CHAPITRE 2
Write by Maylyn
-Nulle part ? Comment ça…
-Voilà ! Je vous l’avais bien dit ! M’interrompit Jean-Paul, les yeux prêts à sortir de leurs orbites. Mais on ne m’écoute jamais de toute façon ! Maintenant tu peux me dire comment on fait pour se débarrasser de ces djins…
-LA FERME Jean-Paul !
Yves et moi venions de lui clouer le bec avec notre exclamation commune. Puis me tournant vers Irène :
-Alors Irène, pourquoi dis-tu nulle part?
-Parce que nous ne vivons pas à Abidjan. Mes parents vivent à San-Pedro, ceux d’Anaïs à Bouaké et Yélé, elle, vient du Mali.
-Du Mali ? Mais comment vous êtes-vous retrouvées à errer seules dans les rues du Plateau à une heure aussi tardive?
Elle posa les yeux sur Yves pour lui répondre.
-Parce que nous avons échappé à des hommes qui nous avaient kidnappées.
-C’est quoi encore cette histoire…
Devant l’avertissement qu’il lut dans les yeux d’Yves et moi, J.P se reprit :
-Ok ok je me tais !
Puis, il nous tourna le dos.
-Bon, déclarai-je en démarrant, là les choses se compliquent. Je vais d’abord déposer mes amis chez eux. Ensuite, nous irons chez moi. Vous expliquerez tout à mes parents et je suis certain qu’ils trouveront une solution.
-Quoi ? Pas question de manquer le spectacle avec El Dragón! On dort chez toi PM! Pas vrai JP?
Celui-ci ne put s’empêcher d’éclater de rire:
-Ouais mon pote! Je peux pas rater ça!
-Idiots ! répondis-je amusé malgré moi.
Car c’est vrai qu’il y aura sans doute de l’action quand ma mère aura vent de toute cette histoire. Ah ma chère mère, Madame Cécile Thérèse Aka alias El Dragón ! Ce surnom m’est venu spontanément lors d’un de ses habituels éclats dont la victime fut cette fois un chauffeur de taxi qui, roulant derrière nous, avait eu la malchance de ne pas freiner à temps et donc d’emboutir légèrement la voiture de ma mère. Le jeune élève de 4eme que j’étais alors, révisait son cours d’espagnol en attendant que tout se règle. En la voyant gesticuler et vociférer après le chauffeur apparemment médusé et presqu’effrayé, le mot "dragón" trouvé dans le dictionnaire me vint à l’esprit tel une révélation ! Depuis, tout notre entourage la surnomme ainsi, même Papa ! Ce qu’elle ignore bien sûr !
-Espérons que Papa soit déjà debout. Comme cela au moins, ce n’est pas moi qui devrai l’affronter !
-Mouais…Espérons…Espérons…fit Yves en se tapant dans les mains avec JP avec des mines qui visiblement espéraient le contraire.
-Merci les mecs pour le soutien ! Vous êtes vraiment des frères !
Je les laissai à leurs moqueries et je portai plus d’attention sur la route. Environs 30 minutes plus tard, nous arrivâmes devant le portail de la demeure des Aka, une immense bâtisse située à la Riviera Allabra, banlieue chic de la commune de Cocody. Le gardien, apercevant la voiture sur l’écran de surveillance, appuya sur l’ouverture automatique du portail. Je garai dans le garage, près de la Coccinelle de Maman et derrière la BMW et le 4X4 qui appartenaient elles aussi à Papa.
-Et voilà ! Tout le monde descend !
Je sortis de la voiture pour ouvrir la portière arrière pour les filles. Une fois dehors, je remarquai que, si Anaïs et Yélé contemplèrent avec un regard émerveillé et légèrement intimidé cette maison imposante qui s’offrait orgueilleusement à leurs regards, Irène elle paraissait indifférente, un peu comme si elle en avait l’habitude. Nous pénétrâmes dans le vestibule, puis je les conduisis directement dans "le salon des jeunes", surnommé ainsi parce que c’est là que je recevais mes amis. Je fis signe aux filles de s’asseoir dans le canapé qu’elles occupèrent en restant toujours serrées les unes aux autres tandis que JP et Yves prenaient place dans deux fauteuils.
