Chapitre 2 : Un royaume en deuil
Write by Mandy93
Chapitre 2 : Un royaume en deuil
***Le lendemain matin ***
Baudelaire Soupo
[kokoriko]
J’ouvre les yeux aux premiers chants du coq et les souvenirs de tout ce qu’il s’est passé hier refont surface dans ma mémoire. Je soupire bruyamment avant de me redresser et de m’asseoir sur ma couche, les pieds touchant le sol. Je n’arrive pas à croire que le titan de ce royaume n’est plus… Pour le moment la nouvelle est tenue secrète car le roi doit être enterré avant que la nouvelle ne soit relâchée, et ce dans les 3 jours après sa mort. Je me lève et me prépare pour me rendre au palais. Nous avons fait appel aux mumatis, 3 frères qui maîtrisent l’usage des huiles particulières. Ils sont arrivés au palais en pleine nuit pour ne pas être vus de la population. C’est eux qui enduiront le corps du roi afin qu’il ne commence pas à se détériorer.
Une fois une douche rapide prise, je sors de ma chambre dans l’optique de me rendre au palais. Aussitôt , ma femme qui était déjà debout m’accueille en me scrutant comme un lazer.
Irène (souriante) : Bonjour chéri, bien dormi ? [s’approchant de moi] Tu es bien matinal aujourd’hui dis moi...
Je fais de mon mieux pour ne rien laisser paraître mais à voir comment elle me dévisage, je sais qu’elle se doute que quelque chose ne va pas. Si je ne la connaissais pas depuis toutes ces années, j’aurai juré que c’est une sorcière.
Moi (répondant à son sourire) : Bonjour très chère, la nuit était calme… Oui je dois me rendre au palais pour une réunion.
Irène (se dirigeant vers la cuisine) : Dans ce cas ton petit déjeuner est prêt, tu peux manger avant de…
Moi (la stoppant) : Non, pas ce matin femme ! Je dois y aller.
Elle se retourne et revient vers moi en tordant sa bouche.
Irène : Hum ! Okay oh mon mari ! Façon tu m’appelles déjà femme là, je comprends que ça ne vaut pas la peine d’insister.
Une fois qu’elle est à mon niveau, elle me caresse le bras…
Irène (ton douceureux) : Ça n’a pas l’air d’aller… Je te connais si bien chéri, tu sais que tu peux tout me dire… [se raclant la gorge] Il y a un problème au palais ?
Quoi qu’on dise la femme c’est la femme. Elle sait comment m’avoir avec sa voix mieleuse et persuasive. Voyant que je suis sur le point de flancher, je décide de sortir de là sans rien ajouter.
Irène : Mais ?
Moi (passant la porte) : À plus tard, la réunion c’est pour bientôt ! Je n’ai pas de temps à perdre avec les questionnements inutiles des femmes.
Je l’entends pousser un soupir, sûrement de frustration. Il faut dire que ma femme aime bien tout savoir et étant le plus proche notable du roi, elle a réussi quelques fois à avoir la primeur de certaines infos; mais cette fois ci, ça ne marche pas. Les mains croisées au bas de mon dos, je fais quelques pas avant de tomber sur ma fille qui rentre de la rivière avec un seau d’eau sur la tête.
Rena (souriante): Bonjour papa…
Moi (continuant mon chemin d'un air ailleurs) : Hum…
Si seulement tu savais ma fille, le jour n’est pas bon…
Irène Soupo
D’un air pensif, je croque un morceau de pain beurré. Qu’est ce que Soupo me cache ? Je connais mon élément, et je sais que quelque chose a dû se passer vu la tête qu’il fait depuis hier nuit. Mais quoi ? Je ne sais pas.
Rena (entrant dans la cuisine) : Bonjour maman…
Moi (douce) : Bonjour ma fille ! Tu es réveillée depuis ? Je vois que tu étais à la rivière…
Rena (posant le seau près des bidons pleins d’eau) : Oh oui mama…
Moi (fière ) : Je ne peux qu’être fière de la bonne éducation que je t’ai donnée . Elle sourit simplement avant de venir s’asseoir près de moi pour manger.
Rena (buvant du lait) : Maman, j’ai croisé papa en arrivant… Il a un problème ?
Moi (la regardant) : Tu as aussi remarqué mama ? Je n’en sais rien… il n’a rien voulu me dire. Mais quelque chose me dit que le problème vient du palais. Il est comme ça depuis qu’il est rentré de là hier soir.
Rena : Hum!
Moi : Finis de manger tu vas sur place voir ton amie, elle doit savoir quelque chose. On doit en savoir plus.
Rena (acquiesçant) : C’est même vrai maman. Romuald est où ?
Moi (soupirant) : Je n’ai pas vu le paresseux depuis le matin. Sûrement il dort encore! Moi je ne le comprends même pas. Quelqu’un pour qui j’ai de grands projets…
Nous terminons de manger en parlant de tout et de rien avant qu’elle ne s’en aille au palais. J’ai hâte qu’elle rentre me donner les news… Je m’assois dans la cour et commence à découper des légumes en attendant qu’elle rentre. Elle arrive quelques minutes plus tard, l’air dégoutée. Sentant que la nouvelle n’est pas favorable, je pose le couteau dans le plateau en fronçant les sourcils.
