Chapitre 2

Write by Annabelle Sara



 

Véronique

 

Dernière couchée mais première debout. C’est comme cela que je fonctionne, debout avant tout le monde, quelque soit l’heure à laquelle j’ai dormi. J’ai beau être une mauvaise cuisinière je suis une fée du logis donc il faut toujours que ma famille se réveil dans une maison prête à l’usage.

J’ai une aide à domicile, une dame de 60 ans, Ma’a Josiane, qui vit avec nous et qui s’occupe des repas en général. Pendant que je fais nettoyage, poussière et rangement. En générale, elle se réveille sur le bruit de la serpillère qui passe sur le carrelage.

Pendant qu’elle s’affaire en cuisine, moi je range en réveillant mes enfants qui doivent se préparer pour l’école. Mon fils qui a 8 ans n’est pas vraiment du matin donc réussir à le sortir de son lit à 5 heures est un match interminable, mais je réussi toujours à gagner la parti en lui arrachant le drap avec lequel il se couvre jusqu’à la tête.

-         Chéri, il faut te lever… Elodie va entrer dans la salle de bain avant toi, lui dis-je pour le pousser à se lever.

Mon fils va d’abord rouspéter en tapant sur le lit avec ses pieds.

-         Bonjour Boris !

-         Bonjour Maman, me répondit-il avec une voix encore endormi.

-         Tu as fais tes devoirs hier ?

-         Oui…

-         Je peux voir ?, ai-je demandé en inspectant les cahiers sur son bureau. Tu as math aujourd’hui ? Boris ?

Mes enfants détestaient quand je venais faire l’inspection matinale de leurs devoirs. Comme je n’ai pas le temps de le faire le soir, j’ai pour coutume de les laisser les faire tout seul et ensuite de vérifier leur travail le matin avant qu’ils n’aillent à l’école.

-         Le cahier vert…, me dit-il en attrapant ses babouches en plastique avant de sortir pour se diriger vers la salle de bain.

-         Hum…

Il avait fait ses devoirs et il avait encore fait n’importe quoi, mais je suis de ses parents qui pensent que les enfants doivent apprendre par eux-mêmes. Le plus important étant qu’il fasse ses devoirs et qu’il comprenne et apprenne de ses erreurs.

Je feuilletais son cahier, il n’avait pas de très bonne note en math, je devrais peut-être songer à lui prendre un répétiteur pour l’aider.

Je suis sortie de sa chambre en entendant les bruits dans le couloir. Ma fille tambourinait sur la porte de la salle de bain.

-         Fais vite tu sors de là !, criai-t-elle. C’est moi qui devais entrer la première… C’est ma semaine !

-         Tu devrais peut-être te lever la première si tu veux y aller la première, lui ai-je suggéré.

-         Mama tu prends toujours sa défense !

-         Ça ce n’est pas vrai… Bonjour ma belle, me suis-je défendu avant de lui faire un bisou.

-         Bonjour Maman… J’ai fait mes devoirs ils sont sur la table !

-         Okay, je vais voir ça !

La chambre de ma fille était comme les chambres de n’importe quelle jeune fille de son âge, des affiches de star, des nounours et surtout le tableau du gars le plus en vu de l’heure et pour ma fille de 12 ans c’est le chanteur Dadju.

Je ne sais pas pourquoi j’ai le sentiment que hier encore c’était Locko ou alors c’était Tenor, enfin elle fonctionne comme toutes les filles de cet âge, elle change d’avis toutes les deux heures.

Ses devoirs par contre étaient impeccables.

-         C’est bon ?, me demanda-t-elle en se tenant derrière moi comme si elle avait peur que je fouille dans ses affaires.

-         Pourquoi tu n’aides pas ton petit-frère avec ses devoirs de math ?

-         Tu nous dis toujours d’apprendre de nos erreurs…, me répondit-elle en rangeant ses affaires dans son sac.

-         Touché !

Mais je connais ma fille, c’est une négociatrice.

-         C’est quoi ton prix pour lui donner quelques conseils ?

Elle me fit un grand sourire avant de répondre.

-         Pas beaucoup… 1000 francs les 45 min de cours trois fois par semaine, fit-elle.

J’ai éclaté de rire, elle est dure en affaire la petite.

-         500 et 4 jours par semaine, ai-je répondu en lui tendant la main pour sceller le deal.

-         Hum… D’accord ! Mais tu vas d’abord m’acheter le sac à dos à fleur de l’autre jour, parce qu’il a beaucoup de retard à rattraper !, ajouta-t-elle en me serrant la main.

-         C’est d’accord !, ai-je acquiescé. Bon je vais réveiller papa…

Mes enfants étaient tout ce que j’avais de plus chères, je pouvais à la fois les couver, leur lâcher la bride pour qu’ils fassent eux-mêmes certaines expériences ou frapper violemment le poing sur la table quand ils dépassent les bornes.