-Voulez-vous boire quelque chose ?
-Il y a de la bière ?
-Non je prendrai volontiers une autre coupe de champagne moi !
Je pris deux coussins que je lançai en direction de mes potes qui s’esclaffaient tellement qu’ils ne purent même pas les esquiver. Puis m’adressant directement à Irène :
-Vous aimeriez boire quelque chose les filles ?
-De l’eau s’il te plaît.
-Ok je reviens dans une minute. Et surtout, ne vous laissez pas faire hein ! S’ils vous embêtent, lancez-leur un sort, ajoutai-je en leur faisant un clin d’œil.
Je fus récompensé par un sourire d’Irène, un gloussement d’Anaïs…et un regard assassin de la petite Yélé ! 10 minutes plus tard, j’étais de retour avec un plateau contenant une bouteille d’eau minérale et des verres mais aussi un panier rempli de fruits divers. Après leur avoir servi à boire et leur avoir passé le panier, je les laissai en compagnie des garçons pour aller jeter un coup d’œil dans le bureau de mon père espérant qu’il y serait. C’était possible parce qu’il était un vrai lève-tôt, habitude prise selon ses dires à l’internat quand il était au lycée. Heureusement pour moi, ce fut encore le cas cette fois vu la lumière que j’apercevais sous la porte. Je frappai et après sa permission, entrai :
-Bonjour Papa ! Déjà debout ?
-Bonjour Fils ! Eh oui, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ! récita-t-il fièrement. Déjà rentré ?
-Oui Papa. Je te ramène tes clés de voiture. Merci encore ! C’était trop bien ! Promis, j’ai fait très attention ! Je sais à quel point tu y tiens.
-Je te fais confiance Pierre-Marie. Vas dormir maintenant. Tu dois être exténué.
-Euh Papa, justement pour parler de la soirée…
J’hésitai une seconde en observant cet homme grand et athlétique, qui respirait le calme et la sagesse. Là où ma mère était un vrai feu follet, lui pouvait être comparé à une eau douce et tranquille qui inspirait confiance et dans laquelle on était certain de ne jamais se noyer. Mon père, le roc sur lequel je pouvais toujours m’appuyer.
Alors, je lui expliquai tout : la rencontre avec les filles, les élucubrations de JP, la décision risquée de les embarquer avec nous, les déclarations d’Irène concernant le kidnapping et le fait qu’elles soient en ce moment assises dans le salon. Après m’avoir attentivement écouté, il se leva en me faisant signe de le suivre. Nous arrivâmes au moment où Yélé s’apprêtait à prendre une pomme dans le panier. Nous voyant, elle laissa tomber le fruit pour aller s’agripper à Irène. Celle-ci mit ses bras autour des deux petites et fixa mon père d’un air aussi craintif que défiant. S’approchant tranquillement d’elles comme s’il n’avait pas senti leur peur, il s’accroupit devant Yélé, prit une autre pomme dans le panier et la lui tendit avec un grand sourire tout en la regardant droit dans les yeux:
-Tiens Jeune Fille ! Il ne faudrait quand même pas qu’une aussi belle princesse que toi meure de faim n’est-ce pas ?
Après ce qui me parut une éternité, elle tendit sa petite main dans laquelle Papa posa la pomme, toujours souriant. Et là, il obtenu ce que j’avais espéré sans succès depuis qu’on les a rencontré :
-Merci Monsieur, dit-elle dans un murmure.
Nous n’eûmes même pas le temps de nous étonner de cet exploit mes amis et moi que j’entendis derrière moi :
-Que diable se passe-t-il ici ?