Chapitre 25

Write by Meritamon


Chacha Njue (3) - 

 

Nairobi.


     -         Vous êtes sûre que c’est bien aujourd’hui? Parce qu’on a une journée folle…

Julia, la secrétaire de Malick Hann, est embarrassée. Charline venait à un moment inopportun. Son patron était au beau milieu d’une rencontre importante avec les actionnaires. Il ne pouvait trouver du temps.

    -         C’est pour des tableaux? Je ne comprends pas. Pourtant ce n’est pas à son agenda. Pouvez-vous attendre un moment que je vérifie avec lui?

    -         Bien sûr, avait répondu Charline sagement, en décochant son plus beau sourire.

« J’ai tout mon temps, madame ».

Charline se sentait hardie d’être là, dans les bureaux de la World Dominion Bank, de bousculer les conventions, de surprendre son amant.

Elle s’amuse à l’avance de la surprise de l’homme lorsque la secrétaire va l’annoncer, mais aussi son embarras, lui qui veillait méticuleusement à compartimenter les sphères de sa vie privée et professionnelle.

En l’attendant, elle déambule tranquillement dans les larges corridors avec des bureaux aux baies vitrées où une trentaine de professionnels travaillaient et ne font pas attention à elle. Un jeune employé l’aperçut et l’invita à prendre un café. Charline lui servit le même baratin qu’à la secrétaire. Elle travaillait pour une galerie d’arts qui avait de belles sélections d’œuvres contemporaines à proposer à Monsieur Hann.

Et elle eut du plaisir à mentir comme ça.

    -         Malick Hann est formidable, commenta l’employé, un grand jeune homme maladroit.

« On apprend beaucoup avec lui. Il est rigoureux et passionné dans ce qu’il fait »

« Je le sais. Il m’a aussi appris beaucoup de choses » aurait aimé lancé Charline .

Juste à ce moment, Malick apparaît. Charline peut juger par son regard qu’il est déconcerté et qu’il garde un calme de façade au beau milieu du tumulte qu’elle a provoqué en lui. Ses yeux ont vite fait de la scanner pour repérer le piège.

Pourtant, il s’approche pour serrer la main de Charline, de façon conventionnelle. L’homme d’affaires prend précaution pour ne pas dévoiler leurs liens.

     -         Bonjour Charline? Je vois que vous avez déjà fait connaissance avec notre stagiaire.

« On ne te paie pas pour faire la causette dans les couloirs » avait-il lancé sèchement à ce dernier. Le stagiaire détala sans demander son reste.

 Les colères de Malick étaient redoutées dans la compagnie.

 

    -         Désolée de venir à un moment aussi occupé, Monsieur Hann. Mais j’avais cru comprendre que notre entretien était ce matin…

Charline fit semblant de vérifier une date imaginaire dans son agenda. Elle se mordit la lèvre inférieure, en jouant la confusion, heureuse de l’embarquer dans son mensonge, de le faire mentir devant tous.

     -         On pourrait planifier pour une autre date, je suis vraiment désolée…

Malick avait soupiré, résigné.

     -         Écoutez, ce n’est pas grave. J’ai dû oublier de le noter. J’ai une dizaine de minutes à vous accorder.

 

Quand elle l’avait suivi dans son bureau alors qu’il faisait de grandes enjambées, elle regretta soudain d’être venue le provoquer dans son antre.

 

La preuve, une fois dans le bureau, Malick prit un ton cassant.

 

      -         Que fabriques-tu ici?

 

 Elle le dérangeait.

 

     -         Je voulais te revoir. Ça fait plus de deux semaines que j’essaie de te rejoindre par tous les moyens…

 

     -         Tu me fais prendre des risques en venant ici, Charline… 

 

     -         Je suis désolée, je ne savais pas où te trouver, mon chéri. fit-elle les larmes aux yeux, comme elle se butait à son insensibilité.

 

Son regard était dur, dénoué d’émotions, sa voix glaciale.

     -         Qu’Est-ce que tu n’as pas compris quand je disais que je ne voulais pas d’attaches? Je t’avais prévenu pourtant qu’on ne pouvait pas avoir de liaison…


Charline avait acquiescé de la tête.

    -       J’ai compris, mais je voulais te dire que je t’aime…

    -       Charline, non! Tu ne dois pas éprouver des sentiments pour moi. Il ne faut pas! fit Malick en s’éloignant d’elle.

    -       Je t’aime Malick, entends-le, digère-le, mais je t’aime, dit-elle de façon résolue. 

Lui de soupirer profondément:

    -       On ne peut pas aimer un sans-cœur comme moi… il y a longtemps que je ne sais plus aimer. C’est comme ça…

    -       Je me fous que tu sois un sans-cœur, que tu sois cruel. Pendant ce week-end merveilleux, j’ai appris à connaitre la véritable personne que tu es, tu as été tendre et affectueux avec moi. Tu as été entier

     -       Je t’ai aussi pris ta virginité… admit-il. Et il y avait de la tristesse dans sa voix. Une profonde culpabilité.

     -       Tu n’as pris que ce que qui t’appartenait… Parce que je t’ai attendu toute ma vie!



