Chapitre 2
Write by Mady Remanda
04 DECEMBRE
MALIK
« Le Rêve de Liz »
Ce
nom avait tout de suite éveillé en moi quelque chose. Mon instinct s’était mis
en alerte comme si je courais un danger.
Cela
faisait près de dix ans que ce prénom me hérissait le poil. Je ne supportais
pas de l’entendre. Encore heureux que je vivais au Sénégal et que des « Liz » on en croisait pas à
tous les coins de rues.
Mais
en dix ans, il m’était arrivé de tomber deux ou trois fois sur des femmes qui
portaient ce prénom à la fois aimé et haï.
La
première fois, c’était trois ans après être rentré au pays, alors que j’avais
rendez-vous avec le gestionnaire de la banque qui venait de consentir à
m’octroyer un prêt pour élargir les activités de Tall Industries, la société héritée de mon père.
Une
des gestionnaires de la Banque se faisait appelée ainsi par ses collègues. Son
véritable prénom était Lysiane, elle était originaire du Cameroun.
Mais
entendre ses collègues l’appeler Liz,
m’avait tout de suite mis dans de mauvaises dispositions vis-à-vis d’elle.
Puis
il y avait eu cette hôtesse de l’air dans Air France deux ans après et plus
récemment il y avait tout juste un an, cette participante américaine au Forum
International de l’Agriculture.
Liz.
Dix
ans étaient passés depuis, mais je devais avouer que je n’avais jamais pu me
défaire de ce souvenir.
Liz Eliane Banas.
La
seule femme que j’avais aimée, la seule fois où je m’étais risqué à me laisser
aller à ce genre de sentiments.
La
seule aussi qui m’avait laissé tomber au moment où j’avais le plus besoin
d’elle.
Je
n’avais pas digéré.
Au
début je pensais que la douleur que je ressentais n’était due qu’à la blessure
de mon orgueil de mâle, et qu’elle me passerait vite.
Mais
les années avaient été impuissantes à faire taire en moi cette rage, cette
colère, ce ressentiment que le souvenir de cette jeune femme faisait naître en
moi.
Ni
mon mariage, ni l’enfant que j’avais eu avec ma femme n’était parvenu à me
faire complètement oublié cette femme.
J’avais
rencontré Liz très jeune.
J’étais
alors étudiant à Montpellier où je bouclais mon cycle d’ingénieur en agronomie.
Liz
était gabonaise.
Une
intouchable au demeurant.
Les
filles de son pays avaient la réputation de ne sortir qu’avec des gens de leur
pays, ou d’Afrique centrale à la limite. Si d’aventure elle se risquait à
sortir avec un ouest africain, il fallait qu’il soit prêt à dépenser beaucoup
pour elle.
Les
amis m’avaient découragé.
J’étais
tombé amoureux en premier.
Alors
qu’elle ne me connaissait pas, et me remarquait à peine. La première fois que
j’avais vu Liz, je rendais visite à Alioune un compatriote, qui venait de
perdre sa mère.
Alioune
s’apprêtait à aller au pays et à cette occasion chacun passait le voir pour lui
apporter un soutien.
Je
m’étais moi aussi acquitté de cet élan de solidarité en apportant à Alioune une
contribution de cent euros.
Alioune
résidait à la Cité Universitaire de la Voie
Domitienne non loin de l’arrêt de Tram Saint
Eloi.
Les
chambres de cette cité universitaire étaient individuelles et comportaient
chacune une petite salle de bains, mais les étudiants partageaient les
cuisines.
C’est
là que j’avais vu Liz pour la première fois.
Sa
chambre se situait sur le même pallier que celle d’Alioune, j’étais venu
réchauffer du thé, elle y faisait frire de la banane plantain.
Je
l’avais saluée, elle m’avait répondu presque sans me voir.
Liz
portait ce jour-là un pagne qui soulignait sa taille fine et dessinait ses
hanches rondes et galbées à la perfection. Ses fesses moulées par le tissu
semblaient fermes et rebondies. Un débardeur bleu ciel moulait le haut de son
corps, dévoilant des seins opulents et haut perchés.
Je
l’avais tout de suite désirée.
Loin
d’être timide, je n’étais pas ce qu’on appelait entre hommes « un
attaquant de pointe ». C’est-à-dire celui qui se lance dès qu’il est
intéressé et a une occasion.
Non,
j’étais un aigle, je ne fondais sur ma proie qu’après l’avoir sécurisée.
De
plus, j’avais des principes, je ne me risquais jamais à approcher n’importe
quelle fille. Je devais m’assurer qu’elle était de bonne moralité et qu’elle
avait des valeurs. J’étais assez vieux jeu, mais c’était comme ça. Je ne
sortais pas avec n’importe quelle fille.
