Chapitre 23 : A l'autre bout du fil

Write by Nobody

POV Naïla


C’est fou comme certaines journées commencent sans qu’on sache à quel point elles vont nous faire cogiter. Celle-ci, je la vis comme un grand bol d’air lourd, rempli d’images de la veille, de ce baiser échappé, de cette histoire invraisemblable qu’on nous a racontée, de cette tension qui s’installe entre deux êtres alors même qu’ils s’efforcent de rester lucides. Je suis Naïla Adéyémí, j’ai toujours su mettre de l’ordre dans mes pensées. Mais depuis quelques jours, c’est comme si les tiroirs avaient complètement explosé.

Je me lève tard, pour une fois. Maïssa dort encore, ou fait semblant. Elle est comme moi : quand un sujet la travaille, elle préfère le silence. Moi, j’ai passé la nuit à rejouer la scène dans ma tête. Ce baiser. Cette douceur. Ce frisson là, entre mes côtes, qui ne vient que quand c’est vrai. Et juste après, cette panique sourde : si Fiko nous avait surpris ? Ou pire Maïssa? J’aurais eu l’air de quoi ? 

Une mère irresponsable ? Une femme sans repères ? Une idiote qui se laisse embrasser par le premier venu ?

Je ris nerveusement en refermant ma robe de chambre. C’est fou. J’ai 28 ans et je me sens comme une ado qui attend l’appel de son crush. Je balaie l’écran de mon téléphone d’un geste sec. Rien. Pas une notification de Moussif. Pas un “ça va ?” "pas trop ébranlée par le baiser que je t'ai arraché hier soir alors qu'on venait d'apprendre qu'on risquait la mort si on se marie pas hahaha ?" Pas même un sticker à la con. Il est neuf heures cinquante-trois, et je suis déjà ridicule.

Je prends le petit-déjeuner sur la terrasse, les yeux dans le vide. Le ciel est voilé, mais la mer luit doucement. Je vois au loin Chafik dans la piscine, déjà en train de nager. Ce type est un dauphin. Toujours le premier à plonger, comme si l’eau lavait ses pensées.

Je décide d’appeler Jocelyne via Teams sur mon ordi que j'ai sorti. Besoin de me recentrer. Besoin de parler boulot, de choses concrètes. Elle décroche au bout de deux tonalités.

— Eh ben, patronne ! Tu nous appelles, ohlala on dirait que le Congo te fait du bien !

Je souris.

— Salut Jo. Tu exagères toujours comme d'habitude mais oui, ça va. Enfin, disons que j’avais besoin de couper un peu. Mais dis-moi, là-bas, ça se passe comment ? L’atelier tient le coup ?

— Oh, tu sais que je gère dit-elle en riant. Mais plus sérieusement, ça va. On a enfin reçu les confirmations pour les contrats de l’Université d’Abomey-Calavi et du Musée de Ouidah. J’ai relancé les clients, et ça a payé. De plus les contrats sur lesquels on avait accusé du retard, leur traitement évolue plus rapidement qu'on ne le pensait, encore quelques jours et tout rentrera dans l'ordre.

— Attends... T’es en train de me dire qu'ils ont vraiment bien avancés dessus ?

— Oui madame ! On a même reçu l’acompte du client français, celui de la collection de masques Fang. Et j’ai pris l’initiative de programmer l’état des lieux pour jeudi.

Je me redresse un peu.

— Tu plaisantes ? je lui demande incrédule avec les yeux gros 

— Naïla, ça fait six ans que je bosse avec toi. Je plaisante jamais avec les factures et mon boulot dit-elle en replaçant correctement ses lunettes.

Je lâche un petit rire soulagé.

— Franchement, tu assures ma belle 

— Je sais chef !  

Petit silence, puis :

 Et tu sais quoi ? En faisant les pointages, je me suis rendue compte qu’on avait triplé le chiffre d’affaires cette année.

— Quoi ?

— Oui madame. Tu devrais prendre le temps de vérifier les chiffres Lala, tu vas halluciner. Entre les restaurations pour les collectionneurs privés, les nouvelles commandes institutionnelles, et les prestations qu’on a données dans les écoles... On explose nos précédents records. J'ai envie de le hurler sur tous les toits. 

Je me frotte les tempes. Je suis à la fois fière et un peu dépassée.

— Tu te rends compte qu’on va devoir revoir toute notre stratégie ?

