Chapitre 23

Write by Annabelle Sara

 

Chapitre 23

  

Ronald observait sa mère de loin, il n’aimait pas beaucoup la mission que lui avait donné son oncle. Mais en réalité cette histoire était tellement louche et trouble qu’elle avait réveillé son intérêt. Il ne comprenait pas pourquoi sa mère n’avait pas parlé du chantage qu’elle subissait, elle savait pertinemment qu’avec les transactions qu’elle avait initié son beau-frère ferait appel à un enquêteur. C’est la procédure dans l’entreprise familiale, donc elle savait qu’elle était surveillée par un des gars d’Etienne.

Etienne lui avait confié ce travail à cause de son expérience dans l’armée en tant qu’éclaireur. Il avait été formé pour filer et examiner chaque fait et gestes dans son entourage. Il pouvait même par moment dire ce à quoi pense une personne seulement par sa manière de bouger, de même qu’il lisait sur les lèvres, même si le résultat n’était pas sûr à cent pour cent, mais il avait fait ces preuves.

Et là, derrière ses les grands pots de fleurs du hall de l’hôtel La Falaise, il pouvait sentir la tension qui régnait à présent en elle, comme si elle allait affronter un adversaire de taille. Pourtant elle n’avait rendez-vous qu’avec Shannon Emah. Alors les doutes de Stéphane sur cette fille étaient-ils fondés ? Il l’avait contacté la veille pour lui dire quelque chose qu’il avait au départ négligé.

Son frère affirmait que Victoire avait éveillé un doute en lui par rapport à la véritable identité de cette femme, par son seul accent. Le mannequin soutenait qu’elle avait un accent que l’on ne trouve que chez les ressortissants sud-africain. Mais Ronald trouvait que l’avis du mannequin sur une question aussi éloigné des chiffons et des paillettes est négligeable.

Pourtant, il y’avait trop de tension entre ces deux femmes pour qu’elles aient une relation amicale toutes les deux. Il avait plus l’impression, qu’elles se défiaient comme des personnes civilisées, qu’elles ne buvaient un verre comme de vieilles connaissances. En changeant d’emplacement, il les aperçut toutes les deux de telle manière qu’il voyait leurs lèvres bouger quand elles parlaient.

Décidément, Victoire ne cessera jamais de l’impressionner, il commanda un verre de vodka-orange sans quitter les deux femmes d’un œil discret. Le top model avait eu raison de penser qu’elle avait des origines d’Afrique australe. Parce que le mot que venait de lancer sa mère à celle qui partageait sa table lui rappela un très mauvais souvenir. Une mission des plus dangereuses, pour mettre la main sur un des fournisseurs des insurgés du Nord-Ouest.

La femme de l’ombre, Ronald avait déjà entendu parler de cette femme, mais il avait toujours pensé que ce n’était rien d’autre qu’une légende, pour lui une femme seule ne pouvait pas avoir un  esprit assez aigue pour échapper à des hommes surentrainés comme ceux du BIR.

Plus il interprétait leur conversation et plus il comprenait que sa mère savait qu’il était là. Pulchérie Medou n’était pas une idiote, elle savait que son beau-frère s’adresserait à une personne proche d’elle, et si elle laissait ainsi échapper autant d’indice sur son interlocutrice et moins sur la question qui les opposait, c’est parce qu’elle savait qu’il était là à les épier.

Il sourit, elle ne se laissera pas prendre, autant s’en aller, il aura le fin mot de cette histoire une fois qu’il aura fait des recherches plus approfondies sur cette Shannon Emah. Pour le moment, il avait des personnes à retrouver.

  

Cassie prit son fils dans ses bras et essaya de le calmer en le berçant dans ses bras. Mais le poupon criait de plus belle.

  « Donnes le moi ! », lança l’oncle du petit rebelle.

Depuis la naissance de son neveu, Stéphane passait tout son temps à le gâter de cadeau, il dévalisait les boutiques à la recherche de jouets et de babioles pour bébé. Bizarrement c’est le même comportement qu’affichait Victoire pour son filleul. Certes ce n’était pas trop surprenant de la part d’une femme, mais il se trouvait que la majorité des jouets qu’ils achetaient étaient similaires. Comme s’ils se concertaient.

Le petit Victor se calma lorsque son oncle lui enfourna sa petite paume dans la bouche.

  « Ah ! Tu aimes ça, sucer tes mains ! »

Le bébé répondit à son oncle en gloussant de joie, les yeux fixés sur l’adulte comme s’il enregistrait chacune des parties de son visage.