Dans
le milieu sénégalais, on ne me connaissait qu’une seule relation avec une fille
de mon pays, en cinq ans que je vivais à Montpellier.
Aïssatou
Niang était l’une des plus belles étudiantes sénégalaises de la ville. Une amie
nous avait présentés l’un à l’autre, Aïssatou m’avait appris que c’était à son
initiative, car selon son aveu, elle était amoureuse de moi.
Flatté,
je n’avais pas repoussé ses avances et nous étions sortis ensemble pendant
quelques temps, avant que je ne me rende compte que je n’avais pas à son égard
de véritables sentiments amoureux.
Quand
j’avais vu Liz pour la première fois, j’étais encore avec Aïssatou mais je ne
me sentais déjà plus à l’aise dans la relation.
Plus
mon intérêt pour Liz grandissait, plus je m’éloignais d’Aïssatou.
A
partir du moment où j’avais rencontré Liz à la Voie Domitienne, je la voyais désormais partout.
Alioune
m’avait dit que c’était une gabonaise qui vivait sur son pallier mais qu’il
n’en savait pas plus si ce n’est qu’elle était hautaine et désagréable.
Il
n’était pas rare que je l’aperçoive à l’arrêt de Tram de Saint Eloi, à la Boulangerie de Boutonnet,
au Chorum ou sur la place de la Comédie.
Puis
un jour, je la vis à Ikea, où je
travaillais à mi-temps en tant que caissier.
Elle
faisait la queue devant la caisse de mon collègue et ami gabonais Max Axel.
J’avais
regretté qu’elle ne fût pas passée par la mienne, cela m’aurait permis de
l’aborder.
Quand
elle parvint devant la caisse de mon ami, je compris qu’ils se connaissaient
bien et qu’elle était sans doute passée par sa caisse à dessein.
Max
Axel étant un tombeur, je craignais qu’elle ne fût elle aussi une de ses
conquêtes. Je décidai d’en avoir le cœur net et le lendemain, je lui posai la
question.
-
Dis Max, la fille qui est passée à ta
caisse hier, la gabonaise, tu la connais bien ?
-
Qui Liz ? Demanda-t-il
-
Connais pas son nom, de taille moyenne,
quelques rondeurs, le teint un peu clair, des lunettes de vue…
Il
sourit et répondit :
-
Ah oui c’est Liz, une compatriote et
amie de la fac.
Soulagé,
je me contentai de répondre :
-
Ah !
Max
Axel me regarda un moment avant de dire :
-
Quoi ? Tu la connais ou... ?
Je
pris le parti de lui dire la vérité, il était sans doute la personne indiquée
pour me mettre en contact avec elle.
-
Ça fait un moment que je l’ai
remarquée…elle est…intéressante !
Il
partit d’un grand éclat de rire et me donna une tape à l’épaule.
-
J’avoue que ce n’est pas la plus facile
de mes amies.
-
J’ai entendu dire ça !
En
effet, mes compatriotes qui habitaient la même cité universitaire que Liz ne la
portaient pas dans leurs cœurs, pour tous, ce n’était qu’une gabonaise snob,
matérialiste, orgueilleuse et méprisante, comme ils considéraient la plus part
des ressortissants de ce pays.
Avec
cette mauvaise presse, je ne me serais en d’autres temps jamais intéressée plus
avant, mais Liz, m’intéressait en dépit de tout, et j’étais Malik Tall, et la
détermination était ma première qualité.
Je
voulais tenter le coup.
-
Mais je crois que je pourrais t’aider,
simplement on doit être très méthodique, elle est un peu lente à la
détente ! M’avait dit Max.
Et
je n’avais pas eu tort de compter sur lui.
Il
avait monté un coup de maître pour que la belle daigne m’accorder sa sympathie.
Cela
avait eu lieu trois mois après qu’on en ait discuté.
Il
m’avait annoncé qu’il avait réussi à convaincre Liz de participer à l’arbre de
Noël organisé par leur communauté, et m’avait demandé de m’y inscrire, il
s’arrangerait pour faire en sorte que je tire son numéro au sort.
J’avais
trouvé son plan fort ingénieux, cela me permettait de faire connaissance avec
la belle sans avoir besoin de la « draguer » et ainsi de la jauger à ma guise avant de lancer les
hostilités.
J’avais
réfléchi à un cadeau pendant des jours.
Quelque
chose de pas trop cher, mais de suffisamment marquant…
Et
puis j’avais reçu cette offre spéciale Noël, des Galeries Lafayette, dont je possédais une carte de fidélité.
Ils
offraient moins trente pour cent sur l’achat d’une sélection de montres Fontenay.
Quelle
jeune fille résisterait à une montre Fontenay ?
Aidé
de Max Axel, j’avais donc acheté le cadeau qui ferait effet et l’avais
soigneusement emballé.