Je crois d’ailleurs que j’ai plus l’habitude de frapper su la table avec eux !

En retournant dans ma chambre je suis tombée sur un mari encore couché dans le lit, certes éveillé, mais avec une mine des mauvais jours. J’espère que ce n’est pas à cause de mon retard d’hier soir. Je me suis assise à ses cotés, posant ma main sur sa poitrine.

-         Bonjour Mr Nana !, ai-je commencé espérant pouvoir noyer le poisson avec la flatterie. Vous êtes tout frais ce matin…

-         T’es sérieuse ?

Oh là !

-         Je suis désolée mon cœur !

-         Oui c’est ça !, maugréa-t-il en quittant le lit, me bousculant légèrement au passage.

Il est de mauvaise humeur. Et ce n’est pas seulement à cause du lapin d’hier soir, il avait autre chose sur le cœur.

-         Tu aurais au moins pu me prévenir…

-         Je suis désolée chéri ! J’ai vraiment cru que je pouvais arriver avant 22 heures, me suis-je défendue. J’ai eu une journée d’enfer je t’assure c’était une journée…

-         Au point où tu as oublié quel jour c’était ?, me coupa-t-il.

Le jour que c’était ? Quoi ? Je n’oublie jamais les anniversaires, je suis une Boss Lady et c’est la base, toujours se rappeler des dates importantes pour le travail, ainsi que dans sa vie privée. On n’oubli rien, on ne célèbre pas forcément mais on n’oubli rien !

Ce rendant compte que je ne comprenais pas de quoi il parlait, il me tourna vivement le dos.

-         C’est bon laisses tomber !, dit-il avec un geste d’abandon avec sa main.

-         Non… Si j’ai oublié quelque chose d’important dis le moi…

-         En fait quand quelque chose n’a pas un impact direct dans ta vie et ta carrière ce n’est pas important, m’envoya-t-il.

-         Non ! Ne dis pas ça ce n’est pas vrai… Il suffit que quelque chose soit important mon cerveau va l’enregistrer !

Je voyais la dispute se dessiner il fallait que je désamorce cette situation au plus vite.

-         Bébé dis moi !

-         C’est hier que la boite désignait le nouveau directeur marketing !

Merde j’ai oublié ça ! Merde !

On en parle depuis des mois et j’ai quand même oublié que c’était hier qu’il devait avoir la réponse à tout ce travail abattu.

J’ai écarquillé les yeux, bras ouverts en attente de la réponse que j’aurais dû avoir hier !

-         Alors ?!, j’ai insisté voyant qu’il ne voulait rien me dire.

-         J’ai eu le poste !

J’ai bondit sur lui en criant de joie. Paul m’a rattrapé en riant, il semblait heureux, j’étais heureuse pour lui, ce poste il le vise depuis tellement longtemps.

-         C’est génial mon cœur félicitations !, me suis-je écriée en lui faisant une bise sur la joue.

-         Merci chérie…

-         Tu le mérites, tu bosses dure ! Il était temps que tu sois apprécié à ta juste valeur…

-         C’est vrai ! J’avais pensé qu’en rentrant hier on pouvait célébrer en passant un peu de temps ensemble… J’avais acheté une bouteille de champagne !

Là je me sentais mal de ne pas avoir été là. Mais j’aurais dû comprendre après son coup de fil qu’il y avait une occasion spéciale.

-         Désolée… Je vais me faire pardonner je t’assure, on va se faire une petite sortie rien que tous les deux !

-         Pas dans ton restaurant !, dit-il subitement.

-         Pourquoi ?, me suis-je étonnée.

-         Parce qu’au lieu de diner avec moi tu seras en train de travailler.

Il a raison, alors j’ai éclaté de rire.

-         Tu connais ta femme toi !

-         Bah il faut bien… ça fait 14 ans que nous sommes mariés…

Il m’embrassa en me tenant fermement dans ses bras. Voilà ce que j’aimais chez nous, notre capacité à mettre des mots sur nos maux et nos déceptions pour passer à autre chose.

-         Il faut que j’accompagne les enfants à l’école, lui ai-je rappelé en coupant court ce moment d’intimité.

-         Hum… Okay ! Je dois aussi m’apprêter pour le boulot… Tu reviens par ici ou tu vas ailleurs ?

-         Je dois faire un tour à Essos !

Je parlais en me dirigeant vers la salle de bain pour m’apprêter à sortir. En posant devant mon miroir, une ombre traversa mon regard. Je savais ce qui avait fait que j’oublie que mon Mari allait obtenir cette promotion.  Je devais être contente et heureuse, mais je savais exactement ce qu’impliquait cette promotion et durant tout ce temps je m’étais arrangée pour ne pas avoir à y penser.

