Chapitre 3
Write by NafissaVonTeese
Précédemment
Fama
s’était réveillée à Saint-Louis, sans le moindre souvenir d’avoir quitté Dakar. Elle se convainquit que l’auberge dans laquelle elle
se trouvait, ainsi que la voix qu’elle y entendait, n’étaient rien de plus que le fruit de son imagination. Cependant, elle commença à y douter en se rendant
compte que le livre qui était censé n’exister que dans son rêve, s’était retrouvé dans la vie réelle.
***
Elle
ne faisait plus la part des choses entre le rêve et la réalité ; du moins,
elle n’essayait même pas.
En
quittant la gare, Fama n’avait rien d’autre dans la tête que de vider le
réfrigérateur avant de prendre une longue douche froide. Elle ne se souvenait même plus de la dernière fois qu’elle avait
avalée quelque chose.
Arrivée
chez elle, elle trouva la porte d’entrée grande ouverte, ce qui la fit se
sentir aussitôt en sécurité.
Saint-Louis
était une grande ville mais presque personne ne fermait la porte de sa maison à
clé durant la journée. Sur l’île nord où elle
habitait depuis sa naissance avec ses parents et ses trois petits frères, la
vie était tout ce qu’il y’avait de plus calme et Fama ne s’en plaignit jamais.
Elle
s’était directement dirigée vers sa chambre et avait jeté par terre tout ce qu’elle
avait dans les mains. L’odeur du Thiébou Dieune venant de la cuisine lui
rappela à quel point elle avait faim.
Elle
avait juste pris le temps d’enlever ses ballerines avant de courir retrouver
sans mère dans leur petite cuisine.
-
Salut Ma ! Ça va ?
Elle
était assise sur un banc en bois et épluchait des légumes. Fama avait laissé un petit sourire de satisfaction se
dessiner sur ses lèvres puis l’avait rapidement effacée de son visage avant que
sa mère ne le voie. D’habitude, cette corvée lui
était destinée alors que tout ce qui touchait aux tâches ménagères, n’était
tout simplement pas sa tasse de thé.
-
Oui bien. Et ta réunion ? Tu
n’as pas donné les détails hier.
-
Mieux que prévu. Ils n’ont presque
rien compris à mon blabla habituel mais le boss semblait convaincu à la
fin ! Il est partant pour un test mais je suis certaine qu’il a déjà mordu
à l’hameçon. Je vais pouvoir garder mon poste !
De toute façon, ils ne trouveront pas mieux que moi de si tôt.
-
Bien. Je suis ravie pour toi. Avant
que je ne l’oublie, tu me passes s’il te plaît le numéro de téléphone de Khady pour
que je la remercie !
-
Quelle Khady ?
Fama
avait machinalement posé cette question sans vraiment faire le rapport
avec le mensonge qu’elle avait servie à sa mère la veille.
-
Khady ! Ton amie chez qui tu as
passé la nuit ! J’aimerais la remercier d’avoir bien voulu t’accueillir,
et en passant saluer sa mère. C’est plus correct non ?
-
Euh… Oui ! Bien-sûr ! Excellente
idée…
« Mais
qu’est-ce que tu me fais là Ma ? » s’était-elle demandée dans sa tête
tout en espérant qu’elle oublie vite cette idée.
-
Maintenant tu peux venir m’aider
s’il te plait ? Il est presque midi et tu sais que ton père déteste que le
repas soit servi tard quand ses amis mangent à la maison.
-
Sérieux ? Ils viennent aussi les
vendredis maintenant? Le samedi ne suffit plus ? Ma tu sais que ces
vieux sont…
Elle
l’interrompit net en la fusillant du regard.
Elle
savait exactement où sa fille allait en venir car ce n’était pas la première
fois qu’elles tenaient cette discussion.