Malick se tint le front, sur le point de céder. Cette fille continuait de le regarder comme ça avec sa vulnérabilité et il perdait la tête… de la vouloir encore, de la blesser.

    -       Arrêtes Chacha!… tu mérites mieux, je ne sais pas aimer et je te ferais du mal... Tu as toute la vie pour tomber amoureuse de quelqu’un de bien.

Charline avait secoué la tête. Elle sentait sa poitrine se comprimer sous la pression des larmes. Quand allait-elle exploser?

    -       Je n’ai pas peur de tes erreurs, ni de tes blessures. Je n’ai pas peur de tes imperfections, Malick, Plaida encore la jeune femme. Et je ne trouverais personne 



Charline s’approcha de lui pour qu’il la regarde puisqu’il l’évitait du regard, afin qu’il voie son tourment. Les mains de Malick enlacèrent sa taille, et l’étreignirent. Puis leurs lèvres se rejoignirent en un long baiser passionné, alors que Charline ne pouvait arrêter ses larmes de couler.

Elle sentait que c’était un baiser d’adieu. Tout finissait avant d’avoir commencé.

    -       Dis-le-moi maintenant si je dois t’oublier Malick. Parce que ça va me prendre une éternité.

L’homme essuya tendrement ses larmes et lui baisa les mains.

    -       Ma douce Chacha, la vie n’est souvent pas ce qu’on attend d’elle, tu sais. Nous devons cesser de nous voir comme des amants. Mais si jamais tu as besoin d’une quelconque aide financière… proposa-t-il. 

   Cette proposition blessa Charline plus que tout.


    -       Gardes-ton argent Malick. Je n'en veux pas.



*******

Charles Ogbufo trouva étrange que Malick ne se présentât pas à la réunion avec les actionnaires.  Il se rendit directement dans le bureau où il savait qu’il trouverait son ami et associé. Dans l’embrasure de la porte, il s’aperçut que Malick n’était pas seul. L’associé le vit prendre une très jeune femme dans ses bras. Il les vit s’embrasser passionnément.

Quand il reconnut l’amie de Serena, Charles se détourna rapidement, consterné. Il ressentit de la colère et de la tristesse.

Le seul fait de penser que Charline, la fille d’Edward Njue, partageait une intimité quelconque avec Malick Hann lui broya le cœur.  De toutes les femmes qui existaient en ce monde, il fallait que son Malick jette son dévolu sur l’une des meilleures amies de sa fille.

Depuis combien de temps leur liaison durait-elle? Est-ce qu’ils avaient eu des rapports sexuels? À cette idée, Charles Ogbufo sentit la nausée lui monter à la gorge. C’était contre-nature!

 Ils connaissaient tous Charline depuis qu’elle était enfant. Elle avait joué avec Serena, avait dormi de nombreuses fois dans la maison de Malick...

Charles s’en retourna précipitamment à la réunion, profondément amer et déçu. Le soir en rentrant chez lui, il envisagea pour la première fois de démissionner.



*******

Charline avait décidé de s’éloigner le plus vite possible pour noyer sa peine de cœur. Elle ne sera pas la demoiselle d’honneur de son amie Noura Patel.

Noura chez qui elle avait fait les derniers essayages de la robe de demoiselle d’honneur dessinée par un designer londonien, Noura qui avait vu les marques de son corps quand elle s’était déshabillée dans la cabine d’essayage, quelques jours après son escapade.

Devant l’air scrutateur de son amie, elle n’osa pas lui avouer ce qui s’était passé.

     -       Qu’est-ce que c’est ça? Lui demanda-t-elle en lui désignant le suçon à son cou. La marque laissée par Malick avait tourné au violet.

     -       Ha? Rien…

     -       C’est un suçon? Petite coquine, je sais que je t’ai servi d’alibi il y a deux semaines…fit Noura en la taquinant. Ta mère te cherchait parce que tu avais oublié ton sèche-cheveux chez vous…

     -       C’est vrai? Paniqua Charline. Tu lui as répondu quoi?

     -       Relaxe, je lui ai dit que tu dormais déjà… Elle ne soupçonne pas que tu étais ailleurs… en passant, tu étais où?

 

Devant une Charline distante au regard éteint, Noura s’était inquiétée. Des sillons profonds sur ses joues montraient que son amie avait beaucoup pleuré.

     -       Il se passe quoi Chacha?

    -       Il ne se passe rien! Arrête de m’embêter Noura! je suis venue essayer ta robe comme tu le voulais… que veux-tu d’autres?

    -       Tu agis de façon bizarre… Tu as l’air d’une pauvre petite chose abîmée, regarde-toi dans le miroir! Bon sang, je ne te reconnais pas. Tu étais où Charline, il y a deux semaines? Tu étais avec qui?

Charline avait tellement mal qu’elle n’osât pas révéler la vérité.

 - Veux-tu en parler Chacha?

     -       Non! Je suis venue te dire qu’il se peut que je parte plus tôt  pour Paris.

    -       Pas avant le mariage! On s’était entendue Chacha! s'était écriée Noura Patel, prise de panique.

