Chapitre 24
Write by sokil
- Klariza ? Attends ! Bébé ?
- Jamal qui c’est ? C’est ta copine ? Pourquoi s’en va-t-elle ?
- Je…j’en sais rien ! Nous sommes en froid, Oui ! C’est d’elle dont je te parlais, c’est… c’est ma p’tite amie !
- Oh ! Elle a cru que… Mais nooon !!! Rattrape là ! Elle s’fait des idées !
- Klariza ? Arrêtes toi ! Pourquoi tu t’en vas ?
J’ai entendu la fille lui parler, mais foutaises ! Je me suis mise à
marcher vite, très vite et à courir, que Jamal s’est mis à courir lui
aussi afin de me rattraper. Lorsqu’il me rattrape et me prend par le
bras, je comprends que je me suis complètement gourée. Essoufflés et
haletants, chacun de nous a mis un temps fou à prendre la parole.
- Klariza, c’est… c’est ma sœur aînée ! Tu te…
- Oui… Euh … je sais… Non ! Enfin ! Je m’en fou … non …c’est… c’est ton problème !
- Calme-toi ! Elle est de passage ici, tu n’as rien à craindre ! Je lui ai parlé de toi !
- Qu’est-ce que j’en sais ?
- Tu n’en sais rien justement ! Viens je vais te la présenter !
- Tu… mais qu’est ce qui t’arrive au juste Jamal ?
- Qui ça ? Moi ??? C’est à moi que tu poses la question ?
- Oui ! Toi ! Tu boudes ! Tu te rends compte que tu ne m’as pas
adressé une seule fois la parole depuis que les classes ont repris, et
il a fallu que je vienne te voir et que tu …
- Mais c’est toi
qui boude ! C’est pas moi ! La preuve Tu es venue de Paris et tu n’as
pas daigné me signaler de ton arrivée, Rien ! Tu voulais que je prenne
ça comment ? J’ai compris que tu n’as pas digéré le fait que je te
fasse un reproche à propos de ce que tu m’as si bien caché !
-
Tu es terrible ! Je t’ai écris à mainte reprises pour te dire que je
m’excusais pour tout, que j’étais désolée et que je regrettais mon geste
! Mais tu n’as même pas répondu ! C’est le mépris !
- C’est
toi qui me méprise ! J’te l’ai dit ! Je ne supporte pas certaines
choses, en plus venant de ma petite amie ! Tu dois avoir un
comportement digne ! Et j’aime la vérité !
- Je n’ai pas dit le contraire, mais tu aurais pu me faire le reproche et passer à autre chose !
- C’est c’que j’ai fait, je suis passé à aut’chose, je n’y pensais plus !
- En parlant de vérité monsieur le fils de l’ambassadeur !
- Ex diplomate ! Il est passé aux oubliettes le vieux ! C’est au
consulat de Bordeaux qu’il a fini par atterrir avant de prendre sa
retraite… Est-ce si important ça ?
- Tu marques un point ! Donc si je ne venais pas, tu ne te serais même pas gêné n’est-ce pas ?
- Pourquoi ? C’est trop facile !
- Tu m’énerves !
- Moi je t’aime ! Viens ici !
- Laisse-moi tranquille !
- Embrasse-moi ! Ta bouche me manque ! Ton corps me manque… « ton-tout-toi » me manque !
- Espèce de faux poète ! Je te manque maintenant ! Je te l’ai dit la
dernière fois par message mais tu as préféré jouer les beaux gosses
n’est-ce pas ? Laid type !
- Tu vas voir ! La leçon que je
vais te donner tout à l’heure… Tu me diras si je suis si laid et si
dégoûtant à tes yeux ! Ma nymphe…
Il m’a prise de force dans
ses bras et je n’ai pas pu résister, c’est vrai lui aussi me manque, je
me rends compte que j’ai besoin de lui, de sa chaleur. On s’embrasse
ensuite sauvagement, sans prêter attention aux passants et autres, de
toutes les façons, c’est la mode ici et ce couloir est bien réputé pour
cela, puisqu’il a été surnommé, « le couloir des amoureux ».
- Je ne savais pas que j’allais être victime un jour de ce couloir… Ça prend tout le monde !
- Oui à quelques différences près, tu m’as un peu forcé la main…Vu ton
irritation et ton bavardage, c’était la seule façon de te calmer !
