chapitre 2 : Lola

Write by leilaji

LOVE SONG
Tome II
(suite de Xander et Leila + Love Song)

GABRIEL

Episode 2

J’ai sommeil et je suis fatigué. C’est la cinquième boite de nuit que je visite à la recherche de Lola. Je veux bien comprendre qu’elle a besoin de temps pour faire ses adieux à Mickael mais ce que je ne peux tolérer, c’est qu’elle coupe les ponts avec moi.

J’ai rencontré Lola, une chanteuse perfomeuse surdouée, il y a quelques temps de cela. Évidemment comme l’idiot que je suis, je suis tombé éperdument amoureux d’elle et j’ai mis fin à la relation tumultueuse que j’avais à l’époque pour pouvoir me mettre avec elle. J’ai produit ses premières chansons. Entre temps, elle a rencontré mon frère jumeau que je n’avais pas vu depuis des années et est tombée amoureuse de lui. Pour sa défense, même si on était jumeaux, on ne pouvait pas dire qu’on se ressemblait beaucoup. J’ai le teint chocolaté alors que lui était plus, comment dire, vanillé. Elle m’a laissé pour lui. Putain, j’en ai bavé quand elle a fait son choix. Je crois que de toute ma vie je n’avais jamais été aussi touché . Pour dire la vérité, c’était la toute première fois dans ma vie d’adulte qu’on me plaquait. J’ai tourné la page. On s’est concentré sur sa musique et mes spectacles et on a fait un carton ensemble. Tout aurait pu être rose bonbon entre nous trois, jusqu'à la fin des temps mais mon frère est mort quelques temps après son succès dans un stupide accident. Ca l’a brisée. Fin de l’histoire.

Lola ne chante plus donc je n’ai plus aucune prestation de disponible pour elle. Bordel, ca m’a vraiment tué de dire adieu au duo qu’on formait. J’ai tellement d’idées de spectacle pour elle et elle, elle ne veut juste plus me voir sous prétexte que je lui rappelle mon frère.  Mais que croit-elle ? Que moi je ne pense pas à Mickael quand je la vois. Que je ne me rappelle pas qu’on s’est disputé tous les deux pour l’avoir ? Que je ne regrette pas d’avoir perdu tout ce temps à le haïr au lieu de l’aimer. Mais c’est trop tard maintenant. Pourtant je fais face. Pourquoi ? Parce que je connaissais mon frère autant que lui me connaissait et je suis intimement convaincu que jamais il n’aurait souhaité la voir aussi malheureuse. Jamais.

Je sais aussi qu’elle a abandonné ses cours à la Fondation Khan. Ca ne lui ressemble tellement pas de baisser les bras. Comme le dit si bien Eloïse ma sœur ainée, elle a besoin que quelqu’un prenne soin d’elle le temps que les choses se remettent en place. Mais pour prendre soin d’elle, il faudrait d’abord que je sache où elle se trouve.

Ping ! L’écran de mon téléphone s’illumine. J’y jette un coup d’œil. Merde. Bellamy. Je l’avais complètement oubliée. Je me laisse le temps de trouver une bonne excuse puis fini par laisser tomber et ouvre son message. Autant l’affronter quand je peux encore lui répondre poliment.

Bee : Je dis hein, tu me prends pour ta conasse quoi !

Seigneur pourquoi la fille là est comme ça ? Preneuse de tête professionnelle. La moindre des peccadilles devient une dispute avec elle. Pourtant le premier jour où je l’ai rencontrée, j’ai été tout de suite attiré par la douceur qui se dégageait de son visage. Avec  ses traits fins et son corps de mannequin, elle était tout à fait mon genre. Genre que je regrette d’avoir approché, depuis que je sais à quel point elle est casse-c… ! je lui envoie un message pour la calmer.

Moi : Excuse-moi mon cœur. Je suis coincé avec une urgence. Je me ferai pardonner. Promis.

Le téléphone sonne. Waoh. Là elle rêve si elle pense que je vais décrocher. Avec elle, les choses ne sont jamais apaisées. Et je n’ai pas besoin de cris et de pleurs en ce moment. Je lui écris rapidement un second message.

Moi : Je te rappelle plus tard. Bisou mon cœur.

