, une brute ! Je te déteste, vocifère-t-elle en pleurant.
Elle n'entend plus rien. Elle regarde par le trou de la porte. Il n'est plus là. Elle soupire longuement.
Richmond est retourné dans sa chambre. La 302. Il a des flashback de ce qui vient de se passer. Son regard est triste. Il appelle Cica. Elle ne décroche pas. Il appelle à nouveau. Elle est hors zone. Il se sert un verre de whisky. Sandra s'amène avec Suzanne.
- Richmond, il faut qu'on parle !
- Je ne suis pas d'humeur à t'écouter te plaindre, Sandra !
- Tu peux me dire ce que tu faisais devant la chambre de cette bâtarde !
- Je vois que tu as été bien informée !
Il lance un regard inquisiteur en direction de Suzanne.
- Oh non, je n'y suis pour rien moi, Richmond. C'est elle qui m'a embarquée ici.
- Vous êtes pareilles de toute façon !
- N'essaie pas de faire diversion, Ricky. J'attends que tu me répondes.
- Je crois que je suis de trop ici.
Suzanne attrape son sac.
- Non ! Tu restes ici. Je tiens à ce que tu sois témoin de la manière dont Ricky me traite.
- Il ne s'est rien … passé entre ... Cica et moi ! Arrête ta jalousie paranoïaque.
- Je ne te crois pas. Tu lui cours après comme un chien en chaleur, et cette sainte nitouche fait tout pour te séduire.
- J'en ai assez entendu. De toute façon, je n'ai aucun compte à te rendre. Si cela peut te rassurer, sache que Cica a quelqu'un dans sa vie, qu'elle en est très amoureuse et qu'elle ne veut plus rien savoir de moi !
- Oh !
- Arrête tes simagrées, Sandra ! J'ai besoin de prendre l'air.
- Reviens, s'il te plaît.
Elle essaie de le retenir. Il la repousse et sort de la chambre.
Elle s'effondre sur le sol et éclate en sanglots. Son amie la réconforte, puis l'aide à se relever.
- Cette relation ne te fait pas du bien, Sandra ! Il vaut mieux que tu en sortes avant de devenir folle. Ça se voit qu'il ne t'aime pas !
Elle lève les yeux vers Suzanne.
- Qu'est ce que tu en sais, toi ? Ricky m'aime, j'en suis sûre. Il est juste troublé par cette garce. C'est bien moi qu'il a demandée en mariage.
- Alors, fais lui confiance et arrête de le harceler comme tu fais !
- J'ai longtemps essayé mais je n' y arrive plus. Je ne sais plus quoi faire.
- Pourquoi ne te marierais-tu pas ici ? ou pourquoi ne tomberais-tu pas enceinte ? Dis-lui que tu as changé d'avis.
- Tu sais qui je suis ?
- Euh … oui.
Suzanne hausse les épaules.
- Je suis Sandra Elena del Castillo, un mannequin de renom. Tu me vois me marier dans ce taudis de pays !
- Tu es incroyable ! Tu vis dans une splendide demeure et tu traites mon pays de taudis ?
- Depuis petite, je rêve d'un mariage en grandes pompes, avec des journalistes de renom, avec mon nom dans tous les journaux et magazines. Sache que j'y tiens. Et puis, tomber enceinte n'est pas une option pour moi actuellement. Ma carrière est en plein essor et je ne peux me permettre de déformer mon corps de rêve, uniquement pour faire plaisir à Richmond.
- Je n'en reviens pas. Le mariage n'est pas une affaire d'argent ou de pouvoir, Sandra ! C'est ce que l'on ressent l'un pour l'autre qui doit le plus compter. Et un bébé est une bénédiction divine.
Sandra fixe longuement Suzie.
- D'ailleurs, qu'est ce que tu sais de l'amour ou de la vie de couple ? Toi, la maîtresse d'hommes mariés ! Tu as toujours été jalouse de moi, avoue-le !
- Je préfère faire semblant de n'avoir rien entendu. Tu oublies que c'est pour fuir les femmes hystériques comme toi que certains hommes délaissent leurs foyers pour moi.
- Sors d'ici, petite vermine ! crie Sandra qui lance une chaussure vers Suzie.
- A cette allure, tu risques de perdre ton homme. Tu ne le mérites vraiment pas, Sandra !
Elle lui lance une autre chaussure. Suzanne esquive et sort précipitamment. Sandra éclate en sanglots.
Du côté de la chambre 201, Cica est dans sa salle de bain. Elle prend une douche. Elle se sent sale. Elle laisse l'eau couler sur elle. Elle pleure encore. Sans le savoir, Richmond vient d'ouvrir l'une des blessures de son âme, une réalité qu'elle n'a jamais acceptée : Elle est née d'un viol.