- C’est ça Moussa !
- Viens j’te présente ma sœur !
Kadidjah, la sœur aînée de Jamal, est très sympa ; plutôt ouverte,
libérale et sans complexe, le courant est très bien passé entre nous.
Elle est juste de passage dans la ville pour affaire, dit-elle.
- Boh beh ! j’vais m’en aller hein ! Klariza ravie de faire ta
connaissance ! J’file à mon rendez-vous, ensuite j’vais à l’hôtel!
Jamal tu l’as garde bien d’accord ?
- J’la garde bien si elle respecte mes principes !
- Ô commence pas avec tes principes à la con ! Tu fais pareil que le vieux !
- Normal chui son seul fils !
- L’écoute pas Klariza ! Même s’il est carré sur les bords, on espère que tu l’feras changer un jour !
- Elle devra me passer sur le corps à chaque fois !
- Beuh en tout cas …
Tout l’après-midi, nous avons roucoulé tous les deux ensemble, nous
avons fait l’amour à plusieurs reprisses ; épuisés, lessivés et repus,
je me suis affalée docilement sur son buste ; pendant qu’il me caresse
en même temps les cheveux, je peux m’entendre lui dire.
- J’ai aimé, j’ai… vraiment adoré, voilà je te le dit !
- Il était temps ! Je commençais à m’inquiéter dans ce sens !
- T’as pas à t’inquiéter, je suis juste peu lente à la gâchette !
- C’est pas grave ! C’est à cause de ton passé !
- Oui, beaucoup de choses !
- Ne laisse pas ce passé te dominer… C’est lui ? Le père de ton enfant ? Celui qui …
- Oui ! Le jour où j’accouchais, il… était entrain de… se marier avec
une autre fille ! Je t’ai presque tout dit mais ce détail, je n’aime
pas trop en parler !
- Oh là là ! J’imagine ce que tu as dû endurer !
- Ça n’a pas été facile au départ parce que j’ai eu une sainte horreur
des mecs juste après ; mais je ne pouvais pas imaginer que je pouvais
encore tomber amoureuse…
- C’est vrai ? Tu m’aimes ?
- D’après toi ?
- Moi j’taime ! Je comprends tout ça, ce que tu as enduré, cette
horrible trahison, et même le fait de m’avoir caché ce détail… J’aimerai
qu’on reparte sur de nouvelles bases… C’est une nouvelle année,
oublions le passé, tous ces tumultes, oublions même que tu as connu
celui qui t’a abandonné avec une si lourde charge, un fardeau, et …
- Tu as raison, mais mon fils n’a jamais été un fardeau pour moi !
- Désolé, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire ! On reprend tout à
zéro, on efface tout ce qui a pu te mettre dans un tel état ! A présent
deviens une nouvelle personne !
- Ok ! Devenons tous les deux de nouvelles personnes!
- Oui ! Mais moi je n’ai presque rien à me reprocher, je suis comme je suis, simple, sans complexes…
- Et orgueilleux ! Sans oublier que tu es bourré de principes « à la con » comme le dit ta sœur !
- C’est de l’exagération ! Je n’aime tout simplement pas qu’on se foute de ma gueule !
- Bref chacun de nous doit prendre des résolutions et tenter de s’améliorer en cette nouvelle année, c’est mieux ainsi !
- Pas de soucis ! Plus de mensonges !
- Plus de mensonges…
Tout en resserrant notre étreinte, et en s’adonnant à de petits jeux
coquins, on se lance des blagues à tout va sans grand intérêt. Soudain
il en redemande encore.
- Oh! Jamal non ! On se repose !
Espèce d’assoiffé ! A la longue je risque encore de choper une seconde
grossesse ! Ahahaha non pas question !
- T’en fais pas ! Je ne l’admettrai même pas !
- Mais… ça peut arriver !
- Non !!!
- Parle pour toi ! Mon organisme est très changeant, même si on se
protège, j’ai bien peur qu’il arrive qu’on se laisse aller et que…
- Avec le temps tu apprendras à tout contrôler !
- Nous sommes deux je te rappelle !
- Oui mais tu viens de le dire toi-même, que tu n’as pas envie de te retrouver avec un second fardeau !
- Pourquoi ce mot « fardeau » ?
- Je vais tout juste dans ton sens ! Et crois-moi ça n’arrivera même pas !
