Chapitre 3

Write by Mady Remanda


     

LIZ

 

 

Le Terrou-Bi était un hôtel magnifique.

Patou n’avait pas exagéré quand elle m’avait dit que c’était sans doute le plus luxueux de la Capitale.

Cinq étoiles, rien moins que ça !

En une semaine à Dakar, c’était la première fois que je venais sur le lieu où se déroulerait la soirée.

Jusque-là je me sentais à la hauteur de l’évènement et capable de répondre aux attentes de mes clients, mais en voyant la magnificence des lieux, je commençai à douter de mes capacités.

Situé en plein centre de Dakar, le complexe hôtelier offrait un véritable luxe. Doté de plusieurs restaurants, d’un casino, d’une piscine chauffée et d’un Solarium, une plage privée, il débouchait sur la mer offrant une vue absolument magnifique.

Wow !

Je crois que c’est à cet instant-là que je tombai définitivement sous le charme de cette ville.

Une semaine ! Une seule semaine et Dakar m’avait conquise !

Et dire que j’avais détesté ce pays pendant des années.

J’avais été injuste, le Sénégal ne m’avait pas volé Malik, c’est Malik lui-même qui avait abusé de ma confiance et s’était moqué de mes sentiments.

Je ne devais pas voir ce pays et ses habitants à travers cette histoire malheureuse. Je bénissais Patou d’avoir insisté pour que j’accepte l’offre de Belinda, car aujourd’hui je découvrais un magnifique pays, et des habitants sympathiques. J’envisageais d’ailleurs d’y revenir une autre fois pour des vacances et peut-être que si j’avais un peu d’argent je me paierais le luxe de séjourner au Terrou-Bi !

Je venais de terminer la visite du complexe, Seck avait prévu un guide de l’hôtel pour moi, je trouvai cette attention vraiment charmante.

Belinda avait de la chance, elle avait rencontré quelqu’un de bien, une preuve de plus si besoin était que je ne devais pas rester sur la douleur de mon histoire avec Malik pour juger tout un pays, et j’avoue que c’est ce que j’avais fait.

A l’époque de mon histoire avec Malik à Montpellier, notre couple avait essuyé bien des critiques de la part de nos deux communautés.

Il faut avouer que les uns comme les autres avaient des idées bien arrêtées.

Pour la communauté sénégalaise par exemple, Malik faisait une erreur en se mettant avec moi, parce que nous les gabonaises ne savions pas nous occuper d’un homme comme il le faut, nous étions taxées de filles insoumises voire irrespectueuses, volages, libertines et peu sérieuses. D’aucuns s’avançaient même à dire que je n’étais avec Malik que parce qu’il avait les moyens de m’offrir des cadeaux hors de prix.

Du côté de la communauté gabonaise, très méprisante envers les autres africains en général, j’étais moquée par mes compatriotes, qui considéraient le fait de sortir avec un étranger, un ouest-africain de surcroît, comme un déshonneur !

J’avais eu droit à bien des surnoms « la go du saye », « la yorote ». Dans le langage familier gabonais, les « sayes » et les « yoros » étaient des termes à connotation péjorative qui désignaient les ressortissants maliens et sénégalais.

Malik et moi n’en avions cure.

Au contraire, dans l’intimité, c’est nous qui nous moquions de leur étroitesse d’esprit et de leur manque de culture.

Nous étions bien décidés à leur prouver qu’ils avaient tort. Et pendant deux ans, notre relation idyllique avait forcé l’admiration. Beaucoup avaient révisé leur jugement.

Jusqu’à la terrible rupture.

Malik était parti.

Il en avait épousé une autre.

J’étais restée seule à Montpellier pour essuyer les moqueries, les calomnies, les « on te l’avait bien dit », les « bien pour elle », et les commentaires désobligeants…

Cela avait été la période la plus difficile de ma vie.

J’avais fait une dépression, j’étais restée près de trois mois enfermée chez moi, sans aller à l’université.

N’eut été le soutien de Max Axel et sa petite amie Cyrielle, je n’aurais sans doute jamais réussi à reprendre pied.

-      Bon madame, voilà, nous avons tout visité. Voici la salle de réception…je vais vous laisser un moment pour revenir. Me dit Mr Dieng, le guide l’hôtel

Sa voix me ramena au présent.

