
Chapitre 22 : Les fantômes ont parfois un parfum familier
Write by Nobody
— Oh.
C'est le seul son qui est sorti de sa bouche quand son regard à croiser le mien. Oh, le seul son qu'elle a laissé s'échapper alors que je la toisais de haut en bas et qu'elle faisait pareil également. Je poursuis mon inspection et je fronce discrètement les sourcils en me rendant compte que la petite avait évolué. Que cela soit dans sa façon de s'habiller -n'est-ce pas un sac dior que j'aperçois dans ses mains- sa façon de se tenir, et même son corps faut l'avouer. Quand je l'avais connu elle et moi on concurrençait sur le niveau de fesses mais aujourd'hui là devant moi je vois qu'elle a pris des formes et malheureusement cela lui va à ravir.
— C’est donc toi le fameux prof particulier de ma petite sœur ? Eh ben…
L'ambiance venait de changer, une fois l'effet de surprise dissipé elle avait maintenant adopter un attitude hautaine ce qui me surprend. Dans cette histoire, c'est moi et seulement moi la victime, mais elle avait l'air d'avoir oublié les faits passés.
Je la regarde à nouveau. Sa voix. Son visage. Ce rictus de dégoût que je ne connaissais pas jusqu'aujourd'hui et qui semblait ne plus vouloir la quitter. Inès. Elle est là, debout devant moi, me toisant. Ses bras croisés, son regard hautain avec un vague air joueur. J’ai connu ce regard. J’ai aimé ce regard. Et j’ai souffert de ce regard.
Je me racle la gorge.
— Inès. Ça fait… longtemps je me contente de dire
— Trois ans, pour être précise. Mais bon, qui compte ?
Elle sourit. Pas un vrai sourire. Un truc qui dit "je t’ai pas oublié" mais pas dans le bon sens.
— Donc t’es devenu pédagogue. Prof à domicile. C’est sympa ça. Et en plus… c’est moi qui te paye quelle ironie. Te rends-tu compte que c'est la salope, écervelée et maudite qui te paie chaque fin du mois ? me demande-t-elle en éclatant de rire
Je serre les dents en l'entendant me rappeler les mots avec lesquels je l'avais qualifié avant de lui dire que je ne voulais plus jamais entendre parler d'elle. Mais ce soir, je n'ai pas envie de tomber dans ses petits jeux. Pas aujourd’hui.
— Je savais pas que c’était toi la sœur de Sandra je lui dis feignant de ne pas avoir attendu tout ce qu'elle venait de sortir
— Évidemment que tu ne savais pas. Moi non je ne savais pas que tu étais ce super prof dont elle ne cesse de me parler, faut dire que à la maison elle parle de toi avec ton autre prénom Victor, et combien de Victor il y a ici à Pointe noire ? Je n'aurais jamais pu imaginer qu'elle parlait avec autant d'admiration de mon ex Moussif. Tu t’imagines si j’avais su que c’était toi que je rémunérais ? J’aurais pris quelqu’un d’autre. Ou j’aurais juste appris à cette gamine à se débrouiller seule. De toute façon, elle en fait qu’à sa tête.
Je la regarde un moment sans répondre. Je me sens vidé d’un coup. Ce face-à-face me serre le cœur. Une partie de moi aurait voulu la revoir différemment. Peut-être dans un autre décor. Une autre vie. Où on aurait pu s’asseoir, se parler, se demander comment on en est arrivés là. Mais là, maintenant, y a rien à sauver. Juste une tension entre nous, électrique, prête à exploser à la moindre étincelle. Je ne comprends d'ailleurs pas cette animosité qu'elle semble nourrir à mon égard.
— Écoute moi très bien Inès, je suis là pour aider ta sœur à réussir. C’est tout, rien d’autre.
— Je vois. Le prof modèle. Le héros des chiffres. C’est mignon, ça te va bien. Mais tu resteras toujours trop… toi.
Elle se retourne avant que je ne réponde. Elle claque la porte de leur salon avec une nonchalance qui me donne envie de frapper dans un mur. Je me masse les tempes. C’est pas le moment. Pas ici. Pas maintenant.
Sandra revient alors des toilettes au même moment.
— Vic, vu que tu es toujours là tu peux m'expliquer un truc sur mon cours de compta s'il te plait ? J'avais oublié de te montrer.
— Ouais… Ouais, vas-y.
Je m'installe à nouveau et elle me montre ce qui lui pose problème. On bosse dessus pendant un bon moment. Des exercices de compta de base, quelques explications sur les bilans. Elle est vive, attentive, même drôle parfois. Mais j’arrive pas à décrocher de cette tension dans ma poitrine.