- Ok ! Laissons tomber… On ne s’énerve pas !
- Voilà, tu t’emportes pour rien, moi je suis très calme !
Je le toise un tout petit peu, il le remarque et m’attire contre lui.
- Fais-moi un câlin… Aller, le câlin de la paix !
- Mange ton câlin là seul ! Il se fait tard, je rentre chez moi, j’ai
cours demain matin à la première heure ! Tu me raccompagne ?
- Après on va dire que c’est moi le boudeur !
Plus tard en rangeant mes affaires, mon téléphone vibre, c’est un appel
de ma mère ; mon cœur fait un gros bond dans ma poitrine, je m’exclame
toute seule.
- Mon Dieu ! Tante Claude !!!
- Qui ça ?
- C’est un appel de ma mère !
- Mais décroche !
- J’ose pas, j’ai très peur… Ma …ma tante est internée à l’hôpital
depuis des jours et ça va de mal en pis ! Aux dernières nouvelles son
état était stable, aucun changement !
- Mais dans ce cas décroche pour en savoir plus !
Quelques minutes plus tard…
Mon esprit, je le sens tout embourbé, mon corps, je ne le sens plus, je
n’entends plus rien ; j’ai crié de toutes mes forces, j’ai crié sans
limite, je me suis roulée à même le sol ; je refuse de le croire… C’est
impossible, c’est cruel, c’est dur à l’admettre, cette vérité ! Assise
à même le sol et adossée contre le mûr, Jamal s’est assis tout près de
moi. C’est lui qui m’a tenue, et soutenue pendant que je me défoulais
dans le vide ; il a pu ainsi me calmer provisoirement.
- Aller, lève-toi… Sois forte ! Prends courage !
- Snif… Tante Claude ne peut pas partir maintenant, c’est… c’est…trop
cruel ! Elle ne peut pas mourir de cette façon ! Tu… tu comprends ?
J’aurai qui maintenant ? Elle était plus qu’une mère pour moi… Ooooh
nooon !!! J’arrive à peine à respirer… Aide-moi, je suffoque !
Putaiiinn… Tata Claude !!! Elle me laisse avec qui ??? Ma … ma
confidente… Mon tout ! Oh nooon ! Oh nooon … Je ne respire pas
bien…Snif!
Effectivement je commence à manquer de souffle,
Jamal panique et s’en va me chercher un verre d’eau…Je n’ai même pas su à
quel moment je me suis évanouie, je me suis réveillée moi aussi à
l’hôpital. C’est la panique générale, Jamal est suspendu au téléphone
toutes les secondes, rendant compte par ci par là, que ce soit à ma mère
et même à Richard qui a lui aussi été tenu au courant.
- Oui…
Oui … Klariza… elle va mieux, elle est encore sous le choc… Oui… Toutes
mes condoléances madame pour votre sœur, je suis vraiment désolé… S’il y
a quelque chose que je peux faire…Oui… d’accord… Comptez sur moi
madame… Non je ne crois pas qu’elle soit en mesure de parler… Un
instant…
J’ai tout juste les yeux hagards ! En me réveillant,
on aurait dit qu’un marteau me tape sur le cerveau en permanence ; en me
réveillant, j’ai espéré m’être trompée, pensant que j’ai été victime
d’un pur délire… C’est lorsque j’entends Jamal dire au téléphone «
toutes mes condoléances madame… pour votre sœur » que je me remets à
sangloter de plus belle. Jamal, est embarrassé, il me regarde et
confirme à ma mère que je ne suis pas en état de parler au téléphone.
Jamal fait des pieds et des mains pour me soutenir malgré toute la
douleur que je ressens. Il a promis à mes parents de veiller sur moi
afin que je ne pète pas un câble ; DIEU seul sait le lien très fort qui
m’unissait à ma tante.
- Bébé… Pleure autant que tu peux, c’est
normal ; mais s’il te plait ne te laisse pas abattre…Écoutes moi, tout
cela fait partie de la vie… Nous sommes censés tous partir un jour…
C’est le cours normal de la vie ! Il y a des gens qu’on aime très fort
mais qui sont parfois obligés de partir par la force des choses…
J’essaie de l’écouter ; mais je ne l’entends pas très bien ; je tente
même de le regarder dans les yeux Jamal … Mais vraiment sans le voir… Je
tente même de les ouvrir davantage, je plisse les yeux à plusieurs
reprises, mais le fait d’avoir les yeux si embués m’empêche au final de
le voir, ni même de croire à ce qu’il me raconte.