-      Merci Mr Dieng. Prenez tout votre temps, je dois rencontrer quelqu’un à la Terrasse dans…

Je jetai un coup d’œil à ma montre, il était 11 heures 48 minutes.

-      …une dizaine de minutes, je saurais me retrouver, je pense que je reviendrais ici dans une heure à peu près, on peut donc se retrouver à ce moment-là.

-      D’accord madame ! Dieureudieuf !

-      Dieureudieuf !

En une semaine, j’avais quand même appris quelques basiques comme dire « merci » ou « bonjour » en wolof, c’était la base surtout quand il fallait négocier avec des commerçants ou des prestataires.

Je pénétrai dans la salle, elle était vaste, bien agencée et on y retrouvait le même luxe que dans tous les autres endroits de l’hôtel.

La décoratrice et moi y avions rendez-vous le lendemain, mais aujourd’hui j’étais venue faire un tour d’horizon.

Je devais aussi rencontrer le cousin de Seck, qui désormais règlerait les détails avec moi.

C’est moi-même qui avait conseillé au couple de se reposer sur des personnes de confiance, car tout prendre sur eux-mêmes ne ferait qu’accroître leur stress et les empêcherait de savourer le plus beau jour de leur vie.

Belinda avait choisi Patricia, et Seck m’avait informée hier soir qu’il avait pu s’arranger avec un de ses cousins.

J’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’une des personnes de sa famille dont il était le plus proche.

Tant mieux.

Un couple stressé rendait compliqué les préparatifs, alors que travailler avec des gens qui avaient du recul sur la chose les facilitait.

Zut !

Maintenant que j’y pensais, j’avais oublié de demander à Belinda et Seck comment s’appelait le fameux cousin.

Pfff !

Je me dirigeai vers la Terrasse et m’assis à une table légèrement en retrait qui offrait une agréable vue sur la mer.

Je fouillais mon téléphone dans mon fourre-tout pour contacter Belinda quand quelque chose m’alerta.

Une sorte d’instinct, comme si mon corps m’envoyait un signal de danger... ?

En danger ? Mais de quoi.

Que pouvais-je bien craindre ici ?

Je sentis mon cœur battre, mon pouls s’accélérer, et tous mes sens se mettre en éveil.

Je n’avais plus ressenti cela depuis des années, depuis…Malik.

Malik.

Penser à lui me fit frissonner, et comme si par un coup du sort, le fait de ressasser son souvenir l’avait matérialisé devant moi, je levai les yeux et rencontrai ses prunelles sombres, ses yeux insondables qui autrefois déjà m’avaient subjuguée et son sourire, mi- moqueur, mi- narquois.

Malik !

Je devais rêver.

C’était impossible, il ne pouvait pas être là devant moi, non, non je rêvais sans doute. Je…

-      Bonjour Liz, comme ça fait longtemps ! Dit-il simplement toujours en souriant

Ciel !

Réveillez-moi, pincez-moi.

J’étais sûrement encore dans l’un de ces rêves où Malik et moi nous retrouvions et nous aimions comme au premier jour, l’un de ces rêves qui n’avaient cessé de hanter mes nuits et parfois certains de mes jours, ces dix dernières années.

J’étais en panique.

Aucun mot n’arrivait à franchir mes lèvres.

Tétanisée, complètement tétanisée.

-      Alors, tu n’es pas contente de me revoir ? Insista-t-il

Il était resté debout.

Son mètre quatre-vingt-quinze révolu se découpait sous mes yeux.

Ses larges épaules étaient moulées dans un polo bleu marine qui soulignait la finesse et la fermeté de son torse.

Malik était plus beau encore que dans mes souvenirs.

Plus viril aussi.

Il n’avait pas beaucoup changé, il avait acquis en…magnétisme. Il dégageait désormais une aura de puissance et d’autorité si forte que j’en eus le frisson.

Ce Malik-là, me semblait redoutable, on aurait dit…un aigle !

-      Malik…laissai-je enfin tomber d’une voix sans timbre

-      Ah ! Tu m’as reconnu ! Dit-il avec un brin d’ironie

Avant que je ne parvienne dire autre chose, il ajouta :

-      Je peux m’assoir ?

Incapable de prononcer un mot, je me contentai de hocher la tête.

Il tira la chaise en face de moi et s’assit.

Le silence s’installa.

Discrètement, je me pinçai l’avant-bras.