Moi (la regardant) : Quelles sont les nouvelles ?
Suspendue à ses lèvres, les battements de mon cœur s’accélèrent presque.
Moi (insistant) : Parle mama ! C’est grave ?
Rena (s’asseyant près de moi) : Maman on ne m’a pas laissé entrer.
Moi (sursautant) : Hein? Depuis quand ? Ils t’ont bien vu ? Tu leur as dit que tu voulais voir leur princesse ?
Rena (dépitée) : Mais bien sûr mama. Ils me connaissent… Ils m’ont demandé de rentrer chez moi sans autre forme de procès.
Moi (soupirant) : Fhum !
Là, ça ne sent pas bon. [le regard perdu dans le vide] J’espère que rien de grave n’est arrivé…
Romuald (sortant de sa chambre en s’étirant) : Bonjour tout le monde!
Rena (du bout des lèvres) : Bonjour…
Moi (sèche) : Ah ! Monsieur le star est enfin debout. [Piaffant] Le soleil est déjà bien haut dans le ciel et toi tu dors encore ? C’est vraiment toi la paresse !
Romuald (arquant le sourcil) : C’est arrivé là bas ? J’étais fatigué nor la mère !
Moi (énervée) : Tous les jours tu es fatigué ? Vas me fendre le bois tout de suite, je vais cuisiner.
Romuald (me regardant) : Mais… La mère je n’ai pas encore mangé…
Il est entrain de m’énerver celui là, en plus je ne suis pas au courant de ce qu’il se passe au palais. Tout ça me saoule, je me saisis de mon couteau et le gronde en l’agitant.
Moi (le fixant) : Ne me provoque pas ce matin mon cher ! Tu comprends ? Vas me fendre le bois tranquillement. À l’heure où on petit déjeune toi tu dors et moi je dois t’attendre pour cuisiner ?
Romuald (abattu) : Mais… C’est toujours pour le sommeil là que tu me parles comme ça aujourd’hui?
Moi (faisant mine de me lever, l’air menaçante ) : Tu es encore là ?
Il disparaît sans demander son reste.
Moi (le regardant, le mine froncée) : Paresse !
Rena (arrangeant les légumes) : Mama calme toi…
Je n’y arrive pas. Mon cœur chauffe trop car des choses se passent et je ne suis au courant de rien.
*** Palais du royaume Heriba***
Prince Willem Ombessa
Aujourd’hui ça fait trois jours que notre père, le roi s’en est allé. Nous sommes réunis dans la stricte intimité pour le mettre en terre, tous vêtus de noirs. Les visages sont ravagés par la tristesse, les yeux rouges qui ne peuvent verser des larmes… Maman semblent avoir perdu des kilos depuis sa mort. En même temps c’est normal, elle refuse de s’alimenter d’après ce qu’on nous a dit. Kirill et moi la soutenons tandis que Rosemonde est à genoux près du cercueil de père. Il est tout frais, merveilleusement bien vêtu… Il semble si paisible, comme s’il dormait. Les mumatis sont là eux aussi, c’est eux qui le mettront en terre, c’est d’ailleurs ce qu’ils s’apprêtent à faire. Le soleil est sur le point de se lever, et il doit être recouvert avant qu’il ne fasse totalement jour.
Mère (se tordant dans tous les sens) : Mon roi…. Où allez vous ? [la main sur le cœur] Aïe ! Quelle douleur !
Les notables ont les têtes baissées, nous écoutons en silence les lamentations de mère… Le tonnerre gronde une fois que son cercueil touche le fond du trou qui a été creusé à cet effet.
Baba Sikati (agitant une branche de l’arbre de paix) : Silence ! [parlant en dialecte] Le grand roi est désormais auprès de ses ancêtres.
Il boit un liquide dans une vieille corne d’animaux avant de nous arroser avec en utilisant sa bouche comme projectile. Je ferme les yeux en serrant les lèvres. J’ai horreur de tout ça ! Heureusement que ce n’est pas moi le prince héritier.
Baba Sikati (croquant une noix de kola) : Que l’odeur de la mort s’éloigne de la famille royale !
Une fois que père est entièrement recouvert sous nos yeux, baba reprend la parole.
Baba Sikati (nous regardant) : Ma reine, comme vous le savez déjà, une fois que le prince héritier aura une épouse il sera couronné! Il a trois mois pour cela, car le trône a besoin de son nouveau roi.
Trop touchés pour dire quoi que ce soit, nous écoutons en silence.
Baba Sikati (reprenant) : Comme il est de coutûme, la reine sera vêtue de blanc uniquement, et ce pendant deux ans! Il n’est pas possible pour elle de se remarier à quiconque, donc elle reste la femme du roi jusqu’à sa mort !