     -       Tu trouveras quelqu’un d’autre…

    -       Qui? Je n’ai que toi et Serena qui est exilée… Je n’ai personne d’autres pour me supporter quand je dirais oui à Harish. Dis, tu ne me feras pas ça? Tu ne m’abandonneras pas? Tu n’es qu’une égoïste!

Noura éclata en sanglots dans la cabine d’essayage. 


Jusqu’ici Noura Patel avait mis un paravent à ses émotions, en focalisant sur les préparatifs de son mariage extravaguant. À l’intérieur, elle bouillait. Elle haïssait le marié, le dénommé Harish, l’homme de Mumbai auquel elle était fiancée depuis son enfance. Elle ne pouvait supporter son odeur, le bruit de mastication qu’il faisait quand il mangeait, ses énormes paumes moites et son visage lui déplaisaient. De plus, l’homme n’était pas si grand que ça. Quand elle parlait à sa mère de sa révulsion pour Harish, cette dernière la convainquait, scandalisée, qu’elle non plus n’aimait pas le père de Noura quand elle l’avait épousé. Qu’avec le temps, Noura finira par apprécier son mari.

      -       Mais je veux aimer!

     -       L’amour, l’amour! Quelles sottises. L’important c’est de fonder une famille. Si tu es en mal d’amour, Noura, tu aimeras tes enfants.

Il arrivait alors à Noura Patel de penser à s’enfuir, se retrouver dans un pays où personne ne la reconnaitrait, un de ces pays scandinaves peut-être, elle changerait de nom, commencerait à zéro. 

Puis elle pensait à la honte dans laquelle elle plongerait ses parents, le scandale qui déteindrait sur ses sœurs, bientôt en âge de se marier, condamnant ces dernières à des prétendants de second choix. Et Noura remisait son projet insensé aux oubliettes pour toujours. Par ailleurs, son père Shankar avait tellement mis d’argent dans la noce qu’il était impensable qu’elle manque aux festivités.

Noura avait besoin de Charline près d’elle pendant les sept jours de festivités. Après ça, elles ne se reverraient peut-être plus puisqu’elle irait vivre à Mumbai au retour de sa lune de miel aux Maldives.

     -       Je ne peux pas attendre! Je dois partir, disait son amie obstinée.

     -       Mais le trimestre n’est même pas commencé…

Charline avait fixé gravement Noura. Elle semblait exténuée comme si elle luttait contre des forces obscures en elle.


   -       Noura, ma décision est prise. Je suis désolée. Vois-tu, je suis fatiguée. Si je reste encore à Nairobi ne serait-ce pour quelques jours, je risque de me tuer…



*********

Dans l’avion qui la menait à Paris,  Charline se sentit mal après le repas. Elle vomit ses tripes dans les toilettes de la première classe pendant la moitié du vol, crut qu’elle était malade, en parla aux agentes de bord.

    -       Ça va mademoiselle?

   -       Non… Écoutez, j’avais bien spécifié que je voulais un repas sans gluten. Je vomis depuis tout à l’heure. Pouvez-vous valider que c’est bien un repas sans gluten que j’ai pris?

Préoccupée, l’hôtesse de l’air courut valider l’information.

    -       J’ai bien vérifié mademoiselle, on vous a servi exclusivement un repas sans gluten.

    -       Vous êtes sûre? Demanda Charline en panique.

    -       Je suis désolée, voulez-vous que je demande après un médecin à bord?

    -       Non. Ça ira. Je voudrais de l’eau minérale s’il vous plait, fit Charline blême en essayant de respirer fort.

    -       Avec plaisir, mademoiselle.

Puis, Chacha remarqua sa bague, l’anneau gage de chasteté. Elle la tortilla et réussit à l’enlever pour la glisser dans sa poche. Elle ne prétendrait plus être ce qu’elle n’était plus. Finis les mensonges!

Et Mentalement, Charline se mit à compter la dernière fois qu’elle a vu son sang.

La jeune femme ferma les yeux alors que des larmes silencieuses coulaient sur ses joues sans qu’elle les retienne.

Elle devrait haïr Malick Hann mais elle n’y parvenait pas….



**********************************************

Coucou, dernier chapitre pour Charline que nous retrouverons plus tard. Vous avez deviné qu'elle a un petit pain dans le four :-) On reverra Noura également plus tard, et bien entendu Malick. Charles Ogbufo prendra ses distances mais nous le verrons également (dans ce qui est planifié ).

Samedi prochain, nous prendrons nos bagages (tabourets, oreillers, lol) pour retourner dans nos hauts-plateaux du Fouta-Djalon, auprès de Tahaa et Serena, voir comment les choses se débloquent de ce côté. Ils ne vont quand même pas s'ignorer aussi longtemps non? Comme dirait une amie, il faut que ça se passe!

Merci beaucoup pour votre attention. 

Je ne vous le dis peut-être pas, mais n'hésitez pas de liker si vous aimez ça. Vous pouvez aussi commenter, on discutera. J'aime vos idées, ça change des directions, ça apporte des doutes dans mes réflexions  :-)

Allez! je m'attarde pas, je file.

Prenez surtout soin de vous. 




 




 

 

L' héritière