CHAPITRE 2: BENJAMIN

Write by L'UNIVERS DE JOLA

***CHAPITRE 2: BENJAMIN***


**BENJAMIN NGUEMA**


Moi: (Depuis la salle à manger) Les enfants, venez rapidement manger car on s'en va bientôt.


Je les vois descendre tous les trois de leurs chambres à l'étage vêtus de leurs uniformes scolaires. Daphnée a encore les cheveux en l'air et les garçons ont leurs chaussures et chaussettes à la main.


Daphnée : Papa, on fait comment avec mes cheveux ? Tata Kelly n'est pas venue me tresser le weekend et maman Dorcas (La petite sœur de sa mère) a dit hier que mes cheveux sont trop durs et trop longs pour qu'elle me tresse. Elle dit que ça lui fait mal aux doigts. On doit me mettre le produit pour ramollir sinon personne ne voudra me faire les tresses.


Moi: (Soupirant) On va faire le chignon.


Daphnée : (Boudant) Papa mes cheveux me font mal et puis le chignon va encore tirer.


Moi: Donc on coupe ?


Raphaël : (Le dernier, riant) Eh, si tu coupes les cheveux de D, elle sera bien vilaine.


Daphnée : Raph, je vais te talocher si tu parles mes choses.


Darnell : (Regardant sa sœur) Mais Raph a raison, tu sais que tu as les longues oreilles comme le lapin, si on coupe tes cheveux tu seras vilaine.


Daphnée : Il faut me laisser tranquille D, d'ailleurs si je suis vilaine avec les cheveux coupés c'est que toi même tu es aussi vilain vu qu'on a le même visage d'abord.


Darnell : Moi je n'ai pas les longues oreilles comme le lapin.


Daphnée : Papa tu vois non. Tu vois comment les garçons m'embêtent non?


Moi: C'est fini ma princesse, toi-même tu sais que tes oreilles sont jolies et c'est pour bien entendre. 


Raphaël : (Riant) Tu vois, même papa sait que tu as de longues oreilles.


Elle a ramassé un pouf et s'est mise à le poursuivre dans toute la maison pour le taper dessus. Je me suis mis à rire. On ne va pas se mentir, ma fille a de longues oreilles comme sa mère de qui elle a également hérité sa longue chevelure abondante et afro. Sa mère disait à l'époque que ses oreilles étaient aussi longues pour lui permettre de bien bloquer ses cheveux car elle n'aurait pas pu le faire avec des oreilles plus petites. Ce n'était pas par hasard. De plus, cela lui permettait de bien écouter ce que les gens disaient. C'était ses antennes. J'ai rappelé les enfants qui sont venus se mettre à table. Nous avons pris le petit déjeuner dans la joie et la bonne humeur. J'ai aidé les garçons à enfiler leurs chaussures et j'ai fait tant bien que mal un chignon à ma fille. C'est elle la plus désœuvrée dans la disparition de sa mère. Les garçons au moins ont des repères en moi et je m'en sors facilement avec eux vu qu'on est du même sexe. Mais Daphnée peine à avoir de repère car ma petite sœur Kelly et celle de sa mère Dorcas, bien qu'étant des femmes, ne lui ressemblent pas. Elles sont toutes les deux très claires de peau avec des cheveux lisses. Ma fille ressemble à sa mère, du moins en ce qui concerne le teint et les cheveux. Elle est assez foncée avec des longs cheveux afro. Ma femme avait elle-même hérité du teint de son père qui est très foncé alors que Dorcas a pris leur mère qui elle, est claire, plus les crèmes qu'elle ajoute donc elle est très claire. De mon côté, Kelly a pris notre mère qui est elle aussi claire alors que Damien et moi avons plus penché du côté de notre père qui lui a un teint normal . Ce qui fait qu'elle est complètement désorientée et ne sait trop quoi faire. Moi aussi je ne connais pas grand chose aux cheveux de femmes si ce n'est que Joliane avait de très jolis cheveux afro dans lesquelles j'aimais faire passer mes doigts et qu'elle disait qu'il en serait de même pour sa fille dont elle avait dit qu'elle ne mettrait jamais des défrisants sur les siens et en prendrait soin toute seule. J'ai essayé d'emmener ma fille dans un salon de coiffure mais là-bas on m'avait aussi conseillé de lui mettre un produit défrisant sur ses cheveux. Joliane me disait que c'était dangereux pour la santé donc j'avais refusé. C'est Kelly qui essaie de temps en temps de faire quelque chose avec ses cheveux même si elle se plaint de plus en plus de leur longueur et de leur volume. 


