Chapitre 2

Write by NafissaVonTeese

Précédemment

Fama avait fait le voyage de Saint-Louis à Dakar pour présenter à Transylla, une nouvelle offre que la boîte dans laquelle elle travaillait comme commerciale, venait de lancer. Malheureusement, elle avait raté son bus de retour, ce qui l’obligea à passer la nuit dans un hôtel où elle entendait une voix de femme s’adresser à elle à travers la porte.

***

 

La voix résonnait de plus en plus fort dans sa tête. Elle était allée se réfugier sur tous coins de la grande chambre, l’un après l’autre, en se couvrant les oreilles avec ses petites mains moites ; mais cela n’avait servi à rien. Entre deux ricanements et cris à lui arracher le cœur, elle entendait des mots étouffés prononcés dans une langue qu’elle n’avait jamais entendue auparavant.

 

Fama était partagée entre la possibilité qu’elle ait imaginée tout cela car jamais elle ne s’était retrouvée seule aussi tard dans la nuit ; et le fait qu’il y avait réellement quelqu’un d’autre dans cette maison, et celui-ci faisait tout pour lui faire peur.

Elle pouvait sentir des gouttes de sueurs froides couler le long de son front, et les pulsations de son cœur jusque sur la pointe des doigts de ses mains. C’est quand elle eut enfin la force de puiser au plus profond d’elle un cri de terreur, que le silence retomba d’un seul coup dans la chambre. Accroupie au pied du lit, elle avait pris son courage à deux mains pour ouvrir les yeux, mais ce fut le choc.

 

Il n’y avait plus rien de chambre, juste elle et du vide. Jamais de sa vie elle n’avait été autant terrorisée.

Comme à ses habitudes, Fama avait ressenti le besoin d’appeler sa mère, mais ne savait pas comment est-ce qu’elle devait s’y prendre pour lui expliquer ce qui se passait. Devait-elle lui lancer sèchement qu’elle entendait des voix pour qu’elle veuille bien la croire ? C’était certainement peine perdue. Elle allait sans doute lui jurer qu’elle était folle après l’avoir asséné de reproches pour lui avoir menti en lui disant qu’elle passait la nuit chez une amie.

 

Ce dont elle avait besoin à ce moment précis, ce n’était pas d’un jugement, ni d’ailleurs d’explications pour comprendre ce qui se passait.

Juste quitter au plus vite ce maudit endroit, c’est ce qu’il lui fallait !

 

Autour d’elle, il n’y avait que du blanc.

Des bouts idées atterrissaient dans ses pensées sans qu’elle ne puisse les ordonner. Parmi elles, elle discerna la prière.

 

Prier oui ; mais comment ?

 

La peur qui la rongeait de l’intérieur ne lui permettait même pas de se souvenir de comment il fallait s’y prendre pour implorer le Ciel de la tirer de là.

  

-         Mademoiselle ! Hey mademoiselle !

 

Fame se sentait secouée par les épaules mais ne voyait personne avec elle. Puis sans vraiment comprendre pourquoi, elle sentit d’un coup, le moindre millimètre carré de son visage picoter de froid, comme si sa tête venait d’être plongée dans un saut de glace.

 

-         Mademoiselle !

 

Quand elle ouvrit les yeux, elle vit un jeune homme essoufflé, le visage juste au dessus du sien, entrain de le scruter comme s’il était tombé sur un objet rare.

 

-         Ca va ?

 

« Qu’est-ce qui se passe ? » avait-elle voulu demander mais elle n’y arriva tout simplement pas.

Sa bouche était sèche et sa mâchoire serrée. Elle avait regardé le jeune homme sans bouger pendant quelques secondes, puis sursauta, avant d’essayer de se lever quand elle vit la foule qui s’était formée autour d’eux.

 

-         Calme-toi jeune fille ! Tu t’étais évanouie je pense, mais on a appelé les secours. Ils sont en route.

 

« Les secours ?  Non non pas ça ! »

 

Elle avait essayé à nouveau de se lever mais le jeune homme l’en empêcha en appuyant ses mains sur ses épaules.

 

-         Ne bouge surtout pas. Tu sais quel jour on est ?

 

Elle avait voulu répondre mais aucun mot ne sortit de sa bouche, alors elle hocha la tête en guise d’affirmation.