Mais je savais ce que cela impliquait et je devais réfléchir rapidement à une façon d’étouffer le retour de cet heureux évènement.

En sortant de ma chambre, apprêtée, habillée, talon de 10 cm au pied j’étais prête pour engager ma course journalière.

Les enfants finissaient leur petit-déjeuner en discutant avec leur père. Mon aide à domicile, les observait avec un large sourire. Un tableau parfait ! J’ai une vie parfaite !

-         Les enfants, vous avez fini ?

-         Oui Maman ! répondirent-ils en chœur en attrapant chacun son sac.

J’ai fait un bisou rapide à mon homme avant de sortir pour aller démarrer la voiture et attendre que les enfants me rejoignent.

C’était pratiquement le même rituel tous les matins lorsque je sortais, radio sur la chaine national pour avoir une idée des nouvelles, j’accompagnais les enfants qui se disputaient tout le long du trajet en essayant de m’utiliser comme arbitre mais moi je n’intervenais jamais. Sauf cas de force majeur.

Une fois les avoirs déposé j’allais prendre un café à la boulangerie Calafatas, ils avaient le meilleur expresso crème de la ville, j’appelais Ernestine sur le fixe du restaurant pour m’assurer qu’elle était bien à l’heure à 7h32 tous les matins. Je lui rappelais ce qu’elle avait à faire. Ensuite comme c’est le vendredi, je faisais la tournée des boutiques, où les vendeuses faisaient les vitrines. Après avoir inspecté compte, caisse et rayons ainsi que vérifié l’inventaire, je déchargeai le coffre, je donnais des instructions avant d’aller dans l’autre boutique pour jouer la même musique avec juste un orchestre différent.

Ensuite je me retrouvais devant mes gestionnaires pour à tour de rôle déposer les enveloppes de la semaine et faire le point avec eux. Savoir comment commander mes prochains articles et gérer mes fournisseurs qui étaient en attentes.

Des matinées comme celle-ci je les passais dans ma voiture à monter et à descendre. Accrochée sur mon téléphone pour avoir des nouvelles avant de crasher enfin au restaurant. A l’institut je n’y allais que le week-end, la semaine je laissais mon associée travailler tranquille, on se faisait des messages pour savoir si tout se passe bien.

J’étais sur le chemin du restaurant quand mon téléphone sonna. J’ai coupé la radio avant de décrocher.

-         Tata Miriam, comment tu vas ?

-         Véro tu es en retard !

Merde, j’ai oublié mon rendez-vous avec cette femme ? Je dois faire un Alzheimer précoce pour avoir oublié Tata Miriam.

-         Tata je suis en chemin… encore quelques minutes !

-         Je parie que tu as oublié notre rendez-vous !, me lança-t-elle calmement.

Elle lit en moi cette femme.

-         Non… Non ! Je suis juste un peu sur le pied de guerre ce matin ! Jour de dépôt !

-         Hum ! C’est ça…

Son expression me prouvait qu’elle ne me croyait pas mais qu’elle n’allait pas en faire un problème.

-         Je suis déjà à ton entrée…

-         Dépêches toi !, fit-elle avant de raccrocher.

Une chance que sa maison est dans le même quartier que mon restaurant et surtout que je n’avais pas encore traversé son entrée.

Tata Miriam n’est pas ma tante, mais une femme pour qui j’ai beaucoup de respect de part son statut, ce qu’elle a accomplie dans sa vie et ce qu’elle représente pour moi ainsi que pour un nombre incalculable de femme.

Pour certaine c’est la femme qui les sauve d’une existence pitoyable en leur donnant les clés pour se libérer, d’elle-même, de leur vie qui les écrase, de leur relation parfois toxique, de la société et ses exigences.

Pour d’autre comme moi, des femmes fortes qui savent ce qu’elles  veulent et où elles veulent aller, elle est une sorte de gourou. Elle nous protège et nous aide à canaliser nos instincts primaires.

En garant dans le parking luxuriant de la maison en brique rouge de Tata Miriam, j’avais déjà ce sentiment de liberté et de lâché prise qu’elle savait instaurer en moi.

Elle m’attendait sur la terrasse, allongée sous un parasol tout prêt de sa piscine, avec une tenue telle minimaliste qu’on se serait demandé à quoi ça servait qu’elle s’habille. Elle leva la tête en me voyant arriver. Si on vous dit que cette femme venait de fêter ses 60 ans vous ne croirez pas.

La rondeur de ses seins et la fermeté de son ventre donnerait des complexes à une minette de 20 ans.

-         Bonjour Tata !

Elle me fit un geste de la main pour répondre à mes salutations tandis que je montais les marches des escaliers qui menaient sur sa terrasse externe.