À la fin du cours, je ferme le classeur et la regarde. Elle lève les yeux vers moi.
— Ta sœur… elle vit avec vous ? je demande innocemment
— Non elle a déménagé depuis 4 ans je crois, elle habite dans une résidence là-bas seule et quand elle a le temps deux fois dans l'année elle passe voir sa famille. Comme une corvée qu'on remplit difficilement quoi tu vois le genre
Je fronce les sourcils. Ce n'est pas possible qu'elle ai déménagé depuis 4 ans, on s'est quittés il y a trois ans et avant ça elle me disait qu'elle vivait avec ses parents, des fois on ne pouvait pas se voir parce que sa mère, malgré son âge lui refusait de sortir. Etait-ce faux tout ce qu'elle me disait ou alors c'est Sandra qui se trompe simplement sur les années ?
— Elle paie tes études ?
— Disons que c’est son nouveau chéri qui paie. Un blanc bien friqué. Ça lui fait plaisir et elle en profite.
Je hoche la tête, pensif.
— Elle a toujours eu… ce genre de relation ? je dis prudemment
Sandra s’arrête. Elle me fixe longuement. Puis elle baisse un peu la voix. Elle regarde autour, s’assure qu’Inès n’écoute pas, puis elle continue.
— Inès… elle a eu beaucoup d’histoires. Elle change de mec comme de chemise franchement faut se le dire et ce n'est pas parce que c'est ma supposée sœur que je prendrai des pincettes. Donc oui elle a l'habitude de les collectionner mais une fois, y a eu un gars. Il était très gentil avec moi et tout le monde ici à la maison, en plus maman disait qu'il était stable. Il voulait l’épouser. Il avait même parlé de ça à maman. Je l’aimais bien, lui.
Mon cœur rate un battement.
— Il s’appelait comment ?
— Renaud, un Togolais. Il vivait à Lomé. Je crois qu’il voulait qu’elle le rejoigne. Elle a failli accepter. Puis un jour, plus rien. Elle lui a fait le coup du silence. Comme d’habitude quoi dit-elle en haussant les épaules
Je sens mon estomac se tordre. Renaud. Ce n’est pas le gars que j’avais surpris à l’époque. Ce n’est pas lui qu'il l'avait amené à cet hôtel et la tripotait aux yeux de tous comme si elle lui appartenait, ce n'est pas celui qu'elle embrassait avidement et pour qui elle faisait des danses torrides dans les vidéos qu'on m'a envoyé.
Je me demande comment Sandra fait pour avoir toutes ses informations et la véracité de ce qu'elle dit, c'est vrai elles n'ont pas l'air proche, Sandra ne semble pas particulièrement affectionner sa sœur de la façon dont elle parle d'elle, elles se voient pas beaucoup d'après elle alors comment sait-elle tout ça ? Toutefois, je me tais et je la laisse continuer.
— Tu sais, moi j’ai que 16 ans, mais j’observe et je garde tout dit-elle simplement comme si elle avait lu dans mes pensées
Je souris. Un sourire amer. Mon cœur est lourd. Je fais semblant de me lever pour partir mais j’ai juste besoin de reprendre mon souffle.
Combien ? Combien y en avait-il eu ? Combien de fois elle m’a menti pendant qu’on construisait nos plans de mariage ? Pendant que je me tuais à lui trouver du boulot, à chercher un appart, à mettre de côté pour qu’on vive ensemble ? Pendant que je suppliais carrément pour rencontrer sa famille ne serait-ce que pour me présenter et parler de l'avenir que je veux avec leur fille.
Je croyais que j’avais guéri. Mais la vérité, c’est que j’avais juste refermé la plaie sans la soigner. Et là, ça s’infecte. Ça brûle. Ça me nécrose le cœur.
Je dis aurevoir et je sors sans un regard en arrière. Je sors vite. J’ai besoin de respirer, besoin de parler à quelqu’un. À Chris.
Je l’appelle.
— Bro. Viens au restau du coin là. Le mood. J’ai besoin de vider mon cœur.
Il rigole.
— Si tu commences déjà à parler avec ces phrases-là, c’est que c’est grave.
On raccroche puis je prends la direction du restaurant où travaille Yaya, Le mood. J'arrive en premier mais je sais que Chris ne va pas tarder à arriver.
Je m’assois à une table en plastique. Le vent souffle doucement. La nuit tombe déjà et je remarque que Yaya n’est pas encore là. Mais je sais que la soirée va être longue. Très longue.