Après avoir fini de nous apprêter et d'avoir vérifié que leurs affaires de l'école étaient dans leurs sacs, nous sommes partis grimper dans le véhicule et j'ai mis le cape pour leur école. La voiture était animée par Daphnée qui est notre pipelette. L'enfant là parle beaucoup, on dirait une journaliste alors que son jumeau est plus posé. Lui c'est l'intellectuel. Toujours en train de porter correction aux gens, on ne dit pas comme ça, mais plutôt comme ça. On ne fait pas comme si mais plutôt comme ça. Monsieur Einstein. Ils ont 6 ans aujourd'hui. Quant à mon petit Raphaël, 4 ans, il est hyperactif et très taquin. Une vraie pile électrique. On l'appelle monsieur Duracell en référence à la pile, c'est-à -dire, infatigable. Mes débuts avec lui ont été difficiles. N'eut été la présence de ma mère et ma belle pour m'encourager à le prendre et le voir comme mon enfant, je ne sais pas si j'aurais pu, car je le considérais comme l'un des responsables de la mort de ma femme, mais bon j'ai vite oublié ça et aujourd'hui tout va bien. 


Nous arrivons à l'école et je vais les déposer jusqu'à devant leurs classes respectives. Après un dernier câlin, je me retourne et je m'en vais. Je suis presque au portail quand j'entends la voix d'une femme qui m'interpelle.


Voix: Monsieur NGUEMA svp.


Je me retourne et tombe sur l'institutrice des jumeaux. C'est une jeune femme très claire de peau, pas parce que c'est son teint, mais parce qu'elle a trop frotté des crèmes éclaircissantes. On peut le voir sur ses quintaux, coudes, oreilles, genoux et orteils qu'elle était autrefois noire de peau. Mais elle a tellement frotté que voici le résultat. Sa peau est presque translucide avec des veines vertes et rouges assez visibles à plusieurs endroits de son corps indiquant la fragilité de sa peau. Je ne comprends pas comment les femmes aiment prendre des risques inutiles comme ça et mettent leur vie en danger. Tu es née noire, vivant en Afrique dans un pays équatorial comme le Gabon c'est-à-dire très chaud, mais tu vas t'harsarder à aller te dépigmenter alors que ce sont ces pigments naturels qui t'aident à vivre ici pour ne pas te faire brûler par les rayons de soleil qui sont en Afrique. La question qui se pose c'est que "tu comptes sur quoi pour te protéger quand tu as toi-même tout détruit sur ton corps avec toutes les crèmes que tu frottes ? " Après tu les vois maintenant avec plusieurs couleurs sur le corps, tantôt rouge, tantôt noire, tantôt jaune et là c'est quand, elle ne sont pas brûlées ou ne finissent pas avec des maladies de peau beaucoup plus grave. Ou alors elles développent des odeurs corporelles très fortes qui n'arrivent pas à être masquées malgré les parfums hors de prix qu'elles mettent souvent. Nos sœurs ont besoin de suivis psychologiques pour être délivrées de certaines de leurs mentalités. De plus, rien de ce qui n'est sur celle-ci n'est naturel. En plus du teint qui est faux, c'est encore elle qui a de longs faux ongles, de longs faux cils , de faux cheveux, des lentilles dans les yeux , elle a enlevé les sourcils pour les dessiner avec du crayon rouge bordeaux et est excessivement maquillée. Tout est faux. Ne souffre-t-elle pas d'un trouble identitaire ? Ou bien ? En tout cas si quelqu'un a cette réponse, je suis preneur, je suis bien tenté de comprendre ce qui se passe dans la tête de cette femme. Je me dis que si c'est l'influence de la télévision et des réseaux sociaux, je suis bien content de savoir que mes enfants ne regardent pas ça, surtout ma fille. J'ai opté pour une méthode plus conventionnelle avec mes enfants, aucun écran pour eux, ils regardent les livres et ils s'en trouvent bien.