— C’est exactement pour ça que je voulais t’appeler ce matin aussi. Est-ce que tu comptes distribuer des primes de participation ? Pour l'intéressement je sais que c'est en mai/juin donc on ne va pas trop s'en préoccuper pour l'instant. Est-ce que tu veux toujours renforcer l’équipe ? Parce que là, on va être limite niveau main d’œuvre. On peut pas continuer à accepter autant de contrats sans solidifier l’équipe tu le sais et les gars t'en avais parlé aussi. On grandit, le centre RAFA grandit, il faut penser à agrandir les effectifs aussi. 

Je me lève et je fais quelques pas sur le balcon, mon ordi toujours dans mes mains.

— Je pensais aux primes, oui. Peut-être la participation, ou un bonus par ancienneté. Mais j’ai aucune idée de comment gérer ça de manière formelle. Et puis y’a les créanciers aussi. Est-ce qu’on les rembourse tous maintenant ? Ou est-ce qu’on garde un matelas de trésorerie ?

— Tu veux mon avis ? me demande-t-elle 

— Toujours.

— On n’est pas comptables chérie. On fait ce qu’on peut, mais là, faut qu’on arrête de naviguer à vue. Tu sais ce qu’il nous faut ? Un vrai comptable. Pas juste un cabinet en externe, ceux de l'année dernière faisait comme si ils nous faisaient la charité. Il nous faut quelqu’un qui bosse pour nous à plein temps, parce que qu''on se le dise ce n'est pas juste en fin d'année qu'on a besoin d'un comptable, c'est toute l'année.

Je hoche la tête, consciente de la véracité de ses propos.

— J’y ai pensé aussi. On en reparle en début de semaine prochaine dès que je rentre. Il faut qu'on mette de l'ordre dans tout ça avant de se laisser dépasser. 

— Parfait. Ah et au fait...

— Oui ?

— J’ai revu Brice déclare-t-elle

— Le Brice du barbecue ? je lui demande 

— Oui, celui-là même.

— Dis donc, madame Jocelyne ! Et alors raconte ? 

Elle rigole comme une gamine.

— Bon, il m’a invité à déjeuner dimanche. Mais cette fois, c’est moi qui ai imposé les règles. Pas de promesses, pas de plans sur la comète. Juste deux adultes qui prennent le temps.

— Très bien. Tu sais que j’ai envie de te dire “sois prudente”, mais je sens que tu gères.

— Toujours. Et toi ? Des nouvelles croustillantes à me raconter ?

Je m’étouffe presque avec mon thé que je venais à peine de saisir. 

— Moi ?

— Oui, toi. Depuis que t’es là-bas, t’as pas croisé un bel homme congolais qui fait chavirer ton coeur et ta culotte ?

Je me racle la gorge, faussement gênée.

— Peut-être...

— Ooooh ! Dis-moi tout.

— Il s’appelle Moussif. Il est... il est spécial. On est là pour des raisons un peu... familiales. Mais en dehors de ça, je sais pas. Il me trouble. Tu devrais le voir, il est beau comme un Dieu et je ne sais pas résister à un bel homme ahlala

— Genre tu penses à lui avant de dormir et tu vérifies ton téléphone toutes les deux minutes pour voir s’il a écrit ?

Je grimace.

— Oui bon pas exactement comme ça, mais oui quelques fois.

— Il t’a embrassée ?

Je ferme les yeux.

— Oui je murmure comme si je ne voulais pas qu'elle entende

— Et ?

— Et j’ai envie de recommencer Jo, il embrasse drôlement bien et je sais pas il m'attire en vrai de vrai. Mais en même temps, j’ai envie de l’éviter à vie.

— Ça, ma chérie, ça s’appelle être amoureuse.

Je pouffe de rire qui se transforme en un fou rire.

— N’exagérons rien Jo c'est quoi ton problème. 

— Je déconne dit-elle en riant à son tour, bon tu me raconteras tout en rentrant. En tout cas, profite. Et pense à toi. T’as le droit.

Je raccroche, le cœur un peu plus léger. Puis j’enchaîne rapidement deux appels : d’abord à mes parents, puis à Khadim. Pas de sujet sensible aujourd’hui, juste des nouvelles, des sourires. Maïssa leur manque. À tous. Elle grandit si vite.