Fama
trouvait les amis de son père « encombrants et grincheux » comme elle
le répétait à sa mère à chaque fois qu’elle les voyait franchir le seuil de
leur maison. Elle se limitait à les saluer avec
beaucoup de politesse comme on le lui avait appris, puis allait aussitôt
s’enfermer dans sa chambre, sous prétexte qu’elle travaillait. Elle ne les
aimait tout simplement pas. Pourquoi ? Personne ne le savait, elle non
plus certainement.
« Samedi…
Bien-sûr ! »
Elle
n’arrêtait pas de faire une confusion sur les jours. Pourtant Dakar ne se
trouvait qu’à 250 kilomètres de Saint-Louis et les deux villes étaient sur le
même fuseau horaire. Pourquoi souffrait-elle alors de jet-lag ?
-
Ma, il est quelle heure là ?
Fama
n’avait pas attendu une réponse à sa question. Elle était retournée dans sa
chambre pour enfiler des sandales avant de repasser devant sa mère en courant.
-
Demande aux garçons de t’aider.
J’arrive Ma ; lui avait-elle lancée avant de s’éclipser des lieux.
Elle
avait juste souri car savait exactement ce qu’allait faire sa fille. Elle ne cautionnait pas ses petites sorties du
samedi, entre 11h et 12h, mais jugeait mieux de la couvrir, pour ne pas que son
père l’apprenne.
Il
ne fallut pas beaucoup de temps à Fama pour atteindre le pont Faidherbe qu’elle
emprunta à la course. D’habitude, elle ne mettait pas moins de 15 minutes pour
parcourir les 515 mètres du pont, mais celle fois là, elle le fit en 7 minutes.
Il était clair qu’elle allait s’en vanter plus tard, mais sa seule
préoccupation à cet instant, était de rallier la Corniche.
Elle
ne s’arrêta que devant un bâtiment en briques rouges, d’où un groupe de jeunes
dames en tenue de sport sortaient en riant aux éclats.
Les
mains sur la taille, elle s’était baissée pour reprendre sa respiration. Elle avait l’impression que son cœur allait lâcher.
Fama
détestait faire souffrir son corps, et c’était l’une des raisons pour lesquelles
elle avait des kilos en trop.
« Respire !
Respire ! », elle se répétait jusqu’à ce qu’elle distingue une fine
paire de jambes devant elle.
Même
parmi des milliers, elle les reconnaitrait celles-là, mais elle se redressa
quand-même pour s’infliger encore une fois, et avec regret, le supplice
qu’était de poser son regard sur cette fille au corps parfait.
-
Pauvre chérie ! T’as perdu
quelque chose ?
« Pouffiasse ! »
Pourquoi
se retenait-elle de lui sauter dessus pour lui arracher ce sourire narquois du
visage et en passant ses extensions capillaires ?
Elle
avait l’air d’un ange qui venait de tomber du ciel avec ses cheveux raides
blonds, alors qu’en réalité, c’était une vraie chipie.
-
Anna chérie ! Je dirai plutôt
que c’est toi qui t’es perdue.
Fama
avait fixé du regard la petite jupe blanche de sa « Anna chérie »,
puis son top transparent qui ne cachait rien de son parfait petit ventre plat, avant
de reprendre :
-
Habillée comme ça, j’aurais juré que
ta place est sur un court de tennis.
-
Tu n’as pas tout faux, mais figure
toi que le prof de tennis n’est pas aussi sexy que mon coach fitness. Tu ne
trouves pas Fama chérie ?
Avant
même qu’elle n’ait eu le temps de répondre, Anna était passée entre les
voitures prises dans un petit embouteillage, pour rejoindre le groupe de femmes
qui l’attendaient de l’autre côté de la ruelle.
Elle
l’avait regardée avec mépris en repassant le moindre de ses mots dans sa tête. Décidemment,
il n’y avait rien chez cette fille qui pouvait la pousser à l’aimer.
En
parlant de coach fitness, il fallait qu’elle le voie. Au moins, elle ne se
serait pas déplacée pour rien.