Moi: (Fronçant les sourcils, le visage fermé) Oui?


Elle : (Jouant avec ses yeux et son tissage, modulant excessivement sa voix) Bionjourr monsieurr.


Moi: (Impassible) Bonjour.


Elle : (Dans les mêmes tons) Excusez-moi de vous déranger, je voulais juste vous prévenir que dans deux mois, plus précisément à la fête de Noël, il y aura un spectacle et votre fille a été prise comme membre. Comme elle s'exprime avec une certaine aisance, elle a le premier rôle.


Moi: Je vois. Et en quoi suis-je concerné?


Elle : Elle aura des petits sketchs à apprendre par cœur mais elle m'a signifié que vous êtes quelqu'un de très occupé et que vous n'aurez pas le temps pour l'aider avec ça. (Battant énergiquement des cils) Donc je me propose de passer chez vous trois fois par semaine pour aider la petite, comme il s'agit également d'un rôle féminin. Bien évidemment c'est à titre gratuit, vous n'aurez rien à dépenser.


J'ai regardé ses simagrées pendant un moment avant de lui répondre.


Moi: (Visage fermé) Ce ne sera pas nécessaire, ma fiancée s'en chargera.


Son visage s'est décomposé à l'instant où j'ai sorti cette phrase et elle m'a regardé avec la bouche en O.


Elle : (balbutiant) Vous, vous, vous avez une, une fiancée ?


Moi: Oui.


Elle : (Surprise) Depuis quand ?


Moi: (Levant un sourcil) Ma vie privée vous concerne-t-elle ?


Elle : Euh


Moi: Je pense bien que non. C'est donc la première et la dernière fois que vous vous hasardez à me poser des questions aussi déplacées. Vous êtes l'institutrice de mes enfants et restez bien à votre place, en dehors de ce lien, vous et moi, on ne se connait pas et on n'a pas vocation à se connaître. J'espère que je me suis bien fait comprendre ?


Elle : (Honteuse) Oui.


Moi: Bien. Merci à vous pour votre proposition d'aide par rapport à ma fille mais comme je le disais tantôt, je n'en ai pas besoin car ma (articulant bien les mots) FIANCÉE s'en occupera. 


Elle : Ok.


Moi: C'est tout ?


Elle : Oui. 


Moi: Ok. Bonne journée!


J'ai mis mes lunettes avant de me retourner et sortir de l'école pour aller monter dans mon véhicule puis j'ai mis le cape pour mon entreprise. Naturellement ce que j'ai dit à cette femme est faux, mais il fallait rapidement que je calme ses ardeurs. Je voyais très bien qu'elle voulait me faire du rentre dedans comme la plupart de ses collègues avant elle. Ces femmes font des pieds et des mains pour d'essayer d'attirer mon attention mais je ne les regarde pas. D'abord parce ce n'est pas mon genre de femme, mais aussi et surtout, je suis un gars de la vieille école, c'est moi qui vais vers une femme pour lui dire qu'elle me plaît et j'aime savoir que j'ai quand même assez trimé pour mériter ma femme. Ce n'est pas le genre qui vient directement se jeter à tes pieds sans aucun effort. Tu lui as à peine souris que déjà elle enlève son haut pour te montrer ses seins. Tu dis bonjour et tu la couches le même soir. Les femmes aujourd'hui ne savent plus se donner de la valeur et moi je ne mange pas de ce pain là. 