  « Vous vous entendez toujours aussi bien ! »

  « Je suis son tonton préféré tout de même, hein Vic ! Quand tu seras plus grand on jouera  au football tous les deux, tandis que ta mère s’occupera de ses tutus… »

  « Et moi je ferais quoi ? », se plaint Pierre voyant que son ami ne l’avait inclus dans aucun programme.

  « Je crois que toi tu auras le droit de nous rejoindre… »

  « Victor et moi nous jouerons au basketball ! », lança Patricia depuis la cuisine où elle préparait les desserts.

Cassandra sourit en entendant les gens qu’elle aimait se disputer son fils, elle qui craignait que celui si  ne souffre de la solitude, il allait être bien entouré. Et cela lui fit le plus plaisir. Lorsqu’on sonna à la porte, elle sut instinctivement de qui il s’agissait alors elle reprit le petit des mains de son frère ainé et l’envoya ouvrir la porte d’entré.

 

   Victoire ne tenait plus, elle avait les mains chargées par, un énorme gâteau au chocolat qu’elle avait confectionné elle-même, une bouteille de vin rouge et les jouets du petit Victor, elle adorait couvrir ce petit ange de cadeaux, il le méritait bien ! D’une certaine manière il était la victoire de Cassie et celui de l’amour maternelle.

Lorsque la porte de Pierre s’ouvrit, elle ne fut pas surprise de voir apparaitre la seule personne qui en ce moment la rendait encore plus nerveuse qu’une salle bondée des fashions weeks. Elle lui rendit donc son sourire de la manière la plus radieuse qui soit !

  « Ah ! L’invitée tant attendue ! », murmura Stéphane en prenant un des paquets qu’elle tenait déjà à bout de bras.

  « Je suis désolée du retard j’aurais aimé être là plus tôt mais les séances se sont un peu attardées. », dit-elle pour se justifier.

  « Ne t’inquiètes pas tu n’es pas la dernière ! », la rassura-t-il en souriant. « Après vous madame ! »

En riant face à ce trop plein de galanterie, elle pénétra dans la pièce principale du rez-de-chaussée de la maison de Pierre.

  « La belle égérie de La Crête fait enfin son apparition ! », s’écria l’homme de la maison en enlaçant Victoire pour lui faire deux bises aux joues.

  « Je suis heureuse de vous revoir en un jour aussi radieux, Pierre… »

  « Non, pas de vous entre nous Victoire, j’ai horreur de ce genre de formalités ! »

  « Tu parles de formalités ! », confirma sa fille en sortant de la cuisine, où Stéphane allait déposer le gâteau.

  « Patty! Comment vas-tu ? »

  « Très bien et je suis heureuse aussi de te voir en si bonne forme… »

L’adolescente et la jeune femme s’embrassèrent très amicalement.

  « Et moi je n’ai pas droit à un câlin ? », lança Cassie en s’approchant son fils entre les mains.

  « Bien sûr que si ! »

Elle l’embrassa et prit son filleul dans ses bras, et embrassa le poupon qui semblait adorer ses baisers, bien évidemment venant d’une des plus belles femmes du monde ne serions nous pas fou de joie ?

  « Comme tu m’as manqué ! », lui dit-elle en lui mordillant les oreilles tandis qu’il riait de plus belle. « Moi aussi je t’ai manqué… oui ? »

  « Il n’y a que Stéphane et toi pour lui faire avoir pareil fou rire ! », s’exclama Cassie en prenant son fils. « Mais il faut que ce vilain garçon prenne son bain. »

  « Et moi… il me faut mon baiser ! », annonça Stéphane en s’avançant  vers elle.

Elle aurait surement reculé, si elle craignait encore la réaction des autres. Mais elle savait que tous dans cette pièce connaissaient la relation tumultueuse qui les liait. Alors elle se laissa faire en souriant sous les regards amusés de Pierre, Patricia et Cassie. Embrasser ainsi l’homme qu’elle aimait devant toutes les personnes qui comptaient pour chacun d’eux, lui donnait la sensation d’avoir accompli un pas vers l’avant, laissant derrière elle tous les tracas et toutes les peines qu’elle a connu jusqu’ici. Sa seule prière était de pouvoir profiter des moments de bonheur avec Stéphane le plus longtemps possible. Le temps que ça durerait !

Ils s’écartèrent, mais  Stéphane la garda dans ses bras en la serrant fort.

  « Finalement vous vous décidez, j’avais cru que ça n’arriverait jamais, vous êtes tellement lent à la détente tous les deux ! », s’exclama Pierre en donnant une tape amicale à son ami de longue date.

  « Avec une dure de la feuille comme elle ce n’était pas du gâteau ! », déclara Stéphane en resserrant son étreinte sur le mannequin qui semblait offusquée par ses propos.