J’essaie de me détendre et lance une nouvelle fois l’appel vers Lola. Qui sait ? Peut-être que la chance peut me sourire et que par miracle elle décrochera. Ca sonne mais elle ne décroche pas. Ca m’énerve tellement. Je me rends compte qu’elle voit surement mon numéro s’afficher sur l’écran et qu’elle choisit délibérément de m’ignorer. La colère bout dans mon cœur. Je dépose le téléphone sur le siège passager pour ne pas être tenté de la rappeler. Ping ! Mon cœur bondit. C’est peut-être mon jour de chance. Je reprends mon téléphone pour y découvrir un message de Bellamy.

Bellamy : Salaud ! Décroche quand je t’appelle.
Bellamy : Gabie si tu ne décroches pas hein. TU VAS VOIR CE QUE JE VAIS TE FAIRE.

Je me retiens de rire.

Bellamy : Tu vas le regretter. Je SAIS ce que je VAUX. Tu sais ce que d’autres sont prêts à faire pour m’avoir ? CONNARD ! TU VAS LE REGRETTER. On ne me fait pas ça. Une femme comme moi qui a la tête sur les épaules !  TU TE PRENDS POUR QUI ?

Quoi elle est  sérieuse là ? J’inspire puis expire bruyamment et la rappelle.

— C’est quoi ton problème Bee?
— Tu te prends pour qui ?
— Non, toi tu te prends pour qui pour me menacer par message ?
— …
— Si tu sais ce que tu vaux va voir ailleurs si j’y suis. Libère moi de la grâce de ta présence. 
— C est ce que je vais faire.
— Alléluia.

Je suis tellement énervé que cela doit se ressentir dans ma voix. Jamais je n’avais haussé le ton avec elle. Je me suis toujours efforcé de me dire, elle n’est pas aussi stupide que tu le soupçonnes. Mais apparemment si.

— Mais tu … tu avais… tu … bégaie-t-elle soudainement intimidée par mon ton cassant.
— Je .. je .. je quoi ? je reprends.
— Est-ce que je te menace ? Je ne te menace pas Gabie.
— Quand tu écris en majuscule c’est pour faire quoi ? On a baisé, je veux jouer au mec sympa, t’inviter passer une bonne soirée sans te donner l’impression que je n’en ai rien à foutre de toi et ça devient une dette morale à base d’insultes et d’intimidation ? Tu te sens à l’aise avec moi au point de prendre tes aises pour m’insulter. Putain, tu ne me supportes pas, tu dégages c’est tout. Je ne t’ai pas attaché à moi. Parce que moi je suis bien élevé, je me soucie de ne pas te blesser , t es trop conne pour ne pas le comprendre ?
— Mais…
— Ne m’appelle plus jamais. Tu me rencontres, zappe moi. Passe loin. Ne me regarde même pas.
— Mais…
— Même bonjour. Laisse tomber. Oublie mon nom, oublie tout.
— Gabie…
— Gabie c’est le nom de ton chien ? Ou bien ce sont tes ovaires qui t’envoient des conneries dans la tête et te donnent des bouffées de chaleur. Ton cerveau a fondu ? Tu m’appelles encore Gabie c’est toi qui va voir ce que je vais te faire. Non mais attends, on est où là !!!

Je raccroche et je bloque immédiatement son numéro tout en me demandant pourquoi tout d’un coup je suis tellement sur les nerfs alors que je supportais ses conneries depuis le début de notre relation. Les femmes, elles sont toutes pareilles. Tu donnes ta main et elles veulent te bouffer le corps tout entier. J’ai toujours été un gentleman. Elles m’aiment pour ça. Pour mon coté courtois, ultra policé. J’ai perdu mon sang froid. Je n’aurai peut-être pas dû lui répondre ainsi. Mais ce qui est fait est fait. La seule personne qui m’importe en ce moment c’est Lola. J’ai d’autres boites à visiter.