J'ai continué mon chemin pour ma boîte,je suis dans l'import-export notamment dans tout ce qui concerne les outils, logiciels informatiques et appareils électroniques connectés ou non. Ça fait 7 ans maintenant que j'ai lancé ma boîte et aujourd'hui, je dois dire que je pèse quand même déjà assez lourd dans le domaine. Je côtoie déjà les grands et j'ai l'intention de monter un peu plus. J'arrive au boulot, je salue mon personnel qui me réponds chaleureusement avant de continuer dans mon bureau pour commencer ma longue journée de travail. Autour de midi, je prends ma pause où je déjeune avec Fresnel et Damien.


Fresnel : (S'asseyant en face de nous) Ça dit what?


Damien : Au calme.

Moi: Idem.


Fresnel : Vous avez déjà commandé ?


Moi: Non, on t'attendait.


Fresnel : Donc allons y car actuellement, je crève la dalle. (Interpellant une serveuse) Mademoiselle (Elle s'est approchée) Bonjour.


Elle : Bonjour messieurs.


Fresnel : On voudrait commander.


Elle : Il n' y a pas de problème. (Sortant son carnet et son stylo) Je vous écoute. 


Fresnel : Alors pour moi ce sera.


Il a passé sa commande avant que nous lui emboitions le pas. Elle est partie et est revenue un peu plus tard avec nos boissons et nous a demandé de patienter quelques minutes pour les plats. Nous avons échangé des sujets sur nos familles respectives. Damien et Fresnel ont chacun deux enfants avec leurs femmes un peu plus grands que les miens même si je me suis marié avant eux. Nous parlons également de nos boulots, Dam est DG d'une banque de la place et Fres DG d'un hôtel. Nous parlons jusqu'à l'arrivée de nos plats respectifs et nous commençons à manger.


Damien : Au fait, je fais un barbecue ce dimanche à la maison et vous êtes invités.


Fresnel : Nous seuls ou avec nos familles ?


Damien : Famille entière. Ce sera au bord de la piscine. 


Moi: Qui sera présent?


Damien : Bah vous deux déjà et vos familles, Kelly et Karl (son petit ami) , Leslie (la meilleure amie de Kelly) et les amies de Wendy (sa femme).


Fresnel : Célibataires ou mariées ?


Damien : (Me regardant) Aucune idée. 


Moi: Pourquoi tu me regardes?


Damien : (Souriant) il va imaginer quoi?


Moi: Hum. Je vous dis déjà que si c'est pour essayer de me présenter des filles, c'est mort.


Damien : On va te présenter des filles parce que tu es un bébé ? 


Moi: Hum. J'espère bien.


Damien : (Taquin) Mais sinon quand est-ce que tu nous présentes une fille ?


Moi: Je préfère ne pas te répondre.


Damien : (Riant) C'était une blague.


Moi: Il y a intérêt.


Nous avons changé de sujet avant de nous séparer après le repas. Je suis retourné au boulot où j'ai bossé jusqu'à la descente des enfants à 16h, je les ai récupéré et ramené avec moi au boulot. Nous y sommes restés jusqu'à 19h avant de rentrer à la maison. Ils se sont lavés, j'ai fait la cuisine ou plutôt j'ai réchauffé ce que j'avais préparé le week-end. Quand j'ai le temps en fin de semaine, je prépare en gros et je conserve au frais pour réchauffer en semaine les jours où je rentre tard comme aujourd'hui. Heureusement pour moi, ma mère avait tenu à ce que nous sachions préparer tous les trois sinon je ne sais pas comment j'aurais fait avec les enfants après la mort de Joliane. Quand j'ai fini, j'ai fait la table, nous avons mangé ensemble avant de faire la vaisselle. On a passé un temps de digestion avant que je ne les aide avec leurs exercices même si Darnell est beaucoup plus autonome et m'aide sur ce plan avec sa sœur et son frère. Quand c'est fait, ils vont prendre leurs livres et vont lire dans leurs chambres respectives. À l'heure du coucher, je vais les trouver tour à tour en commençant par Darnell et finissant par Raphaël.