Je rejoins la piscine vers 15 heures le temps de finir quelques trucs pour le boulot. Maïssa nage déjà comme un petit dauphin. Chafik est affalé sur un transat, lunettes noires et cocktail à la main.

— La go des tropiques est enfin sortie de sa chambre annonce-t-il en me voyant arriver.

— Très drôle.

Je m’allonge à côté de lui, les pieds dans l’eau.

— Elle est incroyable ta fille.

— Je sais. Les gênes de ses parents sont très forts

Il me lance un regard doux.

— Elle te ressemble plus que tu le crois chérie

Je hoche la tête et on observe Maïssa en silence pendant quelques minutes. Puis il finit par parler, comme s’il avait mûri sa question depuis un moment.

— Tu l’aimes bien, Moussif ?

Je tourne la tête vers lui surprise.

— Pourquoi tu me demandes ça ?

— Parce que je te connais. Et que ton regard a changé quand tu parles de lui. Et que depuis hier soir, tu es ailleurs.

Je soupire.

— Il me plaît. En tant qu’homme. Physiquement, intellectuellement, émotionnellement... il me perturbe.

— Et c’est grave ?

— Non. Mais... à cause de tout ce contexte... le pacte, nos familles, nos ancêtres et leurs caprices... je me dis que ça fausse tout, que ce n'est pas naturel entre nous tu vois. J’aurai toujours l’impression que tout est écrit, qu’il n’y a pas de choix réel. Et moi, je veux choisir. Même si je me trompe et même si ça fait mal. 

— Mais si c’est lui, ton choix ?

— C’est là que ça devient compliqué. Même si j'apprends à le connaitre et que je veuille réellement quelque chose avec lui plus tard, je me dirai toujours que c'est pas de ma propre volonté et que c'est les fameux fils du destin qui mettent ça en place. Aussi je me demanderai toujours si lui est sincère avec moi tu vois, je connais désormais son côté sacrificiel pour sa famille et à chaque fois je me poserai la question de savoir si c'est pas pour ça qu'il s'intéresse à moi. 

On se tait. Chafik me tend son verre. Je bois une gorgée. C’est doux, sucré. Je lui demande de me commander pareil, j'emmerde - oups - le régime ! 

La journée file sans que je la voie passer. Vers vingt heures, je commence à me dire qu’il ne m’écrira pas. Et je me traite intérieurement d’idiote. J’ai 28 ans, une entreprise à gérer, une pré adolescente à élever. Je ne vais pas devenir cette fille qui compte les heures entre deux messages.

Et puis, alors que je suis en train de ranger mes papiers, mon téléphone vibre.

Appel entrant : Moussif.

— Enfin ! que je dis, sans même dire bonsoir, les lèvres déjà pincées dans un sourire que je déteste avoir. 

Un sourire idiot. Le genre de sourire qu’une adolescente naïve ferait pour un gars qui lui plaît. Et je suis ridicule, je le sais. J'ai complètement oublié ma bonne résolution de toute à l'heure.

Il rit doucement. Ce rire que je n’aime pas aimer. 

— Tu sais, c’est parce que j’avais peur de te parler.

— Peur ? De moi ? je fais semblant d’être outrée. Tu m’as vue ? Je suis inoffensive, douce, je fais même pas peur à une fourmi.

— Non, justement. C’est ce qui est flippant. Les personnes comme toi, c’est toujours eux qui retournent les cerveaux des grands gaillards tranquilles comme moi.

Je ris franchement cette fois.

— Toi, “tranquille” ? C’est pas ce que m’a dit ton regard hier. Il disait tout sauf “tranquille”.

Silence.

— Et ton regard à toi, il disait quoi ? demande-t-il, la voix plus basse.

— Il disait : “je suis en train de faire une énorme erreur mais je vais quand même fermer les yeux et plonger dedans”

— Tu regrettes ?

Je réponds du tac au tac. 

— J’ai dit que c’était une erreur, pas que c’était une mauvaise idée. Nuance.

Il éclate de rire. Moi aussi. On dirait deux enfants qui viennent de découvrir une bêtise en commun.

— T’as une voix qui donne envie d’écouter même quand tu parles pour ne rien dire.

On rigole encore. Un moment léger, sans pression.

Je l’entends sourire. Un silence s’installe, pas gênant, juste le temps qu’on apprenne à respirer l’un avec l’autre.