Moins de cinq minutes après Chris me rejoint.
Pendant qu'il s'assied et cherche ce qu'il va commander moi je repense à la scène de tout à l'heure. Inès s’était éclipsée sans un mot de plus. Je n'ai rien dit. Juste encaissé. Mais là, assis face à Chris, une Flag glacée à la main et un plat de poisson braisé devant nous, j’ai besoin de tout faire sortir.
Je hoche la tête, le regard dans le vide.
— Bro… tu devineras jamais qui j’ai croisé aujourd’hui.
Chris me fixe, la bouche pleine de banane plantain.
— Une go que t’as draguée au lycée et qui te réclame son stylo rouge ?
— Pire.
Je le regarde dans les yeux. Il fronce les sourcils, il sent venir un coup dur.
— Raconte bro, c’est pas le moment de me faire des énigmes, là.
Je prends une gorgée lente.
— Inès.
Il recrache presque sa bouchée.
— Inès comment ? Inès Tchibozo ? Genre ton ex Inès ?
— La même. Et devine quoi ? C’est la grande sœur de mon élève Sandra et le clou du spectacle, c’est elle qui me paie. Elle me l'a craché à la figure.
Chris pose sa bouteille, choqué.
— Hein ?! Tu veux dire que pendant que tu donnes cours à la petite, c’est ta propre ex qui te règle tes heures ?
— Exactement ça. Et elle me l'a sorti avec tout le dédain du monde, elle avait l'air dégoutée de me voir dans cette position.
— Mais t’as fait quoi au bon Dieu, frère ?
Je ris nerveusement. Un rire qui sonne comme un bâillement trop long, sans joie.
— Elle m’a parlé comme si j’étais le dernier des imbéciles. Je ne comprends même pas comment c'est possible qu'elle me parle de la sorte, Inès me parler comme ça à moi ? La petite a pris de l'assurance gars, apparemment elle traine avec un blanc là riche comme tout peut-être c'est ça qui lui monte à la tête je ne sais pas.
Chris secoue la tête.
— Ça c’est fort. Mais attends, ça faisait combien de temps que vous vous étiez pas vus ?
— Trois ans man. Et tu sais le pire ? C’est que je pensais que j’étais passé à autre chose, que j’avais enterré ce truc. Mais frère, la douleur… intacte. Comme si j’avais mis le cœur sous vide. Il a suffit que je la revois pour que mon coeur pulse de douleur à nouveau, je n'aurais même pas imaginé que cela pouvait encore m'atteindre aujourd'hui.
Il me regarde, le visage fermé.
— Mais t’as pas juste été amoureux d’elle. Tu as tout donné pour cette meuf, tout, tu t'es endetté pour satisfaire ses caprices, son train de vie, ses études. T’étais en chantier pour elle. Tu voulais tout construire. Un avenir, une maison, des enfants. Même moi, je la considérais comme ma belle-sœur déjà. Tu te souviens ?
— Je m’en souviens trop bien.
Je respire fort. Je sais que je dois lui dire le reste. Mais je veux pas lui balancer tout ça d’un coup.
— Et tu sais quoi ? La petite Sandra, elle m’a sorti des trucs…
— Attends, elle t’a vu avec sa sœur ?
— Non. Elle n'était pas là. Mais je l’ai questionnée un peu après le cours, j’avais besoin de comprendre. Je lui ai juste demandé si c’était vrai que c’était sa sœur qui payait. Elle a hoché la tête et m’a dit que c’était surtout le nouveau blanc là, le mari fraîchement cueilli d’Inès, qui s’occupe de tout.
— Elle est mariée maintenant ?
— Apparemment ou en tout cas dans une situation qui y ressemble. Mais tu connais Inès…
— Ouais… C’est jamais très net. Et après ?
Je fixe le fond de mon verre, comme si la réponse s’y cachait.
— Après, elle m’a raconté des choses. Sur Inès. Qu’elle change d’hommes comme de chemises. Qu’elle a fait souffrir un type du nom de Renaud un Togolais, apparemment un gars bien qui voulait l’épouser. Et elle a laissé tomber, comme elle a laissé tomber tout le monde.
Chris plisse les yeux.
— Mais Renaud c’est pas le gars sur les vidéos qu'on avait vu, si ?
— Non bro. Et c’est ça le problème. Ce n’est pas lui. Ce n’est pas le gars de la dernière fois, ça c’est encore un autre.
Chris se penche.