Elle
avait franchi la baie vitrée qui servait de porte d’entrée principale à la
petite salle de fitness qui était à présent vide.
Les
lumières étaient éteintes et la musique électronique qu’elle entendait passer
en boucle dans les lieux, censée être source de motivation, ne résonnait. Elle
détestait cet endroit, encore plus les femmes qui y venaient en prétextant
faire du sport. Ce n’était rien de plus qu’une excuse pour venir se trémousser
devant son petit ami.
-
Seydina ! avait-elle crié au
milieu de la salle.
Elle
s’était répétée deux à trois fois sans avoir de réponse, pourtant elle était
certaine qu’il était bien là.
« Quand
il le faut, il le faut ! » s’était-elle
dite en se dirigeant vers les vestiaires du personnel.
Il
était formellement interdit aux clients de franchir cette porte, et pour le
leur rappeler, il y avait une affiche avec comme inscription :
« Accès interdit ». Elle n’en avait
rien à faire. De toute façon, elle avait
enfreint la règle à maintes reprises et rien ne lui était arrivé.
-
Bébé ! T’es là ?
Sur
le pas de la porte, elle avait pu remarquer qu’il n’y avait personne dans la
pièce. Quelque chose ne tournait pas rond. Seydina sortait tôt du travail les samedis pour avoir
le temps d’aller déjeuner avec sa famille vivant à Sanar, à 30 minutes de
voiture de son lieu de travail. Il revenait ensuite sur la Corniche vers 14h30 pour
sa première séance de l’après midi qui débutait à 15h.
« Il
ne doit pas être bien loin. » s’était-elle convaincue.
Elle
pouvait en profiter pour fouiller dans son placard avant qu’il ne revienne s’acquitter
de sa corvée de fermeture qui consistait à abaisser les trois rideaux de fer à
l’entrée.
Fama
et Seydina était ensemble depuis bientôt quatre mois.
Lui,
était peint comme un don juan, beau comme un dieu avec sa peau couleur caramel
et ses yeux gris ; et elle : la petite grosse de 1m66, pas sûre
d’elle, ennuyeuse et obsédée par le travail. Elle
était convaincue qu’elle n’avait aucune chance avec lui, d’autant plus que
Seydina était connu pour ne sortir qu’avec des filles au physique parfait, comme
la sublime « Anna chérie », avec qui il avait été en couple pendant
six longs mois.
Tout
le monde pensait que Anna était la bonne, et qu’il allait enfin se caser avec, puisque
d’après les bruits qui courraient, la durée moyenne de ses relations était de
quatre semaines.
Fama
avait appris à le connaitre et à se faire son propre jugement sur lui. Il était
loin d’être un coureur de jupons, au contraire, c’était les femmes qui lui
couraient après, même celles mariées. Lui, cherchait
désespérément une relation stable, « basée sur la confiance » comme
il l’avait confié à Fama, à leur premier rendez-vous à la plage d’Hydrobase. Elle était convaincue de sa fidélité, mais restait quand-même
sur ses gardes. Toutes les filles rêvaient de
prendre sa place, particulièrement Anna qui était convaincue qu’elle pouvait le
reconquérir en l’allumant avec ses tenues légères et sa beauté à couper le
souffle à n’importe quel homme.
Pour
les avoir à l’œil et surtout marquer son territoire, elle s’était résignée à
s’inscrire au seul cours auquel l’ex déchainée sans retenu, celui du samedi
matin, de 11h à 12h.
Fama
avait scruté le moindre recoin du placard de son petit ami mais n’y trouva rien
d’inhabituel.
« Tu
t’attendais à quoi au juste petite idiote ? », se demandait-elle, quand elle sentit une présence derrière elle.
Elle
s’était retournée, mais avant même de distinguer qui était là, Fama se fit
brusquement plaquée contre la porte du placard qu’elle venait tout juste de
refermer.