— Mais en vrai t'as vraiment mis du temps à appeler hein, tu fais quoi comme ça ? Tu sais que je ne connais que toi ici 

— T'as compté les heures ?

— Ha ha ha très drôle, non je n'ai pas compté

— Je t'ai manqué alors ? 

— Bon on va se calmer tout de suite je lui dis 

Je ris. Lui aussi. Il a cette voix grave, posée, avec une ironie dans les coins. Une voix qui donne envie de s’asseoir dans un salon au calme, pieds nus, thé chaud, et discuter jusqu’à demain matin.

— D'ailleurs je t'appelais pour savoir si t'avais repris ton souffle, hier tu voulais seulement mourir dans mes bras hein

— Je suis en train de le perdre à nouveau là je réponds en rentrant dans son jeu

Cette fois, il rit franchement. Un rire profond, chaud. J'apprécie que mutuellement nous n'ayons pas fait d'un drame le baiser d'hier soir, je craignais un peu l'ambiance avec lui mais force est de constater que ce n'est absolument pas gênant. Tant mieux.

— Ouais mais tu peux respirer tranquille pour le moment. Et profite, ça va pas durer.

— Tu me menaces ?  je lui demande consciente du sous-entendu

— Je préviens. C'est pas pareil.

Je l’entends s’installer. Il souffle, et je devine qu’il s’est allongé quelque part. Moi aussi. Le téléphone calé contre ma joue, je regarde le plafond comme si ses mots y dessinaient quelque chose. Maissa a un sommeil extrêmement profond donc je n'ai pas peur de la réveiller en parlant.

— Je ne t'avais jamais entendu rire comme ça je déclare

— T'as pas encore tout entendu de moi NaÏ

C'est drôle comment notre relation a évolué du tout au tout depuis le baiser d'hier, comme si on s'était concertés pour se mettre d'accord sur le fait d'être nous même, sans rancoeur, sans mystères, juste nous. Et ça peut en surprendre beaucoup, nous les premiers d'ailleurs, ce changement dans notre relation, mais c'est ça les relations humaines c'est tellement imprévisible. Surtout qu'on est deux adultes qui se plaisent mutuellement, le reste pour le moment on s'en fout. 

Encore un silence. Plus lourd, mais pas pesant. De ceux qui ne gênent pas. Il le brise doucement :

— Merci, en tout cas.

— Pour quoi ? je demande en fronçant les sourcils.

— Pour me sortir de ma journée de merde. T’as pas idée.

Je me redresse un peu sur le lit, adossée à un coussin. La lumière de la lampe de chevet éclaire à peine le carnet qui traîne à côté de moi, et j’entends le léger bruit régulier de l’eau que Maïssa a oublié de fermer correctement dans la salle de bain.

— Allez, raconte. J’ai préparé mon pop-corn.

— Imagine un gars… qui se crève à bosser pendant des semaines sur un gros contrat. Genre, un truc qui peut vraiment faire bouger les choses. J’ai tout fait, Naïla. Les analyses, les chiffres, les projections, les PowerPoint, les TCD, tout. 

— Hummm.

— Et là, le chef me convoque pour m'annoncer qu'il a présenté MON travail à la direction et a précisé que c'est lui qui s'en est occupé alors que c'est totalement faux. Ce contrat devait me rapporter gros, me faire me déplacer en Belgique, me rapporter une promotion et il a tout détruit en prenant les lauriers pour lui. 

Je serre un peu les dents.

— Il a osé ?

— Il a osé. Sans trembler. Et après, il a eu l’audace de me dire que je devrais être content que "le cabinet brille”. Tu vois le genre ?

— Je te jure, y a des baffes qui se perdent.

— Merci. J’ai cru que j’étais le seul à halluciner. Je te jure que j’ai failli lui sauter à la gorge. Et ça, c’est pas moi d’habitude. Mais là… c’était trop.

— Et t’as rien dit ?

— J’ai tout dit, au contraire. J’ai explosé. J’ai dit que si ça continue comme ça, je démissionne. Mais bon… Je suis rentré dans mon bureau. Et j’ai éteint mon ordi. J’ai rien pu faire de plus.

Il y a un silence. Pas un silence lourd. Un silence doux, tranquille, comme si on avait besoin de respirer un peu.

— Tu dois quitter ce taf, Moussif. Franchement. Ce genre de chefs, ça t’étouffe. Et je suis sûre que tu vaux mieux que ça.