Le
jour J, Max Axel s’était arrangé pour que Liz et moi restions ensemble pendant
toute la soirée.
J’en
avais été conquis.
Le
moment le plus beau avait sans aucun doute été son émerveillement devant le
cadeau.
Elle
pensait que c’était une coïncidence.
Je
me promettais de lui dire la vérité, si d’aventure on entamait une quelconque
relation.
Cette
soirée fut merveilleuse en tous points.
Liz
m’avait chaleureusement remercié pour le cadeau et nous avions discuté de tout
et de rien.
De
nos études respectives, de nos vies d’étudiant, de nos pays.
Nous
avions même dansé ensemble.
C’est
peut-être à ce moment-là que j’avais su que j’étais amoureux d’elle.
A
la fin de la soirée, Max Axel m’avait demandé de la déposer, quoique je le lui aurais
proposé de toutes les façons.
A
l’époque, je conduisais une petite Twingo bleue marine, achetée avec les
revenus de mon petit boulot à Ikéa.
Dans
la voiture, nous avions échangé nos numéros et elle avait accepté que je
l’invite à dîner.
Dès
le lendemain, je lui envoyai un message pour savoir si elle avait bien dormi et
de fil en aiguille nous avions commencé à échanger par messagerie.
Pendant
des heures, nous parlions de tout, nous rigolions, échangions des anecdotes,
parlions de nos journées respectives.
Pour
la St Sylvestre, Liz s’était rendue à Bordeaux chez une tante à elle.
A
la rentrée, nous nous étions vus rapidement à l’arrêt de Tram de Saint Eloi et
je l’avais déposée chez elle.
Et
puis je décidai de concrétiser mon invitation à dîner.
Un
vendredi soir, deux semaines après le réveillon de Noël.
Je
l’emmenai manger dans un agréable petit restaurant non loin de la place de la
Comédie.
Cette
fois encore nous passâmes une belle soirée.
Petit
à petit, nous tissions une relation d’amitié tout d’abord.
Liz
qui paraissait hautaine et renfermée se révéla une véritable amoureuse de la
vie.
Elle
aimait le chant et la danse. Elle adorait le cinéma, donc nous y allions
presque toutes les semaines.
Pour
mon plus grand bonheur, son anniversaire tombait un 08 février. Liz ne
prévoyait rien de spécial, juste s’acheter à elle-même un cadeau m’avait-elle
dit en riant.
Je
décidai de lui concocter une petite surprise.
En
trois mois que nous nous connaissions, jamais je n’étais entré dans sa chambre
de cité universitaire ce que je comprenais, car ces chambres étaient assez
intimistes.
Elle
n’était non plus jamais arrivée chez moi.
Je
décidai de l’inviter manger à la maison.
Je
décidai de préparer moi-même le repas. Une spécialité de chez moi, le Poulet Yassa.
Je
savais cuisiner car Yaye Racky, la femme de mon père qui m’avait élevé, y avait
veillé.
Je
proposai à Liz de venir dîner chez moi pour son anniversaire.
Elle
accepta.
Elle
arriva autour de 19 heures.
J’habitais
un appartement de type F2 aux Hauts de Saint
Priest, dans le quartier Occitanie.
J’avais
dressé la table au centre du petit salon et en attendant que je termine la
cuisson des plats, j’avais servi à Liz un verre de martini blanc en guise
d’apéritif.
Ce
soir-là, nous avions partagé un repas ponctué de blagues et de fous
rires !
-
C’était succulent Malik ! Tu es un
véritable cordon bleu, c’est ton épouse qui sera la plus heureuse ! Avait
dit Liz à la fin du repas
-
Oh merci pour le compliment ! Pour
ce qui est de mon épouse, qu’elle n’y compte pas trop, je n’ai pas l’intention
ne fut ce que de passer par la cuisine une fois que je serai marié…Lui
répondis-je
-
Macho va !
Nous
avions rigolé.
Ce
soir-là, nous avions donc échangé nos points de vue sur le mariage, et nos
projets pour l’avenir.
Liz
m’apprit qu’elle ne se voyait pas vivre ailleurs qu’au Gabon ce que je
comprenais car j’avais moi aussi pensé ainsi au début de ma vie en France, puis
en m’adaptant, il m’était arrivé d’envisager de vivre et de travailler ici.
Il
était 21 heures et à moins de trouver une bonne raison de prolonger la soirée,
je devais la raccompagner.
D’ailleurs,
je sentais qu’elle n’allait pas tarder à me le demander.
Mais
ce soir-là, je n’avais pas eu envie de la laisser partir.
Il
était temps de lui dire qu’elle me plaisait.
A
ce stade, elle avait largement eu le temps de se faire une idée sur moi.
Assis
côte à côte sur mon canapé clic-clac, je l’observais à la dérobée alors qu’elle
buvait lentement un verre de jus de pomme.