Je me suis installée pendant qu’elle se redressait pour me servir un verre de jus naturel d’orange de la carafe posée sur la petite table devant elle.

-         Tu es en retard Véronique !, lança-t-elle de sa voix grave mais suave.

-         Excuses moi ! J’ai eu une matinée difficile… Merci !

J’ai pris le verre qu’elle me tendait et j’ai bu une grande gorgée de jus, il était désaltérant.

-         Comment va ta famille ?, me demanda-t-elle. Ton mari ?

-         Ils vont bien… Mon mari aussi…

-         Tu n’es pas convaincue ?

-         Je ne comprends pas ?, ai-je demandé posant doucement le verre.

Elle me sourit et s’allongea à nouveau sur son transat.

-         Pourquoi tu as hésité avant de parler de ton mari ?

-         Je… Il a obtenu la promotion dont nous parlions la dernière fois, ai-je répondu, contrite qu’elle ait compris que quelque chose clochait avec mon mari.

-         Hum je vois !, fit-elle. Je t’avais dis qu’il finirait par avoir ce poste… Tu passes tellement de temps à faire les atalaku à ton mari devant les gens… pas étonnant que  ça ait payé !

Je savais exactement où elle voulait en venir.

-         Je n’ai aucun problème avec sa promotion Tata Miriam !

-         Oui mais tu sais ce que cela va impliquer ! Une conversation que tu évites depuis des années, sur ton rythme de travail… Maintenant que son salaire va tripler et qu’il aura des horaires encore plus aléatoires que les tiens…

-         Cette histoire m’embête !, ai-je avoué.

-         C’est normal ! Tu n’es pas une femme faite pour rester à la maison à s’occuper des enfants, tu es faites d’autres choses, une cuirasse de gagnante, une bosseuse voilà ce que tu es !, affirma Miriam en me regardant dans les yeux. Mais tu es une épouse aujourd’hui et tu dois trouver le juste milieu entre ce que tu veux faire et ce que tu as à faire !

J’ai tourné la tête je ne savais pas ce qu’elle voulait m’entendre dire. Ce qu’elle s’imaginait que j’allais dire en ce moment.

-         Tu ne dois pas trop t’en faire, le moment venu tu sauras comment gérer cette situation !

-         J’espère !

-         Tu as reçu mes messages hier ?

Le sourire fit brusquement apparition sur mon visage. Je me suis vivement tournée vers elle.

-         Où est-ce que tu as trouvé ce spécimen Tata Miriam ?, ai-je demandé avec un sourire en coin et une lueur brillante dans les yeux.

-         Ah ma fille, je marche ! Je me balade ! Je voulais savoir si tu es intéressée…

-         Je ne sais pas si c’est le bon moment !

-         Donc c’est non !

J’ai hésité, elle l’a vu, elle déteste lorsqu’on hésite.

-         Véronique je n’ai pas de temps à perdre…

-         Tata calmes-toi ! C’est la fin d’année, les creux dans mes horaires sont très fins, ai-je justifié.

Elle me tendit son iPad pour que je jette à nouveau un coup d’œil, au beau morceau qu’elle m’avait envoyé dans la nuit. Un homme au regard profond et mystérieux. Le teint ébène, des traits sculptés dans le marbre.

-         C’est un entrepreneur Nigérian, Oluwa c’est son prénom ! Il vit à Lagos, mais il viendra de temps à autre à Yaoundé pour affaire…

-         Il parle français ?, ai-je demandé.

-         Toi tu ne parles pas anglais ? se moqua-t-elle avant d’ajouter. Oui il parle trois langues voir quatre… et le français en fait définitivement parti !

Elle aimait faire planer le suspens lorsqu’elle présentait un potentiel partenaire. Ce ne sont pas des gigolos dont on parle ici, il ne s’agit pas d’une quelconque transaction financière. Même si ce sont en générale des hommes du monde des affaires ils ne vendent et n’achètent rien.

Tata Miriam anime ce qu’on appelle un club de rencontre à bénéfice mutuel, sauf que les bénéfices sont purement et simplement physique.

Je suis membre depuis un moment déjà, bien que mariée. Je ne recherche dans ses relations d’un autre genre, une certaine substance que je ne retrouve pas dans ma relation maritale.

-         Il est marié ?

-         Oui depuis 3 ans, j’ai trouvé que vous avez des points d’accroche, c’est pour cela que je t’ai envoyé ses photos… Alors !

-         Il arrive quand ?, ai-je demandé.

Elle me lança un regard amusée en portant son verre de jus à ses lèvres, elle savait dès le moment où elle m’avait envoyé ces photos que je ne dirais pas non. Je ne dis jamais non quand il faut prendre un peu de plaisir supplémentaire, c’est ce qui équilibre ma vie un peu folle.

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