— Facile à dire. Tu veux que je vive comment, hein ? Tu crois que le gars au marché va me vendre ses tomates à crédit ?

— Ça tombe bien que tu dises ça.

Il se tait. J’imagine son sourcil se lever.

— Je cherche un comptable, moi.

— Naïla…

— Non, écoute. C’est pas par pitié, c'est purement professionnel. On en a parlé aujourd’hui avec Jocelyne. Mon atelier a triplé de chiffre d’affaires cette année. J’y connais rien en gestion financière. J’ai besoin de quelqu’un de solide. De quelqu’un qui sait ce qu’il fait, qui comprend les chiffres et qui est fiable. Tu coches toutes les cases. D'ailleurs je me permets, quel était ton salaire ici ? 

Il soupire avant de répondre.

— 130.000

— Je te demande pardon ? 130.000f ? Mais même mes alternants sont payés à 200.000 ! 

Je me tais en me rendant compte que ça devenait malaisant pour lui, puis je continue avec ma proposition.

— Ce que je te propose c'est un poste dans mon entreprise RAFA, tu peux prendre le temps de regarder sur internet ce qu'on fait et la réputation du centre, on a déjà vu passer des célébrités chez nous attends faut pas croire que chez nous c'est le jeu inh je dis en souriant pour détendre l'atmosphère. Ce serait du télétravail. Depuis le Congo comme ça tu restes chez toi et tu travailles depuis ton domicile, je prends généralement sous le statut cadre donc t'auras pas d'horaires fixes tu t'organises comme tu veux l'essentiel c'est que le travail soit fait et bien fait dans les temps. Tu viens à Cotonou quand l'équipe a besoin, les billets et tout ton hébergement sont pris en charge par l'entreprise. Ordi, téléphone pro, abonnement internet payé, primes de résultats, réductions chez nos partenaires, et un salaire minimum 4 fois que ce que tu gagnes là moi je te le dis. Et je ne te fais pas la charité, je te propose un contrat que je proposerai à quelqu'un d'autre si tu refuses.

— C’est bon, c’est bon, tu fais de la pub là !

— Je te fais une offre. T’es libre de refuser. Mais franchement je ne vois pas du tout pourquoi tu refuserais, ce n'est pas moi Naila qui te payera si c'est une question de fierté c'est l'entreprise et uniquement l'entreprise.

Il se tait encore. Puis il souffle.

— Naïla… j’ai pas envie que tu penses que j’ai besoin qu’on me sauve.

— Mais personne sauve personne ici. Je veux travailler avec toi. Point. J’embauche un pro. Pas un orphelin.

— Tu sais parler aux hommes, hein.

Je souris.

— C’est mon super pouvoir.

— Je vais réfléchir, d’accord ? Je te promets que je vais y penser sérieusement.

— Promis ?

— Promis.

Encore un petit silence. Et puis, il reprend : 

— Tu me plais, Naïla. Et c'est un immense problème.

— Pourquoi ce serait un problème ?

— Parce qu’on a un pacte sur le dos. Parce qu’on est censés faire les choses pour une cause plus grande. Et moi, je suis en train de flancher pour ta voix, pour ton rire, pour ta façon de froncer les sourcils quand tu réfléchis…

Je sens mon cœur ralentir. Un peu. Beaucoup. Trop.

— T’es un poète maintenant ?

— Un comptable poète. Ça se vend bien, non ?

On rit. Encore. Longtemps. Et on parle. Pendant plus d’une heure. Des souvenirs, de ce qu’on aime manger, des films qu’on déteste. Il se moque de mon amour pour les vieilles séries africaines. Je me moque de sa peur des chats alors que j'ai moi même terriblement peur d'eux. On est comme deux lignes parallèles qui ne demandent qu’à se croiser.

Et juste avant de raccrocher, alors qu’on s’est dit au moins trois fois bonne nuit :

— Au fait…

— Oui ?

— J’ai peut-être une idée pour faire tomber ton chef.

Il rit.

— Tu me fais peur là.

— Tu devrais, je t'en parle demain le temps de voir si légalement c'est possible. Garde juste les mails où il te demandait de traiter le dossier, les échanges écrits que vous avez eu et tout ça.

— Bien bonne nuit Nai

— Bonne nuit Moumou


On raccroche et je m'endors instantanément avec le sourire aux lèvres.

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