Chapitre 24 : 14 jours puis la liberté
Write by Max Axel Bounda
Lundi matin, une foule d’étudiants
s’était agglutiné devant le mur. Le célèbre tableau d’affichage de l’UPG. Les
listes des soutenances venaient d’être affichées. Les étudiants s’étaient regroupés
juste devant comme s’il s’agissait du saint graal. Ils avaient attendus si
longtemps et travailler si dure. Enfin, ils avaient été jugés dignes de passer
devant le grand jury qui devait désormais décider ou non de leur accorder le
titre de maitre dans leur domaine d’études. C’était une autre paire de manche
mais pas grave, l’essentiel était fait.Ils soutenaient dans deux semaines. Ils
n’auraient plus que quatorze jours d’attente avant de dire bye bye à l’UPG. Quatorze
jours pour en finir avec cet enfer. Quatorze jours pour se préparer.
Quatorze jours puis la liberté.
*
La Rav 4 vert métallisé de Lema se
gara devant le bâtiment de cinq étages qui abritait les bureaux et les
laboratoires de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université
publique du Gabon. Un bâtiment qu’ellen’avait que très peu fréquenté.Les rares
fois qu’elley avait mis les pieds, c’était pour présenter Blu Butterfly, leur
agence d’hôtesses sur une émission diffusée sur les ondes de la radio
universitaire ‘‘Radio Campus’’ qui logeait au rez-de-chaussée du sanctuaire de
la FLSH.
La jeune femme, coupa le moteur de
son véhicule et retira sa ceinture de sécurité. Pris une minute pour se mirer dans
le rétroviseur. Toujours être
présentable.Elle ajusta sa fine monture, lissa son chignon etse parfuma d’une
vapeur bleu de chanel. Puis, posa son
pied sur le bitume dégarni. Entièrement descendue, elle verrouilla ses
portières et lissa son t-shirt rose. La lumière du soleil semblait se refléter
sur elle. Et attirer inexorablement l’attention sur sa personne. Un pied devant
l’autre, elle traina ses baskets sneakers de même teinte que son t-shirt sur
mesure, au-dessus d’un pantalon jean noir, en direction du tableau d’affichage d’où
des regards s’étaient détachés pour la reluquer.
A destination, elle scruta la liste
des candidats de son département. Elle le fit, une, deux et trois fois mais son
nom n’y figurait pas. Son tuteur pédagogique était décédé certes mais avant sa
mort, il lui avait dit que tout était bouclé. Qu’elle soutiendrait. La petite vérification
qu’elle fit, lui confirma que des condisciples à elle, tenus par ce même
encadreur, avait été admis.
C’était certainement une erreur.Elle
vérifia si elle n’avait pas été balancée dans un autre département par
inadvertance. Avec cette université, on
ne sait jamais. Elle passa au peigne fin tous les noms de tous les départements.
Ce n’est qu’à la troisième lecture qu’elle réalisa inexorablement qu’elle ne
figurait sur aucune liste.Pire encore, son nom n’était non plus sur la liste
des personnes ajournées. En somme, c’est comme si elle n’existait pas. Mais
c’était impossible, cela faisait six mois que l’on renvoyait sa soutenance.
Cette fois-ci aurait dû être la bonne. C’est le marchéqu’elles avaient conclu
avec… le salaud.Elle se figea devant
le tableau la tête à moitié chaude.
Ça
ne va pas recommencer. Pas cette fois encore.
Je
ne vais pas me laisser faire encore une fois.
Il m’avait
assuré que je soutiendrai à cette session.
Elle repensa à sa meilleure amie, sa
colère augmenta. Son cœur s’embrasa. L’histoire
se répète. Ces gars n’ont aucune parole.
Prise de fureur, elle arracha d’une
main, toutes les listes affichées devant elle, à la grande surprise des autres
étudiants. Qui lui signifièrent leur mécontentement.« Oh mais tu es folle
toi ? » Mais elle ne les entendait pas. D’ailleurs, elle ne les
voyait même plus. Elle en poussa plusieurs prostrés sur son passage.
« La go là a quel problème ? »
Lema, la tête dans un nuage de colère,
comme un jour d’orage, prit la porte du bâtiment, longea le couloir, passa
devant l’entrée scellée du bureau du défunt chef de département. Bifurqua à une
intersection et poussa avec rage la porte au bout de l’allée.
— Monsieur, je veux savoir pourquoi je
ne soutiens pas à cette session, cria-t-elle.
L’homme qui était face à une
étudiante dans son bureau parut grandement surpris et gêné à la fois.
— Mademoiselle Lema, que se passe-t-il ?
— Je viens de vérifier les listesde ce
matin, mon nom n’y est pas. Votre collègue m’avait assuré que je soutiendrais.