Raphaël : (sur son lit) Papa ?

Moi: Oui mon grand ?


Raphaël : Maman, elle est partie chez Dieu? Mamie Judith (sa grand-mère maternelle) dit que maman est un ange dans le ciel et elle est partie chez Dieu pour nous surveiller.


Bien que j'ai une rage sourde lorsque j'entends quelqu'un me parler de Dieu, je me contiens. Mon fils est trop petit pour que je lui arrache sa naïveté en lui disant que Dieu n'existe pas et que sa mère est tout simplement morte. Je préfère qu'il pense qu'elle est un ange dans le ciel et qu'elle le protège.


Moi: Oui. Ta mère est dans le ciel. C'est un ange.


Raphaël : Maman était belle, non papa ?


Pourtant il a plein de photos de sa mère partout dans la maison et il sait à quoi elle ressemble, mais il y a des jours où ça lui prend de me poser de telles questions.


Moi: (Souriant) Elle était très belle. La plus belle femme qui n'ait jamais existé. Elle était noire comme D avec les longs cheveux qui lui tombaient dans le dos, elle était mince et grande de taille. Quand elle marchait, on aurait dit qu'elle faisait un défilé de mode et avait un sourire qui était tellement beau que lorsque tu la voyais, tu étais tout de suite content.


Raphaël : Elle m'aimait ?


Moi: Elle t'aimait beaucoup, beaucoup, beaucoup. 


Raphaël : J'aurais une autre maman ? Je veux une maman. Même D aussi veut une maman qui va lui faire des jolies tresses comme les autres filles à l'école.


Moi: (Cœur serré) On verra ça. Dors maintenant champion et fait de beaux rêves. Je t'aime.


Raphaël : Je t'aime aussi papa.


Je lui ai fait un bisou sur le front avant de me redresser, me diriger vers la porte, éteindre la lumière et sortir . Je suis descendu et me suis assis au salon après avoir pris une bouteille de bière à la cuisine. J'ai pris une photo de ma femme qui était dans un cadre et je me suis mis à la regarder pendant un moment. Elle me manque tellement. 


Moi: (Parlant à la photo) Si tu savais comme tu me manques Joliane. Les enfants et moi tenions le coup mais nous ne nous en sortons pas sans toi. Nous avons besoin de toi. Regarde Daphnée n'a aucun repère et presque personne pour l'aider à prendre soin de ses cheveux. Que dois-je faire ? Les couper? Darnell bien que ne montrant pas ses sentiments, je sais que lui aussi il voudrait que tu sois là. Ne parlons même pas de Raphaël qui, lui, te demande tous les deux jours (Essuyant une larme qui coulait de mes yeux) Et moi mon amour ? Moi je ne vis plus, ma vie n'a plus de sens sans toi, j'essaie de tenir le coup pour les enfants afin de faire bonne figure mais c'est dur. C'est si dur mon amour. Chaque jour passé sans toi à mes côtés est un véritable calvaire. La douleur de ton départ est toujours si vive dans mon cœur, elle ne diminue pas. J'ai l'impression qu'il y a un trou béant que rien ne peut combler. Jo, je donnerai tout pour t'avoir à mes côtés. Je