Notable Pembo: Cela va de soit baba Sikati.
J’ignore si son intervention était nécessaire, mais bon. Nous quittons les lieux après que toutes les recommandations aient été données. Rosemonde et mère rejoignent leurs appartements tandis que les notables, mon frère et moi nous arrêtons au milieu de la cour. La cour royale ne sera accessible qu’après que mon frère ait été couronné.
Notable Soupo (l’air abattu) : Il est tant d’envoyer le messager annoncer la nouvelle dans tout le royaume.
Kirill (détaché) : Faites donc ça, notable Soupo.
Notable Soupo (s’inclinant) : Bien mon prince…
Kirill : Vous pouvez vous en aller chers notables, l’épreuve a été difficile pour nous tous…
Chacun s’incline avant de tourner les talons.
Kirill (me regardant) : Ça va petit frère ?
Moi (triste) : Ça ira…
Kirill (me prenant dans ses bras) : Soyons forts pour mère et Rosemonde… Tout ira pour le mieux…
Moi (le cœur serré) : Ouais…
Voyant que son étreinte s’éternise, je le repousse gentiment.
Moi (taquin) : C’est bon, je vais bien. Trouve toi une femme au lieu de me serrer comme ça !
Kirill (pouffant) : C’est un petit problème bro ! Les femmes, il y en a à foison dans ce royaume.
Moi (rigolant) : Ouais… Et tu as une idée de qui pourrait être l’heureuse élue ?
Kirill (sur de lui) : Non, je n’ai pas encore trouvé cette perle… Mais je sais que ça ne saurait tarder…
Moi (le regardant) : Donc parmi toutes tes conquêtes tu ne juges aucune digne d’être ton épouse ?
Kirill (avec mépris) : Aucune, non… C’est juste un passe temps…
Moi (fronçant les sourcils) : Jouer avec les cœurs des gens n’est pas digne d’un prince Kirill !
Kirill (s’en fichant) : À ce que je sache, je n’ai forcé personne à partager ma couche ! [ se vantant] Elles se jettent toutes à mes pieds, et ce sans efforts ! Je n’ai jamais rien promis à aucune de ces filles sans valeur.
Moi : En même temps tu es le prince héritier ! Qui peut te dire non ?
Kirill (rigolant) :…
Moi (pensif) : Ce n’est pas un bon mode de vie bro… Il faut parfois avoir de la retenue. As tu idée du nombre de filles dont j’ai rejeté les avances ?
Kirill (souriant) : Ça c’est toi bro ! C’est ton choix, et le mien est bien loin du tien.
Moi (le fixant) : Il y a certaines choses qui attirent des malédictions dans la vie !
Kirill (pouffant) : Laisse tomber ! Bon j’y vais…
Je le regarde s’en aller d’un pas majestueux. J’espère seulement qu’un jour il ne regrettera pas tout le mal qu’il fait aux jeunes filles…
Papa Monila
C’est le cœur lourd que je sors du palais, mon petit tambour bien accroché autour de mes reins à l’aide d’une corde solide faite de peau de crocodile. Le soleil se lève à peine, les premiers chants de coqs percent déjà le calme du village. Ça fait plus de 50 ans que j’exerce cette fonction de messager du royaume, annonçant bonnes et mauvaises nouvelles à la population. Ce matin particulièrement j’ai du mal, car le roi Raymond avait vraiment tout mon respect et, sans mentir, c’est toujours un choc d’annoncer les mauvaises nouvelles. Torse nu, j’ai pour seul vêtement un pagne noué autour de mes reins et porte à mon cou un collier fait de perles noires. J’entame ma ronde d’un pas triste, ma voix perçante et empreinte de douleur voilée s’élève au rythme des battements du tambour.
Moi (criant) : Ayyaaaaaa olélélé…. Ayyaaaaaa Olééé
[Tapant le tambour]
Moi (marchant) : Habitants du royaume d’Heriba, sorteezzz….. Le royaume vient de perdre son gardien protecteur….
[Tapant le tambour]
Moi (élevant un chant de lamentations) : Ayyaaaaaa Olélélé….. La tête du royaume est tombéeeeee…
Au fur et à mesure que je passe devant les habitations, les gens sortent de chez eux et me regardent horrifiés, d’autres ont les mains sur la tête en signe d’abattement, de deuil.
Une maman (criant) : Eeehhhh
Je continue mes lamentations sans leur prêter attention, bientôt mon fils prendra la relève, je me fais déjà trop vieux pour cela…
Moi (tapant le tambour) : Vous avez jusqu’à midi pour approvisionner vos cases en eau, vivres car dans les sept prochains jours, personne ne sera autorisé à s’en procurer ! Personne dans les rivières, tous les marchés fermés, personne ne cultivera ni ne récoltera. [tapant le tambour] Ayyaaaaa… Aucune larme n’est autorisée !
D’autres cris s’élèvent dans le royaume. Chacun prend conscience des jours difficiles qui s’annoncent. [Tapant le tambour]
Moi : Tout le royaume d’Heriba est en deuil !