*
**

Quelques jours plus tard

J’abandonne. Je n’ai pas eu de vraie nuit de sommeil depuis deux semaines. Je laisse tomber. Elle ne veut plus rien avoir à faire avec moi. Le message est passé cinq sur cinq. Moi non plus je ne veux plus la voir. Je raye Lola. Je ne vais plus me préoccuper de savoir si elle va bien ou pas et sur le plan professionnel, je vais trouver une autre artiste sur laquelle miser. Des talents, il y en a plein à Libreville. Il faut juste … que je me remette à chercher et que je comprenne une bonne fois pour toute qu’il n’y aura plus jamais de Lola et de Mister Chocolat.

Mon téléphone sonne. Sans quitter mon lit, je le prends sur ma table de chevet et décroche.

— Sérieux Eloïse, tu devais m’appeler depuis plus de trois jours. C’est l’argent qui te monte à la tête. Tu es trop occupée pour me passer un simple coup de fil ?
— Ah ca fait du bien… murmure-t-elle sans même me répondre.
— Tu es saoule ?
— Je suis enceinte idiot. Je ne peux pas être bourrée. Tu crois que le tortionnaire qui partage ma vie me laisse approcher d‘une bouteille ? C’est juste que ça me fait un bien fou d’entendre quelqu’un m’appeler par mon prénom et non pas mon surnom ridicule de l’école de mode. Audace par ci, Audace par là. Mugusi est dans une phase où il s’est mis à créer comme un fou et ca fait deux jours qu’il n’a pas dormi et il est tout le temps en train de me faire chier. Et j’ai les hormones en ébullition et je crois que je deviens folle. Ce matin j’avais envie de lui casser un vase sur la tête. Sérieux, j’avais même déjà soulevé le vase sans m’en rendre compte. Je l’ai tranquillement déposé sans rien dire et en remerciant Dieu de m’avoir arrêtée à tant. Si je le tue qui va encore m’épouser ?
— Bonne question…
— Ce n’est pas le moment de rire Gabie. Après avoir déposé le vase, je l’appelle. Le mec ne me répond pas. J’insiste, il ne me répond toujours pas. Pour blaguer je l’appelle : Monsieur Mugusi et c’est la où il me répond enfin pour dire avec un ton … genre : c’est la grossesse qui a fait disparaître le respect ? Il n’y a que ma fille qui pourra m’appeler comme elle souhaite. Gabie j’en peux plus de ce mec.  En plus je veux du chocolat et ça fait des jours qu’il me dit : attends que je finisse cette robe…  C’est quand je vais bouffer ses dessins qu’il va comprendre qu’il doit aller m’en acheter.

J’éclate de rire. Ma sœur aînée est le genre de femme grande gueule et prise de tête. C’est la reine des garces et elle ne s’en cache même pas. Elle n’a jamais aimé aucune de mes copines et passait son temps à changer de copains comme de rouge à lèvres. Dis comme ça, on peut la trouver inamicale mais en réalité je serai prêt à lui confier ma vie. Pour elle, la famille passe toujours avant tout. Je l’adore. Elle a enfin trouvé à qui parler en la personne de Mugusi, son fiancé. Je ne le trouve pas très clair ce mec, il est ... troublant. Un peu comme le serait un psychopathe. C’est un styliste mégalomane de renom qu’elle a rencontré dans une école de mode ici au Gabon. Ils sont à présent installés au Nigéria et vont bientôt se marier. Je ne lui pardonne pas d’avoir fait du mal à ma sœur à une période pas très lointaine en la quittant précipitamment mais je lui laisse le bénéfice du doute parce qu’elle va fonder une famille avec lui et que je ne l’avais jamais vu aussi heureuse et stable.