  « Quoi…? »

  « Je crois plutôt que c’est toi qui es très difficile, oncle Stéphane ! », lança Patricia en retournant à la cuisine.

Victoire la suivit en fusillant du regard l’homme qui la tenait dans ses bras une minute plus tôt.

  « T’es le petit veinard qui a volé le cœur de cette belle demoiselle, alors ! »

Stéphane jeta un regard vers la belle blonde aux yeux noirs qui venait de disparaitre dans la cuisine. Elle portait un pantalon en lin noir sur lequel elle avait enfilé un décolleté blanc avec des imprimés en noir, l’un des ensembles les plus sobres qu’elle devait avoir, mais qui mettait en valeur la couleur café au lait de sa peau. Elle était peut être un mannequin comme toutes celles avec qui il était sorti par le passé, mais elle était très différente des autres. Elle possédait une aura plus forte et surtout un cœur aussi immense qu’un océan.

Si seulement il pouvait le lui voler comme disait son pote. Il savait qu’elle ne lui était pas indifférente, mais combien de temps cela durera-t-il ? Parce que pour Stéphane, la question ne ce posait même pas, pourtant il ne voulait pas presser les choses et manquer de faire peur à la jeune femme.

  « Si seulement tu disais vrai mon ami ! », répondit-il l’air résigné.

  « Comment cela ? »

  « Tu crois qu’elle voudra se poser ? Ecoutes tu vas trouver cela idiot de ma part, mais j’aime cette femme et en ce moment je ne me sens pas à la hauteur… »

  « Attends… tu es Mister Chocolate, moi aussi et regarde… j’ai réussi à apprivoiser une femme de la trempe de ta sœur, en fait je crois que ce que tu as à faire c’est vivre votre amour et laisser le temps faire les choses… laisse les choses arriver sans rien forcer ! »

Pierre avait raison, il fallait laisser le temps à Victoire pour s’adapter et peut être espérer qu’elle accepte de former un couple stable avec lui. On sonna à la porte et quelque minute plus tard, Ronald fit son entré avec un immense une bouteille de champagne dans la main, provocant des exclamations de joies aux deux hommes qui l’accueillaient.

  

Tous réunis autour de la table, ils parlaient de tout et de rien, discutant des problèmes actuels sur le marché du cacao, Stéphane était visiblement très étonné par la grande connaissance du marché de cette matière première de Victoire.

  « Moi qui pensais que tu t’occupais uniquement des tissus et des chiffons ?! », avança-t-il très impressionné.

Elle lui sourit et posa sa cuillère.

  « Parce qu’être mannequin veut dire qu’on a la tête vide ? »

Le sourire sur son visage venait de disparaitre.

  « Non je n’ai jamais… »

  « Pourquoi les hommes pensent-ils toujours qu’une femme est faite pour être belle et rien d’autre… »

  « Je dis juste que je ne savais pas que tu pouvais t’intéresser à ce genre de chose, disons qu’entre ton emploi du temps chargé… je me suis dis que ce n’était pas le genre de discussion qui t’intéresserait ! », fit Stéphane en tentant de s’expliquer cherchant de l’aide chez les autres convives du regard.

  « Pour ta gouverne, j’ai fait des études en management parce que justement dans notre milieu si on veut réussir, il faut avoir certaines notions en termes de business, et comme il se trouve que j’ai investi dans le chocolat, je m’y connais en cacao… », s’emporta Victoire visiblement vexée.

  « Je ne crois pas qu’il le disait en terme péjoratif Victoire, et encore moins pour se moquer ! », intervint Ronald en lui prenant la main. « Il se trouve que tu nous impressionne tous. »

  « Oh… pardon… je ne voulais pas m’emporter ! », balbutia-t-elle en baissant les yeux, se rendant compte qu’elle avait exagéré.

  « Je crois que ce que Stéphane voulait te faire comprendre c’est que tu es… très différente de pas mal de femmes que nous avons eu à rencontrer. Tiens par exemple sur Shannon tu avais raison… »

  « Shannon ? », s’enquit Cassie surprise d’appendre qu’elle connaissait Victoire.

  « Je l’ai rencontré hier… mais je ne comprends pas ! »

  « Elle a effectivement vécue une partie de sa vie en RSA, à Johannesburg ! J’ai été très surpris d’apprendre par mon frère que grâce à son accent tu as  réussi à deviner cela ! »

Le mannequin baissa les yeux un instant et murmura :

  « Ce n’est rien… », visiblement touchée par les compliments de Ronald et peinée par son comportement.

  « Mais si elle vient de RSA… alors c’est-elle ? », intervint Cassie les yeux ronds.