 

-         Très bien. Et tu sais comment est-ce que tu t’appelles ?

 

-         Fa…

 

Elle se força pour terminer de prononcer son prénom mais sans grand succès.

Et puis cela en valait-il la peine vu qu’elle ne connaissait même pas cet homme ? Elle n’était pas assez débile pour ne pas se souvenir du jour auquel ils étaient, ni de son nom, se dit-elle.

Pour le dissuader de continuer son interrogatoire, elle ferma les yeux. Aussitôt le jeune homme prit sa tête entre ses mains puis cria :

 

-         Non non, reste avec moi ! Tu dois rester avec moi. Sinon je vide le reste de ma bouteille d’eau sur toi.

 

Il avait lancé un petit sourire comme pour la rassurer sur le fait que ses menaces se rapprochaient plus à une petite blague qu’à une intention.

 

« Ridicule ! Mais lâche-moi idiot ! » ; elle avait secrètement pensé, avant de se résigner à garder les yeux ouverts.

 

Sa tête était lourde, tout son corps  l’était d’ailleurs, mais sa peur avait disparu. Ce n’était qu’un mauvais rêve se convainquit-elle. Elle se sentit affreusement stupide en se rendant compte qu’elle s’était fait un sang d’encre à cause d’un petit cauchemar.

 

-         Je…

 

-         Oui ?

 

Il avait rapproché son oreille jusqu’à le coller aux lèvres de Fama.

 

-         Je veux… Je veux rentrer.

 

-         D’accord mais avant on va attendre les secours.

 

-         Non !

 

Entre interrogations et consternation, le regard du jeune homme vira aussitôt au noir. C’est avec un soupçon d’agacement qu’il lui adressa :

 

-         T’es malade ou quoi ? Tu nous as flanqué la peur de notre vie en criant comme une hystérique avant de tomber dans les pommes et maintenant tu te permets de nous faire des caprices.

 

Habitée d’un seul coup par une force qui la surprit elle-même, elle l’agrippa par le cou et le tira vers elle avant de lui lancer d’une voix qu’elle ne reconnut pas comme étant la sienne :

 

-         Je veux rentrer chez moi j’ai dit !

 

D’un geste vif, il se dégagea. Fama s’était aussitôt levée pour se tenir debout. Elle ne sentait plus rien, comme si elle venait tout juste de se réveiller d’un long sommeil apaisant. Elle fit craquer les muscles de son cou en faisant tournoyer deux fois de suite sa tête.

 

-         On est le Vendredi 07 Novembre et je m’appelle Fama. Tu vois, je vais parfaitement bien. Maintenant, je rentre chez moi !

 

Elle avait prononcé ces mots avant de regarder autour d’elle. Tous, la mine étonnée, avaient les yeux rivés sur elle.

 

-         Samedi ! Vendredi, c’était hier jeune fille ; avait-il arrogamment répondu.

 

Elle fit semblant d’avoir rien entendu et essaya de se repérer dans l’espace vu qu’elle était un peu perdu concernant le jour auquel elle était.

 

Fama reconnût très vite l’endroit aux voitures blanches garées dans le désordre, avec des plaques d’immatriculation commençant par « SL ». Elle était à la gare routière principale de Saint-Louis mais ne parvenait pas à comprendre comment est-ce qu’elle était arrivée là.

Tout ce dont elle se souvenait, c’était de son rendez-vous, cette auberge à Dakar et de la voix qui la harcelait.

 

« Drôle de cauchemar mais ça avait l’air tellement réel !» ; pensa-elle.

 

Elle avait tout le temps d’y repenser et de le raconter à sa mère après avoir pris une bonne douche et fait une petite sieste de quatre ou cinq heures.

 

Elle se dirigeait seule sous le regard d’une bonne trentaine de personnes, quand l’inconnu qui était quelques instants plus tôt à son chevet, l’appela par son prénom.

Elle s’était retournée pour lui jeter un regard noir destiné à le troubler, mais celui-ci n’y prêta aucune attention.

 

-         Tiens ! Je crois que c’est à toi. 

 

Il lui tendit son sac à main ainsi que sa pile de dossier et le gros bouquin poussiéreux qui était censé n’exister que dans son cauchemar.

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