— Attends, tu veux dire qu’à l’époque… y avait pas un gars, mais deux ?
— Je sais pas combien y en avait en vrai. C’est ça qui me tue mais ils étaient minimum deux je te dis. Combien de fois elle m’a regardé dans les yeux en me disant qu’elle m’aimait pendant qu’un autre la prenait dans ses bras ? Frère, j’étais prêt à poser genou à terre pour elle. Aujourd'hui j'imagine lui avoir fait l'amour après qu'un autre gars soit passé par là juste quelques heures avant moi peut-être. Seigneur, femme ?? J'ai toujours les vidéos de celle que je voulais épouser en train de coucher avec un autre eh Allah, je devais seulement mourir quand j'avais vu tout ça c'est Dieu sinon je serai plus ici.
Me rappeler de ce moment terrible par lequel je suis passé me met toujours dans tous mes états, j'ai failli laisser la vie dans cette histoire mais Alhamdulilah.
Chris me regarde. Il a la gorge nouée lui aussi.
— Et moi qui te poussais à lui offrir la bague de ta mère… Moussif, je suis vraiment désolé.
— T’as rien à te reprocher vieux frère. Moi-même je me suis menti. J’ai voulu croire qu’en aimant assez, je finirais par la faire changer. Mais une femme qui te méprise et qui a la folie des grandeurs, même si tu gravis le Kilimandjaro pour elle, elle te verra jamais autrement que comme un marchepied.
Il me tape l’épaule.
— Tu méritais mieux. Et d’ailleurs, t’es mieux aujourd’hui.
Je souris.
— J’ai encore mal, bro. Je peux pas te mentir, je ne te dis pas que je l'aime toujours attention, d'ailleurs la go a glow up de fou malade mais je n'ai rien ressenti pour elle à part de la haine, elle peut devenir la plus belle femme du monde, la perfection incarnée, le jour je bande face à cette femme franchement sur ma vie je te jure que je me fais directement castré. Mais j'ai toujours mal.
— Normal. On guérit pas d’un séisme avec un pansement. Mais au moins t’as les plaques tectoniques en place.
On rigole tous les deux. Au même moment je vois Yaya pas très loin. Elle me jette un coup d’œil. Chris la repère.
— C’est elle la fameuse de ce midi ?
Je lève un sourcil, l’air de rien.
— Peut-être.
— Menteur. Tu m’en parlais déjà la dernière fois et tu m'en as encore parlé cet aprèm. Elle est mignonne comme tout, hein. Y a un truc dans sa façon de marcher, là. Elle sait qu’elle plaît.
Je lève les mains.
— J’ai rien dit, hein.
Il sourit en coin.
— Et alors ? Vous en êtes où ? il me demande
— On s’est embrassés. Deux fois. Une fois y a longtemps, et aujourd’hui encore. Mais rien de plus.
— Et tu veux quoi ? Aller plus loin ?
— Ah man j’ai envie même. Mais j’ai peur de retomber dans mes schémas, tu sais que je veux rien de concret pour l'instant.
Chris éclate de rire.
— Frère, t’as besoin d’enlever un coup. Ça fait combien de temps que t’as pas consommé même ?
— Beaucoup trop longtemps gars.
— Bah voilà. Commence déjà par la cinquième, on verra le reste plus tard. Vous êtes adultes non ? ne lui promets rien à part la faire monter au 7ème ciel.
On rigole comme deux gamins. Puis j’appelle Yaya. Elle arrive avec son éternel sourire.
— Oui, monsieur le client fidèle ?
Je désigne Chris.
— Je te présente Chris, mon frère d’arme depuis la maternelle.
Chris prend un air cérémonieux.
— C’est donc toi, la fameuse dame qui hante les pensées de mon frère ! Enchanté. Je t’ai imaginée plus grande, mais sinon t’es fidèle à la légende. Il ne fait que parler de toi.
Elle rit, un peu gênée.
Je prends un ton charmeur pour directement attaquer le dossier, faut pas laisser trop mijoter.
— Je te l’ai jamais dit en face, mais tu me plais inh Yaya. Vraiment. Et j’aimerais bien qu’on sorte, toi et moi un de ses 4 qu'est-ce que t'en penses ? Pas juste un couloir de cuisine, un vrai moment.
Elle me fixe, le sourire accroché.
— Tu veux mon numéro ?
— Je le veux bien, ouais.
Elle le note sur un bout de papier et me le tend.
— Tu m’appelles. Je suis sérieuse.
Elle repart. Chris me regarde, consterné.