  « J’en ai bien peur, oui ! » Coupa Ronald avant de boire une gorgée de son verre. « De toutes les manières nous en reparlerons plus tard. »

  « Et c’est mieux ainsi parce que Cassie et moi nous avons quelque chose à vous annoncer », commença Pierre en prenant la main de la petite sœur de son meilleur ami et en baisa le dos. « Si nous sommes réunis ici aujourd’hui ce soir c’est pour vous annoncer que nous allons nous marier… »

Il eut un léger silence, pendant lequel on entendait les cœurs du couple battre à l’unisson dans l’attente de la réaction de leur proche. Victoire fut la première à réagir en criant sa joie :

  « Je suis très heureuse pour toi Cassie mais surtout pour toi Pierre tu as décroché la perle rare… »

Elle embrassa tour à tour son amie et son fiancé, tandis que Stéphane et Ronald félicitaient leur sœurette.

  « Apparemment c’est toi qui ouvre le bal ! », annonça son jumeau.

  « Je crois que l’un d’entre vous va bientôt suivre mon exemple. En tout cas je prie pour… »

  « Hum… ce ne sera pas moi … je ne suis pas pressé ! », déclara Ronald en jetant un coup d’œil à leur ainé qui riait en saisissant le sous entendu des paroles de son frère.

  « Je suis heureux pour toi ! Félicitation ! » Souffla ce dernier en prenant sa petite sœur dans ses bras.

  « J’espère que toi tu sauras saisir ta chance ! »

  « Je ferais ce qu’il y’a à faire, sois en sure. »

 

Après avoir partagé le gâteau de Victoire les hommes se réunir dans le bureau de Pierre pour parler des ennuis de Pulchérie mais surtout du rapport avec Shannon.

  « La femme de l’ombre ? », demanda Pierre voulant comprendre comment elle avait acquis ce surnom assez effarant pour une femme de cette beauté.

  « C’est une trafiquante en tout genre qui a grandi ici au pays, puis elle est allée en Afrique de Sud où elle a développé son art dans le crime, elle travaille pour des personnes dangereuse… elle est passée maitre dans l’art du chantage ! »

  « Et tu dis qu’elle est réputée sur tout le continent ? »

  « Oui, et même au proche orient... Elle trempe dans tout et n’importe quoi ! Elle aurait arnaqué la femme d’un prince saoudien ou d’un de ses proches je ne sais plus ! »

  « Et elle a échappé à la vendetta ! », se surprit Stéphane en réfléchissant. « Elle est venu ici pour s’attaquer à maman, mais pour qu’elle raison venir ici pour s’en prendre à une personne ? »

  « A mon avis elle veut s’en prendre à toute la famille, s’il ne s’agissait que d’un secret de maman elle n’aurait pas fait appel à Etienne… elle fait pression sur le point faible de maman… »

  « Moi et son aventure à Bamenda ! », dit Stéphane meublant le silence qui avait suivit.

Pierre posa un regard alarmé sur son ami et associé, puis se retourna vers le frère de ce dernier.

  « J’ai du mal à vous suivre là… »

  « Il se trouve que … je ne suis pas le fils de… »

  « Tu es son fils ! Il te l’a toujours dit et aimé comme tel, il t’a aimé Stéphane ! », s’écria Ronald en regardant son frère ainé d’un œil sombre et profond.

  « Je ne comprends pas… tu sais que tu n’es pas… le fils de Samuel… ?», commença Pierre perdu par les déclarations des frères Edang.

  « Pourquoi crois-tu que je m’appelle Medou et non Edang ! Il me l’a dit lui-même et il m’a aussi dit que je serais toujours son fils ainé… si jamais c’est de cela qu’il s’agit nous n’interviendrons pas ! »

  « C'est-à-dire ? »

  « Nous laisserons maman se battre toute seule contre cette femme si elle ne veut pas nous dire de quoi il en retourne, nous n’empêcherons pas cette femme d’avoir ce qu’elle veut…jusqu'à ce que Pulchérie capitule ! »

   « Je ne crois pas que maman se laissera ainsi forcer la main ! »

  « Il faudra pourtant qu’elle le fasse, j’ai besoin qu’elle se décide à tout me dire. », fit Stéphane en posant le verre de vin qu’il tenait à la main.

Il se tourna vers son frère et vit dans ses yeux cette expression qu’il y retrouvait chaque fois qu’il évoquait le sujet tabou de ses origines. Mais il ne pouvait plus continuer sans savoir ce que sa mère cachait depuis trente-trois ans.

  « Il faut que je sache Ronald… il le faut ! », affirma-t-il avant de prendre la porte.

   

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