— C’est bon, tu as fini ? Tu as pu vider ton sac ?
— Oui… Merci. Désolée hein, fallait que ça sorte. Alors et toi comment ça va ?
— Ca va.
— Ton business ? Les amours ?
— Ca va.
— Tu mens très mal hein. Depuis petit d’ailleurs.
— Comment ça depuis petit…
— Quand tu mens tu ressembles à un chinois. Tes yeux s’étirent.
— Hahaha, très drôle… lui dis-je d’un ton monocorde pour qu’elle comprenne l’ironie.
— Dis-moi la vérité.
— Hum. Je cherche Lola et ça me rend dingue de ne pas pouvoir lui venir en aide, retravailler ensemble et tout ça… On formait un bon duo. Même Mickael voulait qu’elle travaille avec moi. Je ne vais pas trouver une autre Lola. Y’en a pas deux comme elle.
— Et c’est … tout ?
— Oui c’est tout. Que veux tu que j’ajoute ?
— Gabie… Tu cherches Lola juste parce qu’elle est seule et désœuvrée c’est ca. Rien d’autre ?
— Arrête avec tes sous entendus, lui dis-je agacé en m’asseyant sur le lit.
— Ok. Ok. C’était juste pour être sure. Bon, je te laisse, j’ai faim.
— Prends un peu de poids, ca va nous changer de ton squelette ambulant.
— Ouais c’est ca. C’est mon squelette ambulant qui commande dans ma maison. Ca me suffit.
— Commander le fou qui va te servir de mari ? Bonne chance.
— Ce n’est pas une affaire de chance mon petit. C’est une affaire de braguette.
— Quoi ? De quoi tu parles ?
— Il porte le pantalon quand il veut, il se ballade avec, fanfaronne autant qu’il veut. Mais le soir, c’est moi qui commande la braguette. Si je dis que ca reste fermé, ça reste fermé !
— Eloïse ! Parle pas de tes cochonneries avec moi. Je suis ton frère pas ton meilleur ami gay.
— Oh si on peut plus rire.
— …  sœurette… Si … je dis bien si un jour, il te fait encore du mal… ça va mal se passer pour lui.
— T’inquiète Gabie, répond elle après un moment de silence. Il ne m’en fera jamais volontairement.
— Ok. Je t’aime
— T’aime aussi.

Elle raccroche et je repose le téléphone sur la table de chevet. Ma barbe naissante me démange un peu et je passe ma main sur mon menton râpeux. Je vais passer à autre chose.  C’est dévidé !

La journée passe comme dans un mauvais film. Je cumule les conneries à rattraper car pendant un moment j’ai un peu perdu de vue mes objectifs de l’année. Mais il est toujours temps de se rattraper. Je réponds à mes fournisseurs impatients de recevoir leur paiement et je tiens une réunion avec les quatre employés permanents de ma boite. Je ne sais pas si cette année Madame Khan fera encore organiser la cérémonie de fin d’année de sa fondation. C’est le genre de budget qui me déstresse et me permet de payer mes employés pendant trois mois sans grincer des dents. J’essaie de la contacter pour avoir des infos et me positionner comme organisateur mais je tombe sur sa boite vocale. Ce n’est pas grave, j’ai d’autres manières de faire rentrer de l’argent dans les caisses de Valentine production. 

Mon téléphone sonne de nouveau. C’est un numéro qui m’est inconnu.

— Oui allo, dis-je en allumant mon kit main libre.
— Salut frangin c’est Prince. Je ne sais pas si tu vas te rappeler de moi. J’étais avec ton frère à Saint Cyr. C’est moi qui vous envoyais de ses nouvelles lors de ses missions.
— Oh Prince ! Ca fait des plombes. Comment vas-tu ?
— Bien et toi ?
— Ca va. On dit quoi ?

Je suis vraiment heureux de l’entendre. Plus d’une fois mon frère Mike était partie en mission sans nous donner de ses nouvelles. Ma sœur Eloïse ainsi que mon père en étaient très peinés à chaque fois et harcelaient le seul gabonais disposés à leur donner des nouvelles. Prince s’y pliait sans jamais paraître agacé. Mais à un moment donné, les missions de Mikael furent classées secret défense et lui aussi perdit sa trace. Nous ne nous sommes plus reparlé depuis des années. 

— Bah, la je suis rentré pour de bon. J’essaie de trouver mes marques mais c’est compliqué quand on a passé toute sa vie à l’étranger. Euh dis-moi…
— Oui je t’écoute.
— J’ai appris que Mike…
— Oui. J’ai perdu mon frère. Ca a été dur.

J’ai encore du mal à entendre les gens me demander si Mickael est mort. Souvent, je leur coupe la parole avant qu’il ne puisse prononcer le mot fatidique.