- Est-ce que tu m’entends ?
- Tante Claude… Ne peut pas partir …Snif ! Tu… ne comprends pas… Snif…
Elle n’a pas le droit de s’en aller de cette façon ! Elle … m’a
promis…On… on s’est promis ! Nous nous sommes promis qu’à notre
prochaine rencontre que nous devrions boire ensemble… J’ai carrément
acheté de l’alcool pour elle… j’ai acheté de la Vodka…Elle m’avait dit
qu’elle voulait quelque chose de fort… Alors j’ai pensé que la … Vodka
lui ferait beaucoup de bien …Snif…Snif !!!
Jamal, très touché
par mes paroles, n’a plus rien dit ; il est resté près de moi durant
toute la soirée. Le lendemain j’ai pu sortir de l’hôpital, pas très en
forme mais avec un semblant de moral, et les jours qui ont suivi je n’ai
même pas été en mesure d'aller en cours. Une permission m’a été
accordée pour quelques jours.
Je suis remontée sur Paris pour
les obsèques de ma tante. Incapable de faire le déplacement pour le
pays, à cause des examens à l’école, c’est l’âme meurtrie, que j’ai pu
lui dire au revoir… Je suis tombée plusieurs fois, à la mise en bière,
et pire lors du départ du corps pour le pays. J’ai cru ne pas survivre à
cela.
J’ai cru que le monde s’est arrêté de fonctionner à
partir du moment où j’ai appris sa mort. Curieusement ma mère a été
plus brave que moi, Richard aussi a fait preuve de courage et de
maîtrise de soi. J’en ai voulu à ma tante Claude d’être partie sitôt,
je lui en ai voulu de m’avoir laissée, seule, moi avec mes démons… Elle
savait me soutenir malgré tout, et même malgré la distance qui nous
séparait, on se comprenait, elle savait lire dans mes pensées, elle
savait me guider et me dire ce qu'il aurait fallu que je fasse, me
prodiguer les conseils, en une seule phrase, en un seul mot… Telles ont
été les paroles que j’ai pu prononcer au culte célébré à Paris pour lui
rendre un dernier hommage.
Je l’ai emportée avec moi, cette
bouteille de Vodka ; j’ai tenu tant à le faire… Avant qu’on ne referme
le cercueil pour toujours, dans un élan, je me suis rapprochée d’elle,
de son corps, et curieusement je l’ai trouvée si belle ; elle a l’air si
sereine et ne souffre plus, je sais que cela a été son souhait le plus
cher, vivre sereinement…Je crois qu’elle l’a trouvé, la vie éternelle,
sous d’autres cieux, me suis-je dit intérieurement. En m’approchant
d’elle, j’ai sorti la bouteille de mon sac, et je l’ai posée
délicatement et discrètement contre elle. Ma mère a vu mon geste ;
n’étant pas très d’accord, elle a voulu m’en empêcher.
- Maman… je fais sa volonté…Ça fait partie de l’une de ses dernières volontés…Je lui ai promis cela, elle le mérite !
- D’accord…
- Va en paix ma tatie… Ma maman chérie ! Va et repose en paix… je
t’aime et je ne t’oublierai jamais !!! Jamais !!! Jamais !!! Snif…
Jamais… Jamais !!!
Ce sont des bras solides qui sont venus me prendre, et me soutenir jusqu’à à la fin…Jusqu’à son départ pour le pays…
Six mois plus tard…
Je viens de boucler mon stage dans cette entreprise, une société de
production audiovisuelle, « Progidima films » située à Toulouse, où j’ai
passé un mois plein. j’ai bossé comme une dingue, j’ai donné du mien,
je n’ai fait que ça, et je pense que mon objectif a été atteint pour
cette première année. C’est en partie ce qui m’a permis de tenir, de
transcender et surtout d’être forte… C’est six derniers mois ont été les
plus durs à vivre, entre la perte d’un être cher et la solitude, j’ai
appris à me prendre toute seule en main. Jamal et moi avons fini par
nous séparer, d’un commun accord… Juste après le décès de ma tante, nous
avons décidé de vivre ensemble et j’avoue que cette décision non mûrie
et hâtive a fini par nous précipiter tous les deux vers la séparation.