Non !

Je ne rêvais pas !

Malik était bien là en face de moi, en chair et en os.

Plus beau, plus charismatique et plus viril que jamais.

Il dégageait une assurance folle, qui frisait même un peu l’arrogance. Il avait une classe indéniable, et l’attitude des gens habitués à commander.

Mon regard tomba sur la montre de marque Tissot, qu’il arborait l’air de rien. Il devait avoir vachement réussi dans la vie.

-      Alors, dix ans plus tard, on n’a vraiment rien à se dire ? Demanda Malik en brisant le silence.

Ohé Liz Eliane !

Ne le laisse pas prendre le contrôle de la situation. Cet homme t’a trahie il y a dix ans mais il n’est pas parvenu à te détruire, tu as été plus forte que le chagrin et tu as surmonté brillamment cette épreuve. Alors montre-lui qu’il ne compte plus, et qu’il n’a plus d’ascendant sur toi ! Me morigénai-je

 

Redressant les épaules et le menton comme pour me donner du courage, je le regardai droit dans les yeux, rassemblant intérieurement toutes mes forces pour soutenir son regard et répondre :

-      Oh que si Malik, évidemment que nous avons plein de choses à nous dire. Je suppose que tu es le cousin de Seck ? Lui demandai-je pour m’en assurer outre mesure

-      C’est cela !

Il eut un sourire avant d’ajouter :

-      Comme le monde est petit n’est-ce pas ?

-      Et ronde est la terre ! Répondis-je d’un ton caustique

Il haussa un sourcil.

Non !

Ne t’emporte pas, t’énerver lui donnera l’ascendant sur toi.

Indifférente, tu lui es indifférente !

J’avais beau me répéter cela, mais je n’en menais pas large.

Le regard de Malik et sa proximité suffisaient à me réchauffer le sang. Et mon corps semblait s’éveiller d’un long sommeil, mes sens en ébullition et une chaleur insidieuse sourdait mes reins.

Malik.

Dix ans plus tard, l’effet était le même, sinon bien pire !

Je n’avais plus eu de relations avec un homme depuis lui. J’avais bien essayé mais je n’avais pas pu arriver au bout.

Il y avait eu Rodrigue six ans plus tôt et Hervé deux ans après, mais je n’avais pas pu les laisser me faire l’amour.

Je m’étais laissée embrassée, caressée, mais au moment de m’unir à eux, mon corps s’était braqué, comme s’il leur manquait un code secret qui leur permettait d’ « ouvrir la porte ».

Rodrigue l’avait pris assez sportivement, mais Hervé m’avait traitée de tous les noms d’oiseaux, entre autres, il avait estimé que j’étais frigide.

Non, je ne l’étais assurément pas.

La façon dont tout mon corps réagissait en présence de Malik le prouvait.

Et dire que je m’étais presque convaincue qu’il ne représentait plus rien pour moi.

-      J’avoue que je suis assez surpris. Jusqu’à ce que je te voie t’asseoir à cette table, je refusais de croire que tu étais la Wedding Planner qu’on m’envoyait rencontrer. Dit-il

-      Comme tu le vois, c’est bien moi…

Il me regarda intensément comme pour sonder mon âme.

Je détournai le regard faisant mine de regarder la mer qui s’étendait en face de nous.

-      Je me demande comment on passe de sociologue à organisatrice de mariage… ?

Oh c’est pourtant simple, quand un idiot brise votre cœur à tel point que vous ne prenez plus goût à vos études et trouvez refuge dans une autre activité pour reprendre pied dans la réalité! Avais-je envie de répondre

-      J’ai toujours aimé le design d’intérieur, la décoration d’évènements et mon sens de l’organisation a fait le reste, une opportunité m’a été donnée et je me suis lancée !

-      « Le Rêve de Liz » à entendre on aurait dit que tu en as toujours rêvé, or si mes souvenirs sont bons, tu voulais enseigner la sociologie…

Touché !

Il s’en souvenait.

-      Oh il faut croire que tu ne savais pas tout de moi dans ce cas ! Répondis-je nonchalamment

Il eut un regard vague, comme s’il se perdait dans ses pensées avant de dire :

-      C’est ce que je comprends.

-      Et puis…organiser des mariages est une activité bien plus lucrative que l’enseignement ! Conclus-je d’un ton léger.