— Je suis vraiment désolé. Mes condoléances. On en aurait eu des choses à se raconter même s’il n’était pas très bavard. Ton frère c’était une putain de dingue dans les corps à corps et les missions d’exfiltration.
— Je ne le savais pas. Il ne parlait jamais de cette période de sa vie. 
— Bon si on allait prendre un verre. Je pourrais te raconter ses exploits ; ca serait aussi un moyen de lui rendre un dernier hommage. Sérieux. Je ne reconnais plus rien à LBV. Ca a trop changé.
— Oui il y a beaucoup de nouveautés. Surtout les coins chauds, ce ne sont plus les mêmes que dans les années 90...
— Mais il parait que tu es le roi de la nuit. Tu connais de bons coins ?
— Quelques uns. Va au No stress. C est facile a trouver, a l entrée du quartier Louis.
— Nahhhh. Je ne veux pas de coins où les enfants traînent hein. Est-ce que tu me comprends ? Parce que les rares fois où ton frère a parlé de toi là, t’es le genre propre sur toi et tout…
— Je te comprends mais …
— Type fais ça pour moi.
— Ok. Pas de souci. On se capte au Casino croisette à 23 heures si ça te va.
— Nahhh, les coins des blancs ? Suis pas trop chaud pour ça.

J’éclate de rire tout en continuant à taper un mail pour une proposition d’émission télévisée du style de THE VOICE à la première chaîne de télévision. Je sais qu’ils n’ont pas le budget pour ça mais je sais aussi que proposer des choses ouvre parfois des portes inattendues.

—  Laisse-moi te surprendre alors.
— Ok.

L’entendre me parler de coins chauds me rappelle que je m’étais un moment demandé si je n’allais pas ouvrir un cabaret. Organiser des spectacles paie occasionnellement. Mais avoir un club me donneraient des entrées régulières ce dont j’ai plus que besoin pour me permettre de miser encore sur un nouveau talent. L’idée me plait vraiment.

Il est 22 heures 50 lorsque je retrouve Prince au Casino. Je gare face à CK2 et le rejoins. On sent tout de suite qu’il n’a aucune envie de rester. Il n’est même pas rentré dans le casino. On ne s‘était encore jamais rencontrés. Les rares fois où on avait parlé ensemble c’était par cameras interposées.  On se  salue, un peu gênés. C’est difficile de ne pas directement penser à Mickael.

—  Bienvenu aux pays.
— Ouais ça fait du bien.

On remonte tous les deux et notre périple commence. Il me parle un peu de l’armée qu’il a quittée et moi je lui parle de ma boite de production et aussi un peu de Lola. Je n’ai pas pu m’en empêcher et il m’a avoué être tombé sur la vidéo de sa prestation qui a longtemps fait le buzz sur Youtube.

—  Ta boite m’intéresse beaucoup. J’ai un beau pactole de coté et j’aimerai bien l’investir dans quelque chose de sérieux. 
— Désolé mais je ne prends pas d’associé pour le moment et puis t’y connais quoi en musique ?
— J’étais dans la fanfare, dit-il avec un petit sourire mystérieux. Tu serais étonné de m’entendre jouer de la guitare acoustique. Et puis je suis un bosseur. S’il y a des choses à apprendre, je le ferai sans souci.
— Je vais y penser.   
— Et ta Lola je pourrai la rencontrer ? La voir sur un écran c’était déjà fantastique je dois l’avouer mais j’aimerai encore plus la voir en vrai.
— Elle ne veut plus bosser pour moi. C’est pour cela que je dois trouver de nouveaux talents. T’as même pas idée de ce que je serai prêt à donner pour qu’elle revienne à Valentine production.

Je l’emmène au Vamp vers deux heures du matin après la visite de deux boites pleines à craquer. Le Vamp n’est connue que des initiés et je voulais qu’il termine la soirée en beauté. Ici, il n’y a pas de gamins mais une clientèle faite d’hommes prêts à payer pour voir des filles se déshabiller. C’est un club de strip. Pas le genre d’endroit que j’aime fréquenter mais je sais que ça plaira à Prince.  

Dès qu’on arrive en plein centre ville, il descend de la voiture et entre dans la boite tandis que je prends le temps de chercher une place où me garer. Je perds du temps car la ruelle est complètement saturée par les grosses berlines des clients. J’entre quelques minutes après et dès les premières secondes, une terrible angoisse m’étreint les tripes lorsque je reconnais la voix qui sort des hauts parleurs.