D’une autre part nous avons pu voir le vrai visage de l’autre et comme
disent les occidentaux, il ne s’agit que d’une incompatibilité
d’humeur…Nous n’étions presque d’accord sur rien à la fin ; ses idées
carrées, ses principes et son autosuffisante permanente n’ont fait que
me rendre folle au fil du temps et la pire des choses, c’est qu’il n’a
jamais accepté au fond l’existence de mon fils Rick. Il n’a jamais
manifesté un tant soit peu de sympathie envers lui.
- Coralie !
Non mais c’est vrai quoi ! Je ne dis pas que je suis parfaite, j’ai
mes torts dans cette relation, le mensonge qu’il n’a jamais pu digérer ;
mais juste après ça je me suis investie à fond dans la relation, à 100%
tu vois ? Jamal, comment dire, c’est quelqu’un de bien au fond, il m’a
soutenue comme pas possible pendant le deuil de ma tante, je ne
l’oublierai jamais ! Mais quand tu vis avec un mec qui est tout le
temps entrain de te faire des reproches en permanence… je n’étais jamais
bien pour lui ! Il n’était jamais d’accord avec mes idées, ce sont les
siennes qui devaient prôner et qu’on devait adopter même si on se casse
la figure après, il ne cherche même pas à vouloir essayer les
miennes…Non jamais ! Pour lui c’était se rabaisser… L’autre chose et ça
j’ai eu du mal, c’est le fait qu’il ait appris que ma mère et mon fils
devaient revenir ici en France me rendre visite… Il n’ a pas gobé, il
m’a fait une scène pendant tout un mois, je ne dormais pas… A ses côtés
la nuit il n’arrêtait pas de ronchonner et de me dire que j’ai fait une
erreur en acceptant de garder un enfant dont le père n’en voulait
pas…Que j’ai accepté de porter un lourd « fardeau » pour rien ! bref en
conclusion quand lui ai dit que j’en avais marre, il m’a dit comme ça : «
Bon vent… »
- Pfff… Les mecs après c’est nous les femmes qu’on accuse ! Nous sommes quand même au 21ième siècle !!!
Pendant tout le reste du temps, j’ai préféré ronger ma solitude,
attendre en vain que ma mère et mon fils revienne ici me voir, mais avec
les imprévus et tout le reste, ils n’ont fait que renvoyer. Jamal m’a
snobé pendant tout ce temps-là, il est allé jusqu’à se pavaner avec une
autre fille de l’école ; au point de dire plus haut afin que je
l’entende de mes propres oreilles.
« Les filles de couleur comme moi j’en veux plus ! C’est terminé, j'en ai eu pour mon compte ».
J’ai tout simplement fermé mes oreilles et j’ai décidé de passer à
autre chose. La solitude m’a complètement dominée à la fin, je sentais
le vide autour de moi, je faisais des cauchemars presque toutes les
nuits, j’ai failli faire une dépression, jusqu’à ce que ma mère me fasse
la surprise. Ils sont finalement revenus me voir, cette fois ci ici à
Montpellier. J’ai été fière de me pavaner partout avec Rick et ma mère,
j’ai été fière de les présenter à mes amies qui ont adoré le petit ;
nous avons passé de bons moments, j’étais aux anges. J’ai déserté ma
chambre pendant toute cette période, et nous avons passé quelques jours
de rêve à l’hôtel, c’était en été.
Juste avant qu’ils ne
retournent au pays, la tristesse m’a envahie, j’étais pas bien, je
pleurais par moment en solo ; un soir, ma mère est venue me trouver,
j’étais lovée contre Rick qui était sur le point de s’endormir.
- Tu es triste ? Faut pas !
- Je sais… Mais parfois c’est dur ! Tout ça c’est dur ! Toute cette vie de merde ! A quoi ça sert ?
- Je sais ! Tu penses toujours à elle ! Moi aussi…Son absence je la ressens au quotidien, tu n’en as pas l’idée !