Ma gorge a été saisie par une forte vague d'émotions m'empêchant de poursuivre mes propos. J'ai serré le cadre photo et j'ai laissé libre cours à mes larmes en replongeant dans mes souvenirs avec ma femme. Cette femme était littéralement toute ma vie. C'est la seule femme que j'ai jamais connu. Nous sommes nés et avons grandi dans le même quartier. Nos parents étaient voisins. Elle Punu et moi Fang (groupe ethnique) . Nous avions un an d'écart. J'étais tombé amoureux d'elle quand j'avais 6 ans et lui avais déclaré ma flamme 6 ans plus tard alors que j'en avais 12. Elle m'avait dit qu'elle m'aimait aussi mais que nous étions trop jeunes pour ça. On devait attendre d'avoir au moins 18 ans pour en parler. Je grandissais avec l'idée que je ferai d'elle ma femme plus tard. Quand j'avais eu 14 ans, j'étais allée dire à son père que j'étais amoureux de sa fille et que je voulais avoir la permission de la fréquenter. Il savait que j'étais un jeune homme sérieux et il louait le fait que je sois allé le voir pour lui parler. Il m'avait donné son accord en me faisant promettre de ne rien faire de sexuel avant ses 18 ans. Bien qu'étant très dur avec l'âge qui avançait et les pulsions qui se réveillaient au fur et à mesure que nous grandissions et à cause de la proximité, nous avons tenu bon. Après quatre ans de relation chaste, nous nous sommes mariés à 18 ans pour elle et 19 ans pour moi avant de retourner à l'étranger pour poursuivre nos études. Elle a étudié la communication pendant que moi j'ai étudié le commerce. On avançait comme ça avant de revenir 4 ans après vu que moi j'y étais depuis 6 ans et elle 5 ans. Quand nous sommes arrivés, nous avons loué un petit studio. Elle a trouvé un poste dans une radio, pas en tant qu'animatrice mais elle y travaillait. Moi je ne voulais pas être un employé, je voulais être à mon propre compte et donc je faisais des petits boulots à gauche et à droite en travaillant sur mon entreprise. J'entendais des gens lui dire un peu partout qu'elle s'était mariée trop tôt, surtout avec quelqu'un qui n'avait pas de grandes ambitions, malgré mes diplômes, je me contentais de faire de petits boulots au lieu d'avoir un vrai travail. Que j'étais un rêveur qui allait la retarder. En plus je gâchais son avenir et sa beauté car une femme telle qu'elle méritait mieux. Heureusement pour moi, ce n'était pas des gens de notre entourage proche, c'était plus des collègues de bureau ou des amis éloignés. 


