Chapitre 2

Write by Lilly Rose AGNOURET


 

« Mesdames, messieurs, nous amorçons notre descente vers Libreville... »

La voix de l’hôtesse enfin vient soudain me délivrer de cette longue attente. Malgré le fait d'avoir voyagé dans de très bonnes conditions, je suis heureuse de pouvoir descendre de cet avion. Le voisin de gauche m'observe alors que je me refais un beauté. Never mind. Si le spectacle l'amuse, qui puis-je ? Il pousse l'audace à me demander de nouveau :

« Puis-je au moins vous inviter à dîner ce soir. Je descends à cet Hôtel, laissez-moi vérifier. La Résidence Nomad. Je suppose qu'il y a de très bons restaurants pas loin à l'entour. »

Je le regarde avec son air de chien battu et lui dis :

« Écoutez... »

Il me coupe la parole et me dit :

« A vous de m'écouter. Je conçois très bien que mes cheveux blonds et mes yeux bleus ne vous fassent aucun effet ! Je l'ai compris. Ne me dites pas que ma conversation est tellement piètre que vous avez peur de vous ennuyer ? C'est juste un dîner. Rien qu'un dîner. Je ne connais personne dans cette ville. Et mis à part les partenaires commerciaux avec lesquels je discuteraient toute la journée, demain, je vais rester à m'ennuyer dans cet hôtel ! Alors, vous pouvez souffrir de vous voir offrir un dîner gratuit ce soir avec un homme pas mal à voir et toujours propre et bien habillé, non ? »

Le type réussit à m'impressionner. Là, je tape dans mes mains pour le féliciter et lui dis :

« Je serai à la réception de votre hôtel à 20h. Un dîner ne me tuera pas. A tout à l'heure. »

Cela dit, je l'ignore tout le reste du temps qui nous mène à cette longue file d'attente pour le contrôle de police aux frontières. Vu que mlle Merlie Azizet est désormais citoyenne britannique, par le mariage... Zut, j'ai omis de vous le dire. Bref, je suis divorcée depuis deux ans... Une longue histoire, celle là !

Donc, vu que je suis désormais citoyenne britannique, je me place dans la longue file des ressortissants étrangers. Au final, il y avait plus d'étranger que de nationaux dans cet avion ! Dire que je serais déjà de l'autre côté si j'avais gardé ce passeport vert !

Le policier qui me contrôle tente un trait d'humour en me demandant si je viens en vacances dans MON pays. Je lui réponds oui, car tout le monde a besoin de temps en temps de vacances. Il me toise en me rendant mon passeport et ose me dire : « On connaît tous comment vos fesses vous permettent de fuir avec vos blancs. Où le caches-tu ! »

Je ne prends même pas la peine de le toiser en retour car je le trouve simplement idiot. Je passe mon chemin et vais attendre plus loin pour réoccuper mon unique bagage. Quelques instants plus tard, mon voisin blond aux yeux bleus revient à la charge et me dit :

« Il vaudrait mieux que vous sachiez mon nom si vous ne voulez pas poireauter à la réception de l’hôtel. »

Je le regarde, souris et dis :

« Vous avez raison. Tenez ma carte, donnez-moi la votre. Et l'on se retrouve plus tard. Là, juste à l'instant, j'ai besoin que vous me lâchiez un peu. J'ai besoin de réfléchir. »

« A quoi voulez-vous réfléchir alors que vous êtes de retour chez vous ? Je parie que vous avez une famille nombreuse qui vous attend dans le  hall d'arrivée ! »

« Oh ! J'aimerais bien voir ça. S'il vous plaît, faites-moi de l'espace. »

Il lit le nom sur ma carte de visite et me dit avec un sourire espiègle :

« Merlie Azizet, j'aurais employé les 5 jours que j'ai à passer ici à vous séduire et vous rendre folle de moi, si je n'avais pas cette bague au doigt. A tout à l’heure. »

Il s'éloigne et me laisse là, perdue dans mes pensées qui me ramènent des années en arrière, car devant moi, l'un des 4 agents des douanes qui procèdent au contrôle des bagages est une vieille connaissance. A te faire comprendre combien le Gabon est un petit pays...