Je vois Lola, qui est sur scène avec un verre à la main, à moitie nue. Elle chante de sa voix rendue rocailleuse par l’alcool tandis que trois filles se déshabillent dans le public. Ce n’est pas comme les clubs de strip qu’on voit à la télé. Non, c’est un peu plus glauque, plus sordide. J’aime pas ça. Qu’est-ce qu’elle fout là ? Prince qui s’est avancé au milieu de la salle est éclairé par un des néons blafards du plafond.

Comme la majorité des clients, je suis plongé dans le noir,  Lola ne peut donc pas me voir. Elle est toute entière concentrée sur Prince pour qui elle a apparemment décidé de chanter. C’est moi qui lui ai appris à se choisir une personne dans la salle, pour éviter de se laisser distraire par le brouhaha ambiant ou les allés et venus des serveuses.  Mais je ne pensais pas que ca lui servirait à chanter un jour dans un club aussi… bref.

Elle vide son verre et continue de chanter…

I've been here before
Je me suis retrouvé là auparavant
But always hit the floor
Mais j'ai toujours heurté le sol
I've spent a lifetime running
J'ai passé toute une vie à fuir
And I always get away
Et je m'enfuis toujours
But with you I'm feeling something
Mais avec toi je ressens quelque chose
That makes me want to stay
Qui me donne envie de rester

If I risk it all
Si je prends tous les risques
Could you break my fall?
Amortirais-tu ma chute?

Et la, tandis qu’elle chante pour lui, qu’elle lui demande d’amortir sa chute comme si elle savait qu’il était là pour elle, je me rends inexorablement compte que mes sentiments pour Lola depuis longtemps enfouis au plus profond de moi refont surface maintenant que Mickael n’est plus la et que je lai retrouvée, elle.

La seule question que je me pose c’est : Ai-je le droit d’aimer celle qui a été la plus belle chose qui soit arrivée à mon défunt frère ?
La réponse  est non. Ça ne se fait pas.

La chanson se termine quelques minutes après et la salle sort de sa transe. Les applaudissements sont plutôt nourris pour un club de strip. Elle n’a même pas eu besoin de danser. Seule sa voix les a  envoutés. Prince semble sortir aussi de sa torpeur et revient vers moi, tandis que je suis resté figé à l’entrée à coté du videur ultra baraqué.

— Elle a une putain de voix cette fille. J’ai rien compris à ce qui m’est arrivé… Sérieux j’ai carrément oublié où on était.
— Oui je sais. C’est Lola.
— La Lola de la vidéo de youtube ? s’exclame –t-il. Mais que lui est-il arrivé ? Que fait-elle ici ?
— Ca fait des mois que je la cherche et je la retrouve dans un club de strip...

Je comprends enfin que même si je l’avais retrouvée plus tôt, jamais elle ne m’aurait suivi. La Lola que je vois sur un coin de la scène n’est pas la Lola que je connais.  La fille qui a élevé toute seule son fils sourd n’est pas celle qui chante en soutien gorge devant moi, un verre vide à la main.
Elle se lève et chancèle un peu sur ses hauts talons. Je suis quasiment hypnotisé par la fine dentelle de son soutien gorge.

— Je crois qu’elle est saoule, me fait remarquer Prince.
— Si je m’approche d’elle pour l’aider, elle va encore disparaître.
— Et si je te la ramène ?
— Pardon.
—  Je te la ramène. Je la convaincs de revenir chanter avec toi… dit-il sans la quitter des yeux.

Je n’aime pas sa manière de la regarder. Je suis … jaloux.

— Voila le deal Gabriel. Tu me donnes trois mois pour la faire de nouveau chanter pour toi et si j’y arrive, tu me laisses entrer dans le capital de la société.
— Tu ne connais pas son histoire... Tu n’y arriveras pas.
— Je crois que c’est toi qui ne me connais pas, affirme-t-il avec un petit sourire en coin.

https://www.youtube.com/watch?v=8jzDnsjYv9A

A bientôt
Leilaji.

On aime (pour me faire plaisir), on commente (pour débattre avec les autres et donner son point de vue), on partage (pour faire découvrir l’histoire).

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