— Il doit y avoir un malentendu.
— Il n’y a pas de mal entendu.
Espèce de pervers ! Vous avez fait la même chose à ma sœur. Mais je vous
assure que si vous ne réglez pas cela aujourd’hui, vous aurez de mes nouvelles.
Croyez-moi !
— Après tout, je ne vous permets pas
de crier sur moi et dans mon bureau en plus. Vous n’êtes qu’une étudiante ici.
Alors parlez-moi sur un autre ton.
— Je vous crie dessus si j’en ai
envie ! J’en ai marre de vos petites combines ça fait six mois que
j’attends. Et cette fois c’est la dernière.
— Vous avez du culot…
— Même des tonnes si vous
voulez !
— Sortez de mon bureau
mademoiselle ! Vous vous croyez où ?
— Ce ne sera plus le vôtre quand
vous serez tout nu avec une étudiante sur internet. Enfoiré ! Fils de
pute. Vous avez intérêt à ce que mon nom soit sur la liste demain matin. Sinon
vous allez le regretter toute votre vie. Connard !
— Faites ce que vous voulez. Vous ne
soutiendrez pas ici.Vociféra l’homme mais la fille avait déjà tourné la tête et
emprunté le chemin retour.
La guerre était déclarée.
*
*
*
A dix-sept heures,Jessica fut de retour
à la maison. Elle me trouva dans la chambre à coucher. Elle tenait un carton et
des sachets dans les bras. Je me levai pour l’aider mais elle répondit n’avoir
pas besoin d’aide.
Moi, je venais de passer la journée
à saisir les dernières corrections de mon mémoire. Il me restait juste quelques
pages. Je lui avais emprunté son ordinateur pour faire ce travail. Encore une
heure ou deux et c’était fini. Je faisais alors le plus vite possible, quitte à
déposer des exemplaires imparfaits et me défendre devant le jury.
Jessica m’ôta l’ordinateur des mains
et s’assit sur mes cuisses.
— Coucou mon chéri.Elle me fit un
baiser.Mon pauvre bébé, on est en plein bossing, à ce que je vois, ajouta-t-elle
en riant.
— Ce n’est pas drôle Jess. Je dois
le déposer demain matin.
— Je sais, je sais mon cœur ! J’espère que tu as faim je ne nous ai pris des plats à la Sauce Tartare[1].
Je ne répondis pas et repris l’ordi
qu’elle avait posé sur le lit. Jessica se leva, se déshabilla devant son
dressing et enfila une robe de nuit bleu qui lui arrivait au milieu des cuisses.
Puis elle se rendit dans la salle de bain et se démaquilla.Elle revint s’assoir
à côté de moi et me regarda avec insistance. Puis éclata de rire. Je constatais
que ma petite amie était d’humeur plus joviale que les jours précédents, mais
pourquoi ?
— Qu’est ce qui t’amuse
autant ?
— Oh rien. Je suis heureuse de
vivre. Je suis heureuse de t’avoir dans ma vie. J’écarquillai les yeux en signe
d’incompréhension. Devine qui est passé me manquer au bureau ?
— Qui ?
— Samirah.
— Ah ouais ? Qu’est-ce qu’elle voulait ?
—
Je ne sais pas.Elleest passé au cabinet toute à l’heure. Mais je n’y étais pas.
Quand je suis rentrée, les filles m’ont dit que quelqu’un m’avait laissé sa
carte. Je l’ai appelé et on a pris rendez-vouspour demainà midi à son
restaurant. Si tu veux, tu peux venir.
—
Pourquoi pas ?
Elle
se leva et se rendit à nouveau dans la salle de bain. Et se doucha. A son
retour, elle se saisit du carton qu’elle avait apporté et le poussa dans ma
direction.Demain, j’aimerais que tu ailles déposer ceci à ton université, me
dit-elle.
— Déposer quoi ?
— Ton mémoire ! Tu ne veux plus soutenir ou quoi ?
— Où est-ce que tu l’as eu ?
— J’en avais fait une copie
pour le relire et m’assurer que tu ne déposes une version imparfaite. Ce matin,
au bureau, je m’en suis souvenu et je l’ai envoyé au service reprographie.
— Sans blague !
Je me levai en sursaut. Ouvrit le
fameux carton d’un fournisseur de papeterie. Et soudain, je n’en crus pas mes
yeux ! Il y’avait là, cinq exemplaires de mon mémoire.
Correctement imprimés et assemblés. Cette fille était incroyable. Elle venait
de me sauver la vie. Je voulais sauter sur elle et lui faire plein de bisous
mais elle était trop loin.
— Maintenant j’ai faim, viens
manger.
— Ok chérie, dis-je en me dirigeant
vers elle.
— Oh pas si vite ! Vas laver
tes mains, dit-elle en riant.