
Chapitre 23: les leçons du passé
Write by Ellie chou
Le voyage de retour à Abidjan se fit dans un silence pesant.
Assis à l’arrière du véhicule, Julien, Isabelle et Élise repensaient à cette rencontre qui avait remué des souvenirs douloureux.
La colère bouillonnait encore en eux.
Mais au-delà de cette colère, une étrange sensation s’installait : un mélange d’amertume et de soulagement.
— Alors, c’est fini ? demanda Élise en brisant le silence.
Julien, qui fixait la route à travers la vitre, répondit d’une voix posée :
— Oui. On a enfin tourné la page.
Isabelle soupira.
— J’ai encore du mal à croire qu’ils aient osé nous convoquer…
Après toutes ces années.
Après tout ce qu’ils nous ont fait.
Élise serra les poings.
— Ce qui me met en rage, c’est qu’ils ne réalisent même pas l’ampleur du mal qu’ils nous ont causé. Pour eux, c’est juste une "erreur".
Julien hocha la tête.
— C’est parce qu’ils n’ont jamais eu à subir ce qu’on a vécu.
Un silence s’installa, avant qu’il ne poursuive, les yeux sombres :
— Ils ne sauront jamais ce que c’est que d’avoir faim et de voir sa mère pleurer en cachette pour ne pas nous inquiéter.
Ils ne sauront jamais ce que c’est que d’aller à l’école en ayant peur qu’on nous renvoie parce que les frais ne sont pas payés.
Il tourna la tête vers ses sœurs et ajouta :
— Mais nous, on sait.
Lorsqu’ils arrivèrent chez leur mère, Marguerite Kouassi les attendait déjà.
Elle lut immédiatement dans leurs regards l’ampleur de ce qu’ils venaient de vivre.
— Asseyez-vous, mes enfants, dit-elle doucement.
Ils prirent place autour d’elle, comme ils l’avaient toujours fait après une longue journée.
— Alors ? demanda-t-elle avec calme.
Julien inspira profondément.
— Ils ont parlé d’héritage. Ils veulent "réparer leurs erreurs".
Marguerite eut un sourire triste.
— Réparer ? Ils pensent qu’un peu d’argent peut réparer trente années d’abandon ?
Elle secoua la tête.
— Ce qui est perdu ne se récupère pas.
Ce qui est brisé ne se recolle jamais de la même manière.
Isabelle la regarda avec admiration.
— Maman… Comment fais-tu pour rester si forte après tout ça ?
Marguerite sourit, son regard empli de douceur.
— Parce que j’ai eu mes enfants.
Elle leur prit les mains et ajouta :
— Tout ce que j’ai fait, c’était pour vous. Chaque nuit de larmes, chaque journée de lutte… Ça valait la peine, parce que vous avez réussi.
Des larmes montèrent aux yeux d’Élise.
— Tu es une femme exceptionnelle, maman.
Marguerite leur caressa tendrement les joues.
— Je ne veux pas que vous soyez comme eux.
Je ne veux pas que la haine empoisonne vos cœurs. Pardonnez, non pas pour eux, mais pour vous. Parce que vous méritez d’être libres de ce poids.
Julien, qui avait toujours été le plus réticent à l’idée du pardon, baissa les yeux.
Peut-être que leur plus belle victoire n’était pas d’avoir réussi… mais d’avoir survécu sans devenir amers.
Les jours suivants, la famille décida ensemble de refuser l’héritage.
— Nous avons bâti notre propre empire, déclara Isabelle en déchirant la lettre du notaire. Nous n’avons besoin de rien venant d’eux.
Et pour la première fois depuis longtemps, ils se sentirent pleinement en paix.
Car la plus grande richesse qu’ils avaient acquise… c’était leur dignité.
A bientôt.