Je me répète mentalement que Merlie Azizet n'est plus cette Marlène qui a fuit il y a des années. Aujourd'hui, c'est la tête haute que je vais me présenter devant cette femme et lui rabattre son caquet si elle ose la moindre réflexion déplacée à mon encontre.

~~~

Jeudi 13 mars 2003, 10h 00.

Se faire tabasser deux fois dans la même journée, cela n'arrive que dans les mauvais polar dont le scénario a été écrit par un mec bourré un dimanche soir, accoudé au comptoir un bar enfumé. Mais, je suis sans le vouloir, devenu l'héroïne maudite de ce scénariste sans imagination. Car, sitôt Paméla ma femme de ménage partie en m'exhortant à la prudence et à la prière sincère, voilà que débarque une furie. Du moins, c'est que m'en dit Mathys, le fils du voisin, tout juste âgé de 8 ans. Il arrive en courant dans mon salon et me dire :

« Tantine Marlène, tantine Marlène, faut venir oh ! Ya une femme là dehors. Elle a seulement lancé une brique sur ta voiture. Elle est folle oh ! »

Je me lève du canapé où je tente de retrouver la forme depuis le départ de mon assaillante N°1 et me dirige vers la port. Je l'ouvre et là, je n'ai que des larmes aux yeux en constatant l'état dans lequel « la folle » a mis  ma voiture. Elle s'est servie d'une brique prise dans le chantier chez mon voisin d'en face et est venue fracasser le par-brise avant de mon véhicule 4x4 Prado châssis court. La voilà qui, armée d'un pilon sûrement ramené de chez elle, tape sur chaque vitre de la voiture, jusqu'à briser les rétroviseurs, les vitres et le par-brise à l'arrière. Dois-je ajouter qu'elle a pris soin de foutre des coups de couteaux dans les pneus ? Pourquoi tant de haine ? Cela fait 2 ans qu'elle est au courant que son mari et moi baisons ensemble et que je suis susceptible- si je perds toute estime de moi- de devenir la seconde épouse de cet imbécile de Théophile Nyama. Les femmes ! Je suis l'oreille auprès de laquelle ton mari vient verser toutes ses peines, ses secrets, VOS SECRETS de couple, et tu oses venir me faire une chose pareille !

Je suis tellement en colère que je prends mon souffle et lui crie :

« Tu peux tout casser, connasse, ton mari m'en offrira une autre dès demain. Et tu sais pourquoi ? »

Là, elle s'arrête dans son élan. Le gros caillou à son pied semble me regarder et me menacer, mais peu m'importe. Aujourd'hui, je vais crier et me faire tabasser parce que ma bouche en a décidé ainsi.

« Casse, je te dis casse, ma cher Alphonsine Nyama ! Pendant que tu casses, j'appelle déjà notre mari et il va passer la commande pour une autre plus grande. N'est ce pas ? »

Elle me fixe alors avec le regard tellement sanguin, que je me dis que s'en est fini de moi. À peine 50 mètres nous séparent. Je pousse le petit Mathys vers l’intérieur et ricane vers ma rivale en lui disant :

« Mais ma chérie, casses. Si Nyama m'a achetée le 4x4 alors que tu chaumes dans une Toyota Yaris, malgré ton gabarit de vendeuse de bedoum (beignets), c'est parce que lui même il sait. Ma chatte miaule mieux que la tienne. Il en a marre de ton sale C.. tout laid et ridé. Regardez-là ! Tu es tellement laide et poisseuse, que je ne suis pas étonnée que tu sois obligée de payer ton jardinier pour qu'il débrousse la mauvaise herbe au seuil de ton vagin. »

Les yeux injectés du sang de la colère, la femme fonce et arrive sur moi à vive allure. C'est la porte que j'ai eu le temps de refermer en vitesse, qui accueille son gabarit de catcheuse. Cette femme n'a qu'a s’asseoir sur moi pour me faire rendre mon dernier soupir !

Mon cœur bat la chamade car je sais que je viens d'allumer un feu qui dévastera tout. En effet, il n'en faut pas longtemps à ma rivale pour faire le tour de la maison et se retrouver côté terrasse, devant la baie vitrée. Là, elle prend une chaise de jardin et vient taper de grands coups sur la baie vitrée. Dès qu'elle a tapé le premier coup, j'avais déjà enlevé le corps et entraîné le petit avec moi. Sortis par la fenêtre de ma chambre à couchée, je me retrouve dehors à courir plus vite que Forrest Gump. Je prends garde à ce que le petit rentre chez lui et vais cacher le corps chez Amadou, l'épicier du carrefour. Il me permet de me faufiler derrière son comptoir et d'aller dans la chambre aménagée qui lui sert de logement. Là, je parviens à me calmer... Jusqu'au moment où je me rends compte que la boutique devient sombre. Là, Amamdou, qui d'habitude se montre gentil et courtois avec moi, arrive le sexe à l'air, et me dit :

« C'est aujourd'hui oooh ! Madame Marlène. Je vais goûter toi. »

Seigneur ! J'atterris tremblante sur ce matelas inconfortable, à même le sol !

J'ai fuis un danger dehors pour en affronter un autre à l’intérieur ? Me voilà parlementant avec mon boutiquier.

« Mais Amadou, tu as oublié qui est le patron ? Si je l'appelle tout de suite, il va seulement envoyer la police. Son frère est le commandant la-bas à l'immigration. »

« Ze m'en fous. Ze te goûte et puis, ze peux retourner au pays ! M'en fous. »

Jésus Marie, Joseph. Ça là, c'est pas prévue au programme. On m'attend quelque part. Oui, l'idée à germer dans mon esprit d'aller présenter mes hommages aux nouveaux mariés, comme l'usage le veut. Mlle Victoire Orema et monsieur Jalil Ratanga m'ont conviés à leurs noces ; je leur ferai la politesse d'y répondre. Alors, je regarde Amadou et lui dis :

« Amadou, viens, on finit vite notre affaire là et je m'en vais. On m'attend quelque part. Comme tu n'as pas peur de retourner au pays chassé comme un voleur, viens seulement. Faut pas oublier la capote ooh, parce que j'ai le SIDA. »

C'est net et tranchant. Le type remet immédiatement son pantalon et sa djellaba et me dit :

« Wèèè : petite chose comme vous là, ça finit toujours avec la grande maladie là ! Pardon ooh ! Faut sorti seulement. »

Je ne me fais pas prier et sors de là avec précaution. Je ne peux aller bien loin car je n'ai qu'un billet de 500 francs dans mes poches et à mes pieds, de simples babouches, des sans confiance, comme on dit ici. Jamais une fille de ma condition, c'est à dire entretenue et sans souci, n'irait s'afficher de la sorte en ville. Non, il me faut retourner à la maison, prendre quelques affaires et m'habiller convenablement pour assister au cocktail de noces de mon cher et tendre... Qui sait, j'aurais peut-être la chance d'avoir la réponse à l'unique question que je me pose : Jalil, à quel moment t'es-tu fiancé ?