Joliane ne m'avait jamais rien caché et même quand son boss avait commencé à lui faire des avances à sa deuxième année de travail, elle me l'avait dit et avait même choisi de quitter son poste pour chercher ailleurs. Elle me disait qu'elle croyait en moi et qu'elle savait que j'irais très loin. Même si je n'avais rien à lui donner pour le moment et qu'il y avait des jours où on mangeait même du riz blanc ou du pain à la boite de sardines, ce n'était pas grave. Je me suis battu et j'ai lancé ma boîte qui avançait timidement au début avant de prendre, il y a 5 ans où elle a commencé à démarrer sérieusement. En parallèle, elle a toujours voulu avoir des enfants, très tôt après notre mariage, elle en voulait mais n'attrapait rien. Je tentais de la rassurer en lui disant que ça allait arriver tôt ou tard, que nous n'étions pas pressés et étions encore jeunes. Plus le temps passait, plus elle s'inquiétait. Elle était allée faire des examens et on lui avait dit qu'elle était stérile, pas infertile mais stérile. La cause? Des explications hypers compliquées auxquelles on n'avait rien compris. Je ne voulais pas y croire et je restais focus sur mon projet de société. Un combat à la fois. On réglait d'abord l'aspect financier et après on devait regarder de près cette affaire de stérilité. Sauf qu'elle avait croisé une ancienne amie de fac qui lui avait parlé de Jésus et avait décidé de se convertir et de partir à l'église. J'avais décidé de la laisser faire, si cela lui permettait de s'épanouir elle pouvait y aller. Je la voyais faire des jeûnes et prières à la maison pour être enceinte et également pour mes affaires. Au bout d'un moment, elle était tombée enceinte et c'était des jumeaux. La grossesse là avait été particulièrement pénible et elle souffrait énormément mais elle avait tenu bon et les enfants avaient vu le jour. Nous étions comblés, on avait nos enfants et les affaires démarraient peu à peu. Un an après, nous avons déménagé dans la maison dans laquelle nous habitons car vraiment la machine avait pris. Elle avait décidé de ne pas travailler pour le moment car elle voulait s'occuper des enfants. Elle était venue me dire qu'elle voulait d'autres enfants. Quelle était cette histoire ? Les jumeaux avaient tout juste un an et elle me parlait d'en avoir d'autres ? Après le calvaire de la première grossesse ? J'avais refusé. Pour moi c'était tout bon, on avait une situation financière stable, deux beaux enfants de sexe opposé, une belle maison, deux voitures. On n'avait besoin de rien d'autre. Mais c'était sans compter sur son acharnement qui l'avait poussé à se prendre un autre retard que je lui avais demandé d'enlever à la minute où je l'avais su . Elle avait refusé et on s'était vivement disputé pour ça. Elle m'avait promis que cette grossesse allait être différente de la première et c'était le cas. Raphaël ne nous avait pas emmerdés. Il avait été silencieux jusqu'à deux jours avant sa venue au monde. Ses douleurs étaient plus violentes que pour les jumeaux mais elle a essayé de résister le premier jour dans le silence. Je voyais bien qu'elle avait l'air pâle et s'arrêtait de temps en temps dans un coin de la maison pour attraper son visage mais quand je lui demandais si tout allait bien ou si je devais appeler sa mère, elle me disait qu'elle allait bien et que je ne devais appeler personne. J'avais cru l'entendre parler dans la nuit, la veille de son départ, en disant à quelqu'un qu'elle voulait une bonne personne pour ses enfants mais je n'avais pas prêté attention et le sommeil m'avait emporté. Le matin de son décès, elle parlait aux enfants comme si elle leur disait au revoir et à moi aussi d'ailleurs. Les choses du genre "n'oublie pas que je t'aime", " tu es et resteras mon seul amour", "N'oublie pas d'être heureux", "Il faut bien prendre soin des enfants ". Quand je lui demandais pourquoi elle disait des choses comme ça, elle me souriait en me disant pour rien. Jusqu'au moment où elle est allée à la chambre s'allonger et m'a appelé en hurlant quelques minutes plus tard, elle avait du sang qui coulait de ses jambes.  Nous étions partis à l'hôpital et la suite, on la connaît. J'ai vécu dans le déni pendant près de 3 mois et j'ai refusé de m'approcher de mon fils dont elle avait voulu qu'il s'appelle Raphaël. Je continuais de croire que si ma femme était morte, c'était par sa faute. D'abord, je ne voulais pas de cette grossesse, ensuite elle m'avait caché ses douleurs sous prétexte que si elle était partie un jour avant, il serait mort et enfin, elle avait dit au médecin de privilégier l'enfant à son détriment. Donc pour moi, il était le responsable. Mais les parents m'avaient dit que si elle s'était tant battue pour qu'il voit le jour , cela ne voudrait-il pas dire qu'elle estimait qu'il était important et qu'il serait dommage qu'elle soit morte pour rien ? C'était à partir de cet instant que j'avais reconsidéré mon opinion et changé mon regard sur lui. Au lieu de le voir comme le responsable de la mort de ma femme, j'avais décidé de le voir comme le trésor pour lequel elle était morte. Depuis, mes enfants sont toute ma vie. Ce sont les biens laissés par ma femme, mes plus grands trésors. J'ai essayé de me remettre , aidé par ma famille et ma belle famille , nous avons pu aller de l'avant et tenir le coup.  Je suis Benjamin NGUEMA, j'ai 34 ans, assis à la tête d'une entreprise prospère, papa de trois enfants, ayant des amis et une famille aimante. J'ai tout, sauf le principal, la raison pour laquelle je me suis battu toute ma vie, ma plus grande alliée, la personne qui me portait littéralement, l'amour de ma vie, la mère de mes enfants, ma femme. 


Moi: (Essuyant mes larmes en regardant sa photo) J'espère que tu te portes bien là où tu te trouves mon cœur…

MÈRE MALGRÉ MOI