— Donc toi, ça fait deux fois tu embrasses une go et t’as même pas son numéro ? Mais tala c'est quoi ton problème ?
On part dans un fou rire bruyant, les larmes aux yeux. Mais moi, derrière ce rire… j’ai toujours la voix d’Inès dans la tête.
Et je me demande : est-ce que je saurai aimer pour de vrai, encore une fois ?
— Bro, faut vivre dangereusement un peu. C’est le suspens qui entretient la flamme, maintenant que j'ai le numéro on va accélerer le processus ou bien
Il boit une gorgée de sa Flag bien fraîche et me fixe avec un sourire en coin.
— C'est ça man. Mais dis-moi vrai… toi et la go béninoise là, la belle archéologue spirituelle là, il s’est passé quoi finalement ? Soit dit en passant, c'est la plus belle de ton entourage féminin inh, je dis ça je dis rien.
Je m’arrête. Mon regard dérive sur les tables autour. Je m’humecte les lèvres.
— Bro… on s’est embrassés je déclare à brûle-pourpoint
— Hein ?!
Il pose bruyamment sa bouteille.
— Toi là, tu veux dire que… que toi et Naïla vous… là, là, là ?!
Je souris.
— Là même. C’était pas prévu, ça s’est fait comme ça naturellement.
Chris tape sur la table comme un fou.
— Moussif ! Toi aussi ! Ceux qui te connaissent pas vont penser que tu es sérieux alors que tu es un maudit, tu as embrassé deux filles en l'espace de 24h. Mais attends tu l’as embrassée où ? Dans la rue ? Dans un coin noir ?
— À l’hôtel.
— HÔTEL ?!
— Doucement ! C’est pas ce que tu crois. C’était après une discussion. Y’avait de l’émotion, de la tension… Je l’ai juste… prise dans mes bras. Et c’est venu. Il n'y a pas eu de suite hein. Pas de coucherie ou quoi c'était juste le baiser. Et franchement, ça m’a retourné.
Il me fixe, les bras croisés, plus sérieux tout à coup.
— Et toi, tu ressens quoi ?
Je soupire, l’œil perdu.
— J’pensais que j’étais tranquille. Que j’avais bien géré. Mais son regard après j’ai compris que j’étais foutu. Et bro, je te jure je ressens pas ça tous les jours tu me connais.
Chris hoche la tête, pensif. Puis il se penche vers moi.
— Tu veux que je t’énerve encore un peu ?
— Vas-y, fais-toi plaisir.
— Je t’ai pas encore dit, mais y’a une partie de moi qui espère qu’elle va t’apaiser. Parce que franchement… après Inès là, tu ressemblais à un mec qu’on avait vidé de son âme. Moi je suis grave pour votre couple même s'il y'a ce fameux truc de lien ou je sais pas quoi, de pacte voilà entre vous. Elle est belle, intelligente, m'a l'air assez calme même si je sens un gros caractère puis elle n'a pas faim donc bon.
Je hoche lentement la tête. Puis je lâche, comme une bombe :
— En parlant de ça… bro, devine qui j’ai vu hier soir.
— Ohlala j'aime ça quand tu m'enchaines avec les gbairai. Qui encore ? Dis-moi vite.
— Chafik.
— Chafik ? C’est qui ça encore ?
— Son frère, qui était caché pendant tout ce temps je te dis.
Il fronce les sourcils.
— Attends, Naïla t’a parlé de lui ?
— Non. Je l’ai vu. En vrai. Il nous observait en scred à chaque fois que j'étais avec elle et moi j'avais remarqué déjà. L’homme avait ce regard bizarre, comme un chien de garde. Quand je l’ai reconnu je suis allé le voir pour lui demander des comptes.
Chris se redresse, tendu.
— Et alors ?
— Naïla a voulu me retenir mais je suis quand même allé lui toucher deux mots moi à son frère, franchement les deux ont la même tête c'est très perturbant. Je n'ai pas voulu créer de scandale là bas mais il faut que j'ai une conversation avec lui prochainement.
Chris est silencieux un moment, puis :
— Donc tu tombes fan d’une femme mystérieuse, connectée aux esprits, surveillée par son frère qu’on te présente jamais, et toi tu trouves ça normal ? dit-il d'un ton moqueur
Je ris.
— Non. Mais je trouve ça inhabituel. Et c’est ça qui m’attire, je crois.
— Toi même tu es fatigué. Bon tant que ça ne te tue pas.
Je lève ma bière.
— À la femme qui me perdra.
Chris éclate de rire.
— Et à la serveuse qui te ressuscitera.