- C’est pareil, elle me manque atrocement… Il n’y a pas un seul jour où
je ne pense pas à elle, c’est terrible. Les choix que je fais, les
décisions que je prends, je le fais toujours en pensant à elle, en me
disant : « Si tata Claude était là, comment ferait – elle ? Que dirait –
elle ? etc… »
- Oui… Elle nous manque à tous ! Mais elle est
bien là où elle est ! Je t’assure ! Je la vois souvent en rêve…C’est
invraisemblable, mais c’est vrai, et ce que je vois ou alors je perçois,
ce n'est rien d'autre que le calme autour d’elle, la beauté, elle est
bien maintenant !
- Ça alors! Et elle te parle ?
- Non
jamais, elle sourit tout simplement…Je crois que nous devrions arrêter
de nous lamenter, elle n’aime pas ça ! Elle voudrait qu’on aille de
l’avant, qu’on se batte, je crois que c’est ce qu’elle aurait aimé que
tu fasses !
- Tu as raison et comme on dit, les morts ne sont
pas morts… Ma tata n’aurait pas aimé me voir dans cet état c’est vrai,
je dois prendre exemple sur elle… Son optimisme ont fait d’elle ce
qu’elle a toujours été !
- Bien dit… Nous rentrons bientôt au
pays, mais ce n’est pas la fin du monde…Sois forte et termine tes
études, c’est tout ce que tu as à faire, le reste tu ne sais pas ce que
l’avenir te réserve, mais fais juste l’effort de rendre ton quotidien
meilleur, c’est ça qui va t’aider à te forger un caractère dur et une
forte personnalité, ton avenir en dépends ! Prie pour que toi et ton
fils vous soyez réunis, ça viendra, ce n’est qu’une question de temps !
- C’est vrai ! Tante Claude m’aurait bien tiré les oreilles…
Nous avons souris ; nous avons encore longuement parlé d’elle, à croire qu’elle est devenue une légende, un exemple à suivre.
- Maman ? Tu te souviens de la fois où elle avait tiré les oreilles de
Steve au point d’aller jusqu’à lui donner des coups de pied dans le
derrière ?
- Et comment ? Il n’ y avait qu’elle pour faire ce genre de chose ! Elle nous a sorti de pleins de situations !
- Je te dis… L’hommage de papa en son honneur a été mémorable…J’ai vu
les vidéos de l’enterrement au pays ! Ça m’a coupé le souffle !
- Oui elle méritait ça, qu’on l’enterre dignement.
Après cela, ma vision de la vie n’a plus été la même, je ne peux pas
dire que j’ai fait complètement le deuil de ma tante, mais j’ai appris à
tirer le meilleur d’elle, de ces enseignements; ma source d’inspiration
vient en quelque sorte d’elle. Mon stage bouclé, j’ai rappliqué à
Montpellier, et j’ai soumis un rapport complet à l’école. Je suis en
deuxième année, il ne me reste encore qu’une année pour tout boucler et
décrocher mon diplôme. Mon rêve le plus cher est de pouvoir récupérer
Rick et de me battre avec lui, que je sois seule ou accompagnée. Mais
l’amour, je préfère reléguer cela au second plan ; j’ai bien eu ma dose
avec mes ex, et je pense que je devrai me calmer et être patiente tout
simplement.
Les objectifs, j’en ai quand même plein la besace ;
j’ai au final décidé de changer de lieu d’habitation et passer à autre
chose. Je vis dans une autre cité toujours près de l’école, mais plus
belle et ma chambre est plus spacieuse. Tous les jours en rentrant chez
moi, je fais le bilan de la journée et je peux me satisfaire d’avoir
accompli l’essentiel…
- Tata Claude tu me vois ? j’essaie de
m’en sortir toute seule… j’essaie de faire comme tu aurais aimé ! Et je
sais que tu en serais fière n’est-ce pas ?
Je parle dans le
vide, mais je sais qu’elle m’entend très bien ; au même instant, je sens
une légère brise me parcourir tout le corps, un vent doux qui pénètre
doucement la pièce et qui fait bouger les rideaux ; je ferme les yeux et
je respire doucement. C’est elle j’en suis sûre, elle est là, je sens
sa présence. Je souris et je lève les bras vers le plafond.
- Merci ma tata, merci pour tout !
Je n’ai pas fini de cogiter que je suis interrompue par la sonnerie, ça
sonne et ça frappe à la porte en même temps. Désorientée et en même
temps énervée par le trouble de cette quiétude, je demande:
- Qui va là ?
- C’est… c’est moi … Jamal ! Ouvre-moi s’il te plait !