~~~

Quand mon tour arrive devant madame l'inspecteur des douanes, elle me toise de haut en bas et semble ne pas me reconnaître. Je suppose que le sourire ne fait pas partie de la formation d'agents des douanes, aussi, je ne m'en formalise pas.

« Ouvrez votre bagage. »

J'exécute son ordre en la regardant dans les yeux. Elle regarde sans fouiller et je l'entends dire à son collègue qui se tient quelques mètres plus loin :

« Norbert, un amende et un rappel à l'ordre à cette dame. Elle ne semble pas connaître le règlement au sujet du recèle d'espèces animales protégées ; il y a des chaussures en peau de crocodile et je vois là ce que j'imagine être un collier en poils d’éléphant. C'est une amende qui va chercher disons dans les 350 mille francs cfa, vu que c'est semble t-il la première fois, n'est ce pas madame ? »

Je la regarde effarée.

« Mais, je n'ai rien de tout ça dans mon sac. Ce sont des imitations. »

« Vous a t-on dit que j'ai des pupilles infra-rouges pour détecter le vrai de l'imitation ? Norbert, colle-lui une amende ! Ça lui passera l'envie de faire son intéressante. Dégagez de ma vue ! », me lance t-elle.

« Finalement, je comprends mieux pourquoi Nyama dépensait tout son argent sur moi et traînait le pas pour rentrer vous retrouver à la maison. Comment va t-il, au fait ? »

Elle me regarde et e dit :

« L'amende est de 540 mille francs cfa. Soit vous payez, soit votre bagage est confisqué. »

Je la regarde et l'envie me passe très vite de faire la maligne car plus je l'emmerderai, plus le montant de l'amende augmentera. Alors, je me gratte la tête pour savoir comment m'en sortir, car même si j'ai cette somme et peux payer par carte bleue, cela m'embête au plus haut point. Je suis là à réfléchir quand arrive derrière moi mon voisin à l'accent scandinave. Il lance alors :

« Désolé Mme l'agent, il y a t-il un souci avec mon épouse ? »

« Elle a une amende à payer. »

« Oh ! Je vois. Quel est le montant de cette amende, s'il vous plaît. Mon attaché d'ambassade se trouve juste derrière dans le hall d'arriver. Il réglera la note en liquide tout de suite. »

« Bon, qu'elle s'en aille. Allez, dégage ! Et si tu cherches Nyama, va du côté du cimetière de Fougamou ! Je pense qu'il ne peut plus rien pour toi ! »

Je repends mon bagage et disparaît suivie de prêt par mon cher sauveur, qui ne perd pas de temps et me dit :

« Vous me devez plus qu'un dîner, je crois. Et si après le dîner, vous me tombez dans les bras, ils seront bien grands ouverts, prêts à vous accueillir.

Je regarde le type et lui souris puis répond :

« Finalement, je n'ai plus faim. Vous dînerez sans moi ce soir. Bye bye ! »

« Et où allez-vous donc Merlie Azizet !? »

« Nulle part. Personne ne m'attend. Donc, je ne vais nulle part. »

« Dans ce cas, permettez-moi de faire un bout de chemin avec vous, vu que je connais personne ici et ne suis attendu nulle part ce soir. Peut-être qu'en marchant l'un à côté de l'autre, sans destination précise, l’appétit nous viendra. »

C'est ainsi que tout tranquillement, le type me suis de très près alors que je m'engage vers le parking où sont garés des taxis. Le type dont je n'ai toujours pas lu la carte, monte avec moi. J'indique la destination de l’hôtel Park'Inn au chauffeur. Là, mon invité surprise me dit :

« Merlie, puis-je vous demander ce que vous venez faire à Libreville ? »

« Disons que j'ai des comptes à régler avec mon passé. », lui dis-je avant de me plonger dans le silence. 

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