Son visage se ferma brusquement.

Soudain il me parut impassible, sa voix aussi changea de ton, il se fit mesuré.

-      C’est donc ta principale motivation dans ce métier ?

-      On va dire ça !

Qu’aurais-je pu lui dire ?

Que l’échec de notre relation m’avait tellement affectée qu’organiser le mariage d’une compatriote amie à Max-Axel avait été un exutoire ? Une façon de me redonner confiance et de me dire que je pouvais au moins aider les autres à être heureux. Que l’expérience avait été tellement plaisante qu’elle m’avait redonné goût à la vie et le désir de recommencer ?

Ne serait-ce pas lui avouer à quel point il m’avait blessé ?

Non, Malik ne devrait jamais savoir combien il m’avait fait mal, jamais ! Je m’en fis la promesse.

Je ne pouvais cependant arrêter de me demander pourquoi le destin me jouait un tour pareil.

Pourquoi fallait-il que Malik et moi nous rencontrions maintenant ? En plein mois de décembre juste avant les fêtes de Noël qui signifiaient tant pour notre histoire, et pourquoi dans le cadre d’un mariage ?

-      Je vois ! Dit-il alors

Il y eut de nouveau un silence qu’il rompit en premier :

-      Ok. Alors je suis le cousin de Seck, et son meilleur ami en même temps. Il a décidé sur ton conseil de se retirer complètement de l’organisation de son mariage, me laissant la lourde charge de gérer cela avec toi. Malheureusement, je n’ai pas été très disponible ces derniers temps, mais je compte me rattraper, j’ai pris un congé spécialement pour ça. Je souhaiterais donc que tu me fasses un point de ce qui a été fait, ce qui est prévu et que tu me poses aussi toutes les questions que tu aimerais lui poser.

Le ton était donné.

Finies les retrouvailles, au boulot !

L’attitude de Malik semblait dire : « nous ne sommes là pour rien d’autre que le mariage de Seck ».

Tant mieux ! C’était aussi le fond de ma pensée.

Je n’avais pas demandé à Malik ce qu’il était devenu, cela ne me regardait en rien.

Je remarquai cependant qu’il ne portait pas d’alliance. Pourtant j’étais sûre qu’il était marié à Aïssatou, cette dernière avait veillé à ce que je sois tenue informée, mais aussi et surtout que j’ai sous le nez, les images de leur cérémonie de mariage. Mon cœur se serra en pensant à ces horribles moments.

-      Tout à fait d’accord ! Répondis-je en sortant mon bloc-notes et ma tablette électronique de mon sac à main.

Je posai la tablette électronique sur son socle et la fis pivoter vers lui afin qu’il puisse voir défiler les images.

Fébrilement, je fis défiler les pages du bloc-notes, puis le regardant de nouveau je commençai à présenter :

-      Comme tu le sais sans doute, je n’ai pas pu venir ici avant, mais de toutes les façons je pense être là assez tôt pour que tout soit ok. J’avais déjà travaillé avec Patou et Belinda pour la sélection des prestataires, et le programme. Voici la liste des prestataires sélectionnés avec les mariés et voici le déroulement de la cérémonie…

Il hocha la tête en prenant les documents. Son air concentré me donna l’impression une fois de plus qu’il devait avoir l’habitude de décider.

Je ne lui avais pas demandé ce qu’il faisait de sa vie, et c’était tant mieux ainsi, il ne fallait surtout pas qu’il pense que je m’intéressais à lui.

Après avoir étudié les documents, il me demanda d’un geste s’il pouvait consulter les images du « plan mariage » sur la tablette et je hochai la tête en signe d’assentiment.

L’air toujours aussi concentré, il étudia en silence les images.

Puis au bout d’un moment dit :

-      Sur le papier ça à l’air parfait…

 Mais ?

Son attitude me laissait comprendre qu’il ne comptait pas me prendre par le dos de la cuillère, et tenterait de me challenger pour voir ce que je valais réellement.

Il n’en fallut pas plus pour que les doutes qui m’assaillaient en début de journée soient balayés, je sentis renaître en moi la combativité.

A la guerre comme à la guerre mon cher Malik Tall !

Comme je pensais cela, l’ironie de la situation m’apparût clairement.

Malik et moi allions travailler à l’organisation d’un mariage, ensemble pendant près d’une vingtaine de jours&nbs

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