Son
profil parfait, son port altier, son menton volontaire et son air mutin, tout
cela la rendait si désirable.
Liz
était belle, elle me subjuguait, je mourrais d’envie de l’embrasser.
Au
même moment elle se tourna vers moi un sourire timide aux lèvres, et son regard
hésitant rencontra le mien, intense et troublé.
-
Je…Commença-t-elle
J’étais
un aigle, et j’avais suffisamment étudié la proie et sécuriser le milieu, je
décidai de foncer.
Franchissant
la légère distance qui séparait nos corps vibrants, je passai une main ferme
derrière son cou et attira sa bouche vers la mienne.
Mes
lèvres cherchèrent les siennes avec passion.
Elle
ne résista pas.
Je
compris qu’elle avait sans doute attendu ce moment elle aussi. Son abandon
m’enhardit et je mis plus d’ardeur dans le baiser.
Elle
se pressa contre moi, et le feu qui déjà me consumait de l’intérieur explosa
dans mes veines.
J’avais
envie d’elle.
Mais
je ne voulais pas la brusquer, je pouvais attendre.
Je
me donnais encore quelques minutes à savourer cette douce chaleur avant d’y
mettre fin.
Nos
langues humides s’entremêlaient, nos lèvres se cherchaient et nos corps
enfiévrés se pressaient fébrilement l’un contre l’autre.
Mes
mains glissèrent sur ses épaules pour en caresser la chair tendre et délicate
avant de poursuivre leur exploration vers ses seins fermes tendus sous le tissu
de son chemisier rouge.
Elle
gémit.
Sa
réaction me réchauffa le sang de plus belle.
J’avais
envie d’elle, mais je la voulais sûre d’elle, pas prise d’un élan qu’elle
pourrait regretter le lendemain.
Au
prix d’un effort surhumain je m’écartai légèrement, elle avait les yeux
mi-clos, et pendant un moment me sembla perdue avant de se ressaisir vivement.
-
Je…Commença-t-elle
-
Je ne regrette pas de t’avoir embrassée
Liz, j’en mourais d’envie et ce depuis des mois…et je suis même prêt à recommencer…mais
j’aimerais être sûr que tu es sur la même longueur d’ondes que moi.
Elle
ne dit rien.
Je
vis qu’elle se triturait nerveusement les mains, et son regard me fuyait.
C’est
bien ce qu’il me semblait, elle n’était pas prête. Avais-je pensé.
-
Je ferai sans doute mieux de rentrer
maintenant…Dit-elle
Je
hochai la tête en guise d’acquiescement.
-
…mais en réalité je n’en ai aucune
envie, j’aimerais rester avec toi. Avait-elle ajouté
Je
ne m’y attendais pas du tout.
Je
la regardai, surpris.
-
Que…que dis-tu ?
Elle
eut un sourire timide et je réalisai que cet aveu n’avait pas dû être facile à
faire pour elle.
-
Tu en es sûre ? Avais-je insisté
-
Je ne dirais pas que je le suis, mais je
sais que je le désire…ardemment !
Nous
avions ri de concert et je l’avais reprise dans mes bras.
Cette
fois, le baiser se fit plus ardent.
Nos
mains cherchaient nos corps impatients.
Plus
le baiser s’approfondissait, plus nos corps se rapprochaient jusqu’à en effacer
la limite entre elle et moi. La fusion de nos bouches fut éblouissante, nous
savions à cet instant-là que cette nuit, cette première nuit ensemble serait
merveilleuse.
C’est
peut-être à ce moment-là que j’avais réalisé pour la première fois que j’étais
amoureux.
-
Allons dans la chambre…Lui dis-je dans
un souffle
Nous
nous levâmes et regagnâmes ma chambre.
Fort
heureusement je l’avais rangée, cela m’aurait gêné qu’elle y trouve le désordre
qui y régnait souvent.
Pour
cette première fois, je voulais l’honorer, la vénérer, lui faire l’amour avec
adoration.
La
passion viendrait plus tard, quand elle serait assez sûre d’elle, je pourrais
alors l’entraîner sur des chemins plus voluptueux et moins classiques surtout.
Elle
aimerait cela, j’en étais sûre.
Je
la sentais sensible et sensuelle sous mes doigts, peut-être n’était-elle pas
habituée à se laisser aller comme en témoignait sa timidité, mais j’étais sûre
de parvenir à lui faire aimer le plaisir charnel.
Ce
soir-là, mes mains coururent sur son corps sensuellement, tendrement, lui
arrachant des gémissements sourds qui décuplaient mon désir d’elle.
Ma
bouche parcourut chaque parcelle de sa peau douce, mes lèvres s’attardèrent sur
les recoins les plus intimes de son corps de déesse.
Elle
était douce et tendre au toucher.